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José Lillo, metteur en scène<br />

Un théâtre<br />

pour rêver...<br />

Abonnez-vous !<br />

<strong>www</strong>.<strong>lepo<strong>ch</strong>e</strong>.<strong>ch</strong><br />

<strong>022</strong> <strong>310</strong> <strong>37</strong> <strong>59</strong><br />

CRÉATION VISUELLE JEAN-MARC HUMM, LA FONDERIE / PHOTOGRAPHIE AUGUSTIN REBETEZ<br />

LE POCHE GENÈVE EST SUBVENTIONNÉ PAR LA VILLE DE GENÈVE (DÉPARTEMENT DE LA CULTURE)<br />

LA RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE. IL EST GÉRÉ PAR LA FONDATION D’ART DRAMATIQUE (FAD)<br />

LE POCHE<br />

2012 - 2013


UN THÉÂTRE POUR RÊVER<br />

1. CLOSER<br />

Patrick Marber / Françoise Courvoisier<br />

10 > 30 septembre 2012<br />

2. LA FORCE DE TUER<br />

Lars Norén / Philippe Lüs<strong>ch</strong>er<br />

15 octobre > 4 novembre 2012<br />

3. CHUTE D’UNE NATION<br />

Yann Reuzeau<br />

7 > 25 novembre 2012<br />

4. COCHONS D’INDE<br />

Sébastien Thiéry / Antony Mettler<br />

3 > 23 décembre 2012<br />

5. POURQUOI ONT-ILS TUÉ JAURÈS ?<br />

Dominique Ziegler<br />

14 janvier > 3 février 2013<br />

6. IN LOVE WITH FEDERER<br />

Denis Maillefer<br />

18 février > 10 mars 2013<br />

7. GORGIAS<br />

Platon / José Lillo<br />

8 > 28 avril 2013<br />

8. AMINATA<br />

Gilles Laubert /Jacob Berger<br />

6 > 26 mai 2013<br />

LE POCHE PROPOSE…<br />

LE POCHE EN TOURNÉE<br />

INFORMATIONS GÉNÉRALES<br />

Prix, abonnements, horaires<br />

& équipe du Po<strong>ch</strong>e<br />

p. 3<br />

p. 4<br />

p. 5<br />

p. 13<br />

p. 18<br />

p. 23<br />

p. 27<br />

p. 31<br />

p. 35<br />

p. 40<br />

p. 41<br />

p. 41


UN THÉÂTRE POUR RÊVER…<br />

En préambule, rappelons que Le Po<strong>ch</strong>e est un théâtre de création. En 2012-2013, nous<br />

présenterons sept créations pour un seul accueil. Cela signifie que le Théâtre prend sept fois<br />

le risque de donner vie à un nouveau spectacle, dont la mise en scène, la distribution, les<br />

lumières, et parfois même le texte ou l’adaptation ne préexistent pas...<br />

Pour cette dixième saison, nous tenions à vous offrir un feu d’artifice de plaisirs et<br />

d’émotions... Avec Chute d’une nation, Pourquoi ont-ils tué Jaurès ? ou encore Gorgias de<br />

Platon, c’est peut-être le plaisir du verbe et le mouvement de la pensée, qu’elle soit poétique,<br />

philosophique ou politique, qui émergent. Ces trois spectacles sont montés respectivement<br />

par Yann Reuzeau, Dominique Ziegler et José Lillo. Si l’un privilégie le suspens, l’autre<br />

l’humour et le troisième la passion, tous les ingrédients sont réunis pour satisfaire notre<br />

exigence d’un théâtre aussi ludique qu’enri<strong>ch</strong>issant.<br />

Dans Closer et Aminata, il est surtout question d’amour. On doit la première au jeune auteur<br />

britannique Patrick Marber, qui aborde les thèmes du sexe et de la séduction sur le ton de<br />

l’humour. On doit la seconde à Gilles Laubert, auteur romand à l’écriture à la fois sensuelle<br />

et rugueuse, dont émane une poésie brûlante.<br />

Dans La Force de tuer, portrait de famille aux relations tourmentées, Lars Norén met l’être<br />

humain à nu. Pendant les fêtes de fin d’année, Sébastien Thiéry saura dérider les plus<br />

récalcitrants avec Co<strong>ch</strong>ons d’Inde, dont les dialogues sont irrésistiblement drôles. Et enfin,<br />

pour les amoureux du sport : In love with Federer de Denis Maillefer et Bastien Semenzato,<br />

confidences de deux supporters inconditionnels du plus grand joueur de tennis helvétique !<br />

(oh pardon… du monde !!!)<br />

Merci très sincèrement à ceux qui nous ont suivis toutes ces années. Et merci à ceux qui<br />

viendront encore s’ajouter à la liste de nos fidèles spectateurs, sans lesquels Le Po<strong>ch</strong>e<br />

Genève, théâtre de création fondé en 1948, n’aurait jamais pu poursuivre sa mission<br />

« d’explorateur des nouvelles écritures ». Que la saison soit belle ! Et au plaisir de vous<br />

croiser à l’entrée du Théâtre, avant ou après une représentation.<br />

Françoise Courvoisier<br />

& toute l’équipe du Po<strong>ch</strong>e<br />

2


1. CLOSER ( création en Suisse )<br />

10 > 30 SEPTEMBRE 2012<br />

Texte Patrick Marber<br />

Adaptation Pierre Laville<br />

Mise en scène Françoise Courvoisier<br />

Scénographie<br />

Lumière<br />

Son<br />

Projections<br />

Jean-Marc Humm<br />

Philippe Bégneu<br />

Nicolas Le Roy<br />

Robert Nortik<br />

Jeu Vincent Bonillo<br />

Juan Antonio Crespillo<br />

Sophie Lukasik<br />

Patricia Mollet-Mercier<br />

Closer est une comédie cinglante, mêlant de façon surprenante les sentiments et<br />

l’humour. Un <strong>ch</strong>assé-croisé amoureux où le sexe, la séduction, la jalousie et les<br />

mensonges composent une carte du tendre un peu amère. À l’instar du plus beau<br />

roman de Milan Kundera, L’Insoutenable légèreté de l’être, cette pièce évoque à la<br />

fois le plaisir et la douleur d’aimer.<br />

Créée au National Theatre de Londres en 1997, puis à Broadway, la pièce Closer est<br />

rapidement devenue un succès international joué dans le monde entier. Elle obtient<br />

le Laurence Olivier Award, le Critic’s Circle Award, le Evening Standard Award et le<br />

Time Out Award. Suivra un film en 2004, dont Patrick Marber signe le scénario :<br />

Closer, entre adultes consentants, réalisé par Mike Ni<strong>ch</strong>ols avec Julia Roberts,<br />

Natalie Portman, Jude Law et Clive Owen.<br />

PRODUCTION LE POCHE GENÈVE


10 > 30 septembre 2012<br />

L’AMOUR COMME ANTIDOTE<br />

Françoise Courvoisier, juin 2012<br />

Chassé-croisé amoureux<br />

CLOSER<br />

Dan tombe amoureux d’Alice, mais très vite rencontre Anna, qui elle-même rencontre<br />

Larry… Un <strong>ch</strong>assé-croisé amoureux qui met en évidence la fragilité du sentiment<br />

amoureux et l’instabilité du désir. Aucun des quatre personnages ne souhaite « faire<br />

du mal » aux autres et pourtant… Le bonheur n’est pas souvent de la partie et il est de<br />

courte durée !<br />

Aucune tristesse cependant dans cette cantate à quatre voix du jeune auteur<br />

britannique Patrick Marber, qui malgré une lucidité pro<strong>ch</strong>e du cynisme parvient à<br />

injecter aux dialogues, et même dans la fameuse « double scène » de rupture, une<br />

bonne dose d’humour.<br />

Et contrairement à la froideur de certains de ses compatriotes, Harold Pinter et<br />

Martin Crimp notamment, Patrick Marber ne nous laisse pas à distance des<br />

personnages et ne craint pas de les rendre atta<strong>ch</strong>ants. Dan, Alice, Larry et Anna sont<br />

pris dans une spirale d’é<strong>ch</strong>ecs sentimentaux et on assiste à leurs déboires, partagés<br />

entre rires et pincements de cœur.<br />

Sommes-nous les acteurs d’un texte déjà écrit ?<br />

Si Closer fait penser aux meilleurs films de Woody Allen lorsqu’il aborde l’épineuse<br />

question des relations homme-femme, il y a dans cette « Ronde » à la S<strong>ch</strong>nitzler un<br />

questionnement latent sur la destinée humaine. Y a-t-il un destin où tissons-nous<br />

nous-mêmes notre destinée ? Est-ce qu’on décide d’être amoureux où « tombonsnous<br />

