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Les domestiques sénégalaises au Maroc : Un travail servile entre ...

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07_LANZA-2.qxd 27/04/2011 21:43 Page 21<br />

LES DOMESTIQUES SÉNÉGALAISES AU MAROC 21<br />

Malgré les fréquentes arnaques dans le paiement des salaires, malgré<br />

les m<strong>au</strong>vais traitements subis, la raison la plus fréquente de fuite est une<br />

bagarre, plus violente, déclenchée par l’employeuse. <strong>Les</strong> raisons de ces<br />

conflits sont presque toujours les mêmes : l’accusation de vol et le fait de<br />

répondre à « madame » :<br />

« un jour, il y a les trav<strong>au</strong>x derrière la maison, tu sais quand il y a les trav<strong>au</strong>x il<br />

y a be<strong>au</strong>coup de poussière… Je fais tout le ménage mais, quand elle r<strong>entre</strong>, elle me<br />

dit : “tu n’as pas fait le ménage.” Moi j’ai dit que j’avais tout bien fait, que je<br />

<strong>travail</strong>le avec le cœur, je ne <strong>travail</strong>le pas comme ça. Elle a commencé à<br />

m’insulter…. Elle a même appelé <strong>au</strong> Sénégal [chez l’intermédiaire] en disant<br />

Moussou est impolie ! Quand je parle, elle parle ! » (Moussou).<br />

« La cuisine était pleine, elle a amené 20 poulets, il fallait les laver, les nettoyer<br />

et tout. J’ai regardé l’heure, c’était 23 heures. Elle m’a dit : “Adama, après que tu<br />

finis ça il f<strong>au</strong>t descendre prendre les patates”… Moi je n’ai pas parlé. Elle m’a dit :<br />

“Adama, pourquoi si je parle tu ne réponds pas ?” Moi j’ai dit : “parce que depuis<br />

7 heures, quand je me suis réveillée, je ne me suis jamais assise, même pour<br />

manger. Je suis très fatiguée”. Elle m’a dit : “pourquoi si je parle tu parles ?” Elle<br />

m’a fait comme ça, m’a donné un coup. Moi j’ai dit : “Fatima Zahara, il f<strong>au</strong>t faire<br />

doucement. Tu ne peux pas me frapper”. Elle m’a dit : “ce n’est pas son problème”.<br />

Et m’a crié : “Sors ! Va dans ta chambre !”» (Adama).<br />

« Elle m’a dit : “Amina ! Qu’est-ce que tu fais !” Et m’a giflée ici. Ce jour-là<br />

je lui ai rendu la gifle. Elle a rougi, m’a dit : “comment tu oses me toucher”… moi<br />

j’ai dit : “je ne suis pas un âne qu’on tape, moi je suis là pour <strong>travail</strong>ler, je fais tout<br />

à la maison…je peux tout digérer. Tes insultes, tes sales mots… mais pour<br />

taper…non” » (Amina).<br />

Parmi tous les récits des brutalités ordinaires, certains justement par<br />

leur violence, sortent de l’ordinaire :<br />

« Elle m’a dit : “maintenant tu vas sortir de chez moi”. J’ai dit : “comme tu veux”.<br />

Et je ne connaissais personne, elle ne voulait même pas que je connaisse mon<br />

ambassade. Elle m’a chassée de la maison. Elle est rentrée dans la maison, elle a pris<br />

mes affaires et les a jetées dans la pluie. Et j’ai quitté. Et il y avait un grand chien làbas.<br />

Ce chien, c’est moi qui l’avais élevé. Son fils l’avait amené de la Russie. C’est<br />

moi qui lui donnais à manger, qui faisait tout ! Quand le chien était malade, il était<br />

toujours à côté de moi. Il me tenait compagnie. Où j’étais, il était. Le jour qu’elle m’a<br />

chassée le chien était gros ! Si tu le vois comme ça tu vas fuir. Ce jour-là elle crié :<br />

“Wolf ! Wolf ! Attaque Amina !” Moi je n’oublierai jamais. “Attaque !” Wolf, il est<br />

venu, il savait que je pleurais, il est venu tout près de moi et il me regardait. Parce que<br />

le chien est fidèle, moi je l’ai caressé. Elle continuait à crier : “Imbécile ! Moi je te dis<br />

d’attaquer et tu n’attaques pas !” Après je suis sortie. Sortant devant la porte là… je ne<br />

connaissais personne, je ne connaissais nulle part. Je ne savais même pas où était le<br />

Sénégal. J’ai fermé la porte… et j’ai pleuré, j’ai pleuré… j’ai dit le bon Dieu, je suis<br />

là, je suis dans un pays où je n’ai pas de maman, de papa, de frère, de sœur… je ne<br />

connaissais personne » (Aminata).

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