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Lecture analytique Ubu roi Acte I scène 1 - Cahier de texte Mme ...

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Première LA n°1 <strong>Ubu</strong> <strong>roi</strong> <strong>Mme</strong> Bissuel<br />

Introduction<br />

Séquence 1 Première<br />

<strong>Ubu</strong> <strong>roi</strong>, d'Alfred Jarry<br />

<strong>Lecture</strong> <strong>analytique</strong> (type commentaire littéraire) n°1<br />

<strong>Acte</strong> I, <strong>scène</strong> 1<br />

– Amorce (date, con<strong>texte</strong>, œuvre, auteur)<br />

Pièce la plus connue d'Alfred Jarry. Création <strong>de</strong> la pièce en 1896, à la toute fin du XIX e siècle. Annonce les<br />

créations théâtrales du XX e siècle. Œuvre originale, loin <strong>de</strong>s conventions classiques datant du XVII e siècle,<br />

parodie 1 , satire 2 du pouvoir tyrannique passant par le personnage emblématique <strong>de</strong> Père <strong>Ubu</strong>, et <strong>de</strong> son<br />

acolyte féminin, mère <strong>Ubu</strong>.<br />

– Présentation <strong>de</strong> l'extrait<br />

Scène d'exposition <strong>de</strong> la pièce. On s'attend à ce qu'elle nous donne les premières informations nécessaires à<br />

la compréhension <strong>de</strong>s enjeux <strong>de</strong> la pièce : sujet <strong>de</strong> la pièce, personnages, lieu et moment <strong>de</strong> l'intrigue. Or elle<br />

donne tout <strong>de</strong> suite le ton <strong>de</strong> la pièce : registre comique, jeux <strong>de</strong> langage, personnages grossiers, violents,<br />

arrivistes > parodie d'intrigue théâtrale politique dans la tradition classique.<br />

– Problématique<br />

Comment Alfred Jarry introduit-il la parodie dès la <strong>scène</strong> d'exposition ?<br />

ou Comment Alfred Jarry fait-il appel à l'intertextualité dès la <strong>scène</strong> d'exposition ?<br />

– Annonce <strong>de</strong>s axes<br />

I. QUOI ? Des personnages <strong>de</strong> farce et une intrigue politique<br />

II. COMMENT ? Le comique <strong>de</strong> langage<br />

III. POURQUOI ? Une parodie <strong>de</strong> <strong>scène</strong> d'exposition<br />

ou Une parodie <strong>de</strong> Macbeth <strong>de</strong> Shakespeare (I, 7)<br />

I. QUOI ? Des personnages <strong>de</strong> farce et une intrigue politique<br />

a) Des personnages <strong>de</strong> farce ou <strong>de</strong> marionnettes<br />

Farce = forme théâtrale courte et comique apparue au Moyen-Âge (par exemple avec la pièce anonyme La<br />

Farce <strong>de</strong> Maître Pathelin, vers 1465), et reprise par Molière (ex : Le Mé<strong>de</strong>cin volant) au XVII e siècle et par<br />

tant d'autres par la suite. L'intrigue <strong>de</strong>s farces repose en général sur une donnée simple : trompeurs et cocus<br />

en tous genres, arroseurs arrosés, retournements <strong>de</strong> situation. Le comique est souvent gestuel, situationnel et<br />

langagier, et touche le corps, souvent le bas-corporel et la scatologie.<br />

Dans l'histoire théâtrale, on peut rapprocher la farce <strong>de</strong> la commedia <strong>de</strong>ll'arte, comédie italienne née au XVI e<br />

siècle jouant avec <strong>de</strong>s plaisanteries burlesques, <strong>de</strong>s jeux <strong>de</strong> <strong>scène</strong> comiques, <strong>de</strong>s masques et <strong>de</strong>s costumes<br />

typiques, <strong>de</strong>s gestes grotesques et <strong>de</strong>s personnages types ayant <strong>de</strong>s caractéristiques propres (Arlequin,<br />

Colombine, Pantalone).<br />

1 Parodie : imitation caricaturale d'un <strong>texte</strong>, du style d'un auteur, plus largement d'une situation typique. Le comique<br />

vient du décalage entre la parodie et le <strong>texte</strong>, le style ou la situation parodiés ; la parodie ne fonctionne donc que si le<br />

lecteur reconnaît ce <strong>de</strong>rnier / cette <strong>de</strong>rnière.<br />

2 Satire : désigne à l'origine une forme particulière <strong>de</strong> poème s'attaquant aux vices et aux ridicules d'une époque ou<br />

d'une personne. Par extension, tout écrit visant à critiquer ou à tourner une cible en dérision.<br />