» amoureux malgré nous ?<br />

La pièce privilégie les contradictions psy<strong>ch</strong>ologiques, inhérentes à <strong>ch</strong>aque être<br />

humain, ce qui donne force et saveur à Closer.<br />

Patrick Marber ne fait pas de cadeau et il dépeint avec justesse et subtilité un monde<br />

qui place la réussite professionnelle au-dessus de l’épanouissement sexuel et<br />

affectif. Il évoque aussi les dégâts de l’égoïsme et l’inaptitude à l’amour des êtres<br />

particulièrement égocentriques, produits d’une société malade.<br />

Ni victimes ni bourreaux dans Closer, ou plutôt, <strong>ch</strong>acun est tour à tour victime et<br />

bourreau.<br />

Mais, comme précisé dans le titre du film, dérivé de la pièce : « entre adultes<br />

consentants ».<br />

4


10 > 30 septembre 2012<br />

L’Amour comme antidote…<br />

CLOSER<br />

Dès la première lecture nous avons été frappés, les acteurs et moi-même, par<br />

l’intelligence de la construction de cette pièce, qui fait entrer en relation, avec une<br />

virtuosité sidérante, quatre individus qui <strong>ch</strong>er<strong>ch</strong>ent à se sauver par l’amour dans une<br />

société rongée par le mensonge. Une photographe reconnue, un écrivain incompris,<br />

une jeune-fille borderline et un docteur en dermatologie : il n’en faut pas plus à<br />

Patrick Marber pour donner un vaste panorama à une comédie humaine dont l’enjeu<br />

principal de <strong>ch</strong>acun est peut-être une certaine quête d’authenticité et de fran<strong>ch</strong>ise -<br />

entre deux mensonges…-, comme un antidote à un surcroit permanent de fauxsemblants,<br />

même si cette quête, pour le couple, conduit bien souvent à la séparation.<br />

5


10 > 30 septembre 2012<br />

EEXTRAIT<br />

Patrick Marber, Closer<br />

CLOSER<br />

Dan sort au moment où entre Larry. Larry regarde Dan. Alice allume une cigarette.<br />

Larry porte un costume avec un pull en ca<strong>ch</strong>emire noir à col <strong>ch</strong>eminée. Il tient une bouteille<br />

de vin et un verre. Alice le regarde, avec curiosité.<br />

LARRY.<br />

Bonsoir. Exilée fuyant les mondanités ?<br />

Alice hausse les épaules. Larry regarde la photo et ensuite son prix sur le catalogue.<br />

Non, vous êtes… « Jeune femme seule, Londres. »<br />

ALICE.<br />

Non.<br />

LARRY.<br />

Vous devriez. Qu’est-ce qui vous donnait l’air si triste ?<br />

ALICE.<br />

La vie.<br />

LARRY.<br />

Ça veut dire quoi la vie ?<br />

Alice sourit.<br />

LARRY (avec un grand geste vers la photo).<br />

Et ça, ça vous inspire quoi ?<br />

ALICE.<br />

Vous voulez parler d’art ?<br />

LARRY.<br />

Je sais que ça fait vulgaire de critiquer « l’œuvre » de l’artiste le soir du vernissage, mais il en<br />

faut bien un qui se dévoue. Sérieusement, vous en pensez quoi ?<br />

ALICE.<br />

Que ça repose sur un mensonge.<br />

Une série de portraits d’inconnus sinistres magnifiquement photographiés, que toute une<br />

bande de ri<strong>ch</strong>es connards d’amateurs d’art trouvent magnifiques, parce qu’ils ont décidé que<br />

c’est ce qu’ils ont envie de voir.<br />

Les gens sur les photos sont tristes et seuls, mais l’art fait paraître le monde plus beau.<br />

Ce qui rend l’exposition rassurante, ce qui fait qu’elle est un gros mensonge, c’est que tout le<br />

monde est en adoration devant.<br />

LARRY.<br />

Je suis l’ami de la photographe à qui l’on doit ce gros mensonge.<br />

6


10 > 30 septembre 2012<br />

ALICE.<br />

Salaud.<br />

LARRY.<br />

Larry.<br />

ALICE.<br />

Alice. Ainsi, vous êtes l’ami d’Anna ?<br />

LARRY.<br />

Une princesse a le droit d’aimer embrasser un vilain crapaud.<br />

ALICE.<br />

Vous la connaissez depuis quand ?<br />

LARRY.<br />

Quatre mois. Nous en sommes aux premières ivresses, elle s’amuse encore de mes<br />

mauvaises habitudes.<br />

Vous ne devriez pas fumer.<br />

ALICE.<br />

Je vous emmerde.<br />

LARRY.<br />

Je suis médecin. C’est mon rôle de dire cette sorte de <strong>ch</strong>oses.<br />

CLOSER<br />

7


10 > 30 septembre 2012<br />

PATRICK MARBER<br />

CLOSER<br />

Né à Londres en 1964, Patrick Marber est d’abord comédien. Il débute<br />

au café-théâtre puis participe à des programmes radiophoniques et<br />

télévisés célèbres comme On the Hour ou The Day Today. Il se fait<br />

connaître dès sa première pièce, Dealer’s Choice, écrite en 1995. Un<br />

recueil de ses œuvres, Play one, est publié en 2003. Son dernier livre<br />

est Don Juan in Soho. Actuellement, il continue à écrire pour le théâtre<br />

et le cinéma, joue et met en scène ses propres pièces, ainsi que celles<br />

d’autres auteurs.<br />

FRANCOISE COURVOISIER<br />

Françoise Courvoisier, directrice artistique du Po<strong>ch</strong>e Genève dès 2003,<br />

alterne l’écriture, la mise en scène et le jeu depuis une vingtaine<br />

d’années. Ses deux derniers spectacles sont Les Combats d’une reine<br />

d’après l’œuvre de Grisélidis Réal, créé au Festival d’Avignon 2010 puis<br />

joué dans différents théâtres en Suisse et en France, avec Judith Magre<br />

et Magali Pinglaut et Écoute-moi, qu’elle écrit et met en scène, qui<br />

réunit la Castou, Philippe Mathey et Patricia Mollet-Mercier.<br />

8


2. LA FORCE DE TUER<br />

15 OCTOBRE > 4 NOVEMBRE 2012<br />

Texte Lars Norén<br />

Traduction Amélie Berg<br />

Mise en scène Philippe Lüs<strong>ch</strong>er<br />

Scénographie Roland Deville<br />

Lumière José Espina<br />

Jeu Élodie Bordas<br />

Jean-Pierre Malo<br />

(distribution en cours)<br />

Un huis-clos entre un père, son fils et sa petite amie : trois êtres à la dérive pour qui<br />

les liens familiaux sont devenus fantomatiques. La Force de tuer, l’une des<br />

premières pièces de Lars Norén, évoque peut-être, malgré sa violence, un appel à la<br />

vie. Un théâtre radical qui ne peut laisser personne indifférent.<br />

La pièce offre un rôle magnifique à Jean-Pierre Malo, un comédien dont les<br />

interprétations sur les scènes romandes restent inoubliables : notamment Démons,<br />

le Partage de midi au Théâtre de Vidy... L’É<strong>ch</strong>ange, Abraham Sacrifiant et<br />

dernièrement, Les Grandes Personnes à la Comédie de Genève. On a pu également<br />

le voir au cinéma et à la télévision dans un grand nombre de films et de téléfilms,<br />

ainsi que sur différentes scènes françaises.<br />

COPRODUCTION LE POCHE GENÈVE / THÉÂTRE VIDY-LAUSANNE<br />

L’ARCHE EST ÉDITEUR ET AGENT THÉÂTRAL DU TEXTE REPRÉSENTÉ


15 octobre > 4 novembre 2012<br />

LARS NORÉN ET LE THÉÂTRE DE LA BLESSURE<br />

Mikael Van Reis, tiré de Alternatives théâtrales 94-95, 2007<br />

LA FORCE DE TUER<br />

La réflexion qu’a eue Jean Genet après une visite du studio d’Alberto Giacometti correspond<br />

bien au théâtre de Lars Norén : « Il n’est pas à la beauté d’autre origine que la blessure,<br />

singulière, différente pour <strong>ch</strong>acun, ca<strong>ch</strong>ée ou visible, que tout homme garde en soi, qu’il<br />

préserve et où il se retire quand il veut quitter le monde pour une solitude temporaire mais<br />

profonde 1 . » […]<br />

Lars Norén est aujourd’hui le plus grand dramaturge suédois après Strindberg. Lors de ces<br />

trente dernières années, son œuvre s’est étendue pour devenir un « pays Lars Norén »,<br />

toujours <strong>ch</strong>angeant : des hôtels familiaux déserts, de la lumière du matin aux fêtes violentes<br />

de la nuit, des abus domestiques dans les appartements urbains au vide dans les vérandas<br />

d’été au cou<strong>ch</strong>er du soleil, du bavardage intellectuel au bégaiement dans les asiles. Dans ses<br />

pièces, les enfants défient leurs parents, les mariages s’effondrent et le bien-être superficiel<br />

est réduit en cendres. Petit à petit la comédie inhumaine évolue, entre mélancolie et humour<br />

sauvage quand les phrases pertinentes traversent l’obscurité comme des coups de fusil.<br />

Norén ouvre graduellement les portes de nouvelles pièces, de nouveaux cycles de l’existence,<br />

d’une famille démembrée à une société européenne privée des étoiles qui rassemblent.<br />

Dissection de la modernité, ses pièces décrivent aussi une vision pathologique de la vie dans<br />

le capitalisme de ces dernières années. (…)<br />

Il y a comme un mouvement récurrent dans le travail de Norén : expansion et contraction.<br />

Complexité et simplicité. […] Quoi qu’il écrive, il gravite autour du point zéro, comme poursuivi<br />

par un désir de néant.<br />

Qu’est-ce que le néant ? On pourrait le traduire par la désolation absolue ou par une<br />

obscurité prénatale à la fois de la vie et de la mort. Les entrailles, l’asile, le camp de<br />

concentration, le dysfonctionnement familial, la blessure… C’est finalement par le désir que<br />

sont promises deux sortes de libérations : ou la liquidation du sujet ou la totalité de la vie<br />

elle-même. Rien de plus, rien de moins. C’est le lieu où la vie et la mort sont divisées,<br />

séparées. C’est la « nuda vita », le cœur de la vie nue dans l’œuvre de Norén.<br />

