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Place de la Concorde - Apophtegme

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Promena<strong>de</strong> anecdotique au Faubourg du Roule<br />

<strong>P<strong>la</strong>ce</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong><br />

VIIIe Arrondissement. Située entre le jardin <strong>de</strong>s Tuileries, les Champs- Élysées, le pont<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong> et <strong>la</strong> rue Royale. Longueur 360 m; <strong>la</strong>rgeur 110 m.<br />

Cette belle p<strong>la</strong>ce, commencée en 1757, inaugurée en 1763 fut terminée en 1772.<br />

Appelée p<strong>la</strong>ce Louis-XV à l'origine, p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> <strong>la</strong> Révolution en 1792, p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

Concor<strong>de</strong> en 1795, puis à nouveau Louis-XV, en 1814, Louis-XVI en 1826, (on en voit<br />

encore l’inscription à l'angle <strong>de</strong> <strong>la</strong> rue Boissy-d'Ang<strong>la</strong>s); Louis-XV en 1828, elle a repris<br />

en 1830 son nom <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong>.<br />

Elle fut concédée à <strong>la</strong> Ville en 1828 à charge par elle <strong>de</strong> pourvoir à son entretient et<br />

à son embellissement.<br />

On doit sa création, nous dit Jacques Hil<strong>la</strong>iret (cf. Sources), à une statue <strong>de</strong> Louis XV,<br />

le «Bien-Aimé», “que le prévôt <strong>de</strong>s marchands et les échevins <strong>de</strong> Paris commandèrent,<br />

en 1748, à Bouchardon pour fêter le rétablissement du roi après <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die dont il avait<br />

été atteint à Metz”.<br />

Cette belle statue appe<strong>la</strong>it un non moins bel emp<strong>la</strong>cement;<br />

Boffrand proposa le carrefour Buci;<br />

Servandoni, <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce Dauphine; Soufflot, <strong>la</strong> cour du<br />

Carrousel, et le poète Gresset souhaita <strong>la</strong> voir<br />

couronner le sommet <strong>de</strong> <strong>la</strong> «colonne astrologique» <strong>de</strong><br />

Catherine <strong>de</strong> Médicis érigée rue <strong>de</strong> Viarmes.<br />

La désignation <strong>de</strong> l’emp<strong>la</strong>cement où l’on dresserait<br />

<strong>la</strong> statue fit l'objet d'un concours auquel participèrent<br />

Boffrand, Lassurance, Tannevot, Aubry; ce fut le projet<br />

<strong>de</strong> Gabriel qui l'emporta sur ceux <strong>de</strong> 18 concurrents. Ce<br />

projet comportait l'utilisation d'une vaste esp<strong>la</strong>na<strong>de</strong><br />

1


Promena<strong>de</strong> anecdotique au faubourg du Roule<br />

hors <strong>de</strong> Paris, véritable fondrière, située entre le jardin <strong>de</strong>s Tuileries et les entrées <strong>de</strong>s<br />

Champs-Élysées et du Cours-<strong>la</strong>-Reine. Une clôture en hémicycle <strong>la</strong> délimitait vaguement<br />

du côté ouest; on y accédait, soit par le quai, soit par le chemin <strong>de</strong>s Fossés-<strong>de</strong>s-Tuileries<br />

(rue Royale), soit par le Pont-Tournant constituant <strong>la</strong> sortie occi<strong>de</strong>ntale du jardin <strong>de</strong>s<br />

Tuileries. C’était le royaume, <strong>de</strong>s voleurs, <strong>de</strong>s filles perdues, <strong>de</strong>s hors-<strong>la</strong>-loi.<br />

<strong>P<strong>la</strong>ce</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong> par Alexandre-Jean Noël (1752-1834)<br />

A cette époque, le pont <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong> et <strong>la</strong> rue <strong>de</strong> Rivoli n'existaient pas, <strong>la</strong> rue<br />

Royale n'était qu'une piste fangeuse <strong>de</strong>scendant vers <strong>la</strong> Seine, et les Champs-Élysées,<br />

qu'une percée, bordée d'arbres, conduisant, à travers <strong>de</strong>s cultures maraîchères, aux<br />

maisonnettes <strong>de</strong>s bûcherons <strong>de</strong> Chaillot; seuls le quai et le Cours-<strong>la</strong>-Reine qui constituaient<br />

le début <strong>de</strong> <strong>la</strong> route <strong>de</strong> Versailles connaissaient quelque animation.<br />

Le roi mit à <strong>la</strong> disposition <strong>de</strong> <strong>la</strong> Ville, le 25 juin 1757, cet emp<strong>la</strong>cement, dont <strong>la</strong> moitié<br />

nord était occupée par le Dépôt <strong>de</strong>s marbres du roi, afin que Gabriel l'aménageât pour<br />

mettre à son centre <strong>la</strong> statue équestre <strong>de</strong> Louis XV.<br />

En 1772, <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce Louis-XV était terminée. Elle avait <strong>la</strong> forme d'un octogone bordé<br />

par un fossé <strong>de</strong> près <strong>de</strong> 20 mètres <strong>de</strong> <strong>la</strong>rge que six ponts <strong>de</strong> pierre franchissaient et qu'entourait<br />

une balustra<strong>de</strong> <strong>de</strong> pierre. Aux huit angles, un petit pavillon contenait l'escalier<br />

permettant <strong>de</strong> <strong>de</strong>scendre aux fossés aménagés en parterres <strong>de</strong> fleurs et <strong>de</strong> verdure.<br />

Gabriel avait prévu <strong>de</strong> surmonter chacun d'eux <strong>de</strong> groupes allégoriques symbolisant<br />

les vertus <strong>de</strong> Louis XV, à savoir : Jupiter et <strong>la</strong> Clémence, Apollon et <strong>la</strong> Poésie, Minerve<br />

et l'Étu<strong>de</strong>, Mercure et <strong>la</strong> Richesse, Cérès<br />

et le Travail, Hercule et <strong>la</strong> Modération,<br />

Mars et <strong>la</strong> Justice et, enfin, Neptune et<br />

<strong>la</strong> Fortune.<br />

L'intérieur <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce fut divisé, en<br />

1776, en quatre compartiments <strong>de</strong> gazon<br />

entourés <strong>de</strong> barrières peintes en vert; au<br />

centre, s'élevait <strong>la</strong> statue faite par<br />

Bouchardon. Sur un pié<strong>de</strong>stal, édifié par<br />

Chalgrin, on voyait le «vainqueur <strong>de</strong><br />

2


<strong>P<strong>la</strong>ce</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong><br />

Fontenoy noblement p<strong>la</strong>cé à<br />

cheval avec ce visage <strong>de</strong><br />

bonté et <strong>de</strong> clémence qui le<br />

caractérisait» ; il était vêtu à<br />

<strong>la</strong> romaine, coiffé d'un<br />

catogan et couronné <strong>de</strong> <strong>la</strong>uriers;<br />

aux quatre angles du<br />

pié<strong>de</strong>stal, quatre statues <strong>de</strong><br />

bronze, œuvre <strong>de</strong> Pigalle,<br />

représentaient «les vertus<br />

qui le faisaient régner sur<br />

les cœurs» : <strong>la</strong> Force, <strong>la</strong><br />

Justice, <strong>la</strong> Pru-<strong>de</strong>nce et <strong>la</strong><br />

Paix.<br />

La statue fut dévoilée<br />

<strong>P<strong>la</strong>ce</strong> Louis XV et Champs-Élysées<br />

le 20 juin 1763; mais<br />

<strong>de</strong>puis longtemps Louis<br />

XV ne régnait plus sur les cœurs ; aussi pouvait-on voir, quelques jours après, une<br />

pancarte accrochée au cou du cheval avec cette inscription:<br />

Oh ! <strong>la</strong> belle statue ! Oh! le beau pié<strong>de</strong>stal!<br />

Les Vertus sont à pied, le Vice est à cheval.<br />

Le 30 mai 1770, un magnifique feu d'artifice fut tiré sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce Louis-XV en<br />

l'honneur du mariage du dauphin Louis et <strong>de</strong> l'archiduchesse d'Autriche, Marie-<br />

Antoinette, célébré le 16 précé<strong>de</strong>nt. La p<strong>la</strong>ce n'avait d'autre débouché vers Paris que <strong>la</strong><br />

rue Royale, alors inachevée, et c'est par celle-ci qu'arrivèrent les carrosses <strong>de</strong>s gens <strong>de</strong><br />

qualité et le flot popu<strong>la</strong>ire qui s'était <strong>la</strong>rgement abreuvé en cours <strong>de</strong> route aux fontaines<br />

d'où cou<strong>la</strong>it du vin.<br />

Une fusée mal dirigée tomba sur les<br />

pièces d'artifices <strong>de</strong>stinées au bouquet qui<br />

brû<strong>la</strong> sur p<strong>la</strong>ce, créant un véritable incendie<br />

dans <strong>la</strong> charpente d'un temple <strong>de</strong> l'Hymen<br />

édifié pour <strong>la</strong> circonstance.<br />

Une effroyable panique s'ensuivit, entraînant<br />

l'écroulement <strong>de</strong> quelques échafaudages<br />

surchargés, <strong>la</strong> chute et l'étouffement dans les<br />

fossés et dans <strong>la</strong> rue Royale d'un grand<br />

nombre <strong>de</strong> badauds.<br />

On compta 133 morts que l’on transporta<br />

dans les couvents <strong>de</strong>s Capucins, <strong>de</strong> l'Assomption et <strong>de</strong> <strong>la</strong> Conception pour i<strong>de</strong>ntification<br />

avant <strong>de</strong> les inhumer au cimetière <strong>de</strong> <strong>la</strong> Ma<strong>de</strong>leine (cf. rue d'Anjou). (Un inci<strong>de</strong>nt<br />

semb<strong>la</strong>ble en<strong>de</strong>uillera <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce lors du feu d'artifice tiré, le 29 juillet 1844, sur le quai,<br />

face à <strong>la</strong> Chambre <strong>de</strong>s députés, pour commémorer <strong>la</strong> révolution <strong>de</strong> 1830; on releva alors<br />

<strong>de</strong>ux morts et une quinzaine <strong>de</strong> blessés.)<br />

3<br />

1770 Feu d’artifice tragique


Chassée <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce Vendôme, <strong>la</strong><br />

foire Saint-Ovi<strong>de</strong>, s'instal<strong>la</strong> sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce<br />

Louis-XV en 1771. Des boutiques,<br />

ornées d'une décoration uniforme, en<br />

faisaient le tour, précédées d’une<br />

galerie-promenoir. Cette foire, célèbre<br />

par le grand nombre <strong>de</strong> ses marchands et<br />

<strong>de</strong> ses jeux forains durait un mois, du 15<br />

août au 15 septembre. Elle prit fin dans<br />

<strong>la</strong> nuit du 22 au 23 septembre 1777, un<br />

incendie ayant dévoré ses baraques.<br />

La p<strong>la</strong>ce Louis XV resta longtemps<br />

une entrée <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville à l'écart du mou-<br />

vement <strong>de</strong> <strong>la</strong> capitale. Aussi le comte d'Artois y donna-t-il, en 1788, à Marie-Antoinette<br />

qui, pour ses séjours à Paris, s'était fait réserver un pied-à-terre dans le Gar<strong>de</strong>-meuble<br />

(ministère <strong>de</strong> <strong>la</strong> marine), le spectacle d'une chasse à courre d'un chevreuil amené <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

forêt <strong>de</strong> Villers-Cotterets; <strong>la</strong> curée aux f<strong>la</strong>mbeaux eut lieu à l'entrée du jardin <strong>de</strong>s<br />

Tuileries, au Pont-Tournant.<br />

C’est dans le Jardin <strong>de</strong>s Tuileries, ouvrant sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce<br />

Louis XV, que débuta l'aérostation, avec l’expérience <strong>de</strong>s<br />

frères Montgolfier, le 21 novembre 1783, lors du vol <strong>de</strong><br />

leur ballon dont <strong>la</strong> nacelle emporta Jean-François Pilâtre<br />

<strong>de</strong> Rozier et le Marquis d'Ar<strong>la</strong>n<strong>de</strong>s.<br />

L’exploit fut renouvelé dix jours plus tard, le 1 er<br />

décembre 1783 lorsque Jacques Charles et Marie-Noël<br />

Robert volèrent au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>s jardins <strong>de</strong>s Tuileries avec<br />

un ballon à gaz, rempli à l'hydrogène.<br />

Gabriel construisit sur le côté nord <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong>ux<br />

grands pa<strong>la</strong>is jumeaux (1760-1775) inspirés <strong>de</strong> <strong>la</strong> colonna<strong>de</strong><br />

du Louvre <strong>de</strong> Perrault ; ils <strong>de</strong>vaient être affectés au<br />

logement <strong>de</strong>s ambassa<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> distinction, mais ce projet<br />

