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Cette analyse rejoint l’idée développée par certains géographes selon laquelle les réseaux sont constitutifs de l’émergence de nouvelles territorialités issues des changements d’échelle de la gouvernance, et notamment la formation d’une échelle impériale 315 . L’idée que le territoire serait un effet de réseau est apparu comme une manière de réinterpréter en tentant de la dépasser la dichotomie qu’avait établit Gilles Deleuze entre territoire et réseaux – qui influença nombre de géographes. Dans L’anti- Œdipe, Deleuze expliquait en effet que « loin de voir dans l’État le principe d’une territorialisation qui inscrit les personnes selon leurs résidences, nous devons voir dans le principe de résidence l’effet d’un mouvement de déterritorialisation qui divise la terre comme un objet et soumet les hommes à une nouvelle inscription impériale, à un nouveau corps social » 316 . Plutôt que de parler de « déterritorialisation », Joe Painter, résumant les argument de ce courant géographique, proposait plutôt de voir la relation entre réseau et territoire comme une dialectique produisant « un processus de transformation scalaire à mesure que les groupes sociaux luttent pour le contrôle de l’espace et des lieux » 317 . La notion de réseau topologique permet ainsi de mettre en évidence les liens qu’il y a entre des lieux territorialement éloignés, comme le château de Richmond dans le Yorkshire et le château des ducs de Bretagne à Rennes en tant qu’ils sont tous deux soumis à partir de 1166 à la capacité coercitive des rois d’Angleterre et dont la confiscation contribue à territorialiser son pouvoir. La conquête de la Bretagne par les Plantagenêt ne peut donc être séparée de son insertion dans les réseaux tissés depuis 1066 qui constituaient déjà un « territoire rhizomique » 318 , à partir duquel le contrôle des lieux et des fidélités fut possible. Pour les historiens de la Bretagne, la domination des Plantagenêt a non seulement été un moment de renforcement de l’autorité ducale, mais aussi et surtout une étape décisive de son homogénéisation territoriale. Noël-Yves Tonnerre affirme ainsi que c’est sous l’autorité d’Henri II, que « l’unité de la Bretagne fut définitivement 315 PAINTER, J., « Territoire et réseau: une fausse dichotomie? », dans Territoires, territorialité, territorialisation. Controverses et perspectives, 2009, p. 57-66 cite SWYNGEDOUW, E., « Globalisation or 'glocalisation'? networks, territories and rescaling », Cambridge review of International affairs, 17 (2004), p. 25-48; DICKEN, P. et al., « Chains and networks, territories and scales: towards a relational framework for analysing the global economy », Global Networks, 1 (2001), p. 89-112. 316 DELEUZE, G. et GUATTARI, F., Capitalisme et schizophrénie [I] L'anti-Oedipe, 1972, p. 200. 317 PAINTER, J., « Territoire et réseau: une fausse dichotomie? », dans Territoires, territorialité, territorialisation. Controverses et perspectives, 2009, p. 57-66. 318 Selon la définition de Gilles Deleuze, un rhizome est un système dans lequel l’organisation des éléments ne suit pas une ligne de subordination hiérarchique mais dans leque tout tout élément peut affecter ou influencer un autre. DELEUZE, G. et GUATTARI, F., Capitalisme et schizophrénie [I] L'anti-Oedipe, 1972, p. 13. 200
assurée. Non seulement il replaça après la mort de son frère Geoffroy, le comté de Nantes dans le duché, mais la confiscation du comté de Guingamp permit au pouvoir ducal d’être présent dans une région qui l’ignorait jusqu’ici » 319 . Si l’hommage rendu par Arthur à Philippe Auguste en 1199 constitue un basculement qui fait sortir la Bretagne des réseaux « impériaux » des Plantagenêt dans lesquels elle était jusque là fortement insérées, selon Judith Everard, cette date ne marque pas vraiment la fin de la domination Plantagenêt en Bretagne. Pour cette historienne, c’est seulement à l’automne, lorsque Jean attaque désespérément Dol, qu’est enfin manifeste la preuve