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identité 91 . Cependant, c’est en mobilisant l’argument de la nécessité de défense du territoire que les villes pouvaient obtenir des subsides du roi (voir infra). 1.2.2- Contribuer à l’essor de Rouen Si les pipe rolls normands et anglais contiennent quelques enregistrements de dépenses pour des ponts, des enceintes et des portes de villes, ces types de travaux sont également connus grâce aux chroniques, aux documents de la pratique et aux découvertes archéologiques qui sont souvent indispensables pour ce qui concerne les constructions continentales. C’est le cas à Rouen, par exemple, où la construction d’une partie des remparts et du pavage de certains quartiers par Henri II est absente des rouleaux de l’Échiquier. Cette absence peut s’expliquer par un décalage chronologique (les rouleaux ne commencent qu’à partir de 1180 et sont lacunaires) mais aussi parce que les travaux n’ont pas été nécessairement financés sur les revenus de l’Échiquier, mais depuis la Chambre du roi. Néanmoins, on sait par une charte en faveur de l’abbaye de Beaubec, datée de la première moitié de son règne, qu’Henri II concède aux moines une tenure « qui se trouvait près de Saint-Lô de Rouen ainsi que la liberté de construire sur mes murs et à l’intérieur, le long des remparts, selon leur volonté, ainsi que la liberté d’entrer et de sortir par ce mur…» 92 . Le tracé exact de l’enceinte fait toujours l’objet d’interprétations diverses chez les archéologues et les historiens. Selon Bernard Gauthiez, les murs qu’aurait fait ériger Henri II vers 1160, inséraient le bourg à l’ouest de la cité délimitée par les anciennes murailles gallo-romaines, reprenant le tracé de fossés qui auraient été creusés au XI e siècle (voir plan 3.6) 93 . Il suggère également une éventuelle participation d’Henri II au pavage d’une partie de la ville, mais le document sur lequel il s’appuie évoquant le « pavement du roi » dans la paroisse de Saint-Vivien de 1218 rend cette hypothèse très fragile 94 . Cependant, il n’est pas impossible qu’Henri 91 CREIGHTON, O. H. et HIGHAM, R., Medieval town walls, 2005, p. 21-22. 92 Acta Plantagenêt, (1702H) ; Recueil des actes d’Henri II , II, n°367 : quoddam tenementum situm prope Sanctum Laudum Rothomagen' et libertatem edificandi supra murum meum et intra in longitudine dicti tenementi ad suam voluntatem et liberum introitum et exitum per ipsum murum. 93 GAUTHIEZ, B., « Paris, un Rouen Capétien? (Développements comparés de Rouen et de Paris sous les règnes de Henri II et Philippe Auguste) », dans A.N.S., 1993, p. 117-136, GAUTHIEZ, B., « Les enceintes médiévales de Rouen », Bulletin des Amis des monuments rouennais (1984-1985), p. 35-39, GAUTHIEZ, B., « Hypothèses sur la fortification de Rouen au onzième siècle. Le donjon, la tour de Richard II et l'enceinte de Guillaume », dans A.N.S., 1991, p. 62-76 94 GAUTHIEZ, B., « Paris, un Rouen Capétien? (Développements comparés de Rouen et de Paris sous les règnes de Henri II et Philippe Auguste) », dans A.N.S., 1993, p. 117-136 cite ADSM 14 H 18 n° 185. 248
II, à l’instar de Philippe Auguste qui fait faire le pavage de Paris dès 1185, ait financé de tels travaux 95 . Selon Dominique Pitte qui a dirigé les fouilles dans cette partie de la ville, les découvertes ne corroborent pas cette hypothèse 96 . Dans un article récent, Philippe Cailleux remet également en cause le travail de Bernard Gauthiez et l’historiographie du XIX e siècle sur laquelle il s’appuie, montrant que les indices sont pour l’instant trop faibles pour établir avec certitude le tracé de l’enceinte d’Henri II 97 . Le patronage d’Henri II à Rouen n’est cependant pas atypique, il s’inscrit dans la continuité de la politique des ducs de Normandie, prolongée par Geoffroy le Bel qui avait fait reconstruire un pont en bois, détruit par un incendie en 1136, et par sa mère Mathilde. Entre 1151 et 1167, elle finance un pont en pierre qui est resté sous le nom de « pont de la reine Mathilde » jusqu’en 1661, date à laquelle il est détruit (voir illustration 3.7) 98 . Le patronage de la ville et la protection des bourgeois constituaient donc une tradition familiale à travers laquelle s’exprimait l’image d’un pouvoir attentif au bien commun des habitants, à leur développement économique et urbain, dont les ducs ne manquaient pas de tirer des bénéfices pécuniaires mais aussi symboliques. Si les remparts avaient une fonction militaire que le duc se devait d’assumer, les enceintes et les portes représentaient également une architecture du pouvoir : celui du duc comme principale autorité publique dans la cité, garante du bien commun de la communauté des marchands. Les remparts jouaient également un rôle essentiel dans le contrôle et la taxation des marchandises qui entraient dans la cité. Or, au XII e siècle, Rouen est en plein essor à la fois démographique et économique, comme en témoigne Orderic Vital : Rouen était une cité riche et peuplée, bondée de marchands, un point de rencontre des routes commerciales, une belle cité installée au milieu de rivières bruissantes et de riantes prairies. 