1


Première LA n°1 <strong>Ubu</strong> <strong>roi</strong> <strong>Mme</strong> Bissuel<br />

Dialogue initial entre Père <strong>Ubu</strong> et Mère <strong>Ubu</strong> : personnages grossiers, violents, arrivistes, vantards, peureux.<br />

Père <strong>Ubu</strong> est désigné comme « fort grand voyou » (l. 3), « pauvre malheureux » (l. 28), « gueux » (l. 48) par<br />

Mère <strong>Ubu</strong>.<br />

- Grossièreté : « merdre » (néologisme) (l. 1), « <strong>de</strong> par ma chan<strong>de</strong>lle verte » (l. 7) (connotation phallique),<br />

« cul » (l. 30), « bougre <strong>de</strong> merdre, merdre <strong>de</strong> bougre » (l. 40-41), « vrout, merdre » (l. 54)<br />

- Violence : « Que ne vous assom'je » (l. 4), « Tu es si bête ! » (l. 20), « Qui t'empêche <strong>de</strong> massacrer toute la<br />

famille et <strong>de</strong> te mettre à leur place ? » (l. 24-25), « vous allez passer tout à l'heure par la casserole » (l. 28),<br />

« il passera un mauvais quart d'heure » (l. 41-42)<br />

- Arrivisme : « vous pourriez faire succé<strong>de</strong>r sur votre fiole la couronne <strong>de</strong> Pologne à celle d'Aragon » (l. 17-<br />

18), « Qui t'empêche <strong>de</strong> massacrer toute la famille et <strong>de</strong> te mettre à leur place ? » (l. 24-25), « à ta place, ce<br />

cul, je voudrais l'installer sur un trône... » (l. 32-34), « si j'étais <strong>roi</strong>... » (l. 35-37), « Grâce à Dieu et à moimême,<br />

peut-être dans huit jours serai-je reine <strong>de</strong> Pologne » (l. 55-56)<br />

- Vantardise : « certes oui, je suis content. On le serait à moins.... » (l. 10-14)<br />

- Peur : « j'aime mieux être gueux comme un maigre et brave rat que riche comme un méchant et gras chat »<br />

(l. 50-51)<br />

Marionnettes : volonté <strong>de</strong> Jarry dans ses écrits théoriques : stylisation <strong>de</strong>s personnages, volonté anti-réaliste,<br />

dépouillement, simplification, acteur <strong>de</strong>vant porter un masque et adopter un accent particulier.<br />

b) Une intrigue politique et un registre polémique<br />

« Ce n'est pas moi, Père <strong>Ubu</strong>, c'est un autre qu'il faudrait assassiner » (l. 5-6).<br />

« Qui t'empêche <strong>de</strong> massacrer toute la famille et <strong>de</strong> te mettre à leur place ? » (l. 24-25)<br />

<strong>Ubu</strong>, capitaine <strong>de</strong> dragons (titre militaire), est poussé par sa femme, mère <strong>Ubu</strong>, à tuer le <strong>roi</strong> <strong>de</strong> Pologne,<br />

Venceslas, pour prendre son trône.<br />

Intrigue qui s'inscrit dans la lignée <strong>de</strong>s intrigues théâtrales politiques <strong>de</strong> différentes pièces « du répertoire »<br />

(drame historique ou tragédie du pouvoir) : Britannicus <strong>de</strong> Racine, Lorenzaccio <strong>de</strong> Musset, Macbeth <strong>de</strong><br />

Shakespeare...<br />

Registre polémique : vient du grec « polemos » qui signifie « le combat » . Lié aux notions <strong>de</strong> confrontation<br />

ou <strong>de</strong> controverse, le registre polémique se trouve souvent dans <strong>de</strong>s <strong>texte</strong>s argumentatifs ; les propos écrits<br />

ou oraux jouent le rôle d'armes. Ce registre peut se trouver dans tous les genres littéraires dès lors qu'il y a<br />

matière à discussion contradictoire et à échange violent. La violence liée au registre polémique se traduit<br />

souvent par une rhétorique <strong>de</strong> la persuasion passant par un lexique souvent dépréciatif, <strong>de</strong>s figures <strong>de</strong> style<br />

permettant l'accentuation (anaphore) ou l'analogie (hyperbole, métaphore, comparaison), et une ponctuation<br />

expressive liée à un rythme rapi<strong>de</strong>. Au théâtre, on peut par exemple observer un échange <strong>de</strong> répliques courtes<br />

et cinglantes appelées les stichomythies.<br />

Ici le registre polémique est employé entre Père <strong>Ubu</strong> et Mère <strong>Ubu</strong> qui s'insultent copieusement, mais <strong>de</strong><br />

manière peu subtile !<br />

II.COMMENT ? Le comique <strong>de</strong> langage<br />

a) Le « merdre » initial<br />

Néologisme 3 , création d'un juron typique du père <strong>Ubu</strong> qui donne dès l'abord sa « couleur » scatologique à la<br />

pièce, et annonce le fait que Jarry ne se prend pas au sérieux. Provocation, grossièreté affichée.<br />