C’est aussi l’endroit où l’identité rencontre l’altérité, où la possibilité de devenir quelqu’un<br />

d’autre peut aussi bien apparaître sous la forme de ne devenir personne. C’est l’espace d’un<br />

<strong>ch</strong>angement de soi. Dans la poésie et la dramaturgie de Norén, l’auto transformation et l’acte<br />

d’écriture sont toujours les deux côtés de la même gestuelle – un acte originel de violence et<br />

d’écriture, les mots et le silence, le moi et l’altérité.<br />

Après une décennie consacrée à la mère préœdipienne et une autre autour de la symbolique<br />

du père, Norén entre de plain-pied dans le scénario œdipien à travers le drame et la tragédie,<br />

avec comme modèle la tragédie grecque, un passage par la symbolique du meurtre parental.<br />

La Force de Tuer (1978) dramatise le sacrifice – imaginaire ou réel – du père en référence à<br />

l’Œdipe de Sophocle. C’est une des pièces les plus étonnantes, les plus dialectiques jamais<br />

écrites par Norén, avec l’exactitude d’une horloge mortelle.<br />

1 Jean Genet, L’Atelier d’Alberto Giacometti, Gallimard, 1956.<br />

10


15 octobre > 4 novembre 2012<br />

OUBLIEZ LE THÉÂTRE !<br />

Propos de Lars Norén recueillis par René Zahnd, janvier 2004.<br />

LA FORCE DE TUER<br />

Je préfère un théâtre où le public se pen<strong>ch</strong>e en avant pour écouter<br />

à celui où il se pen<strong>ch</strong>e en arrière car c’est trop fort.<br />

Lars Norén<br />

Rencontrer la société<br />

La société se mue en théâtre. Nous devons pénétrer le langage de la société sur scène, nous<br />

devons en tirer parti. Je le dis à mes comédiens : regardez comment les gens se comportent<br />

dans la rue, dans le bus, etc. Ne regardez pas comment font les autres comédiens. Oubliez le<br />

théâtre ! Observez comment sont les gens. Tout notre matériel, toute notre énergie, tout<br />

notre sang vient de la société. En même temps, on peut utiliser le formidable langage du<br />

théâtre pour influencer la société. C’est aussi là que nous nous rencontrons.<br />

L’acteur souverain<br />

Je travaille et je mets en scène comme un acteur. J’ai la même relation au texte qu’un<br />

acteur… Pour moi, l’acteur est un lieu qu’il faut rendre aussi pur que possible pour qu’il<br />

puisse accueillir ce qui fait son rôle et par conséquent la pièce. Il doit écouter ce que l’autre<br />

lui dit. Il est la réaction de ce qui est dit. La plupart des acteurs apprennent comment il faut<br />

agir, mais presque jamais comment il faut réagir. Il s’agit donc de les inciter à se dégager des<br />

manières conventionnelles de réagir : être fâ<strong>ch</strong>é de cette façon, être triste parce qu’on me dit<br />

des <strong>ch</strong>oses mé<strong>ch</strong>antes… Un acteur doit être en mesure de recevoir. En même temps, il est<br />

aussi celui qui se trouve au centre du théâtre. Il ne doit pas se soumettre au metteur en<br />

scène. Il ne doit pas se soumettre au texte. Il doit, de manière souveraine, le transmettre au<br />

public.<br />

Une protestation<br />

Le théâtre, c’est du temps comprimé. Souvent sur scène, on peut voir des pièces en relation<br />

avec notre vie. Et tout ce que nous voyons est en relation avec le grand noir : la mort. Le<br />

théâtre est en quelque sorte un constant adieu… Les metteurs en scène partent, une pièce<br />

est abandonnée, des acteurs, des camarades arrêtent, vont vers de nouveaux projets… C’est<br />

toujours une image de l’adieu dans la vie. Et pour le public, c’est souvent des gens qui sont<br />

confrontés au temps dans leur vie. Rien de ce que nous faisons n’aurait de valeur s’il n’y avait<br />

la mort.<br />

Le théâtre est en permanence conscient de la mort. Dans l’instant où un comédien fait un<br />

geste ou dit une phrase, ça a déjà disparu. C’est pareil dans la vie. Alors que nous sommes<br />

assis ici, nous sommes déjà morts. C’est juste une question de temps. Alors pourquoi veut-on<br />

faire du théâtre ? C’est une protestation contre la mort. En même temps, il ne faut pas<br />

oublier que c’est la mort qui donne une valeur à tout.<br />

11


15 octobre > 4 novembre 2012<br />

LARS NORÉN<br />

LA FORCE DE TUER<br />

Né à Stockholm en 1944, Lars Norén propose un théâtre nourri de ses<br />

propres obsessions, constitué de plus de quarante pièces, traitant<br />

principalement des relations familiales. Considéré dans son pays<br />

comme « le plus grand auteur suédois depuis Strindberg », traduit<br />

dans toutes les langues et joué dans le monde entier, l’auteur livre une<br />

œuvre exceptionnellement dense, à l’image de Guerre ou de Sang, deux<br />

spectacles qui ont marqué la scène du Po<strong>ch</strong>e en septembre 2004 et en<br />

octobre 2007. Ces dernières années, Lars Norén se dirige vers un<br />

théâtre plus sociologique avec notamment : Le 20 novembre et À la<br />

mémoire d’Anna Politkovskaïa, qu’il crée en langue française au<br />

Théâtre National de Belgique en 2010 ainsi que Catégorie 3.1, pièce<br />

dernièrement jouée à Vidy-Lausanne et au Théâtre de la Colline à Paris<br />

dans une mise en scène de Krystian Lupa, sous le titre Salle d’Attente.<br />

« La Force de Tuer est presque une pièce de jeunesse que je considère comme de la<br />

poésie, une référence à mes débuts de poète dans la vie, un cau<strong>ch</strong>emar qui<br />

correspond à ma vie intérieure de l’époque. Le Fils <strong>ch</strong>er<strong>ch</strong>e à blesser et à briser son<br />

père qui lui-même n’est qu’amertume et médiocrité. Après cette pièce, j’ai<br />

commencé une vie autre grâce au théâtre. »<br />

PHILIPPE LÜSCHER<br />

Lars Norén, « Entretien avec Véronique Hotte » in La<br />

Terrasse, septembre 2007.<br />

Philippe Lüs<strong>ch</strong>er a dirigé le Théâtre de l’Orangerie puis celui du Grütli.<br />

Auteur, comédien et metteur en scène, il est aujourd’hui à la tête des<br />

Maisons Mainou, résidence d’écriture située à Vandœuvres. Après une<br />

mise en scène éblouissante de La Campagne de Martin Crimp au<br />

Po<strong>ch</strong>e en 2011, affectionnant les rapports troubles en scène, tout<br />

récemment, il monte Gomorra de Roberto Saviano et Mario Gelardi au<br />

Théâtre Pitoëff.<br />

12


3. CHUTE D’UNE NATION ( accueil )<br />

7 > 25 NOVEMBRE 2012<br />

Texte & mise en scène Yann Reuzeau<br />

Assistante Aude Sabin<br />

Lumière François-Eric Valentin<br />

Décors Camille Darier<br />

Jeu Emmanuel de Sablet<br />

Raphaël d’Olce<br />

François Hatt<br />

Mit<strong>ch</strong> Hooper<br />

Walter Hotton<br />

Yvan Lambert<br />

Didier Mérigou<br />

Leïla Moguez<br />

Lionel Naka<strong>ch</strong>e<br />

Manga Ndjomo<br />

Morgan Perez<br />

Sophie Vonlanthen<br />

L’action repose sur une fiction : nous sommes dans une démocratie indéterminée,<br />

dirigée par un président de droite, dont le mandat arrive à terme. Il faut préparer les<br />

élections. À gau<strong>ch</strong>e, c’est la pagaille. Weider, un homme de l’ombre influent, décide<br />

de lancer dans la campagne Vampel, un député inconnu du grand public,<br />

consciencieux et travailleur... L’auteur, Yann Reuzeau […], déploie l’attirail qui nourrit<br />

une campagne : les accords et les compromissions, les attaques directes et les<br />

coups bas, la guerre des egos et des programmes, l’exploitation des faits divers, le<br />

poids de l’argent, les amours incestueuses de la presse et des politiques... C’est<br />

extrêmement efficace : scènes courtes, rythme soutenu... […] Le don assez sidérant<br />

de l’auteur pour les dialogues fait mou<strong>ch</strong>e et les comédiens n’hésitent pas à appuyer<br />

sur la pédale. C’est la règle d’une campagne.<br />

Brigitte Salino, Le Monde<br />

Chute d’une Nation est une série théâtrale en quatre épisodes. Chaque épisode<br />

est un spectacle en soi qui peut se voir indépendamment des autres. L’abonnement<br />

donne accès aux quatre épisodes !<br />

Horaires spéciaux : 1er épisode à 18h30, 2e épisode à 21h, 3e épisode le lendemain à<br />

