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enouvelées seulement tous les deux ans environ. Avec une telle régularité, on comprend pourquoi les curiales se plaignaient de leurs vêtements usés ! Cette fréquence suggère que les déplacements avaient aussi pour effet de limiter les moments de déploiement du faste aux grandes cérémonies. Le coût des vêtements destinés à pourvoir la garde-robe du roi et de sa famille était cependant assez élevé. Ainsi en 1177, £32, 14 s. 5 d. sont dépensées pour l’acquisition de « 100 brasses d’escarlate rouge, et 12 autres brasses d’escarlate de Perse, 20 pelisses de vair, 10 manteaux de fourrure de bête sauvage, 10 manteaux de vair, une plume d’oiseau, une plume grise, 2 pelisses de petit gris, 21 fourrures de zibelines pour voyager, pour des serpillières et des cordes » 114 . Ces commandes étaient généralement enregistrées sur les comptes de la ferme de Londres ou plus rarement sur les comptes des honneurs confisqués ou en escheat comme c’est le cas de celui d’Henri d’Essex, dont les revenus servent à fournir, en 1185, pour £51, 17 s. 8 d. l’opus regis en pelisses, pénules (manteau à capuchon) de vair et de petit gris 115 et en 1186, les dépenses vestimentaires s’élèvent à £109 33s. 6d., une somme importante qui nécessitait la supervision d’un homme de confiance du roi : l’ingénieur Ailnoth (voir chapitre 6). Cette somme importante s’explique vraisemblablement par la qualité des habits qui devaient être fournis tant en orfroi qu’en toile de soie 116 . Que l’essentiel des commandes soient passées à Londres suggère que le roi y avait ses fournisseurs attitrés, car les pipe rolls enregistrent en 1184, l’envoi de vêtements pour le roi, alors qu’il se trouvait à Limoges 117 . Les pipe rolls indiquent en effet qu’il existait à Londres une aurifrixaria regis, du nom de Mabilia, qui reçoit 69s. 4d. pour de la toile en 1183. S’agit-il de « la femme de Brichterm de Haverell », qui 114 PR 23 H.II, p. 198 : pro C. ulnis rubee escarlate aliis XII. unlis rubee escarlate XII. ulnis Persie escarlate, XX. pelliciis variis, X. paenis de bissis, X. paenis variis,1 poena de bissis,1 poena grisia, II. pelliciis grisiis, XXI. sabelinia pro carragio, pro sapilleriis et cordis. L’année suivante, il est à nouveau question de £28, 13 s. 7 d. pro II. palliis de escarlata et II. cappis escarlate et 2 pelliciis grisiis et 1 cultcitra perpuncta ad opus regine et puelle sue (pour 2 pallium d’escarlate et deux capes d’escarlate, 2 pelisses de petit gris et un coussin à larges mailles pour l’œuvre de la reine et de ses filles). Les femmes ne sont cependant pas les seules bénéficiaire de ces commandes : en 1187 et 1188, c’est Guillaume le Lion, le duc de Saxe qui reçoit des pelices de petit gris, une cape de fourrure et 20 brasses de toile de lin (23s. 4d. pro pellitia grisia, 1 furratura cappe, XX. ulnis linee taele ad opus Willelmi filli duci Saxonie) et 8 brasses vertes et 2 pénules d’agneau (31s. pro VIII. ulnis viridis et II. penulis agninis ad opus Henrici filii ducis Saxonie). Escarlate : n.f. (1160, Ben.) du latin médiéval: scarlatum altéré du persan saqirlat: sorte de drap de qualité supérieure dont la couleur vairiat beaucoup. Dictionnaire de l’ancien français, GREIMAS A. J. (éd.), Larousse, Paris, 1994. 115 PR 31 H.II, p. 43: pro penulis et pelliciis et opertoniis variis et grisiis ad opus regis. 116 PR 32 H.II, p. 198: £19 13. pro V casule, V cappis, VIII stocis, VIII janunis, I dalmatica, I tunica, II anictis, in necessariis tam in aurifrixio quam in pannos serico. 117 PR 30 H.II, p. 135 : 16 marcs pro peciis et pelliciis missis domino regi apud Lemovicum. 448

