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oyale contre les prétentions grégoriennes de l’Église, en imposant le principe d’hérédité dans la succession au trône, contre celui de l’élection divine 147 . Désormais, si Dieu fait toujours le roi, le sang le fait aussi. Le combat idéologique mené par Henri II a donc été moins l’affirmation d’une idéologie royale de la majestas que celui d’une autonomisation de la puissance royale vis-à-vis de l’autorité ecclésiale. Cette séparation avait été théorisée par Hugues de Fleury, dans son Traité sur la puissance royale et sur la dignité épiscopale, qu’il avait offert à Henri I er (1102-1104) 148 . La volonté d’affirmer le principe divin de l’élection royale peut également être déduite de l’apparition, à partir de 1172, de la formule Dei gratia dans la titulature des chartes d’Henri II et sur le sceau royal. Si Léopold Delisle se contente de relier cette nouveauté à l’arrivée d’un nouveau chancelier, Raoul de Wanneville, il n’exclut pas que cette marque diplomatique puisse également relever d’enjeux politiques plus larges 149 . Les couronnements et la théâtralisation de la nature sacrée du pouvoir royal Dans ces circonstances, il n’est pas étonnant que les principales sources relatant le couronnement d’Henri II, le 16 des calendes de janvier 1154 (19 décembre) dans la cathédrale de Westminster, soient des récits plutôt minimalistes et factuels, reflétant vraisemblablement le peu d’intérêt que portaient au rituel les contemporains 150 . Contrairement à Gervais de Canterbury et à Robert de Torigni qui insistent surtout sur 147 LEWIS, A. W., Le sang royal, 1986. 148 HUGUES DE FLEURY, « Tractatus de regia potestae et sacerdotali dignitate », dans Monumenta Germaniae Historica, 1892, p. 466-494. 149 Recueil des actes d’Henri II , introduction, p. 12-32 ; cite Rot. Chart., p. XVI. 150 TORIGNI, I, p. 289-90 : Henricus dux Normannorum, VII idus Decembris in Angliam transfretans, cum magno tripudo clericorum et laicorum exceptus est X°IIII° kalendas Januarii, die Dominica ante Nativitatem Domini, apud Westmonasterium ab omnibus electus et in regem unctus est a Theobaldo archiepiscopo Cantuariensi. Affuerunt etiam episcopi omnes Anglici regni... Affureunt de Normannia… (Henri, duc de Normandie, le 7 des ides de décembre, partit en Angleterre, avec toute une suite de clercs et laïcs, et fut couronné le 14 des calendes de janvier, le dimanche avant la Nativité, à Westminster, par tous les élus du royaume et Théobald l’archevêque de Canterbury. Tous les évêques du royaume anglais virent, ainsi que ceux de Normandie.) ; GERVAIS DE CANTORBERY, The Historical Works, 1965 [1880], p. 159- 160 : Deinde Londoniam petiit, proxima Dominica ante Nativitatem Domini coronandus. Igitur sextodecimo kalendas Januarii coronatus est rex Henricus filius Matildis imperatricis a Theobaldo Canturairensi archiepiscopo totius Angliae primate et apostoclicae sedis legato apud Westmonasterium, astantibus et cooperantibus archiepiscopi duobus, episcopis XIIII, comitibus et baronibus [Anglianis] et transmarinis et innumera multitudine plebis. Regina Aliénor a rege Francorum Lodovico repudiata, cum ipso coronata est (Ensuite, il se rendit à Londres, le dimanche avant la Nativité du seigneur pour être couronné. Henri, fils de Mathilde l’impératrice fut couronné roi le 14 des calendes de janvier par Théobald, archevêque de Canterbury, primat d’Angleterre et légat du siège apostolique, à Westminster. Assistèrent et coopérèrent à la cérémonie deux archevêque, 14 évêques, des comtes et des barons d’Angleterre et d’outre manche et une foule innombrable de gens du peuple. La reine Aliénor, répudiée du roi de France Louis, fut couronnée avec lui). 456