18h30, etc..<br />

Le diman<strong>ch</strong>e 25 novembre : Intégrale des quatre épisodes à 11h, 14h, 17h et 20h,<br />

avec intermèdes dinatoires : CHF 100.-.<br />

PRODUCTION ACTE 2, en accord avec LA MANUFACTURE DES ABBESSES


7 > 25 novembre 2012 CHUTE D’UNE NATION<br />

L’INDIVIDU ET L’HISTOIRE<br />

Yann Reuzeau<br />

Von Papen. L’histoire a à peine retenu son nom et pourtant il est bien l’homme qui a<br />

proposé Hitler comme Chancelier au Président Von Hindenburg. Von Papen,<br />

S<strong>ch</strong>lei<strong>ch</strong>er et quelques autres, incapables de former un gouvernement stable durant<br />

de longs mois, ont offert l’Allemagne à un Hitler pourtant affaibli (il sortait d’un net<br />

recul aux dernières élections). Von Papen pensait Hitler incapable de diriger le pays<br />

et était persuadé de récupérer le pouvoir rapidement. Un homme avait joué avec la<br />

démocratie et avait perdu. Il ne pouvait pas savoir, bien sûr…mais sa responsabilité<br />

est engagée face à l’Histoire.<br />

L’histoire de Chute d’une nation est très différente de celle de l’accession au pouvoir<br />

d’Hitler. Elle se passe dans une France pro<strong>ch</strong>e de la nôtre (dont tous les<br />

personnages et évènements sont fictionnels). Mais elle vient de là, de cette idée que<br />

la démocratie est incroyablement fragile, qu’elle dépend de la bonne volonté des<br />

hommes, de tous les hommes, de toutes les générations. Elle ne permet aucun<br />

moment de faiblesse, aucune génération inconsciente, qu’aucun homme de pouvoir<br />

ne fasse un jugement tactique malheureux…<br />

Il y eut aussi l’élection de 2002. Plus que par le résultat, j’ai été marqué par les<br />

réactions des gens. L’effroi, l’incrédulité <strong>ch</strong>ez beaucoup de monde, même <strong>ch</strong>ez ceux<br />

dont le vote faisait défaut à Jospin pour accéder au second tour. Mais si 2002 a<br />

réveillé ce souvenir de la fragilité de la démocratie, cette pièce a l’ambition d’être<br />

plus large, de parler de la démocratie d’hier et de demain et de ceux qui la font, qui<br />

la feront. Ce projet est une fiction, en aucun cas un manifeste pour ou contre tel ou<br />

tel autre homme politique.<br />

Il s’agit pour moi d’explorer les <strong>ch</strong>oix de quelques hommes à un moment où<br />

l’Histoire bascule. Quand, comment et à quel point réalisent-ils qu’il se joue quelque<br />

<strong>ch</strong>ose de différent, dont ils sont les acteurs pour le meilleur ou pour le pire ?<br />

Comment gèrent-ils les <strong>ch</strong>oix qui vont faire basculer l’Histoire ? Quels impacts les<br />

violentes secousses de l’Histoire ont-elles sur eux, sur leurs engagements, leurs<br />

convictions ?<br />

Comment se comportent-ils quand ils entrent dans l’œil du cyclone, quand l’Histoire<br />

commence à s’écrire sous leurs pas, par leurs mots, par leurs actes ?<br />

Ce qui m’intéresse aussi, c’est le <strong>ch</strong>eminement de ces hommes, de la quasi<br />

innocence avec laquelle un jeune député se lance dans les primaires, à la<br />

conscience violente d’avoir une part de responsabilité dans un événement d’une<br />

gravité extrême.<br />

En ce qui concerne la forme, l’idée de la série s’est imposée pour ce projet. Elle<br />

permet de développer des personnages, une intrigue, sur une plus longue durée, de<br />

leur donner une ampleur autre, d’apporter un lyrisme, et également une gestion du<br />

suspens très différente et très excitante.<br />

Et c’est un passionnant défi d’écriture.<br />

14


7 > 25 novembre 2012 CHUTE D’UNE NATION<br />

LA PRESSE<br />

Grégoire Biseau, Libération, 16 décembre 2011<br />

La politique, bal des ambitieux, une saga réjouissante à la Manufacture<br />

des Abbesses.<br />

Il n’est pas impossible que le spectateur qui sort d’un des quatre épisodes de Chute<br />

d’une nation se retrouve dans l’incapacité d’exprimer clairement ce à quoi il a<br />

assisté. Une bonne série télévisée ? Evidemment pas, même si l’on se retrouve dans<br />

le même état addictif. Prêt à vendre père et mère pour dévorer, là dans la minute, la<br />

suite de l’épisode qui vient de se terminer sur un suspense à l’efficacité très<br />

marketing. Une pièce de théâtre ? Pas totalement non plus, vu le nombre de gènes<br />

qu’elle a en commun avec ses muses télévisuelles américaines, les À la Maison<br />

Blan<strong>ch</strong>e et consœurs. Une créature hybride, donc. Et rien que pour cela, excitante<br />

(…) La première réussite de cette tétralogie : ausculter cet étonnant carburant qu’on<br />

appelle l’ambition en politique. (…) L’autre réussite de cette Chute d’une nation<br />

réside dans le subtil dosage entre réalité documentaire et pure fiction. (…)<br />

France Culture<br />

Une pièce qui laisse tout le monde pantois, totalement fascinante. C’est<br />

extrêmement bien fait avec des dialogues qui fusent à toute allure. Un défi d'écriture<br />

incroyable. (…) Ce qui est incroyable c'est la manière dont vous articulez ce qui est<br />

de l'ordre du discours politique et ce qui est de l'ordre de l'individu réellement, il y a<br />

une plongée dans l'humanité de ces personnages, dans leur singularité, dans leur<br />

personnalité. (…) Il y a la grande Histoire qui broie les personnages et il y a les<br />

personnages, qui, aussi, la fabriquent. On est littéralement captivé. Rarement au<br />

théâtre j’ai été à ce point prise autant dans le simple plaisir de la fiction qui nous<br />

tient haletant du début à la fin. Chute d’une Nation parvient à soutenir un rythme<br />

parfait, en jouant d’un suspens tendu et maîtrisé. On pense à l’excellent West Wing.<br />

La même densité, la même efficacité qui déroule un fil narratif parfaitement tendu,<br />

toujours unifié. (…) Une logique narrative implacable qui emporte tout. Qui emporte<br />

aussi l’adhésion de la salle. Parce qu’elle procure un intense plaisir d’autant qu’elle<br />

sert un propos éminemment jouissif, celui de la politique fiction. Un tableau épique<br />

et haut en couleur.<br />

Le Figaro Magazine<br />

Une pièce politique, une vraie. Pas une pièce politicienne qui prendrait parti pour un<br />

camp ou un autre ni une réflexion philosophique sur l'art de gouverner un pays mais<br />

une plongée dans l'univers du politique avec ses coups bas, ses grandeurs, ses<br />

mesquineries, ses aspirations. L'auteur réussit à ne tomber ni dans la démagogie ni<br />

dans la complaisance. Le spectacle est d'autant plus convaincant que la distribution<br />

est de grande qualité.<br />

Cassandre Hors <strong>ch</strong>amp<br />

Un vrai théâtre politique, d'aujourd'hui. Le suspens y est haletant, jouissif. L'idée de<br />

la série est ici idéale pour le rythme et la nature du propos. Mais la grande force de<br />

l'œuvre, c'est de relier une humanité et une psy<strong>ch</strong>ologie complexes à une réalité<br />

politique brûlante. Servie par une distribution impeccable, magistralement dirigée, la<br />

15


7 > 25 novembre 2012 CHUTE D’UNE NATION<br />

force des personnages et de l'histoire nous emporte, elle s'adresse directement et<br />

profondément à nous, plus ou moins citoyens, plus ou moins épris de politique, tous<br />

concernés. Yann Reuzeau est un auteur qui manquait. De ceux qui savent s'effacer<br />

devant leur propos. Venez prendre cœur et distance dans la campagne électorale, ça<br />

devrait même vous aider à voter utile. De l'art comme un miroir captivant et<br />

réflé<strong>ch</strong>issant.<br />

16


7 > 25 novembre 2012 CHUTE D’UNE NATION<br />

YANN REUZEAU<br />

Chute d’une Nation est la cinquième pièce écrite et mise en scène par<br />

Yann Reuzeau, pour laquelle il s’inspire, concernant la forme, des<br />

séries télévisuelles. En 2000, il signe La Secte, un drame sur la foi et<br />

la sexualité, puis Les Débutantes, Monsieur le Président et enfin,<br />

Puissants & Miséreux. Son théâtre s’inscrit dans une exploration<br />

ludique de notre société. Depuis 2006, il codirige le Théâtre de la<br />

Manufacture des Abbesses à Paris.<br />

17


4. COCHONS D’INDE ( création en Suisse )<br />

3 > 23 DÉCEMBRE 2012<br />

Texte Sébastien Thiéry<br />

Mise en scène<br />

Scénographie<br />

Son<br />

Antony Mettler<br />

Anne Wannier<br />

Nicolas Le Roy<br />

Jeu Fabienne Guelpa<br />

(distribution en cours)<br />

Quand Monsieur Kraft vient effectuer un retrait à sa banque, il ne se doute pas une<br />

seconde que l’établissement a été ra<strong>ch</strong>eté par un groupe indien et qu’un véritable<br />

cau<strong>ch</strong>emar l’attend. Non seulement il ne peut pas retirer les espèces dont il a besoin,<br />

mais il ne peut plus ressortir de la banque : le sas est commandé depuis New Delhi et<br />

refuse obstinément de le libérer.<br />

Co<strong>ch</strong>ons d’Inde est un petit bijou d’humour et d’absurde, qui délivre son venin avec<br />

une finesse redoutablement efficace. On rit énormément aux rebondissements<br />

imprévisibles qui jalonnent ce « boulevard kafkaïen ». Cette comédie est créée en<br />

