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communauté monastique. Celle-ci avait été rassemblée autour de 1150 par un chevalier normand du nom de Drogo qui avait accompagné Mathilde en Allemagne et y avait rencontré Norbert de Xanten. Selon Elisabeth Hallam, les chartes de confirmation émanant d’Henri II et Mathilde visaient donc essentiellement à garantir la fondation et leur conférer le statut de fondateur 286 . Robert de Torigni évoque en effet Silly en l’associant à l’autre fondation de Mathilde à Cherbourg, la reconnaissant ainsi comme principale fondatrice 287 . Non loin de Silly, la fondation de la commanderie des Hospitaliers de Villedieu-lès-Bailleuil fut patronnée par Geoffroy le Bel dans les mêmes années (entre 1144 et 1151). La charte de confirmation des donations faites par les petits chevaliers de la région permettait ainsi au duc de patronner la commanderie dont les terres s’étendaient entre la Dive et la forêt de Gouffern 288 . Dans le bas Maine, Sébastien Legros a montré comment Henri II, par l’intermédiaire de son sénéchal, s’est progressivement immiscé dans les conflits entre les seigneurs locaux et les prieurés bénédictins de la région. Conscients de l’accentuation des tensions entre l’aristocratie locale et le roi, les moines choisirent de recourir de plus en plus souvent à la justice royale 289 . Mais cette tactique finit par nuire à ces derniers : « d’abord parce qu’elle envenime les relations locales en soulignant cette perte d’autonomie qui inquiète justement les châtelains ; ensuite parce qu’elle entérine la disqualification géopolitique des prieurés, dont la pérennité ne repose plus seulement sur la capacité des moines à intervenir directement dans le tissu social local, mais sur l’intervention d’autorités extérieures. En somme, les prieurés (…) subissent, comme les châteaux et leurs seigneurs, le poids de la recomposition géopolitique qui s’opère à la fin du XII e siècle. Cette recomposition signait leur normalisation et l’achèvement de leur implication active et originale dans un ordre a présent solidement établi et que la pression royale des Plantagenêt puis des Capétiens cherchait à soumettre » 290 . 286 HALLAM, E. M., « Henry II as a founder of monasteries », Journal of Ecclesiastical History, 28: 2 (1977), p. 113-132 cite SAINTE-MARTHE, D. (éd.), Gallia Christiana, 1739-1877, XI, p. 758 ; Regesta Regum Anglo-Normannorum, 1066-1154. III. Regesta Regis Stephani ac Mathildis Imperatricis ac Gaufridi et Henrici Ducum Normannorum, 1135-1154, 1968, p. 304-305 n° 824-26. 287 TORIGNI, I, p. 368 : fecit et monasteria canonicorum unum justa cesaris Burgum et alius in silva de Gouffern. 288 MIGUET, M., Templiers et Hospitaliers en Normandie, 1995, p. 477-494. 289 LEGROS, S., « Prieurés bénédictins, aristocratie et seigneuries : une géopolitique du Bas-Maine féodal et grégorien (fin 10e-début 13e siècle) », Thèse de doctorat, sous la dir. de Daniel Pichot, 2008, Atelier national de reproduction des thèses, Lille, p. 545-46, p. 551-552, p. 569-571. 290 Ibid., p. 571. 194

L’intégration des marches internes a donc essentiellement reposé en Normandie et en Angleterre sur le principe d’une rupture de la continuité territoriale des pouvoirs seigneuriaux qui tiraient leur force de leur cohérence de leur ancrage dans un territoire. La stratégie des Plantagenêt consista à les insérer d’une part dans des territoires « impériaux », formés par les « effets de réseaux » (stratégies pacifiques d’alliances matrimoniales et d’inclusion dans l’entourage curial), et à s’approprier d’autre part les principaux pôles structurants de l’espace de leur dominium, en confiscant les loca dominica et en installant leur propres loca sacra. Si ces stratégies montrent une forte cohérence dans l’espace anglo-normand, il n’en va pas de même partout, y compris en Bretagne, où l’affirmation du pouvoir royal ne s’est pas posée dans les même termes. Dans la mesure où le pouvoir central est resté pratiquement toujours médiatisé par celui du duc – titre auquel ne prétendit jamais Henri II – l’implantation du pouvoir central à l’échelle locale restait inefficace. Ainsi, malgré l’insertion des bretons dans des réseaux « impériaux », la Bretagne resta une province capable de basculer dans le camp capétien en 1199. 3.1.3- L’annexion du duché de Bretagne après 1166 : entre insertion et intégration Le pouvoir des Plantagenêt en Bretagne : entre imperium et dominium Après l’abdication du duc Conan IV en 1166, la Bretagne devient une province intégrée à l’empire des Plantagenêt, à la suite de l’hommage que rendirent, à Thouars, presque tous les seigneurs bretons, reconnaissant Henri II comme le représentant temporaire de l’autorité ducale 291 . Parmi les seigneurs récalcitrants, Hervé et Guihomar de Léon allié à Eudo de Porhoët s’insurgent dès 1167. En répression, Henri II s’empare du château de Léon qu’il fait brûler 292 . En 1168, il revient lutter contre une nouvelle coalition entre Eudo de Porhoët et Rolland de Dinan et son frère Oliver : il fait détruire Josselin qui constituait le caput de l’honneur et s’empare des châteaux des domaines ducaux du Broërec, dont le principal était celui de la cité de Vannes, ainsi que les terres anglaises de Roland de Dinan 293 . Puis, il se saisit du château d’Auray qu’il fait ensuite renforcer. Une fois la main mise sur les châteaux d’Eudo, Henri II s’attaque à la 291 TORIGNI, I, p. 361 : Rex vero acepit hominium fere ab omnibus baronibus Britanniae apud Toas. 292 Ibid., I, p. 367 : cum videret castrum suum munitissimum combustum et catum, et alia nonulla vel capta vel reddita. 293 Ibid., II, p. 5-6 ;EVERARD, J. A., « Lands and loyalties in Plantagenet Brittany », dans Noblesses de l'espace Plantagenêt, 1154-1224, 2001, p. 185-197 ; EVERARD, J. A., Brittany and the Angevins : Province and Empire, 1158-1203, 2000, p. 45-46, 56-57. Henri II donna une partie des terres confisquées à une branche aînée de la famille des Dinan et rendit le reste à Rolland en 1169. 195

