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Jean l’occasion d’être associé personnellement à sa canonisation, obtenue grâce à l’action d’Hubert Walter, par bulle papale le 21 avril 1203 81 . Si Wulfstan n’était « qu’évêque », le culte que Jean lui a voué n’en traduisait pas moins la conscience qu’il avait de l’importance croissante de l’identité ‘anglaise’ dans l’aristocratie. Selon Peter Draper, en effet, il est très vraisemblable que l’attachement de Jean « pour saint Wulfstan ait indiqué la prise de conscience, quoique mal définie, que l’avenir des Angevins se trouvait désormais en Angleterre et qu’en conséquence, il convenait pour le roi d’être associé aux intérêts de ses sujets anglais » 82 . Les liens étroits entre Jean et saint Wulfstan sont illustrés par le choix de faire célébrer les funérailles royales à Worcester, en 1216, afin que soit associé dans un même lieu le corps royal à celui du saint patron 83 . Il est vraisemblable cependant que c’est dans sa fondation cistercienne de Beaulieu que Jean avait initialement prévu d’être inhumé. Peter Draper interprète ce qui apparaît comme un changement d’avis de la part de Jean, moins comme un désaveu des Cisterciens au profit des Bénédictins de Worcester, que comme le signe de l’intérêt que Jean portait à la vie du saint évêque et en particulier à sa résistance vis-à-vis de Lanfranc, à une époque où son propre différend avec Étienne Langton s’était sérieusement aggravé 84 . L’espace parcouru par les trois premiers Plantagenêt a donc un sens en terme de stratégies territoriales et identitaires spécifiques. Le temps des trois règnes recoupe en effet la chronologie proposée par Hugh Thomas des étapes de l’intégration des élites normandes dans la « nation » anglaise 85 . Alors qu’Henri II choisit de multiplier les patronages spirituels, pour ancrer son autorité dans chacun de ses territoires, illustrant 81 CROOK, J., « The physical setting of the cult of St Wulfstan », dans St Wulfstan and his world, 2005, p. 189-218 cite GUILLAUME DE MALMESBURY, The Vita Wulfstani of William of Malmesbury to which are added the extant abridgments of this work and the Miracles and translation of St Wulfstan, 1928, p. 148-149. 82 DRAPER, P., « King John and St Wulfstan », J.M.H., 10: 1 (1984), p. 41-50 : « In the search for the context in which King John focused his devotion on St Wulfstan, this veneration of indigenous saints who could be seen as having played a notable part in the religious and the political life of the Church in England, is, I believe, highly relevant. Could it be that John was not insensitive to this growing sense of ‘national’ identity, that his attachment to St Wulfstan indicates a recognition, however ill-defined, that the future of the Angevins lay in their English possessions and that it would be as well for the king to be seen to be identifying with the interests of his English subjects? ». 83 ROGER DE WENDOVER, Liber qui dicitur Flores Historiarum, 1965 [1886-89], II, p. 196: Deo et sancto Wulstano corpus et animam meam commando. (Je recommande mon corps et mon âme à Dieu et St Wulfstan). 84 DRAPER, P., « King John and St Wulfstan », J.M.H., 10: 1 (1984), p. 41-50. 85 THOMAS, H. M., The English and the Normans. Ethnic Hostility, Assimilation and Identity, 1066-c. 12, 2003. 440
les fortes distinctions identitaires qui dominaient encore dans l’empire, Richard cherche à développer un culte « impérial » au travers de la figure « trans-nationale » que représentait le roi Arthur à la fin du XII e siècle. En choisissant un héros mythique plutôt qu’un saint local, Richard opte pour une stratégie d’unification identitaire venant se superposer plus que remplacer les attaches locales, comme celle qu’il avait nouée avec sainte Valérie et dont l’union personnelle lui avait permis de transgresser les règles successorales. Il utilise également son corps pour faire le trait d’union entre les différentes parties de cet empire multipolaire. Jean ne parvint à pas poursuivre l’œuvre de son frère et, après 1204, le choix des cultes des saints Edmund et Wulfstan acte l’abandon de l’ancrage de son autorité sacrale sur ses territoires continentaux pour affirmer l’identité profondément anglaise de sa royauté. La manipulation du corps des saints est donc utilisée par les Plantagenêt, comme elle l’avait été par la papauté, comme un instrument de territorialisation de l’autorité à différentes échelles 86 . Tandis que la pratique d’Henri II apparaît alors encore ancrée dans une conception du lieu, le locus du saint, dont la mise en réseau est susceptible de faire advenir le territoire 87 , celle de Richard est désormais pensée à partir d’un centre comme pôle sacralisé structurant l’espace de manière globale. La multiplication des références mémorielles et historiques pour ancrer l’autorité et la légitimité royale et impériale des Plantagenêt va se prolonger tout au long du Moyen Âge, contribuant à former une « image brouillée » de la monarchie anglaise 88 . L’impuissance des rois d’Angleterre à coordonner ces multiples références et à les intégrer dans un ensemble cohérent explique la difficulté qu’ils ont eu à « donner de leur lignage, de leur couronne et de leur pays une image forte, spécifique et clairement identifiable ». C’est seulement à partir de la promotion du culte de saint Georges, structuré par la constitution de l’ordre la Jarretière, que les rois anglais parviennent à surmonter les contradictions historiques qu’avait provoquées la diversité des cultes royaux 89 . 