2008 au Théâtre Hébertot dans une mise en scène d’Anne Bourgeois et reçoit le<br />

Molière de la meilleure pièce comique.<br />

COPRODUCTION LE POCHE GENÈVE / THÉÂTRE MONTREUX-RIVIERA<br />

L’AUTEUR EST REPRÉSENTÉ PAR DOMINIQUE CHRISTOPHE / L’AGENCE, PARIS, EN<br />

ACCORD AVEC LA SACD


3 > 23 décembre 2012 COCHONS D’INDE<br />

ENTRE THÉÂTRE DE BOULEVARD ET THÉÂTRE DE L’ABSURDE.<br />

Entretien avec Sébastien Thiéry réalisé par Anna Kubista sur Radio Prague, novembre<br />

2011<br />

Vous êtes-vous inspiré d’un événement particulier de l’actualité ?<br />

Oui, il y a quelques années, la société d’acier français Arcelor a été ra<strong>ch</strong>etée par Mittal, une<br />

grande société indienne. Donc une grosse société indienne ra<strong>ch</strong>etait une société française<br />

déjà très importante. Soudain, on se rendait compte que les Indiens, qui étaient les pauvres il<br />

y a quelques années, deviennent les ri<strong>ch</strong>es et ra<strong>ch</strong>ètent les sociétés françaises. Il y a aussi un<br />

rapport entre le client de la banque et le gui<strong>ch</strong>etier, qui est un petit monsieur et qui a soudain<br />

le pouvoir sur le bourgeois, tout comme les Indiens ont le pouvoir sur les Occidentaux.<br />

C’est un peu le principe du carnaval, de l’inversion des rôles ?<br />

Je ne sais pas, je ne suis pas familier des carnavals. Mais j’aime bien l’idée qu’un bourgeois<br />

qui a de l’argent doive rendre des comptes à quelqu’un qui a peu de pouvoir, tout comme un<br />

Français doit rendre compte à des Indiens, alors qu’on les méprisait il y a une certaine<br />

époque. D’ailleurs on les méprise sans doute encore aujourd’hui, alors que ce sont eux qui<br />

ont l’argent et le pouvoir.<br />

Le personnage paye pour l’arrogance de l’Occidental…<br />

Chacun son arrogance, au final personne ne fait de cadeau à personne. J’aime bien l’idée que<br />

les ri<strong>ch</strong>es doivent rendre compte aux pauvres et que d’un coup les <strong>ch</strong>oses basculent…<br />

C’est un huis-clos, ça se passe dans une banque pendant environ 24h. Quand<br />

on lit des critiques sur cette pièce, le terme qui revient le plus fréquemment,<br />

c’est « kafkaïen »… […]<br />

[…] Je ne connais pas bien Kafka, mais je me suis renseigné puisqu’on m’a comparé à lui,<br />

même si je n’ai pas son talent. Il y a cette <strong>ch</strong>ose en commun qui est de ne pas comprendre<br />

pourquoi, comme dans Le Procès, on demande des comptes à cet homme. C’est totalement<br />

injustifié, on ne lui expliquera jamais pourquoi. Un peu comme <strong>ch</strong>ez Kafka, il y a la volonté de<br />

faire rire avant tout. C’est moins connu, mais Kafka pensait que ses œuvres étaient<br />

comiques… En tout cas, la mienne l’est résolument. Il y a cela de commun entre nos deux<br />

univers.<br />

Cet humour et cette ironie, c’est quelque <strong>ch</strong>ose que vous re<strong>ch</strong>er<strong>ch</strong>ez dans<br />

l’écriture de vos pièces ou bien est-ce spécifique à cette pièce-ci ?<br />

J’ai commencé par écrire des sket<strong>ch</strong>es totalement absurdes et puis j’ai voulu pouvoir faire<br />

tenir l’absurde pendant une heure et demi. C’est un défi bien sûr. Mes pièces empruntent aux<br />

règles du théâtre de l’absurde et du théâtre de boulevard. J’essaye de marier deux théâtres<br />

et d’en faire un qui est le mien désormais. J’ai écrit quatre, cinq pièces depuis Co<strong>ch</strong>ons<br />

d’Inde et elles obéissent toutes aux même règles : il y a toujours une situation de départ<br />

complètement absurde, avec souvent un bourgeois – je dois avoir un compte à régler avec<br />

eux ! – qui se retrouve empêtré dans une situation, essaye de s’en sortir sans comprendre ce<br />

qui lui arrive.<br />

L’absurde est-il, selon vous, le reflet de notre époque ?<br />

L’absurde est le reflet de beaucoup d’époques. Je pense que l’absurde est né après la<br />

première guerre mondiale et surtout après la seconde parce qu’on avait atteint un tel niveau<br />

dans l’horreur. L’absurde vient de là, je crois. De l’absurdité de la vie. L’absurde reflète<br />

l’époque actuelle mais bien d’autres aussi. Je pense que cela fait un bout de temps que le<br />

monde mar<strong>ch</strong>e sur la tête. En tout cas, les gens y sont sensibles.<br />

19


3 > 23 décembre 2012 COCHONS D’INDE<br />

AAvant d’être auteur de théâtre, vous êtes aussi comédien. Cette expérience<br />

d’acteur, sur les plan<strong>ch</strong>es, vous sert-elle pour écrire ou bien ces deux<br />

activités sont-elles totalement dissociées ?<br />

En préambule, je dirais qu’il y a énormément d’auteurs de théâtre qui étaient acteurs. Je<br />

crois que ce n’est pas le même principe. Quand on écrit pour le théâtre, on écrit des<br />

situations et des dialogues. On n’écrit, enfin personnellement je n’écris pas avec la volonté de<br />

dénoncer quelque <strong>ch</strong>ose. C’est juste un prétexte pour faire du théâtre. Moi, j’ai écrit du<br />

théâtre parce que je n’avais pas de travail. Pas parce que j’avais quelque <strong>ch</strong>ose à dire. Ce qui<br />

me semble important c’est que ce soit facile à dire et jouable, qu’il y ait une situation forte. Le<br />

fond ne m’intéresse pas du tout, contrairement à la littérature. Moi je me sers du sujet pour<br />

pouvoir faire du théâtre […].<br />

20


3 > 23 décembre 2012 COCHONS D’INDE<br />

CCOCHONS D’INDE : NOTE D’INTENTIONS<br />

Antony Mettler, mai 2012<br />

« Je crois que nos institutions bancaires sont plus dangereuses pour nos libertés qu’une<br />

armée debout. Celui qui contrôle l’argent de la nation contrôle la nation ».<br />

Thomas Jefferson<br />

Cette phrase du troisième président des Etats-Unis résume parfaitement les thématiques<br />

abordées dans la pièce de Sébastien Thiéry. Cette pièce à la fois drôle et sérieuse, est une<br />

photographie prise sur le vif de l’homo-sapiens contemporain. C’est une farce d’aujourd’hui<br />

qui s’inscrit aussi dans la longue tradition d’un théâtre burlesque qui tourne la société en<br />

dérision. S’il y a un véritable génie de la situation première, une intuition du cocasse et du<br />

burlesque, un art de la surprise, le théâtre de Sébastien Thiéry ne se sort des pièges qu’il se<br />

tend lui même que par une écriture en lignes brisées, sur laquelle s’appuie toute la<br />

dramaturgie, et qui fait évoluer les situations en fonction de la manière dont les mots<br />

s’entre<strong>ch</strong>oquent.<br />

De quoi s’agit-il dans Co<strong>ch</strong>ons d’Inde ?<br />

C’est extrêmement simple : un type « normal », lambda, auquel le public peut s’identifier, pas<br />

sympathique d’entrée, est enfermé dans une pièce, une banque qui subit les effets de la<br />

mondialisation. Il n’essaie qu’une <strong>ch</strong>ose du début à la fin : en sortir. Et comme il ne peut pas,<br />

il va passer par tous les états possibles : il veut comprendre, puis s’énerve, tente une<br />

négociation, se résigne et admet ce qui lui arrive, même s’il trouve cela complètement fou.<br />

21


3 > 23 décembre 2012 COCHONS D’INDE<br />

SÉBASTIEN THIÉRY<br />

Sébastien Thiéry est né à Paris en 1970. Il étudie le théâtre au<br />

Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris, puis<br />

partage son temps entre l’écriture et le jeu d’acteur, tant au théâtre<br />

qu’à la télévision ou au cinéma. Il écrit et interprète notamment la série<br />

Chez Maman, diffusée sur Canal +. C’est Jean-Mi<strong>ch</strong>el Ribes qui fera<br />

découvrir son univers déjanté en 2004, en mettant en scène Sans<br />

Ascenseur au Po<strong>ch</strong>e, puis au Théâtre du Rond-Point à Paris. Suivront<br />

d’autres pièces : Dieu habite Düsseldorf et Qui est Monsieur S<strong>ch</strong>mitt ?,<br />

ainsi que Le Début de la fin, joué récemment au Théâtre des Variétés à<br />

Paris.<br />

ANTONY METTLER<br />

Antony Mettler joue dans une trentaine de spectacles dont Les Bijoux<br />

de la Castafiore de Hergé mis en scène par Dominique Catton au<br />

Théâtre Am Stram Gram puis en tournée. Au Théâtre Al<strong>ch</strong>imic, Jean et<br />