Tuileries Mongolfière (1783)<br />

Promena<strong>de</strong> anecdotique au faubourg du Roule<br />

n'eut pas <strong>de</strong> suite. Ces <strong>de</strong>ux pa<strong>la</strong>is, <strong>de</strong> 96 mètres <strong>de</strong> long<br />

sur 25 <strong>de</strong> haut, présentent en faça<strong>de</strong> sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce un<br />

portique <strong>de</strong> douze colonnes d'ordre corinthien posées sur un soubassement; à chaque<br />

extrémité, un pavillon d'angle forme<br />

un avant-corps dont le fronton triangu<strong>la</strong>ire<br />

est orné <strong>de</strong> trophées allégoriques<br />

remarquables par leur finesse. Divers<br />

aménagements donnèrent à <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce sa<br />

physionomie actuelle: achèvement du<br />

pont <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong> sous <strong>la</strong><br />

Révolution (1790), érection <strong>de</strong>s<br />

«Chevaux <strong>de</strong> Marly» œuvre <strong>de</strong><br />

Coustou représentant <strong>de</strong>s chevaux<br />

4<br />

Foire Saint-Ovi<strong>de</strong><br />

Pa<strong>la</strong>is <strong>de</strong> Gabriel


<strong>P<strong>la</strong>ce</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong><br />

Chevaux <strong>de</strong> Marly par Coustou<br />

numi<strong>de</strong>s domptés par <strong>de</strong>s Africains, en provenance <strong>de</strong> l’abreuvoir du château <strong>de</strong> Marly,<br />

que l’on p<strong>la</strong>ça, sur l'initiative <strong>de</strong> David, à l'entrée <strong>de</strong>s Champs-Élysées (1794). Selon<br />

Hil<strong>la</strong>iret, ces chevaux sont <strong>la</strong> propriété <strong>de</strong> <strong>la</strong> Ville, mais ceux <strong>de</strong> Coysevox, mis en p<strong>la</strong>ce<br />

en 1719, à l'entrée <strong>de</strong>s Tuileries sont celle <strong>de</strong> l'État; aussi ne sont-ils jamais nettoyés en<br />

même temps.<br />

Ce fut en 1802, sous le règne <strong>de</strong> Napoléon Ier, que l’on commença <strong>de</strong> bâtir <strong>la</strong> rue <strong>de</strong><br />

Rivoli soumise à une architecture imposée par les lettres patentes du 21 juin 1757 et du<br />

30 octobre 1758 re<strong>la</strong>tive à <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce Louis XV et à ses abords. Sous celui <strong>de</strong> Louis-<br />

Philippe, on édifia <strong>de</strong> 1836 à 1840, les huit petits pavillons d'angle surmontés <strong>de</strong>s statues<br />

symbolisant les gran<strong>de</strong>s villes <strong>de</strong> France, projet datant <strong>de</strong> 1795. Deux d'entre elles, celles<br />

<strong>de</strong> Lille et <strong>de</strong> Strasbourg, sont l'œuvre <strong>de</strong> Pradier. On mit en p<strong>la</strong>ce, en outre, vingt<br />

colonnes rostrales, <strong>de</strong>s <strong>la</strong>mpadaires et <strong>de</strong>s candé<strong>la</strong>bres, <strong>de</strong> même que <strong>de</strong>ux fontaines-jets<br />

d'eau, œuvre <strong>de</strong> Hittorf, imitées <strong>de</strong> celles <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce Saint-Pierre <strong>de</strong> Rome, et enfin on<br />

érigea l'obélisque <strong>de</strong> Louqsor en 1836.<br />

A cette époque, <strong>la</strong> construction du pont Louis-XV (<strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> Concor<strong>de</strong>) venait d'être commencée. Le 11 août 1792, <strong>la</strong><br />

statue <strong>de</strong> Louis XV fut renversée et envoyée à <strong>la</strong> fonte.<br />

Quelques mois après, une statue colossale <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

Liberté, œuvre <strong>de</strong> François Lemot (1771-1827), en<br />

maçonnerie et plâtre, colorée en bronze, coiffée du bonnet<br />

rouge, <strong>la</strong> <strong>la</strong>nce à <strong>la</strong> main, et assise sur le pié<strong>de</strong>stal <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

statue <strong>de</strong> Louis XV, <strong>la</strong> remp<strong>la</strong>ça sur son socle.<br />

«Liberté, Liberté! que <strong>de</strong> crimes on commet en ton<br />

nom!», dira un peu plus tard Mme Ro<strong>la</strong>nd en <strong>la</strong> regardant<br />

avant <strong>de</strong> monter sur l'échafaud.<br />

On projeta, en mai 1794, <strong>de</strong> remp<strong>la</strong>cer cette statue,<br />

fendillée et craquelée, par un faisceau <strong>de</strong> 83 baguettes (une<br />

par département) ayant en son centre un mât portant un<br />

La Liberté par Lemot (étu<strong>de</strong>)<br />

5


Promena<strong>de</strong> anecdotique au faubourg du Roule<br />

L'exécution <strong>de</strong> Louis XVI en 1793<br />

immense drapeau tricolore, mais, finalement, en 1799, Peyre restaura l'ancienne; le<br />

globe qu'elle portait dans <strong>la</strong> main droite contenait un nid <strong>de</strong> tourterelles lorsqu'en juin<br />

1800 le Premier consul <strong>la</strong> fit enlever, ordre que les initiés interprêtèrent comme un<br />

sinistre présage.<br />

Le centre <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce étant <strong>de</strong>venu libre, Napoléon I er pensa y mettre une «Colonne<br />

nationale». Sa première pierre fut posée le 14 juillet 1800, mais ce projet resta sans suite.<br />

L'empereur songea alors à une statue <strong>de</strong> Charlemagne (1802), puis à une fontaine (1811).<br />

Louis XVIII projeta un monument commémoratif <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort <strong>de</strong> Louis XVI : dalle noire,<br />

chapelle et saule pleureur, puis <strong>la</strong> seule statue <strong>de</strong> Louis XVI dont Charles X posa <strong>la</strong><br />

première pierre le 3 mai 1826; mais à <strong>la</strong> révolution <strong>de</strong> juillet 1830, le pié<strong>de</strong>stal seul était<br />

terminé. Enfin, en 1836, on mit en p<strong>la</strong>ce l’obélisque.<br />

L'obélisque <strong>de</strong> Louqsor constitue le plus vieux <strong>de</strong>s monuments <strong>de</strong> Paris puisqu'il date<br />

<strong>de</strong> Ramsès II (XIII e siècle avant J.-C.). Offert en 1831 par Méhemet-Ali à Louis-<br />

Philippe, celui-ci le fit ériger, le 25 octobre 1836, à son emp<strong>la</strong>cement actuel, ce qui mit<br />

fin à toutes les controverses <strong>de</strong> nature politique au sujet <strong>de</strong>s statues que l'on vou<strong>la</strong>it<br />

L'érection <strong>de</strong> l'obélisque <strong>de</strong> Louqsor le 25 octobre 1836<br />

6


<strong>P<strong>la</strong>ce</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong><br />

édifier à cet endroit-là. La mise en p<strong>la</strong>ce<br />

<strong>de</strong> ce bloc <strong>de</strong> 220.000 kilos fut assurée,<br />

non sans peine, par l'ingénieur Lebas en<br />

présence <strong>de</strong> Louis-Philippe et d'une foule<br />

considérable (inscription). Le socle <strong>de</strong><br />

l'obélisque portait, sur <strong>de</strong>ux faces, un<br />

groupe <strong>de</strong> cynocéphales adorant le dieu<br />

Râ. Quatre d'entre eux, exhibant sans<br />

pu<strong>de</strong>ur leur nature généreuse, furent soustraits<br />

à <strong>la</strong> curiosité popu<strong>la</strong>ire et relégués<br />

par une Administration pudibon<strong>de</strong>, dans<br />

une salle <strong>de</strong>s antiquités égyptiennes du<br />

musée du Louvre.<br />

Enfin, en 1852, sous le règne <strong>de</strong><br />

Napoléon III, les fossés, que les “déserteurs<br />

du chemin <strong>de</strong>s dames” et les prosti- Guillotine <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong><br />

tuées utilisaient comme lieu <strong>de</strong> ren<strong>de</strong>zvous<br />

nocturnes, furent comblés et il ne reste d'eux que leurs balustra<strong>de</strong>s.<br />

Haussmann tenta d'enlever <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce l'obélisque et les fontaines afin <strong>de</strong> lui rendre<br />

l'ordonnance qu'avait voulu lui donner Gabriel, mais ce fut là un <strong>de</strong>s rares points sur<br />

lequel ses conceptions ne furent pas couronnées <strong>de</strong> succès. (J.H.)<br />

Pério<strong>de</strong> révolutionnaire<br />

La guillotine, alors installée dans <strong>la</strong> cour du Carrousel, fit sa première apparition<br />

sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> <strong>la</strong> Révolution en octobre et novembre 1792 pour décapiter, <strong>de</strong>vant l'emp<strong>la</strong>cement<br />

<strong>de</strong> leur forfait, les auteurs <strong>de</strong>s vols <strong>de</strong>s bijoux <strong>de</strong> <strong>la</strong> Couronne conservés au<br />

Gar<strong>de</strong>-meuble (ministère <strong>de</strong> <strong>la</strong> marine). Elle fit sa secon<strong>de</strong> apparition le 21 janvier<br />

1793, pour décapiter Louis XVI.<br />

Le roulement <strong>de</strong> tambours qui<br />

couvrit <strong>la</strong> voix du roi aurait été<br />

commandé par le révolutionnaire<br />

Louis <strong>de</strong> Beaufranchet d'Ayat,<br />

ancien page royal, bâtard <strong>de</strong><br />

Louis XV et <strong>de</strong> <strong>la</strong> danseuse<br />

Morphise, donc <strong>de</strong>mi-oncle <strong>de</strong><br />

Louis XVI.<br />

Du 11 mai 1793 au 9 juin<br />

1794, soit pendant treize mois,<br />

elle fonctionna sans discontinuité,<br />

érigée entre <strong>la</strong> statue <strong>de</strong> <strong>la</strong> Liberté<br />

et le Pont-Tournant (entrée du jardin<br />

<strong>de</strong>s Tuileries). C’est là que<br />

Marie-Antoinette fut suppliciée le<br />

16 octobre 1793. En tournée, elle<br />

La <strong>de</strong>rnière charrette<br />

fut installée trois jours durant<br />

7


Promena<strong>de</strong> anecdotique au faubourg du Roule<br />

p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> <strong>la</strong> Bastille, puis p<strong>la</strong>ce du Trône-Renversé (<strong>de</strong> <strong>la</strong> Nation), revint ici (pour <strong>de</strong>ux<br />

jours) après le 9 thermidor (27 juillet 1794) pour l'exécution <strong>de</strong>s amis <strong>de</strong> Robespierre,<br />

puis une <strong>de</strong>rnière fois, en mai 1795, pour celle <strong>de</strong>s émeutiers du 1er prairial.<br />

Le nombre <strong>de</strong>s personnes qui furent décapitées à Paris pendant <strong>la</strong> Révolution doit<br />

être <strong>de</strong> 2498, dont 1119 p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong>, 73 p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> <strong>la</strong> Bastille et 1306 p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

Nation.<br />

Citons parmi celles qui furent suppliciées p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong>:<br />

Louis XVI, Marie-Antoinette, le girondin Brissot <strong>de</strong> Warville, et les <strong>de</strong>rniers montagnards,<br />

Philippe Égalité, Mme<br />

Ro<strong>la</strong>nd, <strong>la</strong> comtesse du Barry,<br />

Hébert, Charlotte Corday,<br />

Danton, Lamoignon <strong>de</strong><br />

Malesherbes, Lavoisier, Mme<br />

Elisabeth, Robespierre, Saint-<br />

Just, etc.<br />

Elles furent inhumées au cimetière<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> Ma<strong>de</strong>leine (cf. rue<br />

d'Anjou), puis à celui <strong>de</strong>s<br />

Errancis (cf. p<strong>la</strong>ce Prosper-<br />

Marie Antoinette Goubaux).<br />

Louis XVI<br />

Charlotte Corday Lamoignon <strong>de</strong> Malesherbes<br />

Madame Ro<strong>la</strong>nd<br />

Brissot <strong>de</strong> Warville<br />

8<br />

Philippe-Égalité<br />

Comtesse du Barry


Jacques-René Hébert<br />

Lavoisier<br />

<strong>P<strong>la</strong>ce</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong><br />

Autres guillotinés célèbres<br />

Saint-Just<br />

Madame Elisabeth<br />

Marie-Antoinette sur l’échafaud<br />

9<br />

Danton<br />

Robespierre


Promena<strong>de</strong> anecdotique au faubourg du Roule<br />

N° 2 : Dès son achèvement, cet hôtel fut affecté au Gar<strong>de</strong>-meuble <strong>de</strong> <strong>la</strong> Couronne<br />

administré par le savant Fontanieu <strong>de</strong> Villecourt qui y mourut en 1784. Son successeur,<br />

