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qualité des individus qui les entourent participe de leur renom et de leur prestige, les Plantagenêt ont également attiré à eux des lettrés, des « maîtres », pour faire de leur cour un véritable centre culturel 124 . Cependant, la création littéraire ne peut se réduire aux productions issues de son mécénat et de sa cour. Les monastères constituent également des lieux de fabrication de mythes et d’histoires. Tous les textes de cette période, cependant, sont issus d’une culture cléricale et monastique, qui agit comme prisme déformant, empêchant de saisir les enjeux profonds du pouvoir laïc. La partialité de ces sources provient essentiellement de deux postures qui caractérisent les auteurs de cette époque. Lorsqu’ils sont extérieurs au monde de la cour, qu’ils soient moines ou disgraciés, les jugements moraux qu’ils portent sur les actions des souverains Plantagenêt obèrent la compréhension de leurs intentions, c’est le cas de Giraud de Barri, par exemple, qui raconte le règne d’Henri II à la lumière du martyr de Becket 125 . En revanche lorsqu’il s’agit d’auteurs soumis au mécénat du prince, leurs écrits, qui ont pour fonction de véhiculer l’idéologie du pouvoir, révèlent davantage un univers idéalisé voire romancé, que la réalité du monde laïc. Les chroniques de Jean de Marmoutier sur la vie des comtes d’Anjou sont caractéristiques de ce type de récits substituant le mythe à la réalité 126 . Malgré ces écrans, ces écrits fournissent nombre d’informations sur les chantiers et la politique de construction des Plantagenêt et en particulier dans un genre qui caractérise la production textuelle de cette époque : les chroniques. 1.3.1- Les chroniques et le développement des écrits historiques à la cour des Plantagenêt La réévaluation de l’importance des écrits historiques du XII e siècle est aujourd’hui une tendance réelle de l’historiographie britannique 127 . L’émergence d’une conscience historique a ainsi été mise en relation non seulement avec l’essor de cette littérature mais aussi avec la production des chroniques et des généalogies familiales 124 AURELL, M. (éd.), La cour Plantagenêt, 1154-1204. Actes du colloque tenu à Thouars du 30 avril au 2 mai 1999, 2000; AURELL, M. (éd.), Culture politique des Plantagenêt (1154-1224). Actes du colloque tenu à Poitiers du 2 au 5 mai 2002, 2003. 125 GIRAUD DE BARRI, Opera. 8, De principis instructione Liber, 1891; BARTLETT, R. J., Gerald of Wales: A Voice of the Middle Ages, 2006, p. 62-79. 126 MARCHEGAY, P. et MABILLE, É., Chroniques des églises d'Anjou, 1968 [1869]. 127 FREEMAN, E., Narratives of a new order. Cistercian historical writing in England, 1150-1220, 2002. 46
mais aussi avec les biens matériels reflétant le désir des communautés d’articuler et de disséminer leur histoire en utilisant toute forme de média 128 . L’essor des chroniques en tant que narrations chronologiquement agencées, relatant des événements considérés par les acteurs et témoins visuels comme valant la peine d’être mémorisés au cours du XII e siècle est un phénomène connu 129 . Le développement d’écrits historiques, à vocation mémorielle constitue en effet un phénomène prégnant de ce siècle, où la dilatation des horizons géographiques semble s’accompagner d’une réflexion sur le temps. Si bon nombre des chroniques débutent avec la Création de l’humanité et offrent une compilation plus ou moins détaillée d’ouvrages antérieurs jusqu’à l’époque où leurs auteurs deviennent des témoins, le resserrement sur le présent qu’elle opèrent s’accompagne d’une évolution sémantique qui tend à associer indistinctement les termes de chroniques, histoires ou annales pour désigner toute œuvre relatant ce qui s’est réellement passé 130 . De manière générale, l’exposition des événements cherche à révéler les relations profondes de cause à effet, ainsi que la portée politique et morale de ces événements : c’est le cas notamment de la chronique de la Gesta regis Henrici secundi Benedicti Abbatis 131 . Toutefois, les chroniques ne se conçoivent pas comme une « représentation du monde », il n’y a pas de philosophie de l’histoire, ni de spéculation sur ses principes. Le développement des chroniques apparaît dès la fin du XI e siècle, L’Historia Ecclesiastica d’Orderic Vital (1075-1042) ou les Gesta Normanorum Ducum (vers 1070) de Guillaume de Jumièges en témoignent 132 . Si la production textuelle mémorielle s’amplifie autour de 1150, en revanche, à la fin du siècle et sous le règne de Jean, cette veine littéraire connaît un réel tarissement. Les écrits sur le passé Comme toutes les principales dynasties princières de la France du Nord, celle des comtes d’Anjou a cherché à valoriser ses origines en commandant la rédaction de vastes généalogies panégyriques. Ainsi, Jean de Marmoutier rédigea les Chroniques des 128 SHOPKOW, L., History and Community. Norman Historical Writing in the Eleventh and Twelfth Centuries, 1997. 129 ROTHWELL, H., English historical documents. T.3:1189-1327, 1975, p. 43. 130 GUENÉE, B., « Histoires, annales, chroniques. Essai sur les genres historiques au Moyen Âge », Annales. Economies Sociétés Civilisations, 28: 4 (1973), p. 997-1016. 131 BENOÎT DE PETERBOROUGH, The Chronicle of the reigns of Henri II and Richard I, A. D. 1169- 1192, 1867. 132 ORDERIC VITAL, The Ecclesiastical History, 1986; The Gesta Normannorum ducum of William of Jumièges, Orderic Vitalis and Robert of Torign", VAN HOUTS, E. M.C. (éd.), 1992-1995 47
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cette époque. Lorsqu’ils sont extérieurs au monde de la cour, qu’ils soient moines ou<br />
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Plantagenêt obèrent la compréhension de leurs intentions, c’est le cas de Giraud de<br />
Barri, par exemple, qui raconte le règne d’Henri II à la lumière du martyr de Becket 125 .<br />
En revanche lorsqu’il s’agit d’auteurs soumis au mécénat du prince, leurs écrits, qui ont<br />
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Marmoutier sur la vie des comtes d’Anjou sont caractéristiques de ce type de récits<br />
substituant le mythe à la réalité 126 . Malgré ces écrans, ces écrits fournissent nombre<br />
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particulier dans un genre qui caractérise la production textuelle de cette époque : les<br />
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Plantagenêt<br />
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aujourd’hui une tendance réelle de l’historiographie britannique 127 . L’émergence d’une<br />
conscience historique a ainsi été mise en relation non seulement avec l’essor de cette<br />
littérature mais aussi avec la production des chroniques et des généalogies familiales<br />
124 AURELL, M. (éd.), La cour Plantagenêt, 1154-1204. Actes du colloque tenu à Thouars du 30 avril au<br />
2 mai 1999, 2000; AURELL, M. (éd.), Culture politique des Plantagenêt (1154-1224). Actes du colloque<br />
tenu à Poitiers du 2 au 5 mai 2002, 2003.<br />
125 GIRAUD DE BARRI, Opera. 8, De principis instructione Liber, 1891; BARTLETT, R. J., Gerald <strong>of</strong><br />
Wales: A Voice <strong>of</strong> the Middle Ages, 2006, p. 62-79.<br />
126 MARCHEGAY, P. et MABILLE, É., Chroniques des églises d'Anjou, 1968 [1869].<br />
127 FREEMAN, E., Narratives <strong>of</strong> a new order. Cistercian historical writing in England, 1150-1220, 2002.<br />
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