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où il avait fait inscrire les titres qu’il revendiquait. Cependant, son vassal Garnier de Cluis contesta à Ebbes II l’initiative de la fondation et en appela à l’arbitrage d’Henri II en 1159. Ce dernier décida de trancher le conflit en s’appropriant tout bonnement la fondation. Il obtint ainsi d’Ebbes de Déols qu’il lui cède le titre de fondateur et enlève la dalle témoin de ses prétentions 248 . Henri II écrivit ensuite à Garnier de Cluis pour exiger qu’il renonce également à ses droits sur l’abbaye : Henri, roi d’Angleterre, duc de Normandie et d’Aquitaine et comte des angevins, à Garnier de Cluis et tous ses héritiers et parents, salut. Sachez que Ebbes de Deols m’a concédé le droit de faire enlever la pierre qu’il avait posée aux fondements de l’église de Varenne à l’origine du conflit. Parce que je veux être le fondateur de cette église ainsi que son patron et défenseur... 249 Lindy Grant rappelle que la situation géographique de l’abbaye de Déols en Berry était un espace particulièrement disputé entre Plantagenêt et Capétiens à cette date (voir chapitre 4). Selon cette historienne, Ebbes II de Déols, à l’instar de Waléran de Meulan (on pourrait aussi ajouter Étienne de Marçay) avaient « dépassé la mesure ». S’agissait-il pour autant d’atteintes à la gloire du roi ? Selon Giraud de Barri, en effet, la gloria du prince se manifeste dans l’art de bâtir, à l’image de celle de l’empereur Auguste qui « laissa en marbre la ville qu’il avait trouvé en brique » 250 . Rien n’indique que les dimensions architecturales ou le faste de ces cérémonies de fondation aient été particulièrement démesurés par rapport aux autres fondations aristocratiques de la même époque. Le réinvestissement dans les cérémonials liturgiques de refondation montre que les espaces sacrés et la sacralisation des espaces constituaient des lieux d’expression des rapports de pouvoir et notamment du pouvoir sur l’espace. Les refondations qui nécessitèrent l’intervention d’Henri II posaient problème parce qu’elles menaçaient l’intégrité ou la continuité territoriale de son pouvoir, soit parce qu’elles résultaient d’un don illégitime ou contestable, soit qu’elles se trouvaient dans un espace en marche, particulièrement soumis au basculement des alliances. Le cas de l’abbaye de Varenne pousse jusqu’à l’extrême la pratique des refondations royales en permettant 248 DEVAILLY, G., Le Berry du Xe siècle au milieu du XIIIe, 1973, p. 406. 249 Recueil des actes d’Henri II , I, CXXIV, p 230-231: H(enricus) rex Anglie dux Normannie et Aquitanie et comes Andegauensis Garnerio de Cluys et omnibus heredibus et cognatis eius salutem. Sciatis quod Ebo de Dolis concessit mihi quod facerem remoueri lapidem quem ipse posuit in fundamento ecclesie Varennensis de quo erat dissensio. Quare ego ipse volo esse fundator ecclesie predicte et custos et deffensor ....datum apud Chinon. 250 GIRAUD DE BARRI, Opera. 8, De principis instructione Liber, 1891, p. 51-52 : Sit nobis exemplo Augusti gloriam, quo nec ullus facile aut in bellis felicior fuit aut in pace moderatior… Auxit, ornavitque Romam aedificiis multis, isto denum glorians dicto : « Urbem latericiam repperi, relinquo marmoream. 184
l’appropriation d’une fondation aristocratique par un simple jeu sur les rituels. La « politisation » de ces rituels de fondation, en ce sens qu’ils constituent un espace d’affrontement de pouvoirs concurrents dont l’enjeu est le contrôle d’un pôle structurant du territoire ne met pas aux prises que des laïcs. La revendication du monopole épiscopal tend en effet à s’affirmer de plus en plus nettement, mais la participation des seigneurs laïcs est encore une pratique courante dans les cérémonies de dédicace à la fin du Moyen Âge, créant un véritable obstacle à l’accaparement de cette cérémonie au profit des seuls évêques qui ne parvinrent jamais à exclure totalement les droits des laïcs sur les espaces sacrés et les lieux de culte 251 . La territorialisation du pouvoir royal apparaît ainsi comme une riposte laïque au lent processus de spatialisation et de monumentalisation entrepris par l’Église