que sa capacité à imposer la puissance royale dans la péninsule est désormais perdue 320 . Les stratégies de territorialisation du pouvoir central n’ont donc pas débouché sur l’intégration de la Bretagne au sein de l’empire, car la structure familiale et l’autonomie ducale qu’elle impliquait eurent plutôt pour effet d’y fragiliser l’imperium Plantagenêt. Cependant, l’insertion du duché dans un vaste empire, en supprimant les possibilités d’alliance multiples, a toutefois favorisé son « désenclavement » et son ouverture vers l’Anjou et le Poitou d’une part, mais aussi vers des réseaux plus vastes, anglais ou français, dont l’alternance constituera une véritable politique tout au long du Moyen Âge 321 . Que ce soit dans les marches de la Normandie ou de la Bretagne, le contrôle des réseaux de fidélités à partir des lieux dans lesquels elles s’ancraient apparaît ainsi comme l’un des modes de territorialisation du pouvoir central. Si cette stratégie montre ses limites en Bretagne en 1199, c’est parce que cette territorialisation profita davantage au pouvoir ducal qu’au pouvoir impérial d’Henri II, Richard et Jean. L’interférence du pouvoir ducal est aussi ce qui apparaît comme le principal obstacle à l’intégration de l’Aquitaine à l’imperium Plantagenêt 3.2- Les stratégies d’implantation du pouvoir dans les marches du Poitou 319 TONNERRE, N. Y., Naissance de la Bretagne. Géographie historique et structures sociales de la Bretagne méridionale Nantais et Vannetais de la fin du VIIIe à la fin du XIIe siècle, 1994, p. 392. 320 EVERARD, J. A., Brittany and the Angevins : Province and Empire, 1158-1203, 2000, p. 156. 321 JONES, M., La Bretagne ducale. Jean IV de Montfort entre la France et l'Angleterre 1364-1399, 1998; JONES, M., Between France and England. Politics, Power and Society in late Medieval Brittany, 2003. 201
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Nantes dans le duché, mais la confiscation du comté de Guingamp permit au pouvoir<br />
ducal d’être présent dans une région qui l’ignorait jusqu’ici » 319 . Si l’hommage rendu<br />
par Arthur à Philippe Auguste en 1199 constitue un basculement qui fait sortir la<br />
Bretagne des réseaux « impériaux » des Plantagenêt dans lesquels elle était jusque là<br />
fortement insérées, selon Judith Everard, cette date ne marque pas vraiment la fin de la<br />
domination Plantagenêt en Bretagne. Pour cette historienne, c’est seulement à<br />
l’automne, lorsque Jean attaque désespérément Dol, qu’est enfin manifeste la preuve<br />
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Les stratégies de territorialisation du pouvoir central n’ont donc pas débouché sur<br />
l’intégration de la Bretagne au sein de l’empire, car la structure familiale et l’autonomie<br />
ducale qu’elle impliquait eurent plutôt pour effet d’y fragiliser l’imperium Plantagenêt.<br />
Cependant, l’insertion du duché dans un vaste empire, en supprimant les possibilités<br />
d’alliance multiples, a toutefois favorisé son « désenclavement » et son ouverture vers<br />
l’Anjou et le Poitou d’une part, mais aussi vers des réseaux plus vastes, anglais ou<br />
français, dont l’alternance constituera une véritable politique tout au long du Moyen<br />
Âge 321 .<br />
Que ce soit dans les marches de la Normandie ou de la Bretagne, le contrôle des<br />
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comme l’un des modes de territorialisation du pouvoir central. Si cette stratégie montre<br />
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l’Aquitaine à l’imperium Plantagenêt<br />
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Poitou<br />
319 TONNERRE, N. Y., Naissance de la Bretagne. Géographie historique et structures sociales de la<br />
Bretagne méridionale Nantais et Vannetais de la fin du VIIIe à la fin du XIIe siècle, 1994, p. 392.<br />
320 EVERARD, J. A., Brittany and the Angevins : Province and Empire, 1158-1203, 2000, p. 156.<br />
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