Thierry <strong>de</strong> Ville-d'Avray, premier valet <strong>de</strong> chambre <strong>de</strong> Louis XVI, s'y instal<strong>la</strong> somptueusement<br />

et y ménagea un petit appartement comme pied-à-terre pour Marie-<br />

Antoinette lorsqu'elle aurait sujet <strong>de</strong> venir à Paris. (C'est <strong>de</strong>s fenêtres <strong>de</strong> cet appartement<br />

que les commissaires désignés pour assister à <strong>la</strong> décapitation <strong>de</strong> <strong>la</strong> reine assistèrent à<br />

celle-ci le 16 octobre 1793).<br />

Lorsque <strong>la</strong> Cour regagna Paris après les journées <strong>de</strong>s 5 et 6 octobre 1789, Thierry <strong>de</strong><br />

La Ville-d'Avray offrit l'hospitalité <strong>de</strong> sa <strong>de</strong>meure au comte <strong>de</strong> La Luzerne <strong>de</strong> Beuzeville,<br />

ministre <strong>de</strong> <strong>la</strong> marine. Celui-ci s'instal<strong>la</strong> provisoirement, le 26 décembre 1789, dans l'aile<br />

bordant <strong>la</strong> rue Royale, occupation qui, <strong>de</strong>puis, n'a jamais cessé. Dans les nuits <strong>de</strong>s 10,<br />

11, 12, 13 et 16 septembre 1792, <strong>de</strong>s vols inouïs furent commis au Gar<strong>de</strong>-meuble. Une<br />

ban<strong>de</strong> <strong>de</strong> voleurs s'empara <strong>de</strong> tous les diamants <strong>de</strong> <strong>la</strong> Couronne, y compris le «Régent».<br />

Sur 17 individus qui furent jugés, 5 furent acquittés et 12 condamnés à mort, dont 5<br />

furent exécutés entre les 13 octobre et 3 novembre.<br />

On ne retrouva qu'une faible partie <strong>de</strong>s bijoux dérobés: le Régent, sous un tas <strong>de</strong><br />

gravats avenue Montaigne; le Diamant Bleu à cinq pans, dans une mansar<strong>de</strong>; le rubis<br />

d'Anne <strong>de</strong> Bretagne, à Hambourg; d'autres chez <strong>de</strong>s recéleurs, soit pour une valeur <strong>de</strong><br />

600 à 700.000 livres, au lieu <strong>de</strong>s 2.3922.197 livres fixées par l'inventaire <strong>de</strong> 1791. Sauf<br />

certains d'entre eux, les diamants <strong>de</strong> <strong>la</strong> Couronne firent ultérieurement, au pavillon <strong>de</strong><br />

Flore, du 12 au 23 mai 1887, l'objet d'une vente qui rapporta 7.207.252 francs, 50 cts.<br />

Sous l'Empire, un télégraphe Chappe, communiquant en huit<br />

minutes avec Brest, fut établi sur le toit <strong>de</strong> cet hôtel, en remp<strong>la</strong>cement<br />

<strong>de</strong> celui dressé sur <strong>la</strong> tour <strong>de</strong> l'Horloge du Vieux-Louvre. On l'y voyait<br />

encore en 1818.<br />

L'amiral Decrès, ministre <strong>de</strong> <strong>la</strong> marine sous Napoléon, donna dans<br />

cet hôtel <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s fêtes; sous <strong>la</strong> Restauration, une chapelle y fut aménagée<br />

pour le tsar Alexandre 1 er, alors logé à l'hôtel Talleyrand, rue<br />

Saint-Florentin; sous Louis-Philippe, les amiraux Duperré et Mackau<br />

ordonnèrent <strong>la</strong> réfection <strong>de</strong> tous les locaux et sous Napoléon III, <strong>de</strong><br />

grands bals y furent donnés par l'amiral <strong>de</strong> Chasseloup-Laubat.<br />

10


<strong>P<strong>la</strong>ce</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong><br />

Devenu ambu<strong>la</strong>nce pendant le<br />

siège <strong>de</strong> Paris, le ministère <strong>de</strong> <strong>la</strong> marine<br />

faillit être incendié sous <strong>la</strong><br />

Commune lorsque les Fédérés établirent<br />

<strong>de</strong>s barrica<strong>de</strong>s rue Royale et p<strong>la</strong>ce<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong>. Hôtel c<strong>la</strong>ssé.<br />

N° 4, 6, 8 et 10 : Le pa<strong>la</strong>is situé à<br />

l'ouest <strong>de</strong> <strong>la</strong> rue Royale avait été, après<br />

sa construction, divisé en quatre lots<br />

qui furent vendus.<br />

N° 4 : Cet hôtel appartint d'abord à <strong>la</strong><br />

marquise <strong>de</strong> Coislin, née Mailly et cousine<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> duchesse <strong>de</strong> Châteauroux,<br />

<strong>de</strong>puis le 21 juin 1776 jusqu'à sa mort<br />

Incendies durant <strong>la</strong> Commune par Bou<strong>la</strong>nger<br />

survenue le 13 juillet 1817, alors qu'elle<br />

était presque centenaire. Lorsqu'elle<br />

habitait là, on annonça un soir chez elle le comte Wasa. «Je ne connais pas» dit-elle.<br />

«Madame, c'est le roi <strong>de</strong> Suè<strong>de</strong> qui daigne se présenter dans votre salon incognito.» «En<br />

Suè<strong>de</strong>, répliqua-t-elle, je ne sais comment on s'arrange, mais je ne reçois chez moi, à<br />

Paris, que les personnes que j'ai priées ou qui m'ont fait <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r audience.»<br />

Chateaubriand réconcilié avec sa femme, fut ici son locataire pendant <strong>de</strong>ux ans, <strong>de</strong> 1805<br />

à 1807, avant d'acheter <strong>la</strong> «Vallée-aux-Loups». Autres locataires: le baron Delmar en<br />

1819, l'architecte Molinos en 1839, le marquis <strong>de</strong> La Guiche en 1860. Le Cercle <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

rue Royale l'occupa <strong>de</strong> 1891 à 1916; il avait été, antérieurement: lors <strong>de</strong> sa fondation, en<br />

1852, rue Le Peletier, puis boulevard <strong>de</strong>s Capucines et rue Boissy-d'Ang<strong>la</strong>s. Faça<strong>de</strong>s<br />

c<strong>la</strong>ssées.<br />

N° 6 : Cet hôtel appartint, en 1775, à Rouillé <strong>de</strong> L'Estang, secrétaire du roi, trésorier<br />

général <strong>de</strong> <strong>la</strong> police. Il le céda à sa nièce, femme du chancelier Pastoret (1811), ami<br />

d'André Chénier, auquel succéda<br />

son fils, puis sa petitefille,<br />

<strong>la</strong> marquise <strong>de</strong> Plessis-<br />

Bellière qui, par testament du<br />

9 octobre 1889, le légua au<br />

pape pour qu'y soit installée <strong>la</strong><br />

nonciature. Le testament fut<br />

attaqué, <strong>de</strong>s jugements divers<br />

suivirent, finalement une<br />

transaction intervint et, en fin<br />

<strong>de</strong> compte, Léon XIII le vendit<br />

en 1901 à l'Automobile-Club,<br />

qui acheta aussi le n° 8; il se<br />

trouvait antérieurement p<strong>la</strong>ce<br />

<strong>de</strong> l'Opéra. Faça<strong>de</strong>s c<strong>la</strong>ssées.<br />

1870-1871 Siège <strong>de</strong> <strong>la</strong> Commune<br />

11


Promena<strong>de</strong> anecdotique au faubourg du Roule<br />

N° 8 : Cet hôtel appartint, en 1772, à Pierre-Louis Moreau, sieur <strong>de</strong> Manereux, architecte<br />

du roi, puis à ses filles, Mmes Lambot <strong>de</strong> Fougères et <strong>de</strong> Chézelles, et, en 1830, au<br />

notaire Péan <strong>de</strong> Saint-Gilles. Le limonadier Corraza y instal<strong>la</strong>, sous <strong>la</strong> République et<br />

l'Empire, un café dans les appartements du premier étage. Hôtel asborbé par<br />

l'Automobile-Club. Faça<strong>de</strong>s c<strong>la</strong>ssées.<br />

N° 10 : Hôtel bâti, sauf<br />

<strong>la</strong> faça<strong>de</strong>, œuvre <strong>de</strong><br />

Gabriel, par l'architecte<br />

Trouard qui le loua à vie,<br />

en 1776, au duc<br />

d'Aumont; celui-ci y<br />

mourut en mai 1782.<br />

Trouard le céda, en<br />

1788, au duc <strong>de</strong> Crillon,<br />

maréchal <strong>de</strong> camp, qui<br />

émigra. Son hôtel <strong>de</strong>vint<br />

un hôtel meublé <strong>de</strong> 1803<br />

à 1812 : c'était l'hôtel <strong>de</strong><br />

Cour<strong>la</strong>n<strong>de</strong> où l'ambassa<strong>de</strong> d'Espagne s'abrita quelque temps. Après <strong>la</strong> Restauration, l'hôtel<br />

fut réoccupé, en 1820, par <strong>la</strong> duchesse <strong>de</strong> Crillon; il appartint, en 1835, à un <strong>de</strong> ses<br />

fils, marquis <strong>de</strong> Crillon, qui le transmit à sa fille Amélie, duchesse <strong>de</strong> Polignac, <strong>la</strong>quelle<br />

le <strong>la</strong>issa à sa fille jusqu'en 1904. La Société <strong>de</strong>s grands magasins et hôtels du Louvre<br />

l'acheta en 1907 ainsi que les <strong>de</strong>ux immeubles faisant suite dans <strong>la</strong> rue Boissy-d'Ang<strong>la</strong>s.<br />

Ce fut dès lors l'hôtel meublé <strong>de</strong> Crillon. Faça<strong>de</strong>s c<strong>la</strong>ssées ainsi que le p<strong>la</strong>fond du grand<br />

salon. Les boiseries anciennes ont été vendues. A l'angle <strong>de</strong> <strong>la</strong> rue Boissy-d'Ang<strong>la</strong>s,<br />

ancienne inscription du nom <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce (p<strong>la</strong>ce Louis-XVI).<br />

12


<strong>P<strong>la</strong>ce</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong><br />

<strong>P<strong>la</strong>ce</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong> et l’Arc-<strong>de</strong>-Triomphe vus <strong>de</strong>s Tuileries (DR)<br />

13


Promena<strong>de</strong> anecdotique au faubourg du Roule<br />

1918<br />

«Le 11 novembre 1918, ce fut l’armistice <strong>de</strong> <strong>la</strong> Gran<strong>de</strong> Guerre, attirée sur nous par<br />

le désarmement, l’incurie démocratique et l’aveuglement <strong>de</strong> tous les gouvernements <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> République, auxquels cette terrible épreuve du reste, n’a pas servi. L’Action Française<br />

prit p<strong>la</strong>ce dans le vaste défilé, qui s'organisa <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> l'Étoile aux Tuileries, au<br />

milieu d'un enthousiasme délirant. Il n'yen avait que pour Clémenceau, qui faillit être<br />

étouffé et écrasé, en se rendant à une estra<strong>de</strong>, sise p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong>, non loin <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

rue Saint-Florentin.<br />

Des petites boutiques aux couleurs alsaciennes, aux noms <strong>de</strong> villes et <strong>de</strong> bourgs<br />

d'Alsace, où l'on vendait <strong>de</strong>s drapeaux et <strong>de</strong>s cocar<strong>de</strong>s, décoraient l'avenue re<strong>de</strong>venue<br />

glorieuse, que garnissaient, <strong>de</strong> chaque côté, <strong>de</strong>s<br />

centaines et <strong>de</strong>s centaines <strong>de</strong> canons et <strong>de</strong><br />

caissons, pris aux Boches par l'armée Mangin.<br />

Des avions traversaient l'air, vo<strong>la</strong>nt bas, au<br />

milieu d'acc<strong>la</strong>mations, <strong>de</strong> chants, <strong>de</strong> fanfares.<br />

C'était le débor<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> <strong>la</strong> joie, le déliement <strong>de</strong><br />

l'angoisse immense, aussi vaste que <strong>la</strong> nuit, et<br />

que l'océan. Tout avait <strong>la</strong> couleur, le goût, le<br />

tressaillement <strong>de</strong> l'aube. Un puissant espoir se<br />

levait au-<strong>de</strong>ssus du charnier le plus pathétique <strong>de</strong><br />

l'histoire mo<strong>de</strong>rne, charnier voulu par toute<br />

l’Alemagne et par toutes les créatures <strong>de</strong><br />

l'Allemagne, par malheur insuffisamment<br />

châtiées. La France bril<strong>la</strong>it, tel un beau fruit, au<br />

sommet <strong>de</strong> l'arbre dur <strong>de</strong> <strong>la</strong> dure victoire. Mais le<br />

ver, <strong>la</strong> République, restait dans le fruit. On al<strong>la</strong>it<br />

le voir. »<br />

(Léon Dau<strong>de</strong>t : Paris vécu, Rive Droite, NRF)<br />

Clémenceau à <strong>la</strong> tribune<br />

14


<strong>P<strong>la</strong>ce</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong><br />