grégorienne. De même que l’Église constitua ses territoires par des processus de délimitation spatiale (Paroisse/ Chrétienté) et d’intégration des communautés, de même, la formation des monarchies féodales procéda de la définition d’un espace sacral du royaume, notamment au travers de la métaphore du corps du royaume que l’on retrouve chez de nombreux intellectuels, comme Jean de Salisbury chez qui émerge l’idée d’une universitas regni comme processus d’inclusion, dans le cadre du regnum, chez les Capétiens mais aussi à plus large échelle dans l’empire Plantagenêt 252 . L’intégration des anciennes principautés territoriales au sein d’un plus vaste imperium constituait alors une étape essentielle du processus d’affirmation de la territorialité du pouvoir des Plantagenêt. C’est pourquoi, la conquête des « marches intérieures » a été un objectif constant de la politique d’Henri II et ses fils. 251 IOGNA-PRAT, D., La maison Dieu, 2006. 252 IOGNA-PRAT, D., « Constructions chrétiennes d’un espace politique », Le Moyen Âge, 107 (2001), p. 49-69 ; LE PATOUREL, J. H., « The Plantagenet dominions », History, 50 (1965), p. 289-308. 185
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fondation. Il obtint ainsi d’Ebbes de Déols qu’il lui cède le titre de fondateur et enlève la<br />
dalle témoin de ses prétentions 248 . Henri II écrivit ensuite à Garnier de Cluis pour exiger<br />
qu’il renonce également à ses droits sur l’abbaye :<br />
Henri, roi d’Angleterre, duc de Normandie et d’Aquitaine et comte<br />
des angevins, à Garnier de Cluis et tous ses héritiers et parents, salut.<br />
Sachez que Ebbes de Deols m’a concédé le droit de faire enlever la<br />
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l’origine du conflit. Parce que je veux être le fondateur de cette église<br />
ainsi que son patron et défenseur... 249<br />
Lindy Grant rappelle que la situation géographique de l’abbaye de Déols en<br />
Berry était un espace particulièrement disputé entre Plantagenêt et Capétiens à cette date<br />
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S’agissait-il pour autant d’atteintes à la gloire du roi ? Selon Giraud de Barri, en effet, la<br />
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Auguste qui « laissa en marbre la ville qu’il avait trouvé en brique » 250 . Rien n’indique<br />
que les dimensions architecturales ou le faste de ces cérémonies de fondation aient été<br />
particulièrement démesurés par rapport aux autres fondations aristocratiques de la même<br />
époque. Le réinvestissement dans les cérémonials liturgiques de refondation montre que<br />
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rapports de pouvoir et notamment du pouvoir sur l’espace. Les refondations qui<br />
nécessitèrent l’intervention d’Henri II posaient problème parce qu’elles menaçaient<br />
l’intégrité ou la continuité territoriale de son pouvoir, soit parce qu’elles résultaient d’un<br />
don illégitime ou contestable, soit qu’elles se trouvaient dans un espace en marche,<br />
particulièrement soumis au basculement des alliances. Le cas de l’abbaye de Varenne<br />
pousse jusqu’à l’extrême la pratique des refondations royales en permettant<br />
248 DEVAILLY, G., Le Berry du Xe siècle au milieu du XIIIe, 1973, p. 406.<br />
249 Recueil des actes d’Henri II , I, CXXIV, p 230-231: H(enricus) rex Anglie dux Normannie et<br />
Aquitanie et comes Andegauensis Garnerio de Cluys et omnibus heredibus et cognatis eius salutem.<br />
Sciatis quod Ebo de Dolis concessit mihi quod facerem remoueri lapidem quem ipse posuit in fundamento<br />
ecclesie Varennensis de quo erat dissensio. Quare ego ipse volo esse fundator ecclesie predicte et custos<br />
et deffensor ....datum apud Chinon.<br />
250 GIRAUD DE BARRI, Opera. 8, De principis instructione Liber, 1891, p. 51-52 : Sit nobis exemplo<br />
Augusti gloriam, quo nec ullus facile aut in bellis felicior fuit aut in pace moderatior… Auxit, ornavitque<br />
Romam aedificiis multis, isto denum glorians dicto : « Urbem latericiam repperi, relinquo marmoream.<br />
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