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Chapitre 2 Contrôler les lieux et marquer l’espace : topographie de l’affirmation de la puissance publique À l’avènement d’Henri II et tout au long de son règne, la justification de la politique de réforme se fonde sur la restauration de l’ordre qui prélevait au temps d’Henri I er . Ce qui se présente alors comme un retour à l’ordre ancien pose en réalité les bases d’un nouveau mode de gouvernement. Celui-ci se caractérise par la restauration du pouvoir princier et par sa capacité à revendiquer le monopole de la puissance publique. Ce chapitre propose d’analyser les modalités de cette reconcentration des pouvoirs aux mains des Plantagenêt, à travers les stratégies développées pour contrôler les principaux pôles à partir desquels s’organise l’espace social de la féodalité : les châteaux et les monastères. Selon Michel Zimmerman, la potestas, contrairement au dominium, n’était pas exactement le pouvoir sur un objet (un homme et/ou une terre) mais sur l’usage d’un objet 1 . La potestas sur un château, en tant que pouvoir médiat et en tant que possibilité de passer à l’acte, constitue donc l’enjeu véritable de la fidélité. En s’emparant des châteaux d’origine publique, les Plantagenêt cherchaient donc moins à renforcer leurs assises territoriales (ce fut plutôt une conséquence de cette politique, notamment dans le cas des confiscations définitives) qu’à renforcer leur potestas par la réactivation des liens de fidélité qui constituaient le fondement social de la pyramide 1 ZIMMERMANN, M., « Et je t’empouvoirrai (potestasvitum te farei) : a propos des relations entre fidélités et pouvoir en Catalogne au XI e siècle », Médiévales, 10 (1986), p. 17-36, voir aussi DÉBAX, H., « Les Trencavel et le ius munitionis au XIIe siècle d’après le cartulaire des Trencavel », dans Morphogenèse du village médiéval (IXe – XIIe siècles), 1996, p. 157-163. 124
féodale dont ils occupaient le sommet. On retrouve ainsi dans ces « saisies » de châteaux le principe du pouvoir qui était, à l’âge classique, selon Michel Foucault, « avant tout droit de prise : sur les choses, le temps, les corps et finalement la vie ; il culminait dans le privilège de s’en emparer pour la supprimer » 2 . Depuis Michel Foucault, en effet, la définition du pouvoir comme relation s’est imposée dans nombre de domaine des sciences sociales 3 . Cependant, on tentera moins de faire ici une « microphysique » du pouvoir que d’en dresser la topographie, c'est-à-dire de saisir, à une échelle globale, le rôle des lieux – châteaux et monastères – comme objets de médiation des rapports de force entre les Plantagenêt et leurs vassaux. Contrairement même à Michel Foucault qui cherchait à penser le pouvoir émancipé de cette « forme historique bien particulière à nos sociétés : la monarchie juridique » 4 , ce sont les processus d’émergence de cette forme de pouvoir qui constituent le cœur de notre réflexion. Plus spécifiquement, nous tenterons de voir comment la reconcentration des pouvoirs publics à partir du contrôle des lieux et de l’espace des fidélités à une échelle globale a permis l’émergence d’un pouvoir territorialisé. Jusqu’à présent, l’historiographie a abordé l’essor de la souveraineté royale à partir de la fin du XII e siècle comme un phénomène issu du renouveau du droit romain qui donnait de nouveaux outils conceptuels pour penser le pouvoir du roi 5 . Notre approche consistera à montrer que la transformation du pouvoir féodal en pouvoir souverain s’est largement appuyé sur le processus de spatialisation des rapports féodaux. Dans un premier temps, nous verrons comment les Plantagenêt ont cherché à affirmer leur potestas publica sur les châteaux « inféodés », c'est-à-dire d’une certaine manière à affirmer leur capacité à contrôler ces châteaux, selon le droit, sans user de la 2 FOUCAULT, M., Histoire de la sexualité. 1: La volonté de savoir, 1994 [1976], p. 179, le pouvoir sur la vie s’étant surtout développé à partir du XVII e siècle. 3 Michel Foucault est le philosophe qui a le plus exploré cette dimension relationnelle du pouvoir, à l’encontre des définitions essentialistes. Dans la Volonté de savoir il propose une définition qui sera souvent reprise : « le pouvoir n’est pas quelque chose qui s’acquiert, s’arrache ou se partage, quelque chose qu’on garde ou qu’on laisse échapper ; le pouvoir s’exerce à partir de points innombrables, et dans le jeu de relations inégalitaires et mobiles ». Ibid. p. 123-124. COUZENS HOY, D. (éd.), Michel Foucault: lectures critiques, 1989, p. 69-71. 4 FOUCAULT, M., Histoire de la sexualité. 