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force. Si les confiscations et destructions ont été nombreuses entre 1153 et 1215, elles n’ont cependant pas été de pures manifestations de la force militaire des Plantagenêt. L’usage de la violence, qui a originellement pour fonction de fonder ou refonder de la relation de domination, doit en effet s’ancrer dans un discours et dans une norme pour lui permettre de perdurer sans s’exercer physiquement 6 . La légitimité du droit étant ancrée dans le passé au Moyen Âge, la justification de cette politique s’est donc présentée comme une restauration de l’ordre « ancien ». Si les premiers espaces réordonnés – la Normandie et l’Angleterre – disposaient d’une tradition juridique qui avait conservé les principes du ius munitionis carolingien, nous verrons, dans un premier temps, que la réactivation de ce droit après des années de troubles et de guerres partisanes, sa mise en application et l’extension de son usage à l’échelle de l’empire ont provoqué d’importantes résistances. Les confiscations et les destructions de châteaux illégitimes ou rebelles à l’autorité du roi n’ont cependant pas été le seul instrument du renforcement de la puissance publique des Plantagenêt. Dans un second temps, nous envisagerons donc comment, en imposant la refondation d’un monastère au titre du patronage royal, les Plantagenêt ont non seulement étendu leur capacité à contrôler les fidélités au delà du seul fief, mais ont également affirmé leur volonté contre l’affirmation de la « liberté de l’Église ». Tout comme le contrôle des réseaux ecclésiastiques, la mainmise sur le patronage des monastères constituait alors un puissant levier du contrôle territorial. La diffusion du monachisme en Occident au X e et XI e siècle avait en effet accompagné le vaste mouvement de spatialisation du sacré qui avait abouti à faire de l’Église la principale institution d’encadrement social 7 . À partir d’une analyse comparée des formes d’extension de la puissance publique du roi sur les châteaux et les monastères, nous tenterons enfin de saisir la dimension chronologique de la conquête de la puissance publique, à travers le prisme des constructions dans les « marches internes », espaces de forte autonomie des pouvoirs seigneuriaux qui faisaient obstacle à l’unification des territoires de l’empire. 6 WEBER, M., Économie et société 1 Les catégories de la sociologie, 2003. 7 LAUWERS, M., Naissance du cimetière. Lieux sacrés et terre des morts dans l’Occident médiéval, 2005 et le dossier qui suit : IOGNA-PRAT, D. et ZADORA-RIO, E., « Formation et transformations des territoires paroissiaux », Médiévales, 49 (2005). 126
1- Confisquer et détruire : le pouvoir royal entre revendication du droit et usage de la force militaire Entre 1154 et 1214, le nombre de châteaux aux mains du roi en Angleterre est passé de 49 à 93, tandis que le nombre des châteaux seigneuriaux a décliné au cours de la période, passant de 295 à 173 8 . Selon Charles Coulson, même si le ratio proposé par R. Allen Brown doit être relativisé, ces tendences reflètent bien l’extension des assises territoriales du pouvoir royal en Angleteterre, au cours de la période. Le contrôle des châteaux féodaux apparaît ainsi comme l’un des principaux modes d’action mis en place par les Plantagenêt pour territorialiser leur pouvoir. Parmi les techniques et les dispositifs de contrôle activés, le droit occupe une place central, et en particulier l’héritage normand. La préservation du droit carolingien lié au contrôle des fortifications ont en effet été des outils essentiels dans la justification du rétablissement de l’ordre public 9 . 1.1- La conquête du pouvoir et l’affirmation de la potestas regis 1.1.1- Le droit de reddibilité et la prerogativa regis L’intérêt suscité chez les historiens par le droit de reddibilité dans la compréhension des mécanismes de la féodalité a marqué une longue historiographie donc Charles Coulson a retracé les étapes et les enjeux 10 . Il propose notamment une relecture plus attentive des sources à l’encontre des interprétations « militaristes » de l’histoire victorienne issues de George Freeman et de celles, en France, de Jean Yver et de Richard Aubenas (à qui il reproche de véhiculer l’idée que tout château échappant aux mains du monarque était nécessairement contraire à l’ordre public) 11 . Retraçant 8 BROWN, R. A., English medieval castles, 1954; KING, D. J. C., Castellarium Anglicanum. An Index and Bibliography of the Castles in England, Wales and the Islands, 1983; COULSON, C. A., « Fortress- Policy in Capetian tradition and Angevin Practice. Aspect of the conquest of Normandy by Philip II », dans A.N.S., 1983, p. 13-38; COULSON, C. A., Castles in Medieval Society. Fortresses in England, France, and Ireland in the Central Middle Ages, 2003, p. 141-148, 155-164. 9 Sur ce thème voir en particulier la thèse de DAVY, G., Le duc et la loi: héritages, images et expressions du pouvoir normatif dans le duché de Normandie, des origines à la mort du Conquérant fin du IXe siècle- 1087, 2004. 10 COULSON, C. A., « Freedom to crenellate by licence: an historiographical revision », Nottingham Medieval Studies, 38 (1994), p. 86-137. 11 YVER, J., « Les châteaux-forts en Normandie jusqu’au milieu du XIIe siècle : contribution à l’étude du pouvoir ducal », Bulletin de la société des antiquaires de Normandie, 53 (1955-56), p. 28-112; 127
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Entre 1154 et 1214, le nombre de châteaux aux mains du roi en Angleterre est<br />
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l’histoire victorienne issues de George <strong>Free</strong>man et de celles, en France, de Jean Yver et<br />
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aux mains du monarque était nécessairement contraire à l’ordre public) 11 . Retraçant<br />
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BROWN, R. A., English medieval castles, 1954; KING, D. J. C., Castellarium Anglicanum. An <strong>Index</strong><br />
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Policy in Capetian tradition and Angevin Practice. Aspect <strong>of</strong> the conquest <strong>of</strong> Normandy by Philip II »,<br />
dans A.N.S., 1983, p. 13-38; COULSON, C. A., Castles in Medieval Society. Fortresses in England,<br />
France, and Ireland in the Central Middle Ages, 2003, p. 141-148, 155-164.<br />
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Sur ce thème voir en particulier la thèse de DAVY, G., Le duc et la loi: héritages, images et expressions<br />
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1087, 2004.<br />
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COULSON, C. A., « <strong>Free</strong>dom to crenellate by licence: an historiographical revision », Nottingham<br />
Medieval Studies, 38 (1994), p. 86-137.<br />
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YVER, J., « Les châteaux-forts en Normandie jusqu’au milieu du XIIe siècle : contribution à l’étude du<br />
pouvoir ducal », Bulletin de la société des antiquaires de Normandie, 53 (1955-56), p. 28-112;<br />
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