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acceptait de fonder une abbaye profitant indirectement aux intérêts du duc, avec lequel
il entretenait des relations plutôt conflictuelles. L’ambiguïté de la situation fut redoublée
par l’importance des terres que Mathilde donna pour permettre à la communauté de
s’installer, arguant pour cela un vœu qu’elle avait fait lorsqu’elle était en danger lors du
siège d’Oxford 209 . Selon David Crouch, cette stratégie visait à rallier le comte de
Meulan au parti Plantagenêt, mais Waléran comprit surtout que Mathilde tentait de
s’approprier sa fondation. Par l’intermédiaire de l’archevêque de Rouen, le comte de
Meulan fut invité à renoncer à ces droits sur la fondation au profit de l’Empresse et ne
fut pas même tenu au courant de l’arrivée des moines de Mortemer le 12 juin 1151, ni
même invité à la dédicace et à l’intronisation du premier abbé. De dépit, le comte
ordonna donc que la grange et les vignes qu’il avait concédées à l’abbaye dans le comté
de Meulan soient reprises, avant de revenir sur cette décision un an plus tard, sur les
prières des moines. Si Marjorie Chibnall préfère nuancer la présentation manipulatrice
de Mathilde proposée par David Crouch, arguant la sincérité probable du vœu de
Mathilde, elle reconnaît que cette fondation s’inscrit clairement dans le contexte de
méfiance des Plantagenêt vis-à-vis du comte de Meulan et de son intérêt marqué pour la
cour capétienne 210 . La soumission du comte à l’autorité ducale devait ainsi prouver sa
loyauté et sa fidélité. Par ailleurs, le rôle spécifique tenu par Mathilde l’Empresse
rappelle la place des femmes dans l’initiative des fondations monastiques en général
mais aussi qu’elle fut aussi une véritable actrice de la politique de territorialisation du
pouvoir royal.
Henri II ne se limita pas cependant aux refondations, mais utilisa également les
fondations et l’installation de nouvelles communautés au cours des années 1150,
comme instrument de conquête notamment en les installant dans les marges des régions
qu’il contrôlait. Cette pratique faisant des monastères des éléments intégrés au
processus de « colonisation » s’était répandue en Angleterre depuis la fin du XI e
siècle 211 . Ainsi, après l’échec de la tentative d’installer des chanoines Augustiniens à
Wallingford, il fonde en commun avec sa mère l’abbaye cistercienne de Loxwell
(Wiltshire) en 1151, qu’Henri II fera transférer en 1154 à Stanley, à la frontière du
209 Ibid., p. 12.
210 CHIBNALL, M., « The Empress Mathilda and Church Reform », T.R.H.S., 38 (1988), p. 107-130
211 COWNIE, E., « Religious patronage and lordship: the debat on the nature of the honor », dans Family
Trees and the Roots of Politics. The Prosopography of Britain and France from the Tenth to the Tweltfh
Century, 1997, p. 133-146.
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