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À partir du concile de Latran III (1179), l’Église reconnaît officiellement l’autorité exclusive des princes sur le contrôle et la régulation des péages, menaçant d’excommunication tous ceux qui créeraient de nouveaux péages ou augmenteraient les anciens tarifs sans l’autorisation des rois et princes 191 . Cette mesure reposant sur l’idée que le prince avait pour mission de promouvoir l’utilité commune, n’excluait cependant pas qu’il puisse tirer profit de ce monopole en s’accordant d’importantes exemptions pour lui-même et pour ses hommes, en échange des droits de péages qu’il accordait, comme ce fut le cas aux Ponts-de-Cé, par exemple 192 . En donnant à l’abbaye de Fontevraud le pont de Pont-de-Cé et son péage, entre 1115 et 1125, Foulque V ne perdait pas de vue l’intérêt commun et imposa aux nonnes et aux moines de prendre à leur charge l’entretien des quatre arches, y compris leur reconstruction en cas d’écroulement. Dans les années 1150-60, c’est parce que le pont en bois construit à Saumur par les bourgeois et les chevaliers de la ville « pour la rémission de leur âme », constituait une œuvre « si bonne et si encourageante » (opere tam bono letatus), qu’Henri II les dispense de péage 193 . Cette exemption s’accompagnait cependant d’une clause selon laquelle les habitants de Saumur devaient, lorsqu’ils feraient leur testament, laisser une somme convenue avec le prêtre selon leur fortune, pour la reconstruction du pont 194 . Par cette clause, Henri II patronnait la charité du pont dont les revenus, assurés par les aumônes des bourgeois, garantiraient la pérennité de l’entretien du pont. Peu après, cependant, Henri II doit revenir sur sa décision, à la suite de la plainte de l’abbaye Saint-Florent, qui avait perdu depuis un manque à gagner sur les droits de passage par bac dont elle avait le monopole depuis Foulque Nerra 195 . Henri II propose donc à l’abbaye de rétablir les taxes à condition qu’elle s’acquitte de la construction d’une arche en pierre tous les ans, jusqu’à ce que le pont soit entièrement reconstruit en pierre. 191 BIENVENU, J. M., « Recherches sur les péages angevins aux XIe et XIIe siècles », Le Moyen Âge, 63 (1957), p. 209-240-et 437-467 ; HEFELE, C. J. et LECLERCQ, H., Histoire des conciles, d'après les documents originaux, 1907-1913, V, 2, p. 1103, can. 22 : Nec quisquam alicui novas pedagiorum exactiones sine authoritate regum et principum consensu statuere, aut statutas de novo tenere, aut veteres augmentare aliquo modo temere praesumat. Si quis autem contra hoc venire praesumpserit, et commonitus non destiterit : donec satisfaciat, communione careat christiana. 192 CHARTROU, J., L'Anjou de 1109 à 1151. Foulque de Jérusalem et Geoffroi Plantegenêt, 1928, p. 353, pièce justificative n°27. 193 Acta Plantagenet (1614H); Recueil des actes d’Henri II , II, n° CCXXVI. 194 Ibid. : Ipsi vero m(ich)i sicut domino suo concesserunt quod quando elemosinas suas diuiderent, darent lessam de testamento suo ad pontem faciend(am) congruam iuxta possessionis sue facultatem ad consilium sacerdotis sui et elemosinariorum suorum, et heredes eorum perhenniter. 195 BOYER, M. N., Medieval French Bridges. A History. 1976, p. 37; BIENVENU, J. M., « Recherches sur les péages angevins aux XIe et XIIe siècles », Le Moyen Âge, 63 (1957), p. 209-240-et 437-467. 270

Après la confirmation des coutumes du pont de Saumur, Henri II confirme également celles des ponts-de-Cé et de Brissac vers 1174, conformément aux libertés données par Foulques Nerra 196 . L’essor des constructions de ponts s’accompagne en effet à partir de la seconde moitié du XII e siècle, d’une mise par écrit des coutumes des péages. En confirmant ces coutumes, Henri II et ses fils renforçaient non seulement leur autorité sur la juridiction des ponts, mais accentuaient également leur contrôle sur ces lieux nodaux de l’espace, prolongeant la politique de territorialisation du pouvoir princier des comtes d’Anjou. Si nombre de ces confirmations ne faisaient que normaliser des droits liés aux ponts déjà construits, le patronage des Plantagenêt ne s’y limita pas : ils ont aussi été à l’initiative de construction de ponts comme à Rouen (voir supra) ou à Agen. Le 12 novembre 1189, Richard concède aux habitants d’Agen une charte délimitant l’espace dans lequel devrait être construit un pont sur la Garonne, et autorisant la commune d’Agen et son « pontenier » à élire deux hommes de son conseil, pour organiser la collecte des dons et pour construire un pont 197 . Étienne d’Artiges est alors désigné comme « maître pontenier » à vie, et après sa mort, son remplaçant devra être choisi par la commune 198 . En échange, le passage sur le pont devra être libre de toute taxe, à condition que les aumônes soient suffisantes pour pouvoir en assurer la maintenance. Cependant, en 1217, la charité du pont d’Agen n’avait été capable de financer l’érection que d’un seul pilier en pierre, certes massif. Si massif d’ailleurs, qu’il parvint à faire dévier la rivière qui inonda la ville et détruisit ses défenses 199 . Cet exemple montre toutes les limites des œuvres de ponts comme institution pieuse et charitable, souvent incapables de lever des fonds suffisants pour financer entièrement le projet. La construction de pont constituait en effet une opération coûteuse qui nécessitait la plupart du temps que les frais soient supportés collectivement, par les aumônes des 196 Acta Plantagenêt (1613H) : Sciatis me concessisse et carta mea confirmasse conuentionem que facta fuit inter moniales de Fonte Ebr' et homines Andeg' de consuetudinibus Pontis Saeii; (378H) : Sciatis me concessisse et dedisse et presenti carta mea confirmasse Deo et ecclesie beate Dei genitricis Marie de Fonte Ebraudi et monialibus ibidem Deo seruientibus pro salute anime mee et antecessorum et successorum meorum Pontem Saeii ita liberum et quietum sicut aliquis antecessorum meorum eundem pontem ipsi ecclesie melius et liberius concessit habere, vicariam etiam eiusdem pontis cum omnibus libertatibus et liberis consuetudinibus ad com(item) And(egauorum) pertinentibus concedo eis et confirmo ; voir aussi Recueil des actes d’Henri II , II, n°DIII, DCXVIII. 197 Acta Richard (610R), Archives municipales d’Agen, ms DD14 : Donamus etiam et concedimus libertatem duobus hominibus qui communi consilio ville Agen' et pontenarii eligantur ad perquirendas prefato ponti faciendo elemosinas et post mortem illorum communi ville consilio alios duos ad hoc ibidem constitui concedimus. 198 Ibid., Concedimus etiam Steph(an)o de Artiges quod sit magister pontenarius ibidem vita sua. Et post mortem ipsius alius bonus ibi sit magister pontenarius aliorum duorum et communi ville consilio electus. 199 BOYER, M. N., Medieval French Bridges. A History. 1976, p. 58. 271