6 février 1934<br />

Le soir du 6 février 1934, <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong> fut le théâtre d'une importante<br />

manifestation animée par l’Action Française, que <strong>la</strong> Gar<strong>de</strong> républicaine à cheval réprima<br />

durement, chargeant et tirant sur <strong>la</strong> foule pour l’empêcher d’accé<strong>de</strong>r au pont <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

Concor<strong>de</strong> et <strong>de</strong> gagner l’Assemblée Nationale. L’échauffourée fit 16 morts et plus <strong>de</strong><br />

2000 blessés. Elle donna lieu dès le len<strong>de</strong>main à <strong>de</strong>s contre-manifesatations gauchistes.<br />

15


Promena<strong>de</strong> anecdotique au faubourg du Roule<br />

En réaction à <strong>la</strong> journée du 6 février 1934 les partis <strong>de</strong> gauche déci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> s'unir contre<br />

ce qu’ils appellent “le danger fasciste”. Le 12 février, une manifestation commune <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

SFIO et du PC a lieu au cours <strong>de</strong> <strong>la</strong>quelle les ligues françaises comme Les Croix <strong>de</strong> feu<br />

(qui n'avaient pas participé aux violences du 6 février) manifestant contre l'investiture <strong>de</strong><br />

Da<strong>la</strong>dier provoquant <strong>de</strong> nouveaux troubles avec <strong>la</strong> police (plus <strong>de</strong> 15 morts et 1500<br />

blessés). Ce sera le premier acte du Front popu<strong>la</strong>ire qui naîtra officiellement le 14 juillet<br />

1935 et durera jusqu’en 1938.<br />

16


<strong>P<strong>la</strong>ce</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong><br />

Secon<strong>de</strong> guerre mondiale<br />

(1939-1945)<br />

Paris gefallen (Chute <strong>de</strong> Paris)<br />

Paris occupé<br />

17


Promena<strong>de</strong> anecdotique au faubourg du Roule<br />

Drapeau nazi flotte sur Paris Terrasse <strong>de</strong> café sous l’occupation<br />

18<br />

Paris occupé<br />

(1940-1944


<strong>P<strong>la</strong>ce</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong><br />

Secon<strong>de</strong> guerre mondiale<br />

(1939-1945)<br />

Libération (août 1944)<br />

Libération <strong>de</strong> Paris 26 août 1944 (arrivée <strong>de</strong> <strong>la</strong> 2 e DB<br />

19


Promena<strong>de</strong> anecdotique au faubourg du Roule<br />

Pont <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong><br />

VIIe et VIIIe Arrondissements. Situé entre les quais Anatole-France et d’Orsay et <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong>. Longueur 153 m; <strong>la</strong>rgeur 14,80 m. Il s’est appelé pont Louis XVI – pont<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> Révolution en 1791 – pont <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong> en 1795 – Louis XVI en 1814 – <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

Concor<strong>de</strong> en 1830.<br />

Dès le début du XVIIIe siècle, le besoin s’était fait sentir <strong>de</strong><br />

construire un pont <strong>de</strong>stiné à relier le faubourg Saint-Honoré sur <strong>la</strong><br />

rive droite, au faubourg Saint-Germain situé sur <strong>la</strong> rive gauche, et<br />

remp<strong>la</strong>cer le bac qui assurait <strong>la</strong> traversée <strong>de</strong> <strong>la</strong> Seine.<br />

Mais les fonds manquant, ce ne fut que plus d’un <strong>de</strong>mi siècle<br />

plus tard, en 1788, que l’on entreprit sa construction, d’après les<br />

p<strong>la</strong>ns <strong>de</strong> l’ingénieur Jean-Rodolphe Perronet (1708-1794) - qui<br />

avait construit le canal <strong>de</strong> Bourgogne. Premier directeur <strong>de</strong><br />

l’Institution Nationale <strong>de</strong>s Ponts et Chaussées créé par Trudaine<br />

Jean-Rodolphe Perronet<br />

en 1747, Perronet toucha, selon Hil<strong>la</strong>iret, “100.000 francs pour<br />

ses p<strong>la</strong>ns et pour six mois <strong>de</strong> surveil<strong>la</strong>nce <strong>de</strong>s travaux”.<br />

La pose <strong>de</strong> <strong>la</strong> première pierre eut lieu le 11 août 1788, après <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong>s<br />

culées et <strong>de</strong>s piles.<br />

Projet <strong>de</strong> Perronet<br />

20


<strong>P<strong>la</strong>ce</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong><br />

Les travaux vont s’accélérer grâce à une<br />

ai<strong>de</strong> inattendue : <strong>la</strong> prise <strong>de</strong> <strong>la</strong> Bastille ! En<br />

effet après le 14 juillet 1789, une partie <strong>de</strong>s<br />

pierres <strong>de</strong> <strong>la</strong> forteresse <strong>de</strong> <strong>la</strong> Bastille démolie<br />

par les soins “du patriote Palloy”, seront utilisées<br />

pour <strong>la</strong> partie haute <strong>de</strong>s piles, à <strong>la</strong><br />

construction <strong>de</strong> ce pont, “afin que les<br />

patriotes fou<strong>la</strong>ssent aux pieds chaque jour les<br />

débris <strong>de</strong> l’exécrable forteresse !”<br />

En 1791, le pont est achevé et change <strong>de</strong><br />

nom en 1792 pour <strong>de</strong>venir pont <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

Révolution, et en 1795 pont <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong>. A<br />

<strong>la</strong> Restauration il reprendra son nom d’origine<br />

(pont Louis XVI) mais en 1830, Louis-<br />

Philippe soucieux d’apaiser le peuple républicain<br />

lui redonnera le nom <strong>de</strong> pont <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

Concor<strong>de</strong>, nom qu’il portera désormais.<br />

A l’origine, ce pont <strong>de</strong> pierre composé <strong>de</strong><br />

cinq arches en arc <strong>de</strong> cercle, <strong>de</strong> portée inégale : 25m, 28m, 31m, 28m, 25m est <strong>la</strong>rge <strong>de</strong><br />

14 m.<br />

Si sa naissance fut chaotique, sa décoration le fut tout autant : en 1810 Napoléon 1 er<br />

fit installer huit statues <strong>de</strong> généraux morts au champ d’honneur, puis Louis XVIII les<br />

remp<strong>la</strong>ça en 1828 par 12 statues monumentales <strong>de</strong> marbre b<strong>la</strong>nc, représentant 4 grands<br />

ministres (Colbert, Richelieu, Sully, Suger) 4 grands militaires (Bayard, Condé, Du<br />

Guesclin, Turenne) 4 grands marins (Duguay-Trouin, Duquesne, Suffren, Tourville). Ces<br />

Pont <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong><br />

21


statues alourdirent le pont à un<br />

tel point que l’équilibre <strong>de</strong><br />

l’édifice était menacé. Il fallut<br />

les enlever et Louis-Philippe<br />

les fit installer à Versailles<br />

dans <strong>la</strong> Galerie Historique, en<br />

compagnie <strong>de</strong> quelques autres<br />

statues <strong>de</strong> l’Empire.<br />

Condé par David<br />

remisé à Versailles<br />

Promena<strong>de</strong> anecdotique au faubourg du Roule<br />

Pont <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong> par Gaston Prunier<br />

É<strong>la</strong>rgi au double <strong>de</strong> sa taille initiale en 1930 par les ingénieurs<br />

Deval et Malet, le pont <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong> mesure maintenant 153<br />

mètres <strong>de</strong> long et 35 mètres <strong>de</strong> <strong>la</strong>rge, mais a gardé sa structure<br />

néoc<strong>la</strong>ssique voulue par Perronet.<br />

En 1931, le Conseil <strong>de</strong> Paris déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong>isser les socles sans<br />

statues. Les parapets sont formés <strong>de</strong> balustres i<strong>de</strong>ntiques à celles<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong>, mais les réverbères décoratifs initialement<br />

prévus ne seront jamais installés.<br />

Pont <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong> en construction (1790)<br />

22


<strong>P<strong>la</strong>ce</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong><br />

Pont <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong> 1900 (avant é<strong>la</strong>rgissement)<br />

Pont <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong> (1999)<br />

23


Promena<strong>de</strong> anecdotique au faubourg du Roule<br />

LA PLACE DE LA CONCORDE ET SON PONT<br />

par Pierre Dominique<br />

Le Pont sur <strong>la</strong> <strong>P<strong>la</strong>ce</strong><br />

L’un <strong>de</strong>s endroits <strong>de</strong> Paris où il est le plus agréable <strong>de</strong> rêver, à <strong>la</strong> condition <strong>de</strong> se<br />

tenir sur le trottoir, bien entendu - <strong>la</strong> chaussée abondant en menaces <strong>de</strong> mort - et<br />

<strong>de</strong> préférence sur le trottoir <strong>de</strong> droite en tournant le dos au Pa<strong>la</strong>is-Bourbon, c’est<br />

le pont <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong>.<br />

Et ce, pour quelques bonnes raisons. D’abord, on a, <strong>de</strong> là, une fort belle vue sur <strong>la</strong><br />

Seine et tout le Paris, à droite et à gauche, qu’on peut dire, <strong>de</strong> <strong>la</strong> Cité à <strong>la</strong> colline <strong>de</strong><br />

Chaillot.<br />

Ensuite, on a le p<strong>la</strong>isir <strong>de</strong> <strong>la</strong>isser <strong>de</strong>rrière soi l’énorme et disgracieux Pa<strong>la</strong>is-Bourbon<br />

(<strong>la</strong> Ma<strong>de</strong>leine en face n’est pas moins lour<strong>de</strong>, et pourtant nos pères trouvaient cette<br />

perspective grandiose), ce Pa<strong>la</strong>is-Bourbon dont les marches furent si lestement gravies<br />

par <strong>la</strong> foule à <strong>de</strong>ux reprises, au siècle passé.<br />

Enfin, on a sous les pieds les pierres <strong>de</strong> <strong>la</strong> Bastille. Car le pont, bâti sous Louis XVI,<br />

ne fut achevé qu’en 1792 et avec ces belles pierres soli<strong>de</strong>s <strong>de</strong> forteresse et <strong>de</strong> prison dont<br />

<strong>la</strong> source mit longtemps à s’épuiser. Il est toujours agréable <strong>de</strong> les fouler aux pieds en un<br />

temps où l’on peut être mis dans une quelconque bastille - car <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> aux huit tours a<br />

fait <strong>de</strong>s petits - et <strong>de</strong> <strong>la</strong> même façon qu’autrefois, sur le vu d’un papier signé par le préfet<br />

<strong>de</strong> police mais qui ne porte plus - vive le progrès! - le nom <strong>de</strong> lettre <strong>de</strong> cachet. Et ce détail<br />

- important - me fait songer à Prosper Bourricot disant après une correction méritée: «Je<br />

n’ai pas reçu, comme on le croit, un coup <strong>de</strong> pied au cul, mais un coup <strong>de</strong> botte aux<br />

fesses.» Et il s’en félicitait - en se frottant le<br />

<strong>de</strong>rrière. C’était un sage.<br />

Du pont <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong>, on voit aussi <strong>la</strong><br />

p<strong>la</strong>ce au centre <strong>de</strong> <strong>la</strong>quelle s’élève, on le<br />

sait, l’obélisque <strong>de</strong> Louqsor qu’un fou,<br />

récemment, esca<strong>la</strong>da. Il y avait <strong>de</strong>ux obélisques<br />

à Louqsor; nous n’en fimes venir<br />

qu’un à Paris, démantibu<strong>la</strong>nt ainsi <strong>la</strong> décoration<br />

<strong>de</strong> l’avenue royale. Je le regar<strong>de</strong> avec<br />

tristesse, ce monolithe; fait pour le plein<br />

soleil d’Égypte et <strong>la</strong> solitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s dieux, sa<br />

pierre n’est belle que chau<strong>de</strong> et notre climat<br />

<strong>la</strong> g<strong>la</strong>ce; mais une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> frise<br />

<strong>de</strong>s Panathénées, arrachée du Parthénon,<br />

n’est-elle pas à Londres où les Ang<strong>la</strong>is s’enorgueillissent<br />

<strong>de</strong> ce vol ? Les hommes sont<br />

<strong>de</strong> sinistres imbéciles.<br />

Devant moi, les <strong>de</strong>ux beaux pavillons<br />

Chevaux <strong>de</strong> Marly par Coustou<br />

24


<strong>P<strong>la</strong>ce</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> Gabriel ; celui <strong>de</strong> droite est <strong>de</strong>venu le ministère <strong>de</strong> <strong>la</strong> Marine, celui <strong>de</strong> gauche,<br />

autrefois le Gar<strong>de</strong>-Meuble et célèbre par le vol <strong>de</strong>s bijoux <strong>de</strong> <strong>la</strong> couronne, est tombé au<br />

rang d’hôtel Crillon. A droite et à gauche, les chevaux <strong>de</strong> Coysevox du côté <strong>de</strong>s Tuileries<br />

et ceux, plus beaux encore, <strong>de</strong> Coustou, du côté <strong>de</strong>s Champs-Élysées. Jadis les <strong>de</strong>ux<br />

pavillons étaient sales et noirs. On a gratté ces murs hi<strong>de</strong>ux. J’approuve, mais tant qu’on<br />

