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Les règles de fortification témoignent ainsi d’une conception territoriale inégalitaire puisqu’elles obligent Richard à se soumettre, dans une certaine limite, à l’exercice de la potestas regis de Philippe Auguste. Au-delà, chaque monarque est invité à se comporter en souverain, dans un territoire de plus en plus clairement délimité. La démarcation fixée par cette trêve illustre la reconquête opérée par Richard au printemps 1194 : Le roi de France et son peuple resteront maîtres de ce qu’ils tenaient le jour de la trêve. Ainsi le Val de Reuil sera tenu du roi de France, comme il l’était avant, à savoir Reuil et toute sa ville et ses églises, ainsi que Louviers, Aquigny, Lery, et les autres lieu aussi loin que la Haie Malherbe et jusqu’à Pont de l’Arche. La Haie Malherbe et audelà ainsi que Ponte de l’Arche et au-delà sera tenu du roi d’Angleterre. 85 Cette fois-ci la démarcation ne prend plus appui sur le tracé de la rivière Iton, mais semble suivre une ligne fictive entre deux points : la Haye Malherbe et Pont-de- l’Arche, traversant un espace forestier. L’espace délimité est toutefois très restreint, ce qui laisse supposer qu’il ne cherchait sans doute pas à couvrir un autre espace que celui dans lequel évoluaient les armées dans la vallée de la Seine. Daniel Power a en effet mis en garde contre l’impression que pouvaient donner ces descriptions et contre la conclusion qu’a pu en tirer un peu trop hâtivement un historien comme Francis Powicke, de l’existence d’une frontière « linéaire » entre la France et la Normandie 86 . Étant donné l’étroite bande territoriale qu’elles concernaient, ces limites doivent davantage être considérées comme des lignes sauvegarde ou de cesser le feu 87 . Pour Philippe Auguste, la démilitarisation de cet espace ne semble pas une garantie suffisante pour faire de cette zone une véritable « frontière », c’est pourquoi il exige également que les hommes qui tenaient des terres dans cet espace et qui étaient des vassaux du roi d’Angleterre avant la guerre, le reconnaissent comme leur principal suzerain. La longue liste inclut ainsi les hommes d’Arques jusqu’à ceux de Tillières, en 85 Ibid., Rex Franciae et sui erunt de dominibus in ea teneatura in qua erant die qua treugae datae fuerunt. De valle Rodoli in hunc modum erit : ex Franciae tenes erit de valle Rodoli, sicut erat prius, scilicet de ipso Rodoleo et de ipsa tota villa cum ecclesiis : et de Lovers et de Aquigeniaco et de Laire et de aliis usque ad Hayam Malherbe, et usque ad pontem Archiae. De Haya vero Malherbe, et de ultra, et de ponte Archiae, et de ultra, erit tenens rex Angliae. 86 POWER, D. J., The Norman Frontier in the Twelfth and Early Thirteenth Centuries, 2004, p. 416. 87 COULSON, C. A., « Fortress-Policy in Capetian tradition and Angevin Practice. Aspect of the conquest of Normandy by Philip II », dans A.N.S., 1983, p. 13-38 (p. 30). 336
passant par Eu, Neufmarché, Vernon, Gaillon, Pacy, Nonancourt, etc. Et Richard est invité à donner une liste similaire 88 . De fait, les refortifications effectuées en Normandie par la suite sont vécues comme une menace par Philippe qui décide de rompre la paix, en juillet 1195, en s’emparant des châteaux déjà refortifiés par Richard 89 . Le rouleau de l’Échiquier de 1195 confirme l’ampleur de la campagne de fortification lancée par Richard : plus de £ a 3500 sont affectées aux travaux du Vaudreuil, de Pont-de-l’Arche et de Radepont 90 . Parmi ces travaux, il est notamment question du creusement du gué du Vaudreuil (in operatione vadi de Vale Rodoli fosseiando) 91 . Les travaux sont alors supervisés par Guillaume Tyrel, maître Helye et maître Elric qui reçoit £ a 40 de rémunération. Près de £ a 300 sont également affectées au château de Bellencombre, sous la surveillance de Elie l’aumônier, également chargé du chantier de Lyons-la-Forêt où £ a 400 sont affectées ad operationem. Les fortifications, le pont et les habitations du château de Drincourt sont également financées à hauteur de £ a 200. Cette vaste campagne ne s’arrête pas aux espaces proprement frontaliers mais s’étend également vers Rouen : Moulineaux et Orival qui verrouillent le méandre dans lequel se trouve Rouen sont ainsi également mis en chantier (près de £ a 400). Mais alors que Richard et Philippe se rencontraient au Vaudreuil à l’été 1195, pour renégocier une trêve, « une grande partie des murs du château s’effondrèrent, grâce aux sapeurs du roi de France » 92 . Lorsque Richard s’en aperçoit, il cesse les pourparlers, rassemble son armée et la lance à la poursuite du roi de France. Mais alors qu’ils passaient le pont sur la Seine, celui-ci s’écroula, engloutissant une partie de ses soldats. Les deux rois se ne retrouvèrent pas avant le mois de novembre à Verneuil, une ville neuve fondée par Henri I er que Richard était en train de refortifier 93 . Le rouleau de 1195 enregistre en effet près de £ a 600 pour la reconstruction des remparts qui avaient été démolis par le roi de France 94 . Mais la rencontre n’aboutit 88 HOVEDEN, III, p. 252. 