Inventaire des procès-verbaux du Directoire - Archives nationales

PROCÈS-VERBAUX DU DIRECTOIRE, TOME I
un finlandais, onze britanniques en plus de l'ex-conventionnel Thomas Paine, dont Philemon
Pickford, établi en France depuis huit ans, propriétaire d'une filature de coton transférée de
Dourdan à Paris rue des Grecs, et signalé comme le premier introducteur des mull-jennies dans
notre pays, neuf marchands grecs, deux irlandais en plus de Wolf Tone, attaché de Hoche pour
l'expédition d'Irlande de l'an IV, et des généraux Kilmaine et O'Shée, vingt-et-un italiens, dont
Buonarroti, l'ancien babouviste, cité pour ses liens d'argent avec un de ses compatriotes, deux
norvégiens, douze citoyens de la République batave, dont Charles-Henri-Chrétien Marc,
médecin hollandais, voulant créer à Paris une fabrique de produits chimiques et
particulièrement de sel ammoniaqué, trente-trois réfugiés polonais, dont un médecin ayant
rédigé sa demande d'autorisation de résidence en latin, dix-neuf suédois, dont Monsieur de
Staël-Holstein et Roos Sven, brasseur de Stockholm, voulant faire dans cette capitale plusieurs
épreuves de bières différentes qui ont eu le plus grand succès en France, quatre-vingt dix-neuf
suisses, et enfin Louis Frémont, de Québec, autorisé à résider à Paris pour la succession de son
père.
Les négociants se disant américains (anglo-américains était le terme en usage)
comptaient visiblement parmi eux un grand nombre d'agents de la Grande-Bretagne. L'arrêté du
21 germinal par lequel la France décida de ne plus reconnaître les passeports délivrés par les
autorités des États-Unis, et celui du 15 floréal décidant d'ajourner toutes les autorisations de
résidence à Paris de citoyens américains furent pris pour des nécessités de contre-espionnage.
La vigilance exercée ainsi à l'encontre des faux américains semble ne pas s'être étendue à de
curieux citoyens d'autres pays portant des noms de famille plutôt anglais, tandis que certains
noms français pourraient désigner des agents des émigrés sous des identités étrangères
d'emprunt. Le passeport danois trouvé sur Jean-Baptiste Casteleyn, l'un des acteurs de l'affaire
des détournements de la compagnie Flachat, Laporte et Casteleyn au préjudice de l'armée
d'Italie, lors de son arrestation à Carentan (séance du 2 prairial), est un exemple de faux papiers
d'identité comme nous en avons trouvé de nombreuses références dans le groupe de la Police
générale de AF III inventorié dans les Archives du Directoire exécutif 1 .
C'est en principe du ministre de la Police générale que relèvent les affaires de police
des cultes et, plus largement, d'ordre public, quoique l'initiative ne lui revienne généralement
pas. Tel est le cas d'un dossier très fourni sur les troubles causés par les prêtres réfractaires
rentrés dans le Bas-Rhin, en pièces justificatives d'un message des Cinq-Cents du 21 ventôse
(séance du Directoire du même jour 2 ). Ces affaires sont regroupées dans l'index aux mots
Cultes et Ordre public. Citons ici une école religieuse clandestine tenue par des prêtres et des
religieuses chez le fermier Chaudron, de Grésigny-Sainte-Reine (Côte-d'Or), les suites de
l'assassinat d'un prêtre réfractaire par l'agent municipal de Cuges [-les-Pins] (Bouches-du-
Rhône) déjà évoqué dans les Archives du Directoire exécutif, ainsi que de nombreux arrêtés de
destitution de fonctionnaires coupables d'avoir favorisé les manœuvres des réfractaires. Dans la
Nièvre, c'est le secrétaire de la municipalité de Donzy qui, à l'occasion des troubles des
élections de germinal an V, est accusé d'avoir joué à la clarinette le Dies irae en même temps
que le Réveil du peuple, la Marche du Roi et Ça ne va plus, ce qui relie les troubles religieux
aux troubles politiques et nous permet d'appeler l'attention du lecteur sur les affaires
d'agitations liées aux élections, par exemple à Rennes, à Mortagne-au-Perche et à Orange.
Le dossier de la séance du Directoire du 30 germinal comprend, avec l'arrêté
d'approbation, les pièces de compte des dépenses secrètes du ministre de la Police générale du
20 frimaire au 30 germinal, avec bordereaux des dépenses, par ordre chronologique, et reçus
signés par les bénéficiaires, en majorité des agents de police chargés de la surveillance des
faubourgs de Paris, ainsi que celles des dépenses secrètes du bureau central de Paris de
1 La rubrique Faux de l'index donne d'autres exemples significatifs, parmi lesquels on citera des faux congés
militaires pour des émigrés rentrant clandestinement, ou les révélations d'un faussaire sur les procédés de report
de signatures d'un papier à un autre à l'occasion de la découverte d'un faux arrêté du Directoire.
2 On trouvera, au tome II, un message du Directoire aux Cinq-Cents du 3 messidor an V sur les prêtres, complété,
comme celui-ci, d'un grand nombre de pièces justificatives sur les agissements des prêtres réfractaires dans les
départements.