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03.04.2013 Views

Parmi les cartes dessinées, les cartes dites pointillistes constituent l’une des options les plus répandues. Les figurés ponctuels présentent en effet de nombreux avantages : celui de remettre en cause la linéarité de certaines délimitations qui ne correspondent à aucun vécu perceptible, ou encore de représenter l’espace de manière polarisé. En survalorisant des surfaces sur une carte, le point reflète sans doute assez bien l’attraction que pouvaient exercer certains centres dans le paysage médiéval. Cette option est également la plus courante parce qu’elle repose sur la localisation de lieux concrets que sont les châteaux, monastères, cités, qui constituent les nœuds de la structure. En remplaçant les surfaçages par des nuages de points, qui ne sont pas nécessairement tous de la même forme ou de la même taille, cette méthode permet de signifier leur importance réelle ou symbolique commune (carte 1.17). Cette méthode qui permet également d’introduire des valeurs quantitatives peut produire des effets de hiérarchisation et de faire apparaître la structure multipolaire ou polycentrique du territoire. La carte des dépenses enregistrées par les Échiquiers anglais et normand entre 1154 et 1216, par exemple, illustre les possibles géographies d’un tel espace (carte 1.18). C’est généralement cette méthode qui a été utilisée dans les chapitres suivants pour représenter les différents types de pratique de l’espace des Plantagenêt, et notamment dans le chapitre consacré aux frontières (chapitre 4). Contrairement à ce qu’affirme John Gillingham, il n’est pas si aisé de dessiner les limites de l’empire angevin, car une simple courbe, comme il le propose, ne permet pas de traduire les différences de perception et de représentation de la frontière au XII e siècle. Ainsi les frontières de la Normandie étaient non seulement bien délimitées en certains lieux, comme il le rappelle lui-même et comme l’a montré Daniel Power, mais également particulièrement bien intégrées par les habitants de ces régions, ce que traduit leurs pratiques spécifiques 397 . En revanche, il est presque impossible de dessiner aussi clairement la frontière délimitant l’empire en Auvergne et en Aquitaine. Chaque territoire produisant sa propre limite, l’hétérogénéité des espaces de l’empire ne peut donc se traduire par l’idée que l’empire avait une frontière homogène. C’est en ce sens que la carte pointilliste permet de remplacer la ligne par des nuages de points montrant les positions Plantagenêt et capétiennes aux endroits où elles sont en contact (voir la carte 4.21). Ces cartes pointillistes présentent néanmoins l’inconvénient de devenir rapidement illisibles en cas d’accumulation des données. Elle peuvent être alors 397 POWER, D. J., The Norman Frontier in the Twelfth and Early Thirteenth Centuries, 2004. 120

transformées cartes en cartes chorématiques. Ce principe fondé sur la modélisation et la schématisation permet non seulement de représenter de manière synthétique plusieurs types informations, mais aussi de s’émanciper du fond de carte et de la tentation du coloriage qu’il peut produire. La carte 1.19 offre un exemple de carte chorématique de la formation de l’empire Plantagenêt. Les espaces sont schématisés à partir du fond de carte qui pourrait lui-même être occulté. En plus des cartes dessinées, les sources permettrent également de construire une cartographie statistique. Parmi les formats existants, celui du carroyage composé d’un « semi régulier de cercles de tailles croissantes », inventé par Jacques Bertin et mis en pratique par Guy Arbellot a l’avantage de fonctionner à partir d’un maillage de base indépendant sur lequel sont projetées les données, ce qui permet de représenter, même de façon déformée, le caractère hétérogène, discontinu et polarisé de cet espace 398 . Ce système du carroyage s’est rapidement imposé chez les cartographes britanniques qui ont rapidement compris la force de conviction de cette technique, y compris pour la cartographie historique 399 . Il est par exemple mis en œuvre par Olivier Rackham pour calculer le pourcentage d’aires boisées par comté (shires) à l’époque du Domesday Book 400 . Ainsi, la disparité spatiale des données, parfois exprimées en surfaces boisées, parfois en « espace pour tant de porcs », dont la variation dépend de la fenaison, peut être gérées graphiquement, grâce aux comparaisons possibles avec les sources du XIII e siècle (carte 1.20). Ce type de carte a été utilisé ponctuellement, lorsqu’elle existait, mais aucune n’a été construite à partir de nos propres données. Enfin, un dernier type de carte peut être utilisé dans ce contexte : l’anamorphose. Également fondée sur le principe du carroyage initial du fond de carte, la disposition des données s’effectue non sous forme d’un « semi de points », mais en élargissant ou raccourcissant les distances, pour créer des effets de densité. « L’idée de base est d’attribuer aux portions d’espaces une superficie sur le papier qui soit proportionnelle à une autre donnée » 401 . La cartographie en anamorphose a pour but d´adapter la forme de la carte non pas à la réalité physique mais plutôt à la réalité perçue. Cette déformation de l´espace peut être construite par un modèle mathématique (interpolation d´un champ 398 ARBELLOT, G., La cartographie statistique automatique appliquée à l’histoire. Une expérience sur 332 villes et villages de haute champagne au XVIIe et XVIIIe siècles, 1970; BERTIN, J., Sémiologie graphique les diagrammes, les réseaux, les cartes, 1999. 399 BRUNET, R., La carte, mode d'emploi, 1994 [1987], p. 91-95. 400 RACKHAM, O., Trees and woodland in the British Landscape. The complete history of Britain’s trees, woods, and hedgerows, (1995 [1976]), p.48-53. 401 BRUNET, R., La carte, mode d'emploi, 1994 [1987], p. 102. 121