89 HOVEDEN, III, p. 301. castella multa Normanniae subvertit, quae rex Angliae postmodum refirmarvit et fortiora fecit quam prius fuerant. 90 MRSN, I, p.137-38; 155-56, 236-37. 91 MRSN, I, p.137. 92 HOVEDEN, III, p. 301, et dum colloquerentur, cecidit magna pars murorum castelli per suffossores regis Franciae. 93 BAUDUIN, P., « Bourgs castraux et frontière en Normandie aux XIe-XIIe siècles : l’exemple du département de l’Eure », dans Château et territoires. Limites et mouvances. Première rencontre d’archéologie et d’histoire en Périgord, 1995, p. 27-42 ; LEMOINE-DESCOURTIEUX, A., « Les pouvoirs sur la frontière de l'Avre (XIe-XIIe siècles), Eure: du pouvoir seigneurial au pouvoir ducal, puis à l'autonomie urbaine », dans Les lieux de pouvoir au Moyen âge en Normandie et sur ses marges, 2006, p. 101-118. 94 HOVEDEN, III, p. 304, MRSN, I, p. 233 : ad operationes ville et murorum Vernolii dirutorum per regem franc(orum) tempore guerre; p.239: in operationibus murorum castri de Vernoleo et accato calcis 337
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invité à se comporter en souverain, dans un territoire de plus en plus clairement<br />
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au printemps 1194 :<br />
Le roi de France et son peuple resteront maîtres de ce qu’ils tenaient<br />
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comme il l’était avant, à savoir Reuil et toute sa ville et ses églises,<br />
ainsi que Louviers, Aquigny, Lery, et les autres lieu aussi loin que la<br />
Haie Malherbe et jusqu’à Pont de l’Arche. La Haie Malherbe et audelà<br />
ainsi que Ponte de l’Arche et au-delà sera tenu du roi<br />
d’Angleterre. 85<br />
Cette fois-ci la démarcation ne prend plus appui sur le tracé de la rivière Iton,<br />
mais semble suivre une ligne fictive entre deux points : la Haye Malherbe et Pont-de-<br />
l’Arche, traversant un espace forestier. L’espace délimité est toutefois très restreint, ce<br />
qui laisse supposer qu’il ne cherchait sans doute pas à couvrir un autre espace que celui<br />
dans lequel évoluaient les armées dans la vallée de la Seine. Daniel Power a en effet mis<br />
en garde contre l’impression que pouvaient donner ces descriptions et contre la<br />
conclusion qu’a pu en tirer un peu trop hâtivement un historien comme Francis<br />
Powicke, de l’existence d’une frontière « linéaire » entre la France et la Normandie 86 .<br />
Étant donné l’étroite bande territoriale qu’elles concernaient, ces limites doivent<br />
davantage être considérées comme des lignes sauvegarde ou de cesser le feu 87 .<br />
Pour Philippe Auguste, la démilitarisation de cet espace ne semble pas une<br />
garantie suffisante pour faire de cette zone une véritable « frontière », c’est pourquoi il<br />
exige également que les hommes qui tenaient des terres dans cet espace et qui étaient<br />
des vassaux du roi d’Angleterre avant la guerre, le reconnaissent comme leur principal<br />
suzerain. La longue liste inclut ainsi les hommes d’Arques jusqu’à ceux de Tillières, en<br />
85 Ibid., Rex Franciae et sui erunt de dominibus in ea teneatura in qua erant die qua treugae datae<br />
fuerunt. De valle Rodoli in hunc modum erit : ex Franciae tenes erit de valle Rodoli, sicut erat prius,<br />
scilicet de ipso Rodoleo et de ipsa tota villa cum ecclesiis : et de Lovers et de Aquigeniaco et de Laire et<br />
de aliis usque ad Hayam Malherbe, et usque ad pontem Archiae. De Haya vero Malherbe, et de ultra, et<br />
de ponte Archiae, et de ultra, erit tenens rex Angliae.<br />
86 POWER, D. J., The Norman Frontier in the Twelfth and Early Thirteenth Centuries, 2004, p. 416.<br />
87 COULSON, C. A., « Fortress-Policy in Capetian tradition and Angevin Practice. Aspect <strong>of</strong> the<br />
conquest <strong>of</strong> Normandy by Philip II », dans A.N.S., 1983, p. 13-38 (p. 30).<br />
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