<strong>la</strong>issera s’épaissir sur Paris cette couche <strong>de</strong> suie qui, du haut <strong>de</strong> Montmartre, apparaît<br />

comme un couvercle <strong>de</strong> marmite - celui <strong>de</strong><br />

l’enfer - l’homme en vain tâchera <strong>de</strong> rendre<br />

b<strong>la</strong>nc ce que, chaque jour, il renoircit avec<br />

persévérance.<br />

Souvenirs d’émeute<br />

Je marche sur <strong>de</strong>s terre-pleins où nous<br />

faisons voler volontiers aujourd’hui <strong>de</strong><br />

vastes orif<strong>la</strong>mmes pour fêter <strong>la</strong> venue <strong>de</strong><br />

potentats arabes, bambaras ou bantous. Je les<br />

ai connus asphaltés, ces terre-pleins. Ils sont<br />

<strong>de</strong> pierre aujourd’hui.<br />

C’est qu’au 6 février 1934, les manifestants<br />

cassèrent l’asphalte pour faire <strong>de</strong>s<br />

cailloux dont ils bombardaient <strong>la</strong> police. Ils<br />

f<strong>la</strong>mbaient aussi les autobus et tentèrent<br />

même <strong>de</strong> f<strong>la</strong>mber le ministère <strong>de</strong> <strong>la</strong> Marine<br />

par pure joie <strong>de</strong> vivre; ils jetaient <strong>de</strong>s billes et Cheval <strong>de</strong> Marly par Coysevox<br />

<strong>de</strong>s bouchons <strong>de</strong> champagne sous les sabots<br />

<strong>de</strong>s chevaux <strong>de</strong>s gar<strong>de</strong>s républicains et les saignaient avec <strong>de</strong>s <strong>la</strong>mes <strong>de</strong> rasoir p<strong>la</strong>ntées<br />

au bout <strong>de</strong> leurs cannes. L’invention <strong>de</strong>s insurgés est infinie. Les autres ripostaient à<br />

coups <strong>de</strong> sabre comme au temps <strong>de</strong>s guerres <strong>de</strong> l’Empire, voire à coups <strong>de</strong> revolver et <strong>de</strong><br />

mousqueton, ce qui fit, je crois, vingt-huit morts. Les agents, eux, cognaient comme <strong>de</strong>s<br />

sourds à coups <strong>de</strong> bâton b<strong>la</strong>nc, car ils ne portaient pas encore le long gourdin à l’indienne;<br />

c’est Nehru qui a <strong>la</strong>ncé cette mo<strong>de</strong> qui, <strong>de</strong>puis, fait leur gloire et celle <strong>de</strong>s C.R.S.<br />

leurs frères. Moi-même, qui parcourais ce champ <strong>de</strong> bataille dans le seul <strong>de</strong>ssein <strong>de</strong><br />

m’instruire et d’instruire mes lecteurs, j’eus affaire à l’un d’eux, sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce précisément.<br />

En vain, je brandis ma carte <strong>de</strong> journaliste.<br />

- Dégueu<strong>la</strong>sse! me cria-t-il.<br />

Et il m’assomma. Ce sont là, pour un citoyen qui aime l’ordre, <strong>de</strong>s souvenirs bien<br />

touchants.<br />

La statue <strong>de</strong> Strasbourg<br />

La p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong> s’appe<strong>la</strong> d’abord p<strong>la</strong>ce Louis-XV, puis p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

Révolution; lors du Consu<strong>la</strong>t, p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong>; à <strong>la</strong> première Restauration, p<strong>la</strong>ce<br />

Louis-XVI en souvenir, disaient les émigrés, du roi martyr; puis, pendant les Cent-Jours,<br />

p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong>; après 1815, p<strong>la</strong>ce Louis-XVI <strong>de</strong> nouveau; enfin, en 1830, p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> Concor<strong>de</strong> pour <strong>la</strong> troisième et <strong>de</strong>rnière fois, en mémoire sans doute <strong>de</strong> nos querelles.<br />

On y a établi <strong>de</strong> médiocres fontaines et p<strong>la</strong>nté huit statues très académiques <strong>de</strong> dames<br />

25


Promena<strong>de</strong> anecdotique au faubourg du Roule<br />

assises, figurant <strong>de</strong>s villes.<br />

A dater <strong>de</strong> 1871, celle <strong>de</strong> Strasbourg, à<br />

l’angle nord-est <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce, connut une<br />

étonnante <strong>de</strong>stinée.<br />

Comme nos gran<strong>de</strong>s cartes <strong>de</strong> géographie<br />

dans les écoles portaient alors une<br />

tache violette, <strong>la</strong> statue <strong>de</strong> Strasbourg était<br />

décorée d’un crêpe et, à tout propos, <strong>de</strong>s<br />

fleurs s’amonce<strong>la</strong>ient <strong>de</strong>vant son pié<strong>de</strong>stal.<br />

Ces jours-là, il fal<strong>la</strong>it voir Déroulè<strong>de</strong> - je<br />

l’ai vu - avec au bout d’un long corps une<br />

tête osseuse que surmontait un chapeau<br />

haut <strong>de</strong> forme. Il avait un grand nez comparable<br />

au bec du toucan et une voix sonore<br />

dont les éc<strong>la</strong>ts enf<strong>la</strong>mmaient les patriotes.<br />

Quand, en 1893, au len<strong>de</strong>main <strong>de</strong> Panama,<br />

Clemenceau fut battu dans le Var, après une<br />

campagne acharnée, menée par ses adver-<br />

Statue <strong>de</strong> Strasbourg par Pradier<br />

saires au cri <strong>de</strong> Aoh Yes! - on l’accusait<br />

d’être le stipendié <strong>de</strong> <strong>la</strong> Queen - l’annonce <strong>de</strong> son échec déchaîna une vague <strong>de</strong> joie dans<br />

le Paris nationaliste et une foule d’excellents Français, ayant d’abord brûlé en effigie le<br />

lea<strong>de</strong>r radical, vint déposer, pour bien marquer le sens <strong>de</strong> l’événement, une gerbe <strong>de</strong><br />

fleurs au pied <strong>de</strong> <strong>la</strong> statue <strong>de</strong> Strasbourg. Vingt-cinq ans plus tard, Clemenceau était le<br />

chef du gouvernement qui <strong>de</strong>vait rendre Strasbourg à <strong>la</strong> France. Ce sont <strong>de</strong> ces choses<br />

qui enchantent - pour peu qu’il soit sceptique - l’observateur <strong>de</strong>s ridicules du moment.<br />

<strong>P<strong>la</strong>ce</strong> Louis-XV<br />

J’ai dit que <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong> s’était d’abord appelée p<strong>la</strong>ce Louis-XV. Louis<br />

XV y était figuré au beau milieu, en bronze et à cheval. Quatre Vertus entouraient le<br />

cavalier, ce qui fit qu’un jour on trouva attachée au cou du cheval une pancarte avec un<br />

distique qui enchanta <strong>la</strong> cour et <strong>la</strong> ville:<br />

Oh! <strong>la</strong> belle statue! Oh! le beau pié<strong>de</strong>stal!<br />

Les vertus sont à Pied, le vice est à cheval.<br />

Une autre fois, <strong>la</strong> police trouva le roi <strong>de</strong> bronze les yeux bandés. A son cou pendait<br />

un écriteau: «Ayez pitié d’un pauvre aveugle!» Car le peuple croit volontiers que le roi,<br />

le prince, le Führer, l’empereur, le Duce, le patron en un mot, ne veut que le bien du<br />

peuple, mais qu’on lui cache <strong>la</strong> misère du pauvre mon<strong>de</strong>. Ah! ces bandits <strong>de</strong> ministres!<br />

Entre nous, ce n’est pas toujours vrai.<br />

La Révolution renversa <strong>la</strong> statue, mit à sa p<strong>la</strong>ce une effigie en plâtre <strong>de</strong> <strong>la</strong> Liberté,<br />

heureux choix en ce lieu qui <strong>de</strong>vait être celui <strong>de</strong>s plus abondantes guillotina<strong>de</strong>s; <strong>la</strong><br />

première <strong>de</strong>s libertés n’était-elle pas, en somme, d’être coupé en <strong>de</strong>ux morceaux et<br />

enseveli <strong>de</strong> façon obscène, <strong>la</strong> tête entre les jambes. Il y avait alors, tout le long du mur<br />

<strong>de</strong>s Tuileries, un fossé profond. En 1770 le jour du mariage du dauphin avec Marie-<br />

Antoinette, il y eut, l’occasion d’un feu d’artifice dont les fusées retombèrent sur <strong>la</strong><br />

26


<strong>P<strong>la</strong>ce</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong><br />

foule, une terrible panique. Cent mille personnes et plus se pressaient sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce. Un<br />

grand nombre furent précipitées dans les fossés, piétinées, étouffées. Il paraît que <strong>de</strong>s<br />

hommes tirèrent l’épée pour se dégager. On releva cent cinquante cadavres. Chose<br />

curieuse le même fait se reproduisit à Moscou, lors du mariage du futur Nico<strong>la</strong>s II avec<br />

<strong>la</strong> princesse <strong>de</strong> Hesse qui fut Maria-Alexandrovna <strong>la</strong>quelle avait pour Marie-Antoinette<br />

un culte. Toutes <strong>de</strong>ux exécutées avec leurs <strong>de</strong>ux époux. Intersigne ?<br />

Coupe-tête et têtes coupées<br />

La guillotine fut longtemps p<strong>la</strong>ntée là, très différente <strong>de</strong> <strong>la</strong> nôtre, non pas terre à terre,<br />

mais sur un haut échafaud analogue à celui du clown <strong>de</strong> Banville, vous savez...<br />

Alors <strong>de</strong> son vil échafaud<br />

Le clown sauta si haut, si haut,<br />

Qu’il creva le P<strong>la</strong>fond <strong>de</strong> toile,<br />

Au son du fifre et du tambour<br />

Et, le cœur dévoré d’amour,<br />

Al<strong>la</strong> rouler dans les étoiles.<br />

<strong>P<strong>la</strong>ce</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Révolution, les têtes se contentaient <strong>de</strong> rouler dans le panier <strong>de</strong> son. On<br />

appe<strong>la</strong>it ce<strong>la</strong> «éternuer dans le panier <strong>de</strong> Sanson ». On disait à son adversaire: «Toi, je<br />

te ferai éternuer dans le panier <strong>de</strong> Sanson.» C’était infiniment plus poétique que <strong>de</strong> le<br />

traiter <strong>de</strong> réactionnaire ou <strong>de</strong> cagou<strong>la</strong>rd.<br />

Supplice <strong>P<strong>la</strong>ce</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Révolution (Concor<strong>de</strong>)<br />

Il passa là, alors, <strong>de</strong>s scènes étonnantes où le drame se nuança souvent d’une fantaisie<br />

charmante. Je ne parle pas <strong>de</strong> <strong>la</strong> reine marchant, en grimpant l’escalier, sur le pied du<br />

bourreau et disant: «Pardon, monsieur. » Ou <strong>de</strong>s Girondins montant l’un après l’autre en<br />

chantant le Chant du départ. Comme leurs ennemis vou<strong>la</strong>ient pas que ces malheureux<br />

parussent trop héroïques, avaient désigné pour <strong>de</strong>rnier non pas Vergniaud, le chef, mais<br />

27


Promena<strong>de</strong> anecdotique au faubourg du Roule<br />

un obscur dont on croyait l’âme assez molle et qu’il f<strong>la</strong>ncherait au <strong>de</strong>rnier moment. Et<br />

Vergniaud, avant-<strong>de</strong>rnier, monta en chantant, <strong>la</strong> tête à <strong>de</strong>mi tournée vers lui pour<br />

l’affermir <strong>de</strong> toute sa fermeté, si bien que l’obscur chanta, lui aussi, jusqu’au bout.<br />

Et <strong>la</strong> charretée <strong>de</strong> Madame Elisabeth, passant <strong>de</strong>vant elle au pied <strong>de</strong> l’échafaud: une<br />

par une, un par un, <strong>la</strong> révérence. Comme à <strong>la</strong> cour. Et Mme Ro<strong>la</strong>nd faisant son mot: «O<br />

Liberté que <strong>de</strong> crimes on commet en ton nom!» et se préoccupant <strong>de</strong> son fichu, qui<br />

recouvrait ses avantages, romantique avec <strong>de</strong> <strong>la</strong> pu<strong>de</strong>ur!<br />

Et <strong>la</strong> du Barry, qui avait été une si fière garce et que son nègre Zamor avait trahie,<br />

gémissant: «Encore un instant, monsieur bourreau!»<br />

Ou encore Charlotte Corday, au débouché <strong>de</strong> <strong>la</strong> rue Saint-Florentin, écartant le<br />

bourreau qui vou<strong>la</strong>it obligeamment lui cacher <strong>la</strong> machine: «J’ai bien le droit <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

regar<strong>de</strong>r, je n’en ai jamais vu.»<br />

Danton goguenard: «Tu montreras ma tête au peuple, elle en vaut <strong>la</strong> peine.»<br />