Parmi les cartes dessinées, les cartes dites pointillistes constituent l’une des<br />

options les plus répandues. Les figurés ponctuels présentent en effet de nombreux<br />

avantages : celui de remettre en cause la linéarité de certaines délimitations qui ne<br />

correspondent à aucun vécu perceptible, ou encore de représenter l’espace de manière<br />

polarisé. En survalorisant des surfaces sur une carte, le point reflète sans doute assez<br />

bien l’attraction que pouvaient exercer certains centres dans le paysage médiéval. Cette<br />

option est également la plus courante parce qu’elle repose sur la localisation de lieux<br />

concrets que sont les châteaux, monastères, cités, qui constituent les nœuds de la<br />

structure. En remplaçant les surfaçages par des nuages de points, qui ne sont pas<br />

nécessairement tous de la même forme ou de la même taille, cette méthode permet de<br />

signifier leur importance réelle ou symbolique commune (carte 1.17). Cette méthode qui<br />

permet également d’introduire des valeurs quantitatives peut produire des effets de<br />

hiérarchisation et de faire apparaître la structure multipolaire ou polycentrique du<br />

territoire. La carte des dépenses enregistrées par les Échiquiers anglais et normand entre<br />

1154 et 1216, par exemple, illustre les possibles géographies d’un tel espace (carte<br />

1.18). C’est généralement cette méthode qui a été utilisée dans les chapitres suivants<br />

pour représenter les différents types de pratique de l’espace des Plantagenêt, et<br />

notamment dans le chapitre consacré aux frontières (chapitre 4).<br />

Contrairement à ce qu’affirme John Gillingham, il n’est pas si aisé de dessiner<br />

les limites de l’empire angevin, car une simple courbe, comme il le propose, ne permet<br />

pas de traduire les différences de perception et de représentation de la frontière au XII e<br />

siècle. Ainsi les frontières de la Normandie étaient non seulement bien délimitées en<br />

certains lieux, comme il le rappelle lui-même et comme l’a montré Daniel Power, mais<br />

également particulièrement bien intégrées par les habitants de ces régions, ce que traduit<br />

leurs pratiques spécifiques 397 . En revanche, il est presque impossible de dessiner aussi<br />

clairement la frontière délimitant l’empire en Auvergne et en Aquitaine. Chaque<br />

territoire produisant sa propre limite, l’hétérogénéité des espaces de l’empire ne peut<br />

donc se traduire par l’idée que l’empire avait une frontière homogène. C’est en ce sens<br />

que la carte pointilliste permet de remplacer la ligne par des nuages de points montrant<br />

les positions Plantagenêt et capétiennes aux endroits où elles sont en contact (voir la<br />

carte 4.21).<br />

Ces cartes pointillistes présentent néanmoins l’inconvénient de devenir<br />

rapidement illisibles en cas d’accumulation des données. Elle peuvent être alors<br />

397 POWER, D. J., The Norman Frontier in the Twelfth and Early Thirteenth Centuries, 2004.<br />

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