Béatrice de Carole Fré<strong>ch</strong>ette et dernièrement, Art de Yasmina Reza.<br />

Sous la direction de Pierre Naftule, on le voit dans différentes éditions<br />

de La Revue. Au Po<strong>ch</strong>e, il interprète Charlie dans Le Répétiteur de<br />

Françoise Courvoisier et dernièrement, Simon St Clair dans l’Atelier<br />

d’écriture de David Lodge. Également metteur en scène, il crée sa<br />

propre compagnie Le Théâtre de la Rapière, spécialisée dans les<br />

comédies historiques de cape et d’épée.<br />

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5. POURQUOI ONT-ILS TUÉ JAURÈS ?<br />

( création )<br />

14 JANVIER > 3 FÉVRIER 2013<br />

Texte & mise en scène Dominique Ziegler<br />

Scénographie Yann Joly<br />

Lumière Danielle Milovic<br />

Son Graham Broomfield<br />

Jeu Jean-Alexandre Blan<strong>ch</strong>et<br />

Olivier Lafrance<br />

Céline Nydegger<br />

Frédéric Polier<br />

Margarita San<strong>ch</strong>ez<br />

Le 31 juillet 1914, ce n’est pas seulement un grand leader du socialisme européen et<br />

un politicien au talent d’orateur légendaire qui meurt, c’est le dernier espoir de paix<br />

pour la France et pour l’Europe. Jean Jaurès avait la faculté de galvaniser par sa<br />

seule parole des foules entières, parvenant à déstabiliser des gouvernements par la<br />

puissance de son verbe et l’intelligence de ses analyses. Il avait aussi un intérêt et<br />

un amour profond pour le peuple, auquel il s’adressait sans démagogie. Il fut<br />

pourtant la cible, de son vivant, de la haine féroce de nombreux politiciens.<br />

C’est un homme incorruptible dont le courage force le respect sur lequel Dominique<br />

Ziegler se pen<strong>ch</strong>e afin d’en retracer, avant tout pour le plaisir des spectateurs mais<br />

aussi pour lancer quelques pistes de réflexion, les étapes <strong>ch</strong>arnières de vie.<br />

PRODUCTION LE POCHE GENÈVE<br />

AVEC LE SOUTIEN DE LA SOCIÉTÉ SUISSE DES AUTEURS (SSA)


14 janvier > 3 février 2013 POURQUOI ONT-ILS TUÉ JAURÈS ?<br />

RÉCIT DE VIE ET THÉÂTRE<br />

Dominique Ziegler, avril 2012<br />

Il n’existe sans doute pas d’inconnu aussi célèbre que Jaurès !<br />

De celui-ci, le public connaît au mieux le combat pour la paix, à la veille de la Première<br />

guerre mondiale, et les circonstances violentes de sa mort. Son parcours, sa pensée, son<br />

action, ses écrits, ses contradictions et le contexte particulier dans lequel ils prennent place<br />

sont largement ignorés du grand public aujourd’hui. De Jaurès ne subsiste qu’une vague<br />

image d’Epinal qu’il convient, cent ans après sa mort, de dépasser pour mieux rendre<br />

hommage à un homme à l’intégrité indiscutable et aux <strong>ch</strong>oix politiques et philosophiques<br />

spécifiques, mais qui concernent toujours l’humanité au premier plan.<br />

Les moyens du théâtre sont-ils adéquats pour effectuer une telle démar<strong>ch</strong>e ? Oui, si l’on<br />

considère que l’activité la plus marquante de Jaurès a été celle d’un tribun de premier ordre,<br />

galvanisant par sa seule parole des foules entières, parvenant à déstabiliser des<br />

gouvernements entiers par la seule puissance de son verbe et la puissance de ses analyses.<br />

Les moyens du théâtre s’avèrent toutefois problématiques (et c’est ce qui rend ce défi<br />

passionnant) à rendre compte d’un parcours de vie de plus de cinquante ans, à <strong>ch</strong>eval sur<br />

deux siècles peu avares en bouleversements majeurs. Imaginer une pièce à huis-clos<br />

retraçant à travers une confrontation particulière (avec sa femme, avec un opposant de droite<br />

ou de gau<strong>ch</strong>e, avec un disciple ou tout autre témoin-prétexte) risquerait de faire sombrer la<br />

pièce dans le syndrome « wikipedia », de la narration savante a posteriori, qui n’aurait<br />

d’intérêt que pour quelques aficionados ou pour les amateurs de dialogues semi-statiques.<br />

Inversement restituer l’ensemble de l’action et de la vie de Jean Jaurès revient à imaginer<br />

une fresque de dix-huit heures, et à écrire d’avantage pour le cinéma que pour le théâtre.<br />

Comment résoudre l’équation ? En revenant à ce qui fait l’intérêt même de l’art dramatique,<br />

c’est-à-dire en faisant des <strong>ch</strong>oix draconiens, en étudiant les passages paroxystiques de<br />

l’existence d’un individu. C’est à travers la subjectivité du point de vue de l’auteur que se<br />

dessineront les grandes étapes de l’existence de Jean Jaurès. Ce point de vue n’obéit pas<br />

seulement à l’arbitraire de l’auteur, mais s’inspire par recoupements des grands ouvrages<br />

écrits sur le sujet et sur les discussions avec divers spécialistes. Le but de la pièce est de<br />

donner un aperçu en profondeur des grandes étapes de la vie politique de Jean Jaurès, mais<br />

aussi des aspects plus personnels de son existence, comme par exemple sa vie de famille<br />

douloureuse, ses origines semi-paysannes, son conservatisme moral et ses croyances<br />

<strong>ch</strong>rétiennes profondément ancrées ! Ce double-<strong>ch</strong>oix s’impose pour expliquer au mieux la<br />

pensée singulière de ce socialiste tardif, mais inébranlable, pour mieux tenter de comprendre<br />

et de décrire les haines virulentes dont il fut l’objet des deux côtés de l’é<strong>ch</strong>iquier politique, à<br />

gau<strong>ch</strong>e comme à droite. Car personne en ce temps-là ne fut plus haï par les politiciens de<br />

tous bords que Jaurès. Mais personne n’eut davantage le souci désintéressé du peuple que<br />

lui et personne ne sut galvaniser les foules et s’adresser à l’intelligence des petites gens,<br />

sans démagogie comme il le fit.<br />

Et personne n’a davantage été récupéré que lui depuis un siècle !<br />

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14 janvier > 3 février 2013 POURQUOI ONT-ILS TUÉ JAURÈS ?<br />

JEAN JAURÈS<br />

Léon Trotsky, 17 juillet 1915<br />

Jaurès était l'incarnation de la force personnelle. Le moral en lui correspondait parfaitement<br />

au physique : l'élégance et la grâce en elles-mêmes lui étaient étrangères ; par contre ses<br />

discours et ses actes avaient cette beauté supérieure qui distingue les manifestations de la<br />

force créatrice sûre d'elle-même. Jaurès peut paraître peu caractéristique de la France. En<br />

réalité il était Français au plus haut degré. C'est là une race d'hommes d'une puissante<br />

musculature physique et morale, d'une intrépidité sans égale, d'une force de passion<br />

supérieure, d'une volonté concentrée. C'est là un type athlétique. Il suffisait d'entendre la voix<br />

tonnante de Jaurès et de voir son large visage éclairé d'un reflet intérieur, son nez impérieux,<br />

son cou de taureau inaccessible au joug pour se dire : voilà un homme.<br />

La force principale de Jaurès orateur était la même que celle de Jaurès politicien : la passion<br />

tendue extériorisée, la volonté d'action. Pour Jaurès l'art oratoire n'a pas de valeur<br />

intrinsèque, il n'est pas un orateur, il est plus que cela : l'art de la parole pour lui n'est pas<br />

une fin mais un moyen.<br />

Il ne montait pas à la tribune pour y présenter les visions qui l'obsédaient ou pour donner<br />

l'expression la plus parfaite à une <strong>ch</strong>aîne d'idée, mais pour rassembler les volontés<br />

dispersées dans l'unité d'un but : son discours agit simultanément sur l'intelligence, le<br />

sentiment esthétique et la volonté, mais toutes ces forces de son génie oratoire, politique,<br />

humain, sont subordonnées à sa force principale : la volonté d'action.<br />

Jaurès, athlète de l'idée, tomba sur l'arène en combattant le plus terrible fléau de l'humanité<br />

et du genre humain : la guerre. Et il restera dans la mémoire de la postérité comme le<br />

précurseur, le prototype de l'homme supérieur qui doit naître des souffrances et des <strong>ch</strong>utes,<br />

des espoirs et de la lutte.<br />

Il y a une autre force qui s’éveille : ce sont tous ces peuples, de toutes les races, jusqu’ici<br />

inertes, ou qui le paraissaient, qui semblaient pour nous à travers notre tourbillon<br />

d’agitations européennes, cou<strong>ch</strong>és dans un sommeil éternel et qui, maintenant, se<br />

réveillent, réclament leurs droits, affirment leur force, races de l’Afrique, races de l’Asie, le<br />