Robespierre hur<strong>la</strong>nt quand le grossier valet <strong>de</strong> Sanson lui arrache le pansement qui<br />

recouvrait sa mâchoire cassée par son coup <strong>de</strong> pistolet ma<strong>la</strong>droit. (Il avait encore son<br />

habit bleu ciel, le bel habit <strong>de</strong> <strong>la</strong> fête <strong>de</strong> l’Être suprême; les choses al<strong>la</strong>ient vite à<br />

l’époque.) Et Saint-Just, silencieux <strong>de</strong>puis <strong>la</strong> veille, <strong>de</strong>puis le moment <strong>de</strong> son arrestation<br />

en pleine Convention et qui, passant <strong>de</strong>vant Robespierre, lequel <strong>de</strong>vait être guillotiné le<br />

<strong>de</strong>rnier, et se gardant du moindre reproche au chef qui avait <strong>de</strong> façon absur<strong>de</strong> perdu <strong>la</strong><br />

bataille, lui dit «Adieu». Seul mot <strong>de</strong>puis le coup <strong>de</strong> foudre <strong>de</strong> <strong>la</strong> veille. Le silencieux<br />

<strong>de</strong>vant <strong>la</strong> mort, c’est lui, l’homme fort. Le<br />

geste, le mot, à cet instant, sont <strong>de</strong>s<br />

béquilles.<br />

Mille histoires comme celle-là. Mais <strong>la</strong><br />

plus belle, à <strong>la</strong>quelle Anatole France a fait<br />

un sort dans Les dieux ont soif, on <strong>la</strong> trouve<br />

dans les Souvenirs d’un secrétaire<br />

d’ambassa<strong>de</strong>, <strong>de</strong> Paul Morand, à lui contée<br />

par un <strong>de</strong>scendant du mort. Un vieux lettré<br />

lit son Sophocle jusqu’au pied <strong>de</strong> l’échafaud<br />

et, quand son tour est venu et qu’on va<br />

lui lier les mains, remet son livre en poche,<br />

«après avoir corné <strong>la</strong> page».<br />

Ce spectacle avait son public. Tout est<br />

intéressant pour le Parisien, curieux <strong>de</strong><br />

nature. Mais, à mon sens, cette guillotine<br />

que <strong>la</strong> Commune <strong>de</strong> Paris avait voulue<br />

Robespierre<br />

perpétuellement montée comme une<br />

menace - Sanson, ce bourgeois rangé et <strong>de</strong><br />

surcroît, dit-on, royaliste, n’ayant le droit d’emporter le soir, chez lui, que le couteau -<br />

ne prenait sa pleine valeur d’émotion que durant <strong>la</strong> nuit. Durant les nuits d’hiver surtout,<br />

sous une pleine lune rou<strong>la</strong>nt dans une mer <strong>de</strong> nuages noirs.<br />

Alors, sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce déserte, s’en venaient les chiens que, dans <strong>la</strong> journée, on chassait<br />

à coups <strong>de</strong> soulier. Les bonnes bêtes, qui n’y voyaient pas malice - «Plus je connais les<br />

28


<strong>P<strong>la</strong>ce</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong><br />

Terrasse du Bord <strong>de</strong> l’Eau<br />

hommes, disait Bismarck, plus j’aime les chiens» - se glissaient sous l’instrument <strong>de</strong><br />

mort abandonné et venaient lécher le sang.<br />

Les jardins <strong>de</strong>s Tuileries<br />

Quand les badauds <strong>de</strong> 1793-1794 avaient eu le p<strong>la</strong>isir <strong>de</strong> voir tomber les vingt-cinq<br />

ou trente têtes, ils al<strong>la</strong>ient se promener aux Tuileries qui, jardin du roi jadis, était <strong>de</strong>venu<br />

jardin du peuple. Tricorne ou bonnet rouge, tout y était chez soi.<br />

Sous l’Ancien Régime, les bourgeois y avaient accès en tout temps; le popu<strong>la</strong>ire, le<br />

dimanche seulement et à <strong>la</strong> condition qu’on fût correctement habillé. Ce<strong>la</strong> à <strong>la</strong> belle<br />

époque du jardin – XVIIe-XVIIIe siècle - quand les femmes ga<strong>la</strong>ntes ou seulement<br />

faciles, avaient - sous le masque - <strong>de</strong>ux endroits <strong>de</strong> rêve (entre autres) pour chercher <strong>de</strong>s<br />

aventures : les Tuileries et le Pa<strong>la</strong>is-Royal.<br />

Au temps <strong>de</strong> Catherine <strong>de</strong> Médicis, qui commença à bâtir le château, il y avait à <strong>la</strong><br />

p<strong>la</strong>ce du jardin une fabrique <strong>de</strong> tuiles qui fournissait tout Paris, d’où ce nom <strong>de</strong> Tuileries.<br />

Sauval parle «d’une p<strong>la</strong>ine ari<strong>de</strong> où l’on entretenait <strong>de</strong>s bêtes sauvages pour le p<strong>la</strong>isir<br />

<strong>de</strong> Sa Majesté».<br />

Louis XIII - ce n’est pas si loin <strong>de</strong> nous - y chassa, le <strong>la</strong>pin, j’imagine. Sous Louis<br />

XIV on voyait encore sur l’emp<strong>la</strong>cement du musée <strong>de</strong> l’Orangerie, près <strong>de</strong> <strong>la</strong> porte <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

Conférence, une <strong>de</strong>s entrées <strong>de</strong> Paris, « un manège <strong>de</strong> bêtes féroces ». Sur l’emp<strong>la</strong>cement<br />

du musée du Jeu <strong>de</strong> Paume un jeu <strong>de</strong> paume précisément. Au XVIIe siècle on était là à<br />

peu près hors Paris. Au pied <strong>de</strong> <strong>la</strong> terrasse du Bord <strong>de</strong> l’eau, un berge cou<strong>la</strong>it tout doux<br />

vers <strong>la</strong> Seine. Ce fut Louis XIV qui en fit un quai, plus bas que le nôtre d’ailleurs, et qui<br />

lui servait <strong>de</strong> chemin d’accès à Saint-Cloud. Dans ce jardin, où l’on trouvait alors<br />

quelques cabarets, on vit un jour Henri III se promener sans se presser, écoutant <strong>de</strong>rrière<br />

lui le tumulte <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville, alors enragée et barricadière comme elle le fut si souvent.<br />

Arrivé au bout et ne voyant personne <strong>de</strong>rrière lui que les quelques serviteurs qui<br />

l’accompagnaient, il sauta à cheval et s’enfuit.<br />

Le roi quittait Paris pour revenir <strong>de</strong>ssus avec une armée (exactement comme M.<br />

29


Promena<strong>de</strong> anecdotique au faubourg du Roule<br />

Thiers en 1871). L’un <strong>de</strong>s sièges <strong>de</strong> Paris, et <strong>de</strong>s plus terribles, al<strong>la</strong>it commencer.<br />

A <strong>la</strong> terrasse du Bord <strong>de</strong> l’eau aboutissait, venant du château, un petit souterrain<br />

aujourd’hui disparu. Napoléon l’avait fait creuser. Pourquoi ? Louis-Philippe l’utilisa en<br />

1848 quand il dut s’enfuir. Il atteignit ainsi <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong> sans être reconnu.<br />

Au pied <strong>de</strong> l’Obélisque, un fiacre attendait, retenu par son fils Nemours; il en expulsa<br />

ses belles-filles, s’y jetant avec <strong>la</strong> reine et sa fortune, <strong>la</strong>quelle gonf<strong>la</strong>it si fort un grand<br />

portefeuille vert qu’il fallut pousser le portefeuille à coups <strong>de</strong> poing pour le faire entrer<br />

par <strong>la</strong> portière. A cet instant, le roi vit un vieil<strong>la</strong>rd qui, très obligeamment, fermait l’autre<br />

porte <strong>de</strong> sa voiture.<br />

- Merci, monsieur, lui dit le roi.<br />

- Ne me remerciez pas, répliqua le vieil<strong>la</strong>rd. Voilà dix-huit ans (c’était un vieux<br />

légitimiste) que j’attendais cet instant-là.<br />

Ici fut le Manège<br />

A <strong>la</strong> fin du XVIIIe siècle, <strong>la</strong> rue <strong>de</strong> Rivoli n’existait pas et <strong>de</strong>s hôtels, <strong>de</strong>s couvents<br />

prolongaient leurs jardins jusqu’aux Tuileries. Tout contre <strong>la</strong> terrasse <strong>de</strong>s Feuil<strong>la</strong>nts, où<br />

se promènent aujourd’hui quelques mères poussant <strong>de</strong>s <strong>la</strong>ndaus ou précédées d’enfants<br />

criards, entre les rues Saint-Roch et <strong>de</strong> Castiglione, dans l’axe et sur l’emp<strong>la</strong>cement <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> rue <strong>de</strong> Rivoli, s’élevait le véritable manège <strong>de</strong>s tuileries, où l’on enseignait l’équitation,<br />

l’escrime, <strong>la</strong> danse et les mathématiques aux jeunes gens <strong>de</strong> <strong>la</strong> noblesse. Une longue<br />

salle rectangu<strong>la</strong>ire, froi<strong>de</strong> et nue, voûtée. Quand <strong>la</strong> Constituante vint à Paris, elle s’y instal<strong>la</strong>…<br />

» mais je m’égare, je m’éloigne <strong>de</strong> mon quartier du Roule, pardonnez-moi, et<br />

qu’un jeune curieux, plus savant que moi, prolonge cette promena<strong>de</strong> anecdotique vers<br />

d’autres quartiers. Pierre Dominique in Crapouillot, 3 e n° Spécial Paris Pittoresque<br />

Edouard Cortes (1882-1969) : La rue <strong>de</strong> Rivoli longe <strong>la</strong> grille du Jardin <strong>de</strong>s Tuileries d’arriver p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong><br />

30


Paris mon Vil<strong>la</strong>ge<br />

LA PLACE DE LA CONCORDE<br />

Les petites causes produisent souvent <strong>de</strong> grands effets. Il est<br />

stupéfiant <strong>de</strong> constater combien <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die dont Louis XV fut<br />

atteint à Metz transforma Paris ! Tout d’abord le Roi, en accomplissement<br />

d’un vœu, commença l’édification du Panthéon dont <strong>la</strong> masse<br />

grandiose modifia <strong>la</strong> silhouette <strong>de</strong> <strong>la</strong> vieille cité; puis les prévôts <strong>de</strong>s<br />

marchands et les échevins parisiens, votèrent une statue équestre à leur<br />

souverain bien-aimé, qui l’agréa et désigna l’emp<strong>la</strong>cement où <strong>de</strong>vrait<br />

s’élever le monument, «entre le fossé qui termine notre Jardin <strong>de</strong>s<br />

Tuileries, et le quai qui borne <strong>la</strong> rivière».<br />

On trouva généralement que le Roi choisissait un bien singulier<br />

endroit; c’était en effet un terrain désert où <strong>de</strong>s maraîchers cultivaient <strong>de</strong>s<br />

carrés <strong>de</strong> choux et <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>nts <strong>de</strong> sa<strong>la</strong><strong>de</strong>s, bordé par <strong>de</strong>s fossés en pierre où<br />

«les vi<strong>la</strong>ins al<strong>la</strong>ient jouer au cochonnet», mais on n’avait pas à discuter.<br />

Bouchardon fut désigné pour exécuter <strong>la</strong> statue: «Le Roi, couronné <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong>uriers et vêtu à <strong>la</strong> Romaine, caraco<strong>la</strong>nt sur un coursier <strong>de</strong> bronze»;<br />

autour du pié<strong>de</strong>stal <strong>de</strong> marbre b<strong>la</strong>nc, orné <strong>de</strong> bas-reliefs <strong>la</strong>udatifs, quatre<br />

Vertus veil<strong>la</strong>ient, extasiées.<br />

Bouchardon mit plus <strong>de</strong> quatorze ans à exécuter cet ex-voto <strong>de</strong><br />

<strong>P<strong>la</strong>ce</strong> Louis XV par Moreau le Jeune<br />

31


Promena<strong>de</strong> anecdotique au faubourg du Roule<br />

circonstance, encore mourut-il avant <strong>de</strong> commencer le pié<strong>de</strong>stal. Pigalle<br />

acheva l’œuvre, qui fut inaugurée le 2 juin 1765.<br />

Mais Louis XV avait <strong>de</strong>puis longtemps cessé <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ire et les Parisiens<br />

rirent fort irrévérencieusement en lisant, le len<strong>de</strong>main, écrit sur le socle<br />

par un p<strong>la</strong>isant anonyme:<br />

“Ah, <strong>la</strong> beIle statue ! oh, le beau pié<strong>de</strong>stal ! Les Vertus sont à pied et<br />

le Vice à cheval !”<br />

P<strong>la</strong>n <strong>de</strong> Gabriel pour <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce Louis XV<br />

