Les domestiques sénégalaises au Maroc : Un travail servile entre ...
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D’UNE AFRIQUE À L’AUTRE<br />
« Des fois on termine le <strong>travail</strong> et on reste comme ça, on n’allume pas la télé,<br />
parce qu’elle ne veut pas. Sortir ? Tu peux rester deux mois, et tu sors une seule<br />
fois. Si tu sors, tu pars avec les gardiens. Tu fais une heure <strong>au</strong> marché,<br />
accompagnée, et après tu dois r<strong>entre</strong>r. Avant de fuir de la maison, elle est partie en<br />
voyage en Arabie Saoudite et on est restées nous seules à la maison. Il y avait<br />
l’anniversaire d’une copine à nous, on lui avait demandé de sortir et aller là-bas,<br />
mais elle a dit non, qu’on ne pouvait pas partir, qu’on devait rester à la maison. Elle<br />
ne veut pas qu’on sorte et qu’on rencontre d’<strong>au</strong>tres Sénégalais » (Umi).<br />
La gestion des salaires est un <strong>au</strong>tre volet de ce rapport de domination. En<br />
général, le salaire ne dépasse pas 1 000 dh par mois (la moyenne est plutôt à<br />
800 dh), mais trop souvent le salaire n’est même pas donné. L’employeuse<br />
propose souvent de s’occuper de la gestion de l’argent, de donner un petit<br />
revenu à la <strong>travail</strong>leuse et d’envoyer le reste à la famille <strong>au</strong> Sénégal ou de le<br />
lui garder jusqu’à son départ. Be<strong>au</strong>coup de <strong>domestiques</strong> ont été arnaquées, ne<br />
recevant qu’une partie, voire rien de l’argent qui leur appartenait :<br />
« Pour le paiement, on était d’accord pour 50 000 FCA (800 dh) par mois. Je<br />
suis restée chez elle deux ans. L’argent que j’ai pris c’est 240 000 FCA (2 400 dh)<br />
que j’ai envoyé les premiers mois. Le reste est avec elle. Le jour que mon contrat<br />
est fini, elle m’a frappé et jusqu’à présent mon argent reste avec elle. Elle m’a<br />
dérobée. J’ai laissé, je n’ai pas réclamé » (Nogaye).<br />
« Nous étions deux Sénégalaises à <strong>travail</strong>ler à la maison. L’<strong>au</strong>tre s’appelait<br />
Lena. Après que j’ai <strong>travail</strong>lé un mois, je voulais demander mon argent. Avant j’ai<br />
demandé à l’<strong>au</strong>tre fille. Parce que moi j’ai laissé ma mère, ma famille là-bas, tous...<br />
Quand je <strong>travail</strong>lais <strong>au</strong> Sénégal, j’aidais mes parents. L’<strong>au</strong>tre femme sénégalaise me<br />
dit : “moi je ne fais pas comme ça. Parce que si c’est un mois, ce n’est pas<br />
be<strong>au</strong>coup, je vais gâcher mon argent, alors je le retire chaque trois mois et je le<br />
dépose”. Moi j’ai dit : “ce n’est pas grave, je vais faire comme toi”. Après trois<br />
mois, j’ai dit : “Leila, maintenant c’est trois mois, là je veux mon argent pour le<br />
déposer et aider mes parents”. Elle me dit : “attends demain, que je vais partir pour<br />
retirer ton argent”. [...] Je ne connaissais personne <strong>au</strong> <strong>Maroc</strong>, je restais à la maison<br />
toujours, avec l’<strong>au</strong>tre Sénégalaise. Même elle n’a pas été payée. Comme moi, moi<br />
j’ai fait trois ans et quatre mois, elle a fait trois ans et cinq mois. Sans être payées.<br />
Je suis restée là, fatiguée, j’ai souffert be<strong>au</strong>coup, be<strong>au</strong>coup, be<strong>au</strong>coup... » (Marie).<br />
« Elle m’a dit : “tout ce que tu as <strong>travail</strong>lé, moi je ne te le paie pas. Tu vas<br />
r<strong>entre</strong>r <strong>au</strong> Sénégal sans rien”. Elle a allumé la voiture et elle est partie chez sa<br />
maman avec le ch<strong>au</strong>ffeur. Moi <strong>au</strong>ssi alors je suis sortie de la maison. J’avais 200<br />
dh. Je ne connaissais personne ici. Je suis partie à l’ambassade mais c’était fermé,<br />
c’était dimanche. Lundi c’était férié <strong>au</strong> Sénégal, mardi <strong>au</strong> <strong>Maroc</strong>. J’ai attendu<br />
jusqu’à mercredi, j’ai passé trois jours dans la rue » (Goné).