le couronnement, Guillaume de Newburgh décrit l’onction et l’acclamation du roi par la foule comme le principal moment du rituel : La 1154 e année après la parturition de la Vierge, Henri, le petit fils d’Henri le grand par sa fille l’impératrice, après la mort du roi Étienne, traversa la Manche depuis la Normandie pour hériter de ses droits au royaume d’Angleterre. Il fut acclamé par tous et consacré de l’onction mystique royale, et la clameur se répandit à travers l’Angleterre : « vive le roi ! ». 151 L’acclamation populaire, coutume anglo-saxonne, faisait donc partie intégrante du cérémonial de couronnement. En 1066, elle avait été à l’origine d’une grave incompréhension provoquant la répression de la foule car les chevaliers de Guillaume, prenant l’acclamation pour une révolte, firent mettre le feu à toutes les maisons environnant l’abbaye de Westminster 152 . À la fin du XII e siècle, la description de la foule en liesse venue assister à l’événement et admirer le nouveau souverain constitue désormais un topos que l’on retrouve souvent lorsqu’il s’agit de couronnement ou d’entrées royales, comme celles de Richard à Portmouth le 13 août 1189 ou à Barfleur en mars 1194 153 : Il ne pouvait avancer sans qu’il eût autour de lui une grande foule de gens manifestant leur joie par de belles danses et de belles farandoles, si bien qu’il aurait été impossible de jeter une pomme sans qu’elle ne tombe sur quelqu’un avant de toucher terre. Partout sonnaient les cloches. Vieux et jeunes venaient en longues processions en chantant 154 . 151 GUILLAUME DE NEWBURGH, Chronicles of the reigns of Stephen, Henry II, and Richard I, 1884, I, p. 101 : Anno a partu Virginis M°C°L°IV° Henricus, Henrici majoris ex filia olim imperatrice nepos, post mortem regis Stephani a Noramnnia in Angliam veniens, hereditarium regnum suscepit, conclamatus ab omnibus, et consecratus mystica unctione in regem, concrepantibus per Angliam turbis, « vivat rex ». 152 ORDERIC VITAL, The Ecclesiastical History, 1986, II, p.184-185, cité par THOMAS, H. M., The English and the Normans. Ethnic Hostility, Assimilation and Identity, 1066-c. 12, 2003, p. 3. 153 PETERBOROUGH, II, p. 75-76 : Gavisa sunt ergo regna de adventu ducis, quia in meliorem statum se per illum reformari sperabant. Et quamvis quidam, perpauci tamen, molesti essent de nece domini Regis, solatium tamen fuit illis … (Les hommes du royaume se réjouissaient de l’arrivée du duc, parce qu’ils espéraient qu’il réformerait et améliorerait leurs conditions. Et tandis que quelques uns, peu nombreux, avaient été malmenés par le nouveau roi, on se consola pour eux …). 154 MEYER, P. (éd.), L'histoire de Guillaume Le Maréchal, comte de Striguil et de Pembroke, régent d'Angleterre de 1216 à 1219 : poème français, 1891-1901, II, p. 11 v. 10436-10450 (1194) : « Beles dances, beles karoles/ Aveit entor lui tote veie/ Si k’il n’alout n’en champ n’en veie/ Que trestot entor ui n’esûst, / Ja si torner ne se seüst, / De gent joiose si grant presse/ E si espresse et si espresse/ Que ge vois d bien c’est la somme / Qu’on ne getast pas une pome/ Que, de si qu’a terre venist/ Qie la presse ne sostenist, / tel joie ourent maintes et maint/ Par testot sonoent li saint/ A granz processions veneient ;/ Veil e giembles e si chanteient ». 457
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le couronnement, Guillaume de Newburgh décrit l’onction et l’acclamation du roi par la<br />