L’intégration des marches internes a donc essentiellement reposé en Normandie<br />

et en Angleterre sur le principe d’une rupture de la continuité territoriale des pouvoirs<br />

seigneuriaux qui tiraient leur force de leur cohérence de leur ancrage dans un territoire.<br />

La stratégie des Plantagenêt consista à les insérer d’une part dans des territoires<br />

« impériaux », formés par les « effets de réseaux » (stratégies pacifiques d’alliances<br />

matrimoniales et d’inclusion dans l’entourage curial), et à s’approprier d’autre part les<br />

principaux pôles structurants de l’espace de leur dominium, en confiscant les loca<br />

dominica et en installant leur propres loca sacra. Si ces stratégies montrent une forte<br />

cohérence dans l’espace anglo-normand, il n’en va pas de même partout, y compris en<br />

Bretagne, où l’affirmation du pouvoir royal ne s’est pas posée dans les même termes.<br />

Dans la mesure où le pouvoir central est resté pratiquement toujours médiatisé par celui<br />

du duc – titre auquel ne prétendit jamais Henri II – l’implantation du pouvoir central à<br />

l’échelle locale restait inefficace. Ainsi, malgré l’insertion des bretons dans des réseaux<br />

« impériaux », la Bretagne resta une province capable de basculer dans le camp capétien<br />

en 1199.<br />

3.1.3- L’annexion du duché de Bretagne après 1166 : entre insertion et intégration<br />

Le pouvoir des Plantagenêt en Bretagne : entre imperium et dominium<br />

Après l’abdication du duc Conan IV en 1166, la Bretagne devient une province<br />

intégrée à l’empire des Plantagenêt, à la suite de l’hommage que rendirent, à Thouars,<br />

presque tous les seigneurs bretons, reconnaissant Henri II comme le représentant<br />

temporaire de l’autorité ducale 291 . Parmi les seigneurs récalcitrants, Hervé et Guihomar<br />

de Léon allié à Eudo de Porhoët s’insurgent dès 1167. En répression, Henri II s’empare<br />

du château de Léon qu’il fait brûler 292 . En 1168, il revient lutter contre une nouvelle<br />

coalition entre Eudo de Porhoët et Rolland de Dinan et son frère Oliver : il fait détruire<br />

Josselin qui constituait le caput de l’honneur et s’empare des châteaux des domaines<br />

ducaux du Broërec, dont le principal était celui de la cité de Vannes, ainsi que les terres<br />

anglaises de Roland de Dinan 293 . Puis, il se saisit du château d’Auray qu’il fait ensuite<br />

renforcer. Une fois la main mise sur les châteaux d’Eudo, Henri II s’attaque à la<br />

291<br />

TORIGNI, I, p. 361 : Rex vero acepit hominium fere ab omnibus baronibus Britanniae apud Toas.<br />

292<br />

Ibid., I, p. 367 : cum videret castrum suum munitissimum combustum et catum, et alia nonulla vel<br />

capta vel reddita.<br />

293<br />

Ibid., II, p. 5-6 ;EVERARD, J. A., « Lands and loyalties in Plantagenet Brittany », dans Noblesses de<br />

l'espace Plantagenêt, 1154-1224, 2001, p. 185-197 ; EVERARD, J. A., Brittany and the Angevins :<br />

Province and Empire, 1158-1203, 2000, p. 45-46, 56-57. Henri II donna une partie des terres confisquées<br />

à une branche aînée de la famille des Dinan et rendit le reste à Rolland en 1169.<br />

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