99 95 BALDWIN, J. W., Philippe Auguste et son gouvernement: les fondations du pouvoir royal en France au Moyen âge, 1994, p. 94 cite RIGORD et GUILLAUME LE BRETON, Oeuvres, 1882-1885, p. 34,53, 54, 70. 96 PITTE, D., « Apports récents de l’archéologie à la connaissance des villes de Haute-Normandie au Moyen Âge (1975-200) », dans Les villes normandes au Moyen Âge, 2006, p. 141-158 97 CAILLEUX, P., « Le développement urbain de la capitale normande entre Plantagenêts et Capétiens », dans 1204, la Normandie entre Plantagenêts et Capétiens, 2007, p. 261-274 98 BATES, D., « Rouen from 900 to 1204 : from Scandinavian Settlement to Angevin ‘Capital’ », dans Medieval art, architecture and archaeology at Rouen, 1993, p. 1-11; TORIGNI, I, p. 368 : Fecit autem praedicta imperatrix … ad pontem etiam lapideum super sequanam apud Rothomagum a se inchoatum multam summa pecuniae dimisit (1167); FACHE, Y. et DUPONT-BOISJOUVIN, H., Histoire des ponts de Rouen et de sa région, 1985. 99 ORDERIC VITAL, The Ecclesiastical History, 1986, III, p. 36: Rodomensis ciuitas populis est ac negociorum commerciis opulentissima, portus quoque confluentia., également, IV, p. 224 : La Seine 249
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II, à l’instar de Philippe Auguste qui fait faire le pavage de <strong>Paris</strong> dès 1185, ait financé<br />
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Selon Dominique Pitte qui a dirigé les fouilles dans cette partie de la ville, les<br />
découvertes ne corroborent pas cette hypothèse 96 . Dans un article récent, Philippe<br />
Cailleux remet également en cause le travail de Bernard Gauthiez et l’historiographie du<br />
XIX e siècle sur laquelle il s’appuie, montrant que les indices sont pour l’instant trop<br />
faibles pour établir avec certitude le tracé de l’enceinte d’Henri II 97 . Le patronage<br />
d’Henri II à Rouen n’est cependant pas atypique, il s’inscrit dans la continuité de la<br />
politique des ducs de Normandie, prolongée par Ge<strong>of</strong>froy le Bel qui avait fait<br />
reconstruire un pont en bois, détruit par un incendie en 1136, et par sa mère Mathilde.<br />
Entre 1151 et 1167, elle finance un pont en pierre qui est resté sous le nom de « pont de<br />
la reine Mathilde » jusqu’en 1661, date à laquelle il est détruit (voir illustration 3.7) 98 .<br />
Le patronage de la ville et la protection des bourgeois constituaient donc une tradition<br />
familiale à travers laquelle s’exprimait l’image d’un pouvoir attentif au bien commun<br />
des habitants, à leur développement économique et urbain, dont les ducs ne manquaient<br />
pas de tirer des bénéfices pécuniaires mais aussi symboliques. Si les remparts avaient<br />
une fonction militaire que le duc se devait d’assumer, les enceintes et les portes<br />
représentaient également une architecture du pouvoir : celui du duc comme principale<br />
autorité publique dans la cité, garante du bien commun de la communauté des<br />
marchands. Les remparts jouaient également un rôle essentiel dans le contrôle et la<br />
taxation des marchandises qui entraient dans la cité. Or, au XII e siècle, Rouen est en<br />
plein essor à la fois démographique et économique, comme en témoigne Orderic Vital :<br />
Rouen était une cité riche et peuplée, bondée de marchands, un point<br />
de rencontre des routes commerciales, une belle cité installée au<br />
milieu de rivières bruissantes et de riantes prairies. 99<br />
95 BALDWIN, J. W., Philippe Auguste et son gouvernement: les fondations du pouvoir royal en France<br />
au Moyen âge, 1994, p. 94 cite RIGORD et GUILLAUME LE BRETON, Oeuvres, 1882-1885, p. 34,53,<br />
54, 70.<br />
96 PITTE, D., « Apports récents de l’archéologie à la connaissance des villes de Haute-Normandie au<br />
Moyen Âge (1975-200) », dans Les villes normandes au Moyen Âge, 2006, p. 141-158<br />
97 CAILLEUX, P., « Le développement urbain de la capitale normande entre Plantagenêts et Capétiens »,<br />
dans 1204, la Normandie entre Plantagenêts et Capétiens, 2007, p. 261-274<br />
98 BATES, D., « Rouen from 900 to 1204 : from Scandinavian Settlement to Angevin ‘Capital’ », dans<br />
Medieval art, architecture and archaeology at Rouen, 1993, p. 1-11; TORIGNI, I, p. 368 : Fecit autem<br />
praedicta imperatrix … ad pontem etiam lapideum super sequanam apud Rothomagum a se inchoatum<br />
multam summa pecuniae dimisit (1167); FACHE, Y. et DUPONT-BOISJOUVIN, H., Histoire des ponts<br />
de Rouen et de sa région, 1985.<br />
99 ORDERIC VITAL, The Ecclesiastical History, 1986, III, p. 36: Rodomensis ciuitas populis est ac<br />
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