foule comme le principal moment du rituel :<br />
La 1154 e année après la parturition de la Vierge, Henri, le petit fils<br />
d’Henri le grand par sa fille l’impératrice, après la mort du roi<br />
Étienne, traversa la Manche depuis la Normandie pour hériter de ses<br />
droits au royaume d’Angleterre. Il fut acclamé par tous et consacré de<br />
l’onction mystique royale, et la clameur se répandit à travers<br />
l’Angleterre : « vive le roi ! ». 151<br />
L’acclamation populaire, coutume anglo-saxonne, faisait donc partie intégrante<br />
du cérémonial de couronnement. En 1066, elle avait été à l’origine d’une grave<br />
incompréhension provoquant la répression de la foule car les chevaliers de Guillaume,<br />
prenant l’acclamation pour une révolte, firent mettre le feu à toutes les maisons<br />
environnant l’abbaye de Westminster 152 . À la fin du XII e siècle, la description de la<br />
foule en liesse venue assister à l’événement et admirer le nouveau souverain constitue<br />
désormais un topos que l’on retrouve souvent lorsqu’il s’agit de couronnement ou<br />
d’entrées royales, comme celles de Richard à Portmouth le 13 août 1189 ou à Barfleur<br />
en mars 1194 153 :<br />
Il ne pouvait avancer sans qu’il eût autour de lui une grande foule de<br />
gens manifestant leur joie par de belles danses et de belles farandoles,<br />
si bien qu’il aurait été impossible de jeter une pomme sans qu’elle ne<br />
tombe sur quelqu’un avant de toucher terre. Partout sonnaient les<br />
cloches. Vieux et jeunes venaient en longues processions en<br />
chantant 154 .<br />
151 GUILLAUME DE NEWBURGH, Chronicles <strong>of</strong> the reigns <strong>of</strong> Stephen, Henry II, and Richard I, 1884,<br />
I, p. 101 : Anno a partu Virginis M°C°L°IV° Henricus, Henrici majoris ex filia olim imperatrice nepos,<br />
post mortem regis Stephani a Noramnnia in Angliam veniens, hereditarium regnum suscepit, conclamatus<br />
ab omnibus, et consecratus mystica unctione in regem, concrepantibus per Angliam turbis, « vivat rex ».<br />
152 ORDERIC VITAL, The Ecclesiastical History, 1986, II, p.184-185, cité par THOMAS, H. M., The<br />
English and the Normans. Ethnic Hostility, Assimilation and Identity, 1066-c. 12, 2003, p. 3.<br />
153 PETERBOROUGH, II, p. 75-76 : Gavisa sunt ergo regna de adventu ducis, quia in meliorem statum<br />
se per illum reformari sperabant. Et quamvis quidam, perpauci tamen, molesti essent de nece domini<br />
Regis, solatium tamen fuit illis … (Les hommes du royaume se réjouissaient de l’arrivée du duc, parce<br />
qu’ils espéraient qu’il réformerait et améliorerait leurs conditions. Et tandis que quelques uns, peu<br />
nombreux, avaient été malmenés par le nouveau roi, on se consola pour eux …).<br />
154 MEYER, P. (éd.), L'histoire de Guillaume Le Maréchal, comte de Striguil et de Pembroke, régent<br />
d'Angleterre de 1216 à 1219 : poème français, 1891-1901, II, p. 11 v. 10436-10450 (1194) : « Beles<br />
dances, beles karoles/ Aveit entor lui tote veie/ Si k’il n’alout n’en champ n’en veie/ Que trestot entor ui<br />
n’esûst, / Ja si torner ne se seüst, / De gent joiose si grant presse/ E si espresse et si espresse/ Que ge vois<br />
d bien c’est la somme / Qu’on ne getast pas une pome/ Que, de si qu’a terre venist/ Qie la presse ne<br />
sostenist, / tel joie ourent maintes et maint/ Par testot sonoent li saint/ A granz processions veneient ;/ Veil<br />
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