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comtes d’Anjou sous le patronage d’Henri II dans les années 1170 133 . Mais s’il descend
de la maison d’Anjou, Henri II appartient également par ascendance maternelle à la
lignée des ducs de Normandie et des rois d’Angleterre. Il confie donc à Robert Wace le
projet de retracer les origines de ce peuple pour en construire la mémoire à travers la
rédaction de deux grandes chansons de geste, Le roman de Rou, exaltant la figure de
Rollon et de Le Roman de Brut, reprenant l’Historia Regum Britannie de Geoffroy de
Monmouth et la légende du roi Arthur 134 . Selon Amaury Chauou et Jean-Guy
Gouttebroze, l’écriture de l’histoire des Normands s’insère dans des pratiques de
gouvernement, l’orchestration du passé et la construction de mémoires « nationales »,
continuant, sous une autre forme, le projet des Constitutiones de Clarendon 135 . Si ces
récits sur le passé ont contribué à la construction mémorielle des territoires, ce sont les
chroniques sur le présent qui renseignent le mieux sur les constructions matérielles du
territoire.
Les chroniques sur le présent
Concernant la production aulique, Nicolas Vincent a attiré l’attention sur l’arrêt
simultané en 1154 de grandes Histoires contemporaines qui s’étaient développées
autour de 1130 136 . Plutôt que de considérer ce phénomène comme une pure coïncidence,
Nicholas Vincent rassemble de nombreux indices pour démontrer comment les rois
d’Angleterre ont commencé à manipuler les récits historiques, à commencer par leur
propre histoire. Il n’existe en effet aucune biographie royale d’Henri II, alors qu’elle
constituait un genre ancré dans la tradition des ducs de Normandie jusqu’aux Gesta
Stephani qui s’arrêtent précisément en 1154, alors que son auteur ne meurt qu’en
1166 137 . S’il est probable qu’une telle biographie ait existé puis disparu, il faut toutefois
133 HALPHEN, L. (éd.), Chroniques des Comtes d'Anjou et des seigneurs d'Amboise, 1913.
134 ROBERT WACE, Le Roman de Rou, 1970-1974; ROBERT WACE, Arthur dans le Roman de Brut,
2002. Le roman de Rou sera achevé par Benoît de Sainte-Maure, Henri II ayant retiré le projet à Wace
dont les écrits favorisait trop largement le rôle du baronnage, alors que le roi venait de subir une
importante révolte en 1173. Sur ce point, voir CHAUOU, A., « Faire l'histoire: la culture historique à la
cour Plantagenêt et les réseaux ecclésiastiques (11541199) », dans Culture politique des Plantagenêt
(1154-1224), 2003, p. 269-286; CHAUOU, A., L'idéologie Plantagenêt : royauté arthurienne et
monarchie politique dans l'espace Plantagenêt, XIIe-XIIIe siècles, 2001, chapitre II.
135 GOUTTEBROZE, J., « Henri II Plantagenêt, patron des historiographes anglo-normand de langue
d'oïl », dans La Littérature angevine médiévale. Actes du colloque d'Angers 1980, 1981, p. 91-105.
136 VINCENT, N., « The Strange Case of the Missing Biography: the Lives of the Plantagenet Kings of
England 1154-1272 », dans Writing Medieval Biography, 750-1250. Essays in honour of Professor Frank
Barlow, 2006, p. 237-257.
137 Ibid. ; Gesta Stephani, CARLESS DAVIS, R.H. et POTTER K.R.(éds.), 1976, p.xii. L’Historia
Anglorum d’Henri de Huntingdon s’arrête en effet cette année là, de même que la Chronique de
Peterborough.
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