Japon, la Chine, l’Inde… Eh bien ! Je dis que, parmi tous ces peuples longtemps opprimés ou<br />

endormis ou séparés de l’Europe par des océans d’indifférence, je dis que partout il y a des<br />

forces morales neuves qui s’éveillent, un appétit de liberté, un appétit d’indépendance, le<br />

sens du droit…<br />

Intervention de Jean Jaurès du 17 juillet 1912<br />

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14 janvier > 3 février 2013 POURQUOI ONT-ILS TUÉ JAURÈS ?<br />

DOMINIQUE ZIEGLER<br />

Né en 1970, Dominique Ziegler étudie le théâtre à Paris, aux Enfants<br />

Terribles, puis à l’École Serge Martin de Genève. Il fonde ensuite sa<br />

compagnie, Les Associés de l’Ombre, avec laquelle il crée sa première<br />

pièce qui sera un énorme succès : N’Dongo revient. Reprise au Théâtre<br />

de la Main-d’Or à Paris pendant neuf semaines, cette comédie satirique<br />

possède déjà tous les ingrédients qui font le <strong>ch</strong>arme et l’efficacité du<br />

théâtre de Ziegler : le sens du rythme, un engagement politique<br />

constamment teinté d’humour et une énergie débordante. Ses<br />

dernières réalisations jouées à Genève et en tournée sont : Affaires<br />

privées, Virtual 21, Patria Grande... Un recueil de ses pièces a été édité<br />

aux éditions Bernard Campi<strong>ch</strong>e : N’Dongo revient et autres pièces.<br />

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6. IN LOVE WITH FEDERER ( création )<br />

18 FÉVRIER > 10 MARS 2013<br />

Mise en scène Denis Maillefer<br />

Lumière & Vidéo Laurent Junod<br />

Son Philippe De Rahm<br />

Costumes Isa Bou<strong>ch</strong>arlat<br />

Conception & Jeu Bastien Semenzato<br />

Denis Maillefer<br />

Denis Maillefer et Bastien Semenzato partagent depuis plusieurs années un<br />

fanatisme à peine distancé pour le héros sportif helvétique ! Nourris de cette<br />

complicité, ils vont tenter de comprendre et de raconter leur rapport au sport et leur<br />

amour indéfectible pour Roger Federer.<br />

Roger Federer, joueur de tennis au palmarès unique, réunit tous les attributs actuels<br />

de la célébrité sportive mondialisée. Pourtant sa façon de jouer, son style, sa<br />

présence, emmènent le tennis dans une autre direction que celle tracée par les<br />

impératifs te<strong>ch</strong>niques, économiques et médiatiques. Son jeu révèle une é<strong>ch</strong>appée.<br />

C’est à sa singularité et à la présence poétique admirable de Federer que le spectacle<br />

est consacré.<br />

COPRODUCTION THÉÂTRE EN FLAMMES / LE POCHE GENÈVE / ARSENIC<br />

LAUSANNE / COLPORTEURS<br />

AVEC LE SOUTIEN DU COMITÉ RÉGIONAL FRANCO-GENVOIS (CRFG)


18 février > 10 mars 2013<br />

SSIMPLE LOVE STORY<br />

Denis Maillefer, mai 2012<br />

IN LOVE WITH FEDERER<br />

C’est un projet simple, un projet de la famille des projets autofictionnels, sans texte<br />

préalable. Un projet que j’ai envie de faire depuis longtemps. Un projet qui se raconte vite, en<br />

quelques phrases, qui a beaucoup d’inconnues et plein de promesses.<br />

Deux types, à moitié supporters passionnés, à moitié rêveurs et à 10% sociologues du sport,<br />

viennent dire, raconter, mimer, expliquer, pourquoi ils aiment tant Federer. Pourquoi ils se<br />

lèvent à pas d’heure pour regarder un 8ème de finale contre le 78ème joueur mondial,<br />

pourquoi ils s’envoient des sms multiples pendant les mat<strong>ch</strong>s pour commenter de concert<br />

ce qu’ils voient ensemble et à distance. Pourquoi ils aiment ce revers si élégant, pourquoi ils<br />

sont stupidement à genoux en train de prier pour que ce joueur qui est en train de gagner un<br />

million en quelques heures réussisse à débreaker Djokovic. Pourquoi ils ont envie de lui<br />

envoyer des lettres de consolation lors des rares défaites, pourquoi l’un de ces deux<br />

individus a réussi un jour à regarder un mat<strong>ch</strong> de Federer sur une télé qui n’avait que le son<br />

[…]<br />

Dans ce projet, deux hommes : Bastien Semenzato et Denis Maillefer. Ce n’est pas vraiment<br />

une distribution. C’est un projet qui est né de leurs discussions enflammées, parfois<br />

dévastées (après des défaites). Puis l’évidence de monter ce projet ensemble […].<br />

La proposition de base est de travailler sur la confession, vraie et/ou fausse. Une manière de<br />

faire que je pratique depuis quelques années déjà, et qui ici prendrait une forme<br />

particulière : je parle de moi mais en parlant essentiellement d’un autre, que <strong>ch</strong>acun connaît<br />

[…]<br />

Les deux acteurs racontent, rejouent leur propre rôle, citent des articles élogieux. Peut-être<br />

que l’un d’eux se déguise furtivement en Roger Federer. Et surtout, ils s’interrogent sur<br />

l’idée même de la beauté, parce qu’au fond, c’est de cela qu’il est question, et rien d’autre,<br />

c’est pour cela que je regarde, profondément, pour apercevoir le geste pur. Et nous<br />

emprunterons à ce propos les réflexions brillantes de Scala (Les Silences de Federer) qui<br />

parle magnifiquement bien du présent, du geste, de la possible impossibilité du récit<br />

contemporain lié au sport. Il parle de la beauté, de l’amour, et il le fait avec son regard de<br />

philosophe, avec des mots simples et une profondeur splendides […].<br />

On peut gloser, et nous le ferons, sur le tennis, sur son lien avec la psy<strong>ch</strong>ologie, avec<br />

l’antiquité, avec la définition que l’on a de ses propres capacités. Pourtant, ce n’est pas le<br />

principal. Ce que nous <strong>ch</strong>er<strong>ch</strong>ons à dire, maladroitement, comiquement (j’espère), c’est :<br />

pourquoi cet amour ? Et, également : que fait-on de l’amour ? Comment est-on transformé<br />

par cet amour, et par l’amour en général ?<br />

Et enfin : que fait-on de cette joie, aussi absurde et violente, procurée par le jeu (et, ne le<br />

ca<strong>ch</strong>ons pas, la victoire) de Roger Federer ? J’aime regarder le tennis parce que c’est une<br />

activité qui se pratique au présent. Et absolument au présent. Si Roger Federer se met à<br />

penser au point d’après, il est perdu […]. Le joueur de tennis, et Roger Federer plus que tous<br />

les autres, n’a pas d’autre projet que l’instant, que le millième de seconde de ce revers, si<br />

semblable au millions de revers joués dans sa vie et pourtant unique, totalement nouveau et<br />

réinventé.<br />

Ce sera un spectacle sur l’amour, le moment présent, la beauté du geste, et l’absurdité de<br />

se projeter sur un inconnu célébrissime qui tient une raquette dans la main.


18 février > 10 mars 2013<br />

IN LOVE WITH FEDERER<br />

LA PREMIÈRE FOIS QUE J’AI VU FEDERER VERSER UNE LARME…<br />

Bastien Semenzato, mai 2012<br />

La première fois que j’ai vu Federer verser une larme c'étais lors d’une défaite en coupe<br />

Davis face à la Belgique. On devait avoir moins de 20 ans ; je me destinais à une formation de<br />

journaliste sportif parce que, depuis tout petit, je pleure devant le sport.<br />

Federer a ensuite pleuré lors de sa première victoire à Wimbledon en tombant à genoux, deux<br />

mois avant qu’une coupe budgétaire et un imprévu ne me fassent découvrir le théâtre.<br />

L’année suivante, j’assistai à son second sacre sur gazon tout en attendant les résultat du<br />

concours d’entrée à la Manufacture ; école où j’ai rencontré Denis Maillefer, qui d’un<br />

ho<strong>ch</strong>ement de tête complice me permettait d’aller vérifier le score en pleine répétition.<br />

Ensuite les nombreuses finales de Federer m’ont, par exemple, pourri la seule journée<br />

ensoleillée de mes vacances en Bretagne, ou m’ont permis de supporter l'anxiété de la<br />

naissance imminente de ma fille.<br />

Federer peut égayer ou plonger dans la grisaille toute la semaine à venir.<br />

Quand je le regarde jouer, quand j’en parle, je ressens les mêmes émotions qui m’avaient<br />

poussé vers le journalisme sportif, puis conforté dans mon envie de théâtre.<br />

J’ai toujours eu envie de travailler sur mon rapport au sport : les larmes essuyées en<br />

ca<strong>ch</strong>ette devant l’écran tv, ces rêves d’exploit qui accélèrent mon rythme cardiaque, cette<br />

ivresse de supporter d’assister à l’écriture de l’histoire, les fourmis dans la jambe que je<br />

refuse de bouger avant le gain du premier set - persuadé qu’il perdrait ses moyens sans le<br />

soutien de tout mon être.<br />

29


18 février > 10 mars 2013<br />

DENIS MAILLEFER<br />

IN LOVE WITH FEDERER<br />

Denis Maillefer est né en 1965. Il réalise une trentaine de mises en<br />

scène avec sa compagnie, le Théâtre en Flammes, et codirige depuis<br />

2010 le Théâtre des Halles à Sierre. Il enseigne depuis 2003 à la Haute<br />

École de Théâtre de Suisse Romande (HETSR). Au Po<strong>ch</strong>e, on se<br />

souvient avec émotion de son spectacle adapté du roman de Philippe<br />

Forest, L’Enfant éternel. Il monte aussi Bérénice de Racine, La<br />

Supplication de Svetlana Alexievit<strong>ch</strong>, Je vous ai apporté un disque,<br />

