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châteaux d’Alençon et de Roche Mabile, ainsi que tout ce qui en
dépendait. Et aussitôt ils perdirent ces places fortes, parce qu’ils les
tenaient de mauvaises coutumes, eux et leurs prédécesseurs, et
qu’Henri II voulait réparer 282 .
Si la reddition de ces deux forteresses retire à Guillaume Talvas des assises
territoriales, elle va également favoriser son insertion dans les réseaux de fidélités de
l’entourage royal. À partir des mentions de témoins, Kathleen Thompson a montré
comment s’étaient recomposées des stratégies des comtes de Bellême à la cour des
Plantagenêt à la fin du XII e siècle et comment ces derniers surent les inciter et les
promouvoir 283 . L’action d’Henri II vis-à-vis des comtes du Perche, avec la reddition de
Moulins et Bonmoulins en 1158 et le renforcement de la frontière face au royaume
capétien, eut le même effet (voir chapitre 4). Selon Gérard Louise, dès le règne
d’Henri II, « il n’y a plus de seigneurie de barrage, située en marche. Les contacts entre
la Normandie, le Perche, le Maine ou l’Anjou sont directs. L’écran dessiné par la
seigneurie de Bellême a disparu. L’organisation est différente. C’est l’axe nord sud qui
apparaît à nu et qui guide les nouvelles constructions territoriales » 284 . La
« déterritorialisation » des seigneuries aux marches méridionales du duché de
Normandie apparaît donc comme le résultat à la fois de leur insertion dans des réseaux
de fidélités plus larges et de l’implantation du pouvoir ducal par le biais de
l’appropriation des châteaux, mais aussi par les fondations monastiques.
L’installation dans la forêt de Gouffern, à Silly, d’une abbaye de prémontrés par
Mathilde l’Empresse dans les années 1150 avait en effet vraisemblablement pour
objectif d’attirer vers la maison ducale les réseaux de fidélités attachés au comte de
Bellême. Située dans la marche septentrionale du Perche, à proximité du château royal
d’Argentan, l’abbaye fut apparemment fondée à partir de revenus qui avaient autrefois
appartenus à Robert de Bellême 285 . La fondation avait sans doute également pour
fonction de neutraliser les terres qui avaient été confisquées, en y installant une
282
TORIGNI, I, p. 360 : Willelmus Talavacius, comes Sagiensis, et filius ejus Johannes et iterum
Johannes, nepos ejus, filius Guidonis primogeniti sui comitis Pontivi, concesserunt regi Henrico castrum
Alencieum et Rocam Mabiriae, cum eis quae ad ipsa castella pertinent. Et forsitan ideo praedictas
municiones perdiderunt, quia malas consuetudines ipsi et eorum antecessores fui ibi tenuerant, quas rex
Henricus statum meliorari praecepit.
283
THOMPSON, K., Power and Border Lordship in Medieval France. The County of the Perche, 1000-
1226, 2002.
284
LOUISE, G., La seigneurie de Bellême : Xe-XIIe siècles : dévolution des pouvoirs territoriaux et
construction d'une seigneurie de frontière aux confins de la Normandie et du Maine, à la charnière de
l'an mil, 1992, I, p. 423.
285
CHIBNALL, M., « The Empress Mathilda and the Church Reform », dans Piety, Power and History in
Medieval England and Normandy, 2000, p. 113.
193