Malgré les épigrammes, le monument n’en faisait pas moins bonne<br />

figure au milieu <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce où l’architecte Gabriel travail<strong>la</strong>it à réaliser<br />

l’admirable p<strong>la</strong>n qu’il s’était tracé. Il avait <strong>de</strong>ssiné <strong>de</strong>s parterres, ainsi que<br />

<strong>de</strong>s fossés encadrés <strong>de</strong> balustra<strong>de</strong>s, élevé <strong>de</strong>s pavillons, et complétait sa<br />

belle œuvre en dressant ces <strong>de</strong>ux splendi<strong>de</strong>s décors monumentaux, dont<br />

l’incomparable silhouette est une <strong>de</strong>s gloires <strong>de</strong> Paris, l’actuel Ministère<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> Marine, et l’Hôtel Crillon que continuent l’Automobile-Club et le<br />

Cercle <strong>de</strong> l’Union.<br />

Cette noble p<strong>la</strong>ce n’était pas encore achevée le 30 mai 1770, lorqu’il<br />

s’y produisit une épouvantable catastrophe dont le contre-coup fut fatal à<br />

<strong>la</strong> naissante popu<strong>la</strong>rité <strong>de</strong> Marie-Antoinette.<br />

32


<strong>P<strong>la</strong>ce</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong><br />

Paris fêtait le mariage du Dauphin avec <strong>la</strong> fille<br />

<strong>de</strong> Marie-Thérèse ; un feu d’artifice venait d’être<br />

tiré, une <strong>de</strong>rnière fusée, mal dirigée, produisit un<br />

commencement d’incendie... une panique folle se<br />

produisit. «On étouffe ! A l’ai<strong>de</strong> ! - Sauve qui<br />

peut!» et chacun se précipite vers les issues.<br />

Du côté <strong>de</strong> <strong>la</strong> Seine on tombe à l’eau; le pont<br />

n’existait pas encore, et c’était un simple bac qui<br />

reliait les <strong>de</strong>ux rives du fleuve. On tente <strong>de</strong> fuir<br />

par <strong>la</strong> rue Royale, mais cette rue est elle-même<br />

encombrée, obstruée par <strong>de</strong>s matériaux <strong>de</strong> construction, le sol en est<br />

défoncé, <strong>de</strong>s tranchées, <strong>de</strong>s pierres <strong>de</strong> taille en ren<strong>de</strong>nt le passage dangereux<br />

et presque impraticable; c’est là cependant que se <strong>la</strong>nce <strong>la</strong> foule hur<strong>la</strong>nte<br />

«avec l’impétuosité d’un torrent»; on s’y éerase, on marche sur <strong>de</strong>s<br />

morts et <strong>de</strong>s mourants. On s’y égorge aussi, car pour se frayer passage,<br />

<strong>de</strong>s misérables ont mis l’épée à <strong>la</strong> main. Partout <strong>de</strong>s cadavres et du sang,<br />

<strong>de</strong>s hommes, <strong>de</strong>s femmes, <strong>de</strong>s enfants broyés par les chevaux qui, avant<br />

d’être étouffés eux-mêmes, avaient écrasé tous ceux qui les avaient approchés.<br />

Le len<strong>de</strong>main, cent trente-trois cadavres relevés sur le sol ou retirés <strong>de</strong>s<br />

huit fossés <strong>de</strong> Gabriel, étaient étendus sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce, et plus <strong>de</strong> trois cents<br />

victimes mouraient <strong>de</strong>s suites <strong>de</strong> leurs blessures.<br />

<strong>P<strong>la</strong>ce</strong> Neuve <strong>de</strong> Louis XV le Bien-Aimé Gravure <strong>de</strong> Hughes Taraval<br />

33


Promena<strong>de</strong> anecdotique au faubourg du Roule<br />

<strong>P<strong>la</strong>ce</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong>, avec au centre <strong>la</strong> rue royale et au fond l’église <strong>de</strong> <strong>la</strong> Ma<strong>de</strong>leine<br />

Pour chasser ce lugubre souvenir, l’édilité parisienne instal<strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce<br />

Louis XV, les saltimbanques, les marchands <strong>de</strong> chansons, les danseurs <strong>de</strong><br />

cor<strong>de</strong> que l’incendie <strong>de</strong> <strong>la</strong> foire Sainte-Ovi<strong>de</strong> avait chassés <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce<br />

Vendôme, leur habituel séjour, et <strong>la</strong> gaieté revint jusqu’au soir du 23<br />

seplembre 1777 où le feu dévora toutes ces baraques <strong>de</strong> toile et <strong>de</strong><br />

p<strong>la</strong>nches.<br />

C’est même à cette occasion que Nicolet et Audinot dont les théâtres<br />

triomphaient au boulevard du Temple eurent <strong>la</strong> pensée <strong>de</strong> «donner une<br />

représentation au profit <strong>de</strong>s incendiés» : on app<strong>la</strong>udit à cette touchante<br />

solidarité... et ce fut <strong>la</strong> première <strong>de</strong>s représentations à bénéfice !<br />

De 1762 à 1770 Gabriel avait achevé les <strong>de</strong>ux merveilleuses faça<strong>de</strong>s<br />

qui ferment <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce au midi. Le Gar<strong>de</strong>-Meuble <strong>de</strong> <strong>la</strong> Couronne occupait<br />

toute <strong>la</strong> partie <strong>de</strong> droite. De l’autre côté, c’étaient<br />

les Coislin, les Daumont et les Crillon qui y habitaient,<br />

et <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce Louis XV <strong>de</strong>vint <strong>la</strong> promena<strong>de</strong><br />

à <strong>la</strong> mo<strong>de</strong>; <strong>la</strong> cavalca<strong>de</strong> <strong>de</strong> Longchamps y fait<br />

défiler les grands seigneurs, les opulents fermiers<br />

généraux, les duchesses et les filles d’Opéra.<br />

Un jour <strong>de</strong> 1775 Rosalie Duthé éclipsa toutes<br />

les beautés à <strong>la</strong> mo<strong>de</strong>; les «Nouvelles à <strong>la</strong> main»<br />

nous donnent cette étonnante <strong>de</strong>scription <strong>de</strong> son<br />

carrosse et <strong>de</strong> son costume:<br />

Rosalie Duthé<br />

34


<strong>P<strong>la</strong>ce</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong><br />

«C’était une caisse décorée d’Amours,<br />

d’entre<strong>la</strong>cs et <strong>de</strong> chiffres, etc. etc., surmontée<br />

d’une conque dorée doublée <strong>de</strong><br />

nacre, soutenue par <strong>de</strong>s tritons en bronze;<br />

les moyeux <strong>de</strong>s roues étaient en argent<br />

massif; les chevaux b<strong>la</strong>ncs, ferrés d’argent,<br />

étaient harnachés d’or et ornés <strong>de</strong><br />

panaches. Sur cette conque reposait <strong>la</strong><br />

Duthé à <strong>de</strong>mi couchée, en, maillot <strong>de</strong> taffetas<br />

couleur chair, recouvert d’une chemisette<br />

d’organdi très c<strong>la</strong>ir, et coiffée<br />

d’un chapeau <strong>de</strong> gaze noir « à <strong>la</strong> caisse<br />

d’escompte»... c’est-à-dire sans fond. »<br />

Ce fut un scandale, le len<strong>de</strong>main <strong>la</strong> folle<br />

courtisane recevait l’ordre <strong>de</strong> ne plus se<br />

montrer en pareil équipage, mais pendant<br />

huit jours on ne par<strong>la</strong> que <strong>de</strong> <strong>la</strong> Duthé et <strong>de</strong> son prestigieux carrosse !<br />

La p<strong>la</strong>ce Louis XV, après avoir vu passer les ambassa<strong>de</strong>s, les revues,<br />

les processions et les cortèges royaux, fut transformée, par hasard, en terrain<br />

<strong>de</strong> chasse.<br />

Un soir d’été <strong>de</strong> 1788, une biche <strong>la</strong>ncée dans le bois <strong>de</strong> Boulogne par<br />

le comte d’Artois franchit l’enceinte, prit <strong>la</strong> route <strong>de</strong> Paris, traversa les<br />

Champs-Élysées et, suivie par toute <strong>la</strong> meute, les chasseurs donnant <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

trompe, les piqueurs et les calèches <strong>de</strong>s belles invitées, vint se faire forcer<br />

rue Royale; on avait inutilement <strong>de</strong>mandé grâce pour le pauvre animal...<br />

Combien <strong>de</strong> ces chasseurs <strong>de</strong>vaient à leur tour être mis à mort cinq ans<br />

plus tard à quelques mètres <strong>de</strong> l’endroit où ils coupaient <strong>la</strong> gorge à cette<br />

malheureuse bête affolée! (1)<br />

Rosalie Duthé (1752-1820)<br />

(1) Par un beau jour d’été, je rentrais chez moi au Gar<strong>de</strong>-Meuble <strong>de</strong> <strong>la</strong> Couronne. Il était<br />

environ quatre heures du soir, <strong>la</strong> rue Royale était remplie <strong>de</strong> mon<strong>de</strong>; <strong>de</strong> chevaux et <strong>de</strong> calèches, et<br />

ma sœur lorsque je l’abordai était en <strong>la</strong>rmes. Je ne savais au mon<strong>de</strong> ce que ce<strong>la</strong> signifiait lorsqu’elle<br />

m’apprit que <strong>la</strong> cause <strong>de</strong> cette affluence, <strong>de</strong> ce mouvement, <strong>de</strong> ces pleurs, était <strong>la</strong> mort<br />

d’une biche, qui, chassée par le comte d’Artois dans le Bois <strong>de</strong> Boulogne avait franchi son enceinte,<br />

près <strong>la</strong> route <strong>de</strong> Paris, traversé les Champs-Élysées, et, suivie par toute <strong>la</strong> meute, par les chasseurs<br />

et par les calèches <strong>de</strong>s dames qui assistaient à cette chasse, était venue se faire forcer dans<br />

<strong>la</strong> rue Royale. Spectacle curieux, en effet, que celui d’une gran<strong>de</strong> chasse dans <strong>la</strong> plus belle rue <strong>de</strong><br />

Paris, mais assez touchant pour avoir excité <strong>de</strong> <strong>la</strong> manière <strong>la</strong> plus vive <strong>la</strong> sensibilité et <strong>la</strong> compassion<br />

<strong>de</strong> ma sœur et <strong>de</strong> beaucoup d’autres dames, qui, <strong>de</strong> leurs fenêtres avaient vainement<br />

<strong>de</strong>mandé grâce pour cette pauvre bête. » (Mémoires du général baron Thiébault)<br />

35


Promena<strong>de</strong> anecdotique au faubourg du Roule<br />

La Révolution éc<strong>la</strong>te et <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce Louis XV <strong>de</strong>vient le décor choisi où<br />

se joue cette énorme tragédie !<br />

Elle se couvre <strong>de</strong> sectionnaires et d’hommes à piques, le carrosse <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

Duthé est remp<strong>la</strong>cé par le char <strong>de</strong> <strong>la</strong> déesse Raison représentée par Mlle<br />

Mail<strong>la</strong>rd, <strong>de</strong> l’Opéra, ou par Mlle Aménaï<strong>de</strong>, « tragédienne <strong>de</strong> société<br />

bourgeoise; une aimable fille dont <strong>la</strong> tenue un peu débraillée contrastait<br />

avec <strong>la</strong> majesté <strong>de</strong> son rôle; c’est ainsi qu’on lui reprochait <strong>de</strong> longuement<br />

festoyer pendant les stations que faisait le char supportant sa divinité, et<br />

<strong>de</strong> partager démocratiquement le vin, <strong>la</strong> bière et les échaudés <strong>de</strong> <strong>la</strong> fraternité<br />

avec « <strong>la</strong> tyrannie et le Fanatisme », qui, après avoir accepté ce réconfort<br />

<strong>de</strong> leur triomphante ennemie, reprenaient sans acrimonie leurs<br />

chaînes sous ses pieds vainqueurs.<br />

Exécution <strong>de</strong> Louis XVI<br />

Le 21 janvier 1793 <strong>la</strong> guillotine se dressa pour <strong>la</strong> première fois sur <strong>la</strong><br />

p<strong>la</strong>ce, et ce fut entre les restes <strong>de</strong> <strong>la</strong> statue <strong>de</strong> Louis XV, et l’entrée <strong>de</strong>s<br />

Champs-Élysées que tomba <strong>la</strong> tête <strong>de</strong> Louis XVI.<br />

On connaît <strong>la</strong> lettre si tragique dans <strong>la</strong>quelle le bourreau Sanson raconta<br />

cette royale agonie au rédacteur du journal le Thermomètre: «...Il s’informa<br />

si le tambour battrait toujours. Il lui fut répondu que l’on n’en<br />

savait rien, et c’était <strong>la</strong> vérité. Il monta l’échafaud et voulut foncer sur le<br />

36


<strong>P<strong>la</strong>ce</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong><br />

<strong>P<strong>la</strong>ce</strong> Louis XV : Entrée du pont-tounant vers 1788<br />

