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aux yeux de la chancellerie, un palatium. L’éclatement du concept de palatium au tournant des XII e et XIII e siècles s’expliquerait ainsi par la perte de son aptitude à symboliser à lui seul le gouvernement royal 183 . Désacralisé, le palatium perdait également la capacité à soutenir une reprise de l’autorité royale, qui s’appuyait sur une utilisation rationnelle du système féodal et sur l’affirmation de la potestas, davantage symbolisés par le castrum 184 . Le phénomène le plus remarquable de la seconde moitié du XII e siècle ne se trouve donc plus dans le caractère « palatial » des résidences mais dans les progrès du terme domus, qui s’applique progressivement à tous les types de résidences y compris les moins prestigieuses comme les loges de chasse en même temps qu’il devient un terme de plus en plus usité pour designer l’hôtel du roi 185 . De même que pour le terme palatium à la période précédente, il demeure, tout au long du XII e siècle, une ambiguïté essentielle entre la désignation du monument et le groupe d’hommes qui l’habite de manière temporaire. Dans une société gouvernée par une cour nomade, la continuité institutionnelle dépendait moins en effet des lieux que des hommes qui l’incarnaient. Dans quelle mesure alors le processus de « domestication » et de curialisation du gouvernement des Plantagenêt s’accompagne-t-il de l’essor des espaces résidentiels et de la domestication de leurs constructions ? Nous partirons de l’observation des occurrences du terme domus dans les pipe rolls. Ce terme désignait à la fois un type spécifique de lieu se distinguant des châteaux et un type d’habitation dans des sites castraux ou monastiques. Si Annie Renoux a montré que la « castralisation » des palais carolingiens est un processus qui commence dès le IX e siècle, à la fin du XII e siècle, l’heure est davantage à l’épanouissement morphologique des aulae qui se développent en symbiose avec les fortifications : en témoignent les nombreuses mentions relatives à l’aménagement d’espaces résidentiels et domestiques enregistrées dans les pipe rolls 186 . 183 RENOUX, A., Fécamp, du palais ducal au palais de Dieu : bilan historique et archéologique des recherches menées sur le site du château des ducs de Normandie IIe siècle A.C.-XVIIIe siècle P.C. 1991, p. 526. 184 RENOUX, A., « ‘Aux marches du palais’ : des mots, des concepts et des réalités fonctionnelles et structurelles », dans Aux marches du palais : qu'est-ce-qu'un palais médiéval ? : données historiques et archéologiques, 2001, p. 9-20 ; RENOUX, A., « Palatium et castrum en France du nord (fin IXe - début XIIIe siècle) », dans The seigneurial residence in Western Europe, AD c800-1600, 2002, p. 15-25. 185 voir en effet RICHARD FITZNIGEL, Dialogus de Scaccario (and) Constitutio Domus Regis. The Course of the Exchequer. The Establishment of the Royal Household, 1983 qui contient en seconde partie la description de la « domus regis » en tant qu’institution. 186 RENOUX, A., « Palatium et castrum en France du nord (fin IXe - début XIIIe siècle) », dans The seigneurial residence in Western Europe, AD c800-1600, 2002, p. 15-25. Elle observe une fusion de la aula et de la turris, ou plus exactement une militarisation de la aula, intégrant le schéma palatial au castrum. 466

2.1.1- La domestication des constructions castrales Évolution sémantique et problèmes de terminologie Sur les graphiques 5.11 construits à partir des occurrences des termes désignant les sites concernés par les dépenses enregistrées à l’Échiquier de Westminster, on observe que l’occurrence la plus fréquente, qui concerne plus de la moitié des mentions de dépenses de construction, est celle de castellum. Ce constat amène à faire une première remarque sur la différence entre castellum et castrum qui a depuis longtemps interrogé les historiens, cherchant à comprendre les réalités castrales désignées par le vocabulaire des documents 187 . Dans un article datant de 1975, Barnard Bachrach proposait une synthèse des débats et de nouvelles propositions, en adaptant la typologie établie par Jean Richard en 1960. Celui-ci distinguait les châteaux à proprement parler pour désigner les résidences de première importance, qui étaient en même temps des centres institutionnels et judiciaires ; les châteaux neufs qui étaient de plus petite taille, de moindre importance et souvent plus éphémères ; et enfin les maisons fortes qui recouvraient des résidences privées fortifiées 188 . Montrant les difficultés de l’extension d’une telle typologie fondée sur l’étude des documents bourguignons à l’ouest de la France, Barnard Bachrach a rejoint la thèse J.-F. Verbruggen sur l’inefficacité du recours aux termes médiévaux, puisque castrum, castellum, munitio, firmitas, oppidum apparaissent largement interchangeables du IX e au XIII e siècles. Cependant, il s’écarte des conclusions de Verbruggen sur un point : tandis que ce dernier déduit de son étude qu’il n’y avait pas de vocabulaire technique systématique, B. Bachrach pense au contraire que cette conclusion est davantage un effet des sources choisies, surtout cléricales, qu’une interprétation exacte de la réalité. La chronique d’Adhémar de Chabannes montre également que ce dernier faisait une claire distinction entre l’urbs 187 HÉLIOT, P., « Les châteaux-forts en France Xe-XIIe siècles à la lumière de travaux récents », Journal des savants (1965), p. 483-514; FINÓ, J. F., Forteresses de la France médiévale construction, attaque, défense, 1977; BARBIER, P., La France féodale. Châteaux-forts et églises fortifiés, 1968; CHÂTELAIN, A., Donjons romans des pays d'Ouest : étude comparative sur les donjons romans quadrangulaires de la France de l'Ouest, 1973; CROZET, R., « Recherche sur les sites de châteaux et de lieux fortifiés en haut Poitou au Moyen Âge », Bulletin de la Société des Antiquaires de l'Ouest (et des Musées de Poitiers), 4e serie: 11 (1971), p. 187-217; FIXOT, M., Les fortifications de terre et les origines féodales dans le Cinglais, 1968; VERBRUGGEN, J., « Notes sur le sens des mots castrum, castellum et quelques autres expression qui désignent des fortifications », Revue belge de philologie et d'histoire, 28 (1950), p. 147- 155; DEBORD, A., « Castrum et castellum chez Ademar de Chabannes », Archéologie médiévale, 9 (1979), p. 97-113. 188 BACHRACH, B. S., « Early medieval fortifications in the « West » of France : a revised technical vocabulary », Technology and Culture, 16: 7-10 (1975), p. 531-569 reprend et nuance la typologie de RICHARD, J., « Châteaux, châtelains et vassaux en Bourgogne aux Xe et XIIe siècles », C.C.M., 3, p. 433-447. 467