Gênes 01 et Nature morte dans un fossé de Fausto Paravidino.<br />

Dernièrement au Théâtre du Loup et en tournée, il revisite La Cerisaie<br />

de T<strong>ch</strong>ékhov.<br />

BASTIEN SEMENZATO<br />

Bastien Semenzato se forme à La Manufacture. Des Caprices de<br />

Marianne mis en scène par Jean Liermier au Théâtre de Vidy à<br />

Supermarket de Biljana Srbljanovic mis en scène par Gianni S<strong>ch</strong>neider<br />

à Vidy, en passant par Case Study Houses de Mathieu Bertholet au Grü<br />

ou encore Gênes 01 et Nature morte dans un fossé de Fausto<br />

Paravidino, mis en scène par Denis Maillefer à l’Arsenic et à Saint-<br />

Gervais, il en<strong>ch</strong>aîne les rôles. Dernièrement, on le retrouve dans le<br />

monologue Lettre à D… de Fahid Taghavi au T50. Sous la direction de<br />

Françoise Courvoisier, il joue dans Sang de Lars Norén au Théâtre de<br />

Po<strong>ch</strong>e et dans Jean la vengeance de Jérôme Robart à La Parfumerie.<br />

La saison dernière, sur la scène du Po<strong>ch</strong>e, il incarne un Baptiste<br />

poignant dans Baptiste et Angèle de Francine Wohnli<strong>ch</strong>


8 > 28 avril 2013<br />

7. GORGIAS ( création )<br />

8 > 28 AVRIL 2013<br />

Texte Platon<br />

Adaptation<br />

& Mise en scène<br />

José Lillo<br />

Lumière Rinaldo Del Boca<br />

Jeu Ahmed Belba<strong>ch</strong>ir<br />

Jean-Charles Fontana<br />

David Gobet<br />

(distribution en cours)<br />

GORGIAS<br />

Dans Gorgias, Socrate pose cette question : qu’est-ce que parler veut dire ? Est-ce<br />

l’acte de proférer des mots pour convaincre son interlocuteur, au mépris de la vérité ?<br />

Le langage est-il un instrument pour dominer les autres ou pour se gouverner soimême<br />

? Platon démontre que parler, c’est toujours agir, et que la parole et la<br />

philosophie sont nécessaires mais peut-être impossibles dans la cité.<br />

Combattre avec les mots comme on combat avec ses poings, tel est le pari de José<br />

Lillo qui <strong>ch</strong>oisit de situer cette redoutable joute oratoire entre quatre philosophes,<br />

<strong>ch</strong>ampions de la rhétorique, dans un sauna.<br />

PRODUCTION LE POCHE GENÈVE<br />

31


8 > 28 avril 2013<br />

ABUS DE LANGAGE<br />

José Lillo, mai 2012<br />

GORGIAS<br />

Socrate, philosophe de rues, citoyen dissident, arpentait la cité et pratiquait l’art redoutable<br />

de ne rien admettre d’un discours, quel qu’il soit, qui n’eut été rudement mis à l’épreuve et à<br />

fond vérifié. Les maîtres de la parole de son temps l’ont senti passer. Ce qui semblait faire<br />

sens se révélait, souvent, n’être qu’un tissu de pacotilles qui dupait et les auditeurs et le beau<br />

parleur lui-même.<br />

Il désarmait.<br />

Il avait cette insolence d’utilité publique.<br />

Nous gardons de lui l’image d’un sage. Il passait, de son temps, pour un voyou.<br />

Socrate n’a rien écrit. C’est à Platon que nous devons de le connaître.<br />

Il l’a mis en scène dans de fabuleux dialogues, d’extraordinaires joutes verbales.<br />

Le Gorgias est le dialogue le plus virulent, le plus personnifié et le plus combatif de tous. Il<br />

tape fort, il va où ça fait mal. Il démonte tout, il pousse les raisonnements jusqu’à la dérision.<br />

Jusqu’au ridicule. « Cassés », dirions-nous aujourd’hui. Il est de hautes pensées qui sont des<br />

blagues qui s’ignorent.<br />

Le voilà s’invitant au sauna, au milieu de trois personnages parfaitement représentatifs de la<br />

philosophie dominante de son temps : Gorgias, Polos et Calliclès. Trois <strong>ch</strong>ampions de la<br />

rhétorique.<br />

Le moule ne s’est pas brisé, ce sont les mêmes aujourd’hui. Qu’ils fassent de la politique, de<br />

l’économie, qu’ils présentent des émissions à la télé. Nous sommes toujours, comme<br />

Socrate, face à de terribles abus de langage. À des constructions imaginaires de sens qui<br />

n’ont aucun sens.<br />

Lui avait les armes. Il avait la façon de savoir à quoi s’en tenir. L’audace et le courage. La<br />

légèreté qui tou<strong>ch</strong>e juste.<br />

Je voudrais que ce soit comme un film de kung-fu verbal de philosophie au sauna. Voilà à<br />

quoi je rêve pour ce Gorgias.<br />

32


8 > 28 avril 2013<br />

LES JEUX DE LA POLITIQUE<br />

Hanna Arendt, La philosophie de l’existence, 2000.<br />

GORGIAS<br />

On ne s’imagine Platon et Aristote qu’avec des grandes robes de pédants. C’étaient des gens<br />

honnêtes et, comme les autres, riant avec leurs amis ; et quand ils se sont divertis à faire<br />

leurs Lois et leur Politique, ils l’ont fait en se jouant ; c’était la partie la moins philosophe et<br />

la moins sérieuse… S’ils ont écrit de politique, c’était comme pour régler un hôpital de fous ;<br />

et s’ils ont fait semblant d’en parler comme d’une grande <strong>ch</strong>ose, c’est qu’ils savaient que les<br />

fous à qui ils parlaient pensaient être rois et empereurs. Ils entraient dans leur principes<br />

pour modérer leur folie au moins mal qu’il se pouvait.<br />

ENTRETIEN AVEC JACQUES BOUVERESSE<br />

Propos recueillis par Evelyne Rognon et Régine Tassi, Nouveaux Regards, septembre<br />

2006<br />

Nous avons nos Gorgias, nos Calliclès. Un peu comme Platon, j’essaie de défendre la vérité<br />

désarmée et menacée contre la toute-puissance de la rhétorique. La différence, évidemment,<br />

c’est que nous, nous avons accepté la démocratie, ce qui ne simplifie sûrement pas le<br />

problème. Platon et Aristote savaient, que la démocratie est toujours menacée par une forme<br />

de dégénérescence catastrophique qui s’appelle la démagogie. Nous sommes confrontés à<br />

des problèmes tout à fait semblables et qui sont, d’une certaine façon aggravés, par le fait<br />

que les systèmes de communication modernes fournissent à la manipulation et au mensonge<br />

des instruments d’une puissance inimaginable. Les dictateurs ne gouvernent pas seulement<br />

par la répression et la violence, mais également par le verbe.<br />

33


8 > 28 avril 2013<br />

PLATON<br />

GORGIAS<br />

Platon, philosophe grec et fondateur de l’Académie d’Athènes, est né<br />

en 428 avant Jésus Christ. Contemporain de la démocratie athénienne<br />

et des sophistes, auxquels il s’opposa vigoureusement, il poursuivit le<br />

travail philosophique de certains de ses prédécesseurs, notamment<br />

Socrate, afin d’élaborer sa propre pensée. Son œuvre, presque<br />

exclusivement constituée de dialogues, est ri<strong>ch</strong>e tant par son style que<br />

par son contenu et pose les premiers jalons de l’histoire de la<br />

philosophie occidentale.<br />

JOSÉ LILLO<br />

Diplômé de l’École Serge Martin, José Lillo met en scène Bü<strong>ch</strong>ner,<br />

Kleist, Dostoïevski. Il axe son travail sur la puissance de jeu de l’acteur.<br />

Il adapte notamment pour la scène Les Nuits Blan<strong>ch</strong>es de Dostoïevski<br />

pour la comédienne Julia Batinova et Troisième nuit de Walpurgis de<br />

Karl Kraus, qu’il interprète lui-même au Théâtre Saint-Gervais et en<br />

tournée. En tant que comédien, il travaille notamment avec Dominique<br />

Ziegler (Calvin, le Maître des minutes), Lorenzo Malaguerra (Roméo et<br />

Juliette) et Françoise Courvoisier (Jean la Vengeance). Dans le cadre<br />

d’une résidence au Théâtre St-Gervais, il y présente en mai 2012 une<br />

nouvelle création : Elseneur-Ma<strong>ch</strong>ine.<br />

34


8. AMINATA ( création ) ( prix SSA 2011 )<br />

6 > 26 MAI 2013<br />

Texte Gilles Laubert<br />

Mise en scène Jacob Berger<br />

Jeu Elphie Pambu<br />

(distribution en