À partir du concile de Latran III (1179), l’Église reconnaît <strong>of</strong>ficiellement<br />

l’autorité exclusive des princes sur le contrôle et la régulation des péages, menaçant<br />

d’excommunication tous ceux qui créeraient de nouveaux péages ou augmenteraient les<br />

anciens tarifs sans l’autorisation des rois et princes 191 . Cette mesure reposant sur l’idée<br />

que le prince avait pour mission de promouvoir l’utilité commune, n’excluait cependant<br />

pas qu’il puisse tirer pr<strong>of</strong>it de ce monopole en s’accordant d’importantes exemptions<br />

pour lui-même et pour ses hommes, en échange des droits de péages qu’il accordait,<br />

comme ce fut le cas aux Ponts-de-Cé, par exemple 192 . En donnant à l’abbaye de<br />

Fontevraud le pont de Pont-de-Cé et son péage, entre 1115 et 1125, Foulque V ne<br />

perdait pas de vue l’intérêt commun et imposa aux nonnes et aux moines de prendre à<br />

leur charge l’entretien des quatre arches, y compris leur reconstruction en cas<br />

d’écroulement.<br />

Dans les années 1150-60, c’est parce que le pont en bois construit à Saumur par<br />

les bourgeois et les chevaliers de la ville « pour la rémission de leur âme », constituait<br />

une œuvre « si bonne et si encourageante » (opere tam bono letatus), qu’Henri II les<br />

dispense de péage 193 . Cette exemption s’accompagnait cependant d’une clause selon<br />

laquelle les habitants de Saumur devaient, lorsqu’ils feraient leur testament, laisser une<br />

somme convenue avec le prêtre selon leur fortune, pour la reconstruction du pont 194 . Par<br />

cette clause, Henri II patronnait la charité du pont dont les revenus, assurés par les<br />

aumônes des bourgeois, garantiraient la pérennité de l’entretien du pont. Peu après,<br />

cependant, Henri II doit revenir sur sa décision, à la suite de la plainte de l’abbaye<br />

Saint-Florent, qui avait perdu depuis un manque à gagner sur les droits de passage par<br />

bac dont elle avait le monopole depuis Foulque Nerra 195 . Henri II propose donc à<br />

l’abbaye de rétablir les taxes à condition qu’elle s’acquitte de la construction d’une<br />

arche en pierre tous les ans, jusqu’à ce que le pont soit entièrement reconstruit en pierre.<br />

191<br />

BIENVENU, J. M., « Recherches sur les péages angevins aux XIe et XIIe siècles », Le Moyen Âge, 63<br />

(1957), p. 209-240-et 437-467 ; HEFELE, C. J. et LECLERCQ, H., Histoire des conciles, d'après les<br />

documents originaux, 1907-1913, V, 2, p. 1103, can. 22 : Nec quisquam alicui novas pedagiorum<br />

exactiones sine authoritate regum et principum consensu statuere, aut statutas de novo tenere, aut veteres<br />

augmentare aliquo modo temere praesumat. Si quis autem contra hoc venire praesumpserit, et<br />

commonitus non destiterit : donec satisfaciat, communione careat christiana.<br />

192<br />

CHARTROU, J., L'Anjou de 1109 à 1151. Foulque de Jérusalem et Ge<strong>of</strong>froi Plantegenêt, 1928,<br />

p. 353, pièce justificative n°27.<br />

193<br />

Acta Plantagenet (1614H); Recueil des actes d’Henri II , II, n° CCXXVI.<br />

194<br />

Ibid. : Ipsi vero m(ich)i sicut domino suo concesserunt quod quando elemosinas suas diuiderent,<br />

darent lessam de testamento suo ad pontem faciend(am) congruam iuxta possessionis sue facultatem ad<br />

consilium sacerdotis sui et elemosinariorum suorum, et heredes eorum perhenniter.<br />

195<br />

BOYER, M. N., Medieval French Bridges. A History. 1976, p. 37; BIENVENU, J. M., « Recherches<br />

sur les péages angevins aux XIe et XIIe siècles », Le Moyen Âge, 63 (1957), p. 209-240-et 437-467.<br />

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