86 IOGNA-PRAT, D., La maison Dieu, 2006, p. 169-172. 87 Ibid., p. 309-312. 88 GENET, J.-P., « La monarchie anglaise: une image brouillée », dans Représentation, pouvoir et royauté à la fin du Moyen Âge, 1995, p. 93-107 89 Ibid. ; MCCLENDON, M. C., « A Moveable Feast : Saint George's Day Celebrations and Religious Change in Early Modern England », J.B.S., 38 (1999), p. 1-27. C’est seulement en 1415, l’année d’Azincourt que le jour de la fête de St Georges devient un grande fête nationale. COLLINS, Michael. "St Georges », Britannia, ; MARCUS, G. J., Saint George of England, 1929. Le culte de saint Georges était déjà populaire en Angleterre notamment depuis Richard cœur de Lion, qui plaça ses troupes, en 1191-92, sous la bannière de St Georges, donnant ainsi à l’Angleterre ce qui deviendra son étendard : la croix rouge du martyr sur fond blanc. 441
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avait de l’importance croissante de l’identité ‘anglaise’ dans l’aristocratie. Selon Peter<br />
Draper, en effet, il est très vraisemblable que l’attachement de Jean « pour saint<br />
Wulfstan ait indiqué la prise de conscience, quoique mal définie, que l’avenir des<br />
Angevins se trouvait désormais en Angleterre et qu’en conséquence, il convenait pour le<br />
roi d’être associé aux intérêts de ses sujets anglais » 82 . Les liens étroits entre Jean et<br />
saint Wulfstan sont illustrés par le choix de faire célébrer les funérailles royales à<br />
Worcester, en 1216, afin que soit associé dans un même lieu le corps royal à celui du<br />
saint patron 83 . Il est vraisemblable cependant que c’est dans sa fondation cistercienne de<br />
Beaulieu que Jean avait initialement prévu d’être inhumé. Peter Draper interprète ce qui<br />
apparaît comme un changement d’avis de la part de Jean, moins comme un désaveu des<br />
Cisterciens au pr<strong>of</strong>it des Bénédictins de Worcester, que comme le signe de l’intérêt que<br />
Jean portait à la vie du saint évêque et en particulier à sa résistance vis-à-vis de<br />
Lanfranc, à une époque où son propre différend avec Étienne Langton s’était<br />
sérieusement aggravé 84 .<br />
L’espace parcouru par les trois premiers Plantagenêt a donc un sens en terme de<br />
stratégies territoriales et identitaires spécifiques. Le temps des trois règnes recoupe en<br />
effet la chronologie proposée par Hugh Thomas des étapes de l’intégration des élites<br />
normandes dans la « nation » anglaise 85 . Alors qu’Henri II choisit de multiplier les<br />
patronages spirituels, pour ancrer son autorité dans chacun de ses territoires, illustrant<br />
81 CROOK, J., « The physical setting <strong>of</strong> the cult <strong>of</strong> St Wulfstan », dans St Wulfstan and his world, 2005,<br />
p. 189-218 cite GUILLAUME DE MALMESBURY, The Vita Wulfstani <strong>of</strong> William <strong>of</strong> Malmesbury to<br />
which are added the extant abridgments <strong>of</strong> this work and the Miracles and translation <strong>of</strong> St Wulfstan,<br />
1928, p. 148-149.<br />
82 DRAPER, P., « King John and St Wulfstan », J.M.H., 10: 1 (1984), p. 41-50 : « In the search for the<br />
context in which King John focused his devotion on St Wulfstan, this veneration <strong>of</strong> indigenous saints who<br />
could be seen as having played a notable part in the religious and the political life <strong>of</strong> the Church in<br />
England, is, I believe, highly relevant. Could it be that John was not insensitive to this growing sense <strong>of</strong><br />
‘national’ identity, that his attachment to St Wulfstan indicates a recognition, however ill-defined, that the<br />
future <strong>of</strong> the Angevins lay in their English possessions and that it would be as well for the king to be seen<br />
to be identifying with the interests <strong>of</strong> his English subjects? ».<br />
83 ROGER DE WENDOVER, Liber qui dicitur Flores Historiarum, 1965 [1886-89], II, p. 196: Deo et<br />
sancto Wulstano corpus et animam meam commando. (Je recommande mon corps et mon âme à Dieu et<br />
St Wulfstan).<br />
84 DRAPER, P., « King John and St Wulfstan », J.M.H., 10: 1 (1984), p. 41-50.<br />
85 THOMAS, H. M., The English and the Normans. Ethnic Hostility, Assimilation and Identity, 1066-c.<br />
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