3 Néologisme : création d'un mot nouveau ou nouveau sens donné à un mot existant.<br />

2


Première LA n°1 <strong>Ubu</strong> <strong>roi</strong> <strong>Mme</strong> Bissuel<br />

b) Le plaisir <strong>de</strong>s jeux <strong>de</strong> mots<br />

– Néologisme : « merdre »<br />

– Expressions typiques du père <strong>Ubu</strong> : « <strong>de</strong> par ma chan<strong>de</strong>lle verte » (connotation phallique),<br />

« merdre », « bougre <strong>de</strong> merdre, merdre <strong>de</strong> bougre » (l. 40-41)<br />

– Tournures <strong>de</strong> phrases comiques : « Que ne vous assom'je » (l. 4), « <strong>de</strong>s légions d'enfants » (22-23)<br />

(hyperbole), « passer par la casserole » (26-27), « tes fonds <strong>de</strong> culotte » (29), « N'ai-je pas un cul<br />

comme les autres ? » (30-31), « rouler carrosse par les rues » (34), « j'aime mieux être gueux comme<br />

un maigre et brave rat que riche comme un méchant et gras chat » (l. 50-51), « vrout, merdre » (l. 54)<br />

– Mots familiers ou argotiques : « coupe-choux » (17), « fiole » (18), « gredins » (36), « ventrebleu »<br />

(49)<br />

– Passages inconsidérés et injustifiés du « tu » au « vous », preuve encore une fois que les <strong>de</strong>ux<br />

personnages ne se prennent pas au sérieux.<br />

c) L'oralité du <strong>texte</strong><br />

Texte fait pour être dit à voix haute, joué, pour « faire entendre » ces jeux <strong>de</strong> langage.<br />

Ponctuation expressive.<br />

Lien <strong>texte</strong> et représentation.<br />

III. POURQUOI ? Une parodie <strong>de</strong> <strong>scène</strong> d'exposition classique<br />

a) Fonction informative partiellement remplie<br />

Fonctions <strong>de</strong> la <strong>scène</strong> d'exposition : on s'attend à ce qu'elle nous donne les premières informations<br />

nécessaires à la compréhension <strong>de</strong>s enjeux <strong>de</strong> la pièce : sujet <strong>de</strong> la pièce, personnages, lieu et moment <strong>de</strong><br />

l'intrigue.<br />

Personnages principaux présents, et relation claire (mari / femme en conflit).<br />

Intrigue politique amorcée : volonté <strong>de</strong> meurtre du <strong>roi</strong> Venceslas.<br />

Lieu <strong>de</strong> l'intrigue : « l'action se passe en Pologne, c'est-à-dire Nulle Part » > volonté non-réaliste déclarée.<br />

Moment <strong>de</strong> l'action ? Inconnu.<br />

Message informatif sans cesse perturbé par <strong>de</strong>s interjections, <strong>de</strong>s invectives, <strong>de</strong>s injures, <strong>de</strong>s menaces. ><br />

Déferlement verbal qui envahit le propos et <strong>de</strong>vient le cœur <strong>de</strong> l'intrigue.<br />

b) Les règles classiques du XVIIe siècle bafouées<br />

Unité <strong>de</strong> lieu (un seul lieu) non-respectée : multiplication <strong>de</strong>s espaces au cours <strong>de</strong> la pièce<br />

Unité <strong>de</strong> temps (24h) : non-respectée au cours <strong>de</strong> la pièce<br />

Unité d'action (une seule intrigue) : plusieurs intrigues différentes au cours <strong>de</strong> la pièce (ex : l'épiso<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

l'ours)<br />

Unité <strong>de</strong> ton (comique ou tragique) : non-respectée, I,1 : sujet grave, langage léger ; jeu parodique associant<br />

la parodie du tragique ou du drame historique à <strong>de</strong>s moments <strong>de</strong> farce grossière au cours <strong>de</strong> la pièce.<br />

