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C’est vraisemblablement dans cette perspective qu’Henri II intervient toute sa
vie en faveur de la canonisation du fondateur de l’ordre, afin que la proximité de la
sépulture du saint amplifie sa propre gloire. Mais quelques mois à peine après
l’émission de l’acte de canonisation par Clément III « à la demande (entre autres) du
plus adoré fils du Christ, Henri, l’illustre roi des Anglais » 46 – dont le nom en tête de la
liste des pétitionnaires confirme le rôle fondamental du Plantagenêt – Henri II meurt à
Chinon, le 6 juin 1189, ne pouvant assister à la cérémonie de translation des reliques
d’Étienne de Muret qui a lieu le 30 août 1189 47 . Sous l’égide d’Aliénor d’Aquitaine, qui
avait plus largement favorisé l’ordre de Robert d’Arbrissel, Henri II est inhumé à
Fontevraud. Si ce lieu n’était pas fondamentalement en contradiction avec sa piété, il
l’était en revanche avec la manière dont Henri II avait organisé tout au long de sa vie les
différentes sacralités des territoires de son empire. Situé au cœur de l’Anjou, dans
l’espace de ses origines, là où son autorité était la moins contestée, la sépulture royale
perdait sa capacité à enraciner l’autorité du prince dans un territoire par le simple jeu du
corps royal.
Ainsi, l’apparente homogénéité que fait apparaît la cartographie de l’empire
d’Henri II peut être interprétée à la lumière de ses stratégies territoriales, mémorielles et
identitaires. Elle résulte également du fait qu’Henri II n’a été que rarement seul pour
gouverner. À partir de 1170 et concrètement après 1174, lorsqu’il met en place la
confédération familiale, il pouvait en effet compter sur ses fils pour dominer l’ensemble
des territoires, même s’il est amené à intervenir ponctuellement à plusieurs reprises.
Richard et Jean, en revanche, ont régné seul sur cet immense espace difficilement
contrôlable et dont la désintégration s’amorce dès les années 1190. À ce titre,
l’organisation de sa succession constitue un élément essentiel pour comprendre
comment Henri II concevait la construction territoriale de son empire.
46
BECQUET, J., « De revelatione beati Stephani », dans Scriptores Ordinis Grandimontensis, 1968,
p. 280-285.
47
Ibid. : Appropinquante autem festo s. Augustini, et iam defuncto recenter Henrico Anglorum rege
illustrissimo … His itaque peractis, ac laetantibus et exsultantibus in Domino universis, venimus ad
locum ubi corpus Stephani cum digno honore humatum iacebat. Tunc domino legato iubente atque
praecipiente a terra elevatur, et per claustrum cum magna devotione cereis ardentibus et turibulis
fumignatibus portatur populoque praecedente et subsequente, cum hymnis et laudibus in ecclesia
deducitur, et super altar b. Mariae honorifice ponitur (Alors qu’on approchait la saint Augustin et
qu’Henri II ce roi illustre venait de mourir… que le corps de saint Etienne fut exhumé avec dignité du lieu
où il était inhumé, en conformité avec la loi du seigneur, et transporté entouré de cierges ardents et de
thuribules étincelantes dans la joie et l’exaltation en le seigneur, à travers le cloître où le peuple qui
l’entourait, dans une grande dévotion, entonna des chants et des hymnes jusqu’à l’église où il fut déposé
sur l’autel de la Vierge).
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