apparaît dès 1166 pour faire l’orfroi sur les capes du roi 118 ? Outre les vêtements, l’or était également travaillé à Londres par les orfèvres du roi pour confectionner de la vaisselle. En 1167, £28 14 s. sont en effet dépensés pour de l’or destiné à dorer la vaisselle du fils du roi 119 ; en 1171, 16 marcs d’argent blanc sont donnés aux orfèvres de Londres toujours ad faciendam vaissellam Regis filii Regis ; et en 1175, £8 3s. 4d. d’or sont acquis pour réparer l’anneau du roi et une coupe d’or royale 120 . Cette vaisselle n’était cependant vraisemblablement pas destinée à accompagner le roi dans tous ces déplacements mais faisait sans doute partie de la vaisselle des principales demeures royales. Ces détails indiquent que la richesse des objets du quotidien n’était pas si inexistante que veut bien le laisser croire Pierre de Blois lorsqu’il affirme que « guêtres sans plis, coiffes sans faste, et vêtements légers sont d’usage » à la cour d’Henri II 121 . L’image infernale que décrivent les curiales d’Henri II doit donc être nuancée, car si l’itinérance impliquait en effet une certaine précarité du quotidien, la machine administrative de la monarchie permettait de gérer efficacement l’approvisionnement des convois en toute sorte de biens, alimentaires comme vestimentaires. À l’encontre du quotidien boueux des convois et des chevauchées, il y avait donc de la place pour un apparat de cour, même s’il était réservé à quelques rares occasions solennelles (couronnements et principales fêtes religieuses, et notamment Noël et Pâques). Au-delà des quelques portraits laissés les contemporains décrivant les Plantagenêt sans fard et sans faste, les moments de mise en scène du pouvoir se sont progressivement ritualisés et codifiés au cours de la seconde moitié du XII e siècle. Dans quelle mesure cette tendance caractéristique de l’essor du pouvoir souverain traduit-elle de nouvelles formes de « gouvernement » et comment se traduisent-elles dans l’espace ? 1.3- L’itinérance comme mode de gouvernement Au-delà des déplacements de la cour visant à assurer son entretien matériel et des mouvements pendulaires que le roi et ses familiers effectuaient parfois en excursion, pour aller chasser dans les forêts royales ou effectuer un pèlerinage sur un lieu saint, 118 PR 29 H.II, p. 161 : et Mabilie aurifrixarie Regis ad pannos ; PR 12 H.II, p. 130: £8 Uxoris Brichtermi de Haverhell,pro aurifrasium ad cappas regis ; En 1178, il est à nouveau question d’aurifrasio ad opus regis pour £13 7s. 7d. (PR 24 H.II., p. 128). 119 PR 13 H.II, p. 2 : pro auro ad deaurandam vaissellam eujsdem filii Regis. 120 PR 21 H.II, p. 19 : pro auro ad anulo regis et cupa aurea regis reficiendo. 121 LEHMANN-BROCKHAUS, O., Lateinische Schriftquellen zur Kunst in England, Wales und Schottland, vom Jahre 901 bis zum Jahre 1307, 1955-1960, p.198, n° 6574. Epistolae Petri Blesensis…, n°66 : Ocreis sine plica, pileis sine fastu, et vestibus utitur expeditis. 449

apparaît dès 1166 pour faire l’orfroi sur les capes du roi 118 ? Outre les vêtements, l’or<br />

était également travaillé à Londres par les orfèvres du roi pour confectionner de la<br />

vaisselle. En 1167, £28 14 s. sont en effet dépensés pour de l’or destiné à dorer la<br />

vaisselle du fils du roi 119 ; en 1171, 16 marcs d’argent blanc sont donnés aux orfèvres de<br />

Londres toujours ad faciendam vaissellam Regis filii Regis ; et en 1175, £8 3s. 4d. d’or<br />

sont acquis pour réparer l’anneau du roi et une coupe d’or royale 120 . Cette vaisselle<br />

n’était cependant vraisemblablement pas destinée à accompagner le roi dans tous ces<br />

déplacements mais faisait sans doute partie de la vaisselle des principales demeures<br />

royales. Ces détails indiquent que la richesse des objets du quotidien n’était pas si<br />

inexistante que veut bien le laisser croire Pierre de Blois lorsqu’il affirme que « guêtres<br />

sans plis, coiffes sans faste, et vêtements légers sont d’usage » à la cour d’Henri II 121 .<br />

L’image infernale que décrivent les curiales d’Henri II doit donc être nuancée, car si<br />

l’itinérance impliquait en effet une certaine précarité du quotidien, la machine<br />

administrative de la monarchie permettait de gérer efficacement l’approvisionnement<br />

des convois en toute sorte de biens, alimentaires comme vestimentaires. À l’encontre du<br />

quotidien boueux des convois et des chevauchées, il y avait donc de la place pour un<br />

apparat de cour, même s’il était réservé à quelques rares occasions solennelles<br />

(couronnements et principales fêtes religieuses, et notamment Noël et Pâques). Au-delà<br />

des quelques portraits laissés les contemporains décrivant les Plantagenêt sans fard et<br />

sans faste, les moments de mise en scène du pouvoir se sont progressivement ritualisés<br />

et codifiés au cours de la seconde moitié du XII e siècle. Dans quelle mesure cette<br />

tendance caractéristique de l’essor du pouvoir souverain traduit-elle de nouvelles formes<br />

de « gouvernement » et comment se traduisent-elles dans l’espace ?<br />

1.3- L’itinérance comme mode de gouvernement<br />

Au-delà des déplacements de la cour visant à assurer son entretien matériel et<br />

des mouvements pendulaires que le roi et ses familiers effectuaient parfois en excursion,<br />

pour aller chasser dans les forêts royales ou effectuer un pèlerinage sur un lieu saint,<br />

118 PR 29 H.II, p. 161 : et Mabilie aurifrixarie Regis ad pannos ; PR 12 H.II, p. 130: £8 Uxoris Brichtermi<br />

de Haverhell,pro aurifrasium ad cappas regis ; En 1178, il est à nouveau question d’aurifrasio ad opus<br />

regis pour £13 7s. 7d. (PR 24 H.II., p. 128).<br />

119 PR 13 H.II, p. 2 : pro auro ad deaurandam vaissellam eujsdem filii Regis.<br />

120 PR 21 H.II, p. 19 : pro auro ad anulo regis et cupa aurea regis reficiendo.<br />

121 LEHMANN-BROCKHAUS, O., Lateinische Schriftquellen zur Kunst in England, Wales und<br />

Schottland, vom Jahre 901 bis zum Jahre 1307, 1955-1960, p.198, n° 6574. Epistolae Petri Blesensis…,<br />

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