1: La volonté de savoir, 1994 [1976], p. 117 : « Au fond, malgré les différences d’époque et d’objectifs, la représentation du pouvoir est restée hantée par la monarchie. (…) De là l’importance qui est encore donnée dans la théorie du pouvoir au problème du droit et de la violence, de la loi et de l’illégalité, de la volonté et de la liberté et surtout de l’Etat et de la souveraineté. » 5 KANTOROWICZ, E. H., Les deux corps du roi. Essai sur la théologie politique au Moyen âge, 2000 [1957]; POST, G., Studies in Medieval Legal Thought Public Law and the State, 1100-1322, 1964 et en France à la suite des travaux de Gabriel Le Bras, Jean Gaudemet ou encore Jean-François Lemarginier et plus récemment Jacques Krynen. KRYNEN, J., L'empire du roi. Idées et croyances politiques en France, XIIIe-XVe siècle, 1993. 125
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châteaux le principe du pouvoir qui était, à l’âge classique, selon Michel Foucault,<br />
« avant tout droit de prise : sur les choses, le temps, les corps et finalement la vie ; il<br />
culminait dans le privilège de s’en emparer pour la supprimer » 2 . Depuis Michel<br />
Foucault, en effet, la définition du pouvoir comme relation s’est imposée dans nombre<br />
de domaine des sciences sociales 3 . Cependant, on tentera moins de faire ici une<br />
« microphysique » du pouvoir que d’en dresser la topographie, c'est-à-dire de saisir, à<br />
une échelle globale, le rôle des lieux – châteaux et monastères – comme objets de<br />
médiation des rapports de force entre les Plantagenêt et leurs vassaux. Contrairement<br />
même à Michel Foucault qui cherchait à penser le pouvoir émancipé de cette « forme<br />
historique bien particulière à nos sociétés : la monarchie juridique » 4 , ce sont les<br />
processus d’émergence de cette forme de pouvoir qui constituent le cœur de notre<br />
réflexion. Plus spécifiquement, nous tenterons de voir comment la reconcentration des<br />
pouvoirs publics à partir du contrôle des lieux et de l’espace des fidélités à une échelle<br />
globale a permis l’émergence d’un pouvoir territorialisé. Jusqu’à présent,<br />
l’historiographie a abordé l’essor de la souveraineté royale à partir de la fin du XII e<br />
siècle comme un phénomène issu du renouveau du droit romain qui donnait de<br />
nouveaux outils conceptuels pour penser le pouvoir du roi 5 . Notre approche consistera à<br />
montrer que la transformation du pouvoir féodal en pouvoir souverain s’est largement<br />
appuyé sur le processus de spatialisation des rapports féodaux.<br />
Dans un premier temps, nous verrons comment les Plantagenêt ont cherché à<br />
affirmer leur potestas publica sur les châteaux « inféodés », c'est-à-dire d’une certaine<br />
manière à affirmer leur capacité à contrôler ces châteaux, selon le droit, sans user de la<br />
2 FOUCAULT, M., Histoire de la sexualité. 1: La volonté de savoir, 1994 [1976], p. 179, le pouvoir sur<br />
la vie s’étant surtout développé à partir du XVII e siècle.<br />
3 Michel Foucault est le philosophe qui a le plus exploré cette dimension relationnelle du pouvoir, à<br />
l’encontre des définitions essentialistes. Dans la Volonté de savoir il propose une définition qui sera<br />
souvent reprise : « le pouvoir n’est pas quelque chose qui s’acquiert, s’arrache ou se partage, quelque<br />
chose qu’on garde ou qu’on laisse échapper ; le pouvoir s’exerce à partir de points innombrables, et dans<br />
le jeu de relations inégalitaires et mobiles ». Ibid. p. 123-124. COUZENS HOY, D. (éd.), Michel<br />
Foucault: lectures critiques, 1989, p. 69-71.<br />
4 FOUCAULT, M., Histoire de la sexualité. 1: La volonté de savoir, 1994 [1976], p. 117 : « Au fond,<br />
malgré les différences d’époque et d’objectifs, la représentation du pouvoir est restée hantée par la<br />
monarchie. (…) De là l’importance qui est encore donnée dans la théorie du pouvoir au problème du droit<br />
et de la violence, de la loi et de l’illégalité, de la volonté et de la liberté et surtout de l’Etat et de la<br />
souveraineté. »<br />
5 KANTOROWICZ, E. H., Les deux corps du roi. Essai sur la théologie politique au Moyen âge, 2000<br />
[1957]; POST, G., Studies in Medieval Legal Thought Public Law and the State, 1100-1322, 1964 et en<br />
France à la suite des travaux de Gabriel Le Bras, Jean Gaudemet ou encore Jean-François Lemarginier et<br />
plus récemment Jacques Krynen. KRYNEN, J., L'empire du roi. Idées et croyances politiques en France,<br />
XIIIe-XVe siècle, 1993.<br />
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