Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Index of - Free

La tor fit ardeir et abatre
En 1195, Richard confisque également le château de Néhou en Cotentin et sa
forêt qu’il rendra à Richard de Vernon l’année suivante en échange de Vernon cédé au
roi de France 104 . Cette même année, s’il rend également à son frère Jean le comté de
Mortain en Normandie ainsi que les honneurs de Eye et de Gloucester, il en conserve les
châteaux 105 . Certaines destructions symboliques ont donc ponctué son règne, mais ses
interventions ont été surtout localisées aux frontières limitrophes du royaume capétien,
reprenant les places perdues par son frère alors qu’il était en captivité (carte 2.5). La
guerre contre Philippe Auguste, aux frontières de l’espace capétien, constitua en effet le
cadre principal dans lequel s’est exprimée la réglementation des fortifications et les
destructions punitives au cours de la dernière décennie du XII e siècle. À plusieurs
reprises, Philippe Auguste imposa à Richard de se soumettre à ses droits régaliens qu’il
entendait faire respecter dans les marches de son royaume. Lors de la paix de Tillières,
Philippe Auguste lui interdit ainsi de ne reconstruire aucune des fortifications qu’il avait
fait raser durant les hostilités, à l’exception de quatre d’entre elles et l’autorise à fortifier
ou détruire toutes les fortellescies qui étaient entre ses mains au 23 juillet 1194 106 . Ces
interdictions royales n’interviennent cependant que dans l’espace frontalier, véritable
front de reconquête de l’autorité capétienne (voir chapitre 4).
A l’inverse de son frère, Jean fit un usage excessif du droit de reddibilité des
châteaux, en ce sens qu’il l’utilisa moins pour réactiver les fidélités de ses barons que
pour les sanctionner, parfois même préventivement (carte 2.6). Cette politique eut des
conséquences désastreuses puisqu’elle contribua à défaire les loyautés vis-à-vis de Jean,
et conduisit in fine à la perte définitive de la Normandie en 1204. S’il y eut des
réquisitions de châteaux pour les besoins de la guerre, c’est principalement leur
destruction excessive qui aliéna nombre d’aristocrates angevins et normands. Ainsi,
alors que Jean s’empare de Moncontour sans préalable légal en 1201 et qu’en 1202, il
argue d’une convention de sécurité pour prendre Montreuil-Bellay, le château des
vicomtes de Thouars 107 , les rouleaux normands contiennent également plusieurs brefs
104 MRSN, I, p. 145, 153; Layettes, I, n°431: Richard de Vernon et son fils renoncent à leurs bourg de
Vernon mais obtiennent des terres en Île de France et dans le Beauvaisis.
105 HOVEDEN, III, p. 286: Richardus rex Angliae remisit Johanni fratri suo omnes iram et
malevolentiam suam et reddidit ei comitatum de Moretonia et honorem de Eia et comitatum Gloucestriae
cum omni integritate eorum, esceptis castellis.
106 COULSON, C. A., « Fortress-Policy in Capetian tradition and Angevin Practice. Aspect of the
conquest of Normandy by Philip II », dans A.N.S., 1983, p. 13-38 ; HOVEDEN, III, p. 257-69.
107 Rot. Lit. Pat., p. 2; Rotuli normanniae in Turri londinensi asservati, HARDY, T. D. (éd.), 1835, p. 55 :
Sciatis quod mandavimus Senescallo nostro Andegavensis quod accepta a vobis bona securitate quod
149