Règle <strong>de</strong> bienséance (ce qui est considéré comme convenable ; pas <strong>de</strong> sang ni <strong>de</strong> meurtre sur <strong>scène</strong>, pas<br />

d'obscénité...) bafouée : trivialité, grossièreté, obscénité, meurtre à venir.<br />

Règle <strong>de</strong> vraisemblance (doit être crédible) : personnages <strong>de</strong> farce qui sont <strong>de</strong>s types et non <strong>de</strong>s personnages<br />

à la psychologie complexe.<br />

3


Première LA n°1 <strong>Ubu</strong> <strong>roi</strong> <strong>Mme</strong> Bissuel<br />

III bis. POURQUOI ? Une parodie <strong>de</strong> Macbeth <strong>de</strong> Shakespeare<br />

(I, 7)<br />

a) L'intertextualité 4 : <strong>de</strong>ux <strong>texte</strong>s qui se répon<strong>de</strong>nt<br />

Même situation : une femme tentatrice pousse son mari à tuer le <strong>roi</strong> pour lui prendre le trône. Intrigue<br />

politique basée sur une volonté <strong>de</strong> meurtre et <strong>de</strong>s personnages sanguinaires arrivistes.<br />

b) Le jeu parodique<br />

Parodie : imitation caricaturale d'un <strong>texte</strong>, du style d'un auteur, plus largement d'une situation typique. Le<br />

comique vient du décalage entre la parodie et le <strong>texte</strong>, le style ou la situation parodiés ; la parodie ne<br />

fonctionne donc que si le lecteur reconnaît ce <strong>de</strong>rnier / cette <strong>de</strong>rnière.<br />

Le lecteur doit reconnaître la <strong>scène</strong> <strong>de</strong> Macbeth à travers la <strong>scène</strong> d'exposition d'<strong>Ubu</strong> <strong>roi</strong> pour que la parodie<br />

fonctionne.<br />

Gran<strong>de</strong>ur <strong>de</strong>s personnages tragiques <strong>de</strong> Shakespeare, même dans le mal.<br />

<strong>Ubu</strong> : 2 personnages bouffons, grotesques et grossiers.<br />

Longue argumentation <strong>de</strong> lady Macbeth, vocabulaire et rhétorique nobles / stratégie argumentative assez<br />

grossière <strong>de</strong> mère <strong>Ubu</strong> (tu es bête, tu ferais bien mieux <strong>de</strong> suivre mes conseils si tu veux arriver à qqch) +<br />

obscénité <strong>de</strong> mère <strong>Ubu</strong> (« À ta place, ce cul, je voudrais l'installer sur un trône » (32)) (trône = cabinets !)<br />

Les clins d'œil <strong>de</strong> réplique à réplique :<br />

<strong>Ubu</strong> <strong>roi</strong> : Mère <strong>Ubu</strong> : « Ah ! Bien, Père <strong>Ubu</strong>, te voilà <strong>de</strong>venu un véritable homme. » (43-44)<br />

Macbeth : Lady Macbeth : « Quand vous l'avez osé [me révéler cette affaire], vous étiez un homme ;<br />

maintenant soyez plus que vous n'étiez, vous n'en serez que plus homme. »<br />

Conclusion<br />

- Bilan : <strong>de</strong>s personnages <strong>de</strong> farce proches <strong>de</strong> la marionnette, une intrigue politique digne <strong>de</strong>s pièces « du<br />

répertoire » ; le plaisir du comique <strong>de</strong> langage ; le jeu parodique par rapport à une <strong>scène</strong> d'exposition<br />

classique, et jeu parodique intertextuel avec la <strong>scène</strong> 7 <strong>de</strong> l'acte I <strong>de</strong> Macbeth.<br />

- Ouverture : annonce ce que sera la pièce toute entière : une parodie <strong>de</strong> pouvoir tyrannique grâce à <strong>de</strong>s<br />

personnages bouffons, un jeu constant sur les mots qui font le bonheur du spectateur, <strong>de</strong>s <strong>scène</strong>s parodiques<br />

entrant en résonance avec <strong>de</strong> nombreux <strong>texte</strong>s « classiques ».<br />

4 Intertextualité : relations qui unissent un <strong>texte</strong> à un ou à d'autres <strong>texte</strong>s, et tout particulièrement, allusions ou<br />

citations. « Tout <strong>texte</strong> se construit comme une mosaïque <strong>de</strong> citations, tout <strong>texte</strong> est absorption et transformation d'un<br />

autre <strong>texte</strong> » (M. Bakhtine).<br />

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