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l’abbaye et au rôle du duc Richard lors de la pose de la première pierre de la fondation,
celle dite du « Pas de l’Ange » 245 . Si le rituel de la pose de la première pierre peut être
interprété, dans une perspective ecclésiologique générale, comme la célébration des
« fondements de la communauté chrétienne à une époque où l’encadrement ecclésial
tend à se confondre avec une structure monumentale » 246 , la participation des laïcs
implique également de considérer les enjeux de pouvoir noués autour de ces rituels.
Dans la seconde moitié du XII e siècle, la pose de la première pierre était
pratiquée par les Plantagenêt comme le rapportent Bernard Itier et Geoffroy de Vigeois,
par exemple, qui relatent la présence d’Aliénor d’Aquitaine et de son fils, Richard, lors
d’une dédicace en 1171 :
À cette époque on commença à bâtir le monastère de saint Augustin.
La reine Aliénor et son fils Richard, qui se trouvaient alors à Limoges,
posèrent la première pierre 247 .
L’association de la duchesse et de son fils à cette cérémonie de pose de la
première pierre témoigne ici de la volonté des moines de s’assurer la protection d’un
puissant patron, qui n’apparaît pourtant pas explicitement comme le fondateur du
monastère. Pour Aliénor et Richard, la pose de la première pierre constituait également
un moyen d’ancrer dans le territoire limousin la reconnaissance de leur autorité et de
s’assurer le soutien du monastère face aux turbulents vicomtes de Limoges.
De manière plus générale, l’association des seigneurs laïcs aux cérémonies de
dédicace contribuaient à rappeler la vocation de conservation de la mémoire familiale de
leur fondation. Le rituel de la pose de la première pierre permettait alors de matérialiser
l’ancrage monumental et territorial de la mémoire familiale du fondateur. C’est
vraisemblablement dans cette perspective qu’Ebbes II de Déols fit poser aux
fondements de l’abbaye cistercienne qu’il venait de créer à Varenne en Berry une dalle
245 ARNOUX, M., « Before the Gesta Normannorum and beyond Dudo: some evidence on early Norman
historiography », dans A.N.S., 2000, p. 29-48 publie le passage du manuscrit Rouen 528 comprenant la
description de la pose de la première pierre : Tuto hanc petram repone loco et mitte quamplurimos
operatrios ad excidendos lapides, multasque calcis vive fornaces compone : quia omnibus que necessaria
sunt preparatis istam in initio fundamenti in titulo erectionis domus Dei primam locabo (Place cette
pierre en un lieu sûr et envoie plusieurs ouvriers pour tailler les pierres, et fais rassembler beaucoup de
fours de chaux vive, parce que, après avoir fait préparer tout ce qui était nécessaire, je la placerai en
premier au début de la fondation en signe de l’érection de la maison de Dieu).
246 IOGNA-PRAT, D., La maison Dieu, 2006, p. 566.
247 GEOFFROY DE VIGEOIS, Chronique précédée d’une étude sur la chronique de Geoffroy, 1864,
p. 116 : Monasterium Sancti Augustini Lemovicis incoeptum est construi. Tempore illo regina Alienor
cum filio Richardo Lemovice forte cum esse, lapides in fundamento primi jecerunt; BERNARD ITIER,
Chronique, 1998, p. 96 : Monasterium Sancti Augustini construi incipitur regina cum filio Richardo de
lapides in fundamento posuerunt.
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