2.1.1- La domestication des constructions castrales<br />

Évolution sémantique et problèmes de terminologie<br />

Sur les graphiques 5.11 construits à partir des occurrences des termes désignant<br />

les sites concernés par les dépenses enregistrées à l’Échiquier de Westminster, on<br />

observe que l’occurrence la plus fréquente, qui concerne plus de la moitié des mentions<br />

de dépenses de construction, est celle de castellum. Ce constat amène à faire une<br />

première remarque sur la différence entre castellum et castrum qui a depuis longtemps<br />

interrogé les historiens, cherchant à comprendre les réalités castrales désignées par le<br />

vocabulaire des documents 187 . Dans un article datant de 1975, Barnard Bachrach<br />

proposait une synthèse des débats et de nouvelles propositions, en adaptant la typologie<br />

établie par Jean Richard en 1960. Celui-ci distinguait les châteaux à proprement parler<br />

pour désigner les résidences de première importance, qui étaient en même temps des<br />

centres institutionnels et judiciaires ; les châteaux neufs qui étaient de plus petite taille,<br />

de moindre importance et souvent plus éphémères ; et enfin les maisons fortes qui<br />

recouvraient des résidences privées fortifiées 188 . Montrant les difficultés de l’extension<br />

d’une telle typologie fondée sur l’étude des documents bourguignons à l’ouest de la<br />

France, Barnard Bachrach a rejoint la thèse J.-F. Verbruggen sur l’inefficacité du<br />

recours aux termes médiévaux, puisque castrum, castellum, munitio, firmitas, oppidum<br />

apparaissent largement interchangeables du IX e au XIII e siècles. Cependant, il s’écarte<br />

des conclusions de Verbruggen sur un point : tandis que ce dernier déduit de son étude<br />

qu’il n’y avait pas de vocabulaire technique systématique, B. Bachrach pense au<br />

contraire que cette conclusion est davantage un effet des sources choisies, surtout<br />

cléricales, qu’une interprétation exacte de la réalité. La chronique d’Adhémar de<br />

Chabannes montre également que ce dernier faisait une claire distinction entre l’urbs<br />

187 HÉLIOT, P., « Les châteaux-forts en France Xe-XIIe siècles à la lumière de travaux récents », Journal<br />

des savants (1965), p. 483-514; FINÓ, J. F., Forteresses de la France médiévale construction, attaque,<br />

défense, 1977; BARBIER, P., La France féodale. Châteaux-forts et églises fortifiés, 1968; CHÂTELAIN,<br />

A., Donjons romans des pays d'Ouest : étude comparative sur les donjons romans quadrangulaires de la<br />

France de l'Ouest, 1973; CROZET, R., « Recherche sur les sites de châteaux et de lieux fortifiés en haut<br />

Poitou au Moyen Âge », Bulletin de la Société des Antiquaires de l'Ouest (et des Musées de Poitiers), 4e<br />

serie: 11 (1971), p. 187-217; FIXOT, M., Les fortifications de terre et les origines féodales dans le<br />

Cinglais, 1968; VERBRUGGEN, J., « Notes sur le sens des mots castrum, castellum et quelques autres<br />

expression qui désignent des fortifications », Revue belge de philologie et d'histoire, 28 (1950), p. 147-<br />

155; DEBORD, A., « Castrum et castellum chez Ademar de Chabannes », Archéologie médiévale, 9<br />

(1979), p. 97-113.<br />

188 BACHRACH, B. S., « Early medieval fortifications in the « West » <strong>of</strong> France : a revised technical<br />

vocabulary », Technology and Culture, 16: 7-10 (1975), p. 531-569 reprend et nuance la typologie de<br />

RICHARD, J., « Châteaux, châtelains et vassaux en Bourgogne aux Xe et XIIe siècles », C.C.M., 3, p.<br />

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