<strong>de</strong>vant comme vou<strong>la</strong>nt parler. Mais on lui représenta que <strong>la</strong> chose était<br />

impossible encore. Il se <strong>la</strong>issa alors conduire à l’endroit où on l’attacha,<br />

et où il s’est écrié très haut:<br />

“ Peuple, je meurs innocent” ensuite, se tournant vers nous, il nous dit:<br />

“Messieurs je suis innocent <strong>de</strong> tout ce dont on m’inculpe; je souhaite que<br />

mon sang puisse cimenter le bonheur <strong>de</strong>s Français”.<br />

Voilà, citoyen, ses <strong>de</strong>rnières et véritables paroles.»<br />

La guillotine s’élevait entre <strong>la</strong> statue <strong>de</strong> <strong>la</strong> Liberté – dressée sur l’emp<strong>la</strong>cement<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> statue <strong>de</strong> Louis XV - et l’entrée du pont tournant.<br />

L’échafaud, encadré d’une double haie <strong>de</strong> gendarmes, dominait <strong>de</strong><br />

quelques marches <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce presque toujours pleine <strong>de</strong> mon<strong>de</strong>; certains<br />

jours on s’y écrasait pour voir tomber les têtes notoires; les uns montaient<br />

sur <strong>de</strong>s charrettes, les autres grimpaient sur <strong>de</strong>s échelles; les friands<br />

d’émotions fortes louaient ou apportaient <strong>de</strong>s lorgnettes et pouvaient<br />

savourer <strong>la</strong> grimace suprême <strong>de</strong>s malheureux qui «éternuaient dans le<br />

son».<br />

La foule était <strong>la</strong> plupart du temps silencieuse; on entendait distinctement<br />

le <strong>de</strong>rnier cri <strong>de</strong>s victimes ou le bruit sourd du couperet s’abattant<br />

sur quelque supplicié: alors les hurlements s’élevaient, <strong>de</strong>s cris, <strong>de</strong>s<br />

37


Promena<strong>de</strong> anecdotique au faubourg du Roule<br />

Exécution <strong>de</strong> Louis XVI<br />

imprécations, <strong>de</strong>s vivats, et un ai<strong>de</strong> du bourreau, se rendant aux ordres <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> popu<strong>la</strong>ce, promenait au bout <strong>de</strong> son poing <strong>la</strong> tête coupée, aux quatre<br />

angles <strong>de</strong> <strong>la</strong> tragique p<strong>la</strong>te-forme.<br />

Les curieux se massaient sur les terrasses <strong>de</strong>s Tuileries, grimpaient<br />

pour mieux voir jusque sur les Renommées p<strong>la</strong>cées à droite et à gauche <strong>de</strong><br />

l’entrée du jardin; on se disputait les logettes <strong>de</strong>s suisses gardiens <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

porte, dont les fenêtres étroites s’ouvraient à quelques pas <strong>de</strong> l’échafaud;<br />

ces pièces étaient retenues d’avance à gros prix,<br />

on y soupait et cet aimable logis s’appe<strong>la</strong>it dans<br />

le peuple le «cabaret <strong>de</strong> <strong>la</strong> guillotine».<br />

La mort <strong>de</strong> Danton fut épique. Le jour tombait:<br />

il monta le <strong>de</strong>rnier sur l’échafaud fumant et<br />

rouge du sang <strong>de</strong> tous ses amis exécutés avant<br />

lui. Sa taille athlétique se détacha <strong>de</strong> toute sa<br />

hauteur sur l’or empourpré d’un soleil couchant;<br />

redressant sa tête formidable, il contemp<strong>la</strong> longuement<br />

<strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce immense; il paraissait défier le<br />

couperet du bourreau. Sous ce ciel mourant, l’indomptable<br />

révolutionnaire semb<strong>la</strong>it plutôt surgir<br />

38<br />

Danton (1759-1794)


<strong>P<strong>la</strong>ce</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong><br />

du tombeau, qu’attendre le coup <strong>de</strong> guillotine qui al<strong>la</strong>it le foudroyer, et un<br />

grand frisson tragique passa sur <strong>la</strong> foule frémissante.<br />

La fin <strong>de</strong> Robespierre fut atroce. C’est sous les huées, les insultes, les<br />

crachats <strong>de</strong> toute une ville que cet homme <strong>de</strong>vant qui tous tremb<strong>la</strong>ient et<br />

rampaient <strong>la</strong> veille, fut traîné, plus qu’à moitié mort, couvert <strong>de</strong> boue, les<br />

vêtements en loques, <strong>la</strong> tête enveloppée dans <strong>de</strong>s toiles rai<strong>de</strong>s <strong>de</strong> sang, au<br />

pied <strong>de</strong> l’échafaud dont il avait été le plus sinistre pourvoyeur. Avant <strong>de</strong><br />

le pousser sous le couperet, le bourreau lui arracha le ban<strong>de</strong>au qui soutenait<br />

sa mâchoire fracassée et Robespierre, sous cette torture <strong>de</strong>rnière<br />

poussa un tel rugissement <strong>de</strong> douleur que l’immense p<strong>la</strong>ce tout entière en<br />

tressaillit...<br />

La Terreur passée, on rêve d’apaisement, on abat l’échafaud, on restaure<br />

<strong>la</strong> statue <strong>de</strong> <strong>la</strong> Liberté et - heureux présage ! - on découvre, comme<br />

par hasard, un nid <strong>de</strong> colombes dans le globe qu’elle tenait à <strong>la</strong> main. Dès<br />

1795 <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> <strong>la</strong> Révolution s’appelle p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong>.<br />

Napoléon y passe en revue ses armées triomphantes au retour <strong>de</strong><br />

quelque prodigieuse campagne en Allemagne, en Autriche, en Espagne ou<br />

en Russie, et Louis XVIII y promène au triple galop <strong>de</strong> ses chevaux son<br />

impotente majesté.<br />

Au centre <strong>de</strong> cette admirable p<strong>la</strong>ce il fal<strong>la</strong>it un monument décoratif.<br />

Louis-Philippe eut l’idée conciliatrice et « juste milieu » d’y ériger l’obélisque<br />

dont <strong>la</strong> banalité désarmait tous les partis; et ce nostalgique exilé - à<br />

en croire Théophile Gautier - put dès lors murmurer tristement :<br />

Je vois <strong>de</strong> Janvier à Décembre,<br />

La procession <strong>de</strong>s Bourgeois,<br />

Les Solon qui vont à <strong>la</strong> Chambre !<br />

Et les Arthur qui vont au Bois.<br />

Théophile Gautier, Émaux et Camées<br />

Nostalgie d’Obélisque.<br />

Les fossés furent comblés en 1844 à <strong>la</strong> suite d’une panique qui, lors <strong>de</strong>s<br />

fêtes commémoratives <strong>de</strong> juillet, se produisit dans <strong>de</strong>s conditions presque<br />

i<strong>de</strong>ntiques à celles qui avaient ensang<strong>la</strong>nté le mariage <strong>de</strong> Marie-<br />

Antoinette; un feu d’artifice tiré <strong>de</strong>vant <strong>la</strong> Chambre, une collision terrible<br />

entre <strong>de</strong>ux courants <strong>de</strong> foule, <strong>de</strong>s étouffements, <strong>de</strong>s malheureux jetés dans<br />

39


Promena<strong>de</strong> anecdotique au faubourg du Roule<br />

les fossés, <strong>de</strong>s blessés, <strong>de</strong>s morts...<br />

C’est sans danger désormais que les jolies héroïnes <strong>de</strong> Balzac, les<br />

duchesses <strong>de</strong> Cadignan ou <strong>de</strong> Maufrigneuse, les Jenny Cadine, les Tullie<br />

et les Esther y trônent dans leurs calèches; les beautés du second Empire<br />

traverseront à leur tour en « huit ressorts» cette p<strong>la</strong>ce légendaire, et tout<br />

Paris y admirera <strong>la</strong> grâce idéale <strong>de</strong> l’Impératrice, <strong>la</strong> beauté <strong>de</strong> M mes <strong>de</strong><br />

Gallifet, <strong>de</strong> Pourtalès, <strong>de</strong> Rothschild, <strong>de</strong> Sagan, <strong>de</strong> Poilly, <strong>de</strong> Mouchy, ces<br />

Reines <strong>de</strong> l’Élégance et Princesses du geste.<br />

Il y a luelques mois <strong>de</strong>s affiches apposées sur les piliers d’angle <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

p<strong>la</strong>ce et <strong>de</strong> <strong>la</strong> rue Boissy-d’Ang<strong>la</strong>s - qui- s’appe<strong>la</strong>it rue <strong>de</strong> <strong>la</strong> Bonne-<br />

Morue, un vi<strong>la</strong>in nom pour abriter l’élégant Cercle <strong>de</strong> l’Union Artistique<br />

installé dans l’hôtel charmant <strong>de</strong> Grimod <strong>de</strong> <strong>la</strong> Reynière -nous annonçaient<br />

<strong>la</strong> mise en vente <strong>de</strong> l’hôtel Crillon.<br />

L’aimable comte J. <strong>de</strong> Gontaut-Biron, un <strong>de</strong>s propriétaires <strong>de</strong> ce beau<br />

logis, voulut bien nous en faire les honneurs avec son ordinaire bonne<br />

grâce et nous ne nous <strong>la</strong>ssions pas d’admirer ces boudoirs charmants, ces<br />

petits salons aux cheminées ciselées par Gouthière, ce grand salon écussonné<br />

d’aigles héraldiques, et surtout cette vue unique sur <strong>la</strong> plus admirable<br />

p<strong>la</strong>ce qu’il y ait au mon<strong>de</strong>, où tout n’est qu’ordre, gran<strong>de</strong>ur, rythme<br />

et beauté ! Et comment alors ne pas songer au singulier décret <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

Provi<strong>de</strong>nce qui voulut que ce décor splendi<strong>de</strong> fût le cirque majestueux et<br />

apothéotique où sont venues mourir toutes les monarchies françaises?<br />

Louis XVI y fut décapité; les alliés en 1814 y ont célébré le Te Deum<br />

fêtant <strong>la</strong> chute du César si longtemps victorieux; Charles X - à cheval - l’a<br />

traversée pour gagner Rambouillet, et <strong>de</strong> là l’exil; Louis-Philippe y est<br />

monté dans l’humble fiacre qui, en 1848 conduisit le <strong>de</strong>uil <strong>de</strong> <strong>la</strong> royauté,<br />

et le 4 septembre 1870 ce fut par les grilles du jardin, s’abattant sous une<br />

poussée popu<strong>la</strong>ire, que les Tuileries furent envahies une <strong>de</strong>rnière fois<br />

avant <strong>de</strong> disparaître dans <strong>de</strong>s tourbillons <strong>de</strong> feu pendant les suprêmes<br />

convulsions <strong>de</strong> <strong>la</strong> Commune expirante!<br />

C’est enfin sur cette p<strong>la</strong>ce que, le 6 janvier 1883, <strong>de</strong>vant <strong>la</strong> statue<br />

en<strong>de</strong>uillée <strong>de</strong> Strasbourg, passa, sur un char triomphal <strong>de</strong>ssiné par<br />

Bastien-Lepage et recouvert du drapeau tricolore, le cercueil <strong>de</strong> Léon<br />

Gambetta, le <strong>de</strong>rnier élu <strong>de</strong> l’Alsace, le patriote qui eut l’insigne honneur<br />

- le plus enviable <strong>de</strong> tous - d’être aux jours <strong>de</strong> malheur l’héroïque portedrapeau<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> France meurtrie !<br />

40


<strong>P<strong>la</strong>ce</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong><br />

Que d’évocations ! que <strong>de</strong> souvenirs !...<br />

Aujourd’hui, comme autrefois, cette belle<br />

p<strong>la</strong>ce est toujours le cadre choisi où les<br />

Parisiennes <strong>la</strong>issent admirer leurs plus beaux<br />

équipages, leurs plus exquises toilettes et leur<br />

plus divin sourire!<br />

Tout passe, tout se modifie, tout <strong>la</strong>sse ; les<br />

monarchies disparaissent, les ambitions, les<br />

haines et les chants <strong>de</strong> guerre s’éteignent; les<br />

rêves s’évanouissent, - seuls, bravant le temps<br />

et l’oubli, souriants et vainqueurs, subsistent<br />

éternellement le charme <strong>de</strong> Paris et <strong>la</strong> grâce <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> Parisienne !<br />

Georges Cain<br />

Promena<strong>de</strong>s dans Paris F<strong>la</strong>mmarion 1916<br />

Raoul Dufy : p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong><br />

41<br />

Léon Gambetta


Promena<strong>de</strong> anecdotique au faubourg du Roule<br />

Ce qu’ils en ont dit :<br />

<strong>P<strong>la</strong>ce</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong> (2002)<br />

Curzio Ma<strong>la</strong>parte :<br />

“La p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong>, ce n’est pas une p<strong>la</strong>ce,<br />

c’est une idée.”<br />

<strong>P<strong>la</strong>ce</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Concor<strong>de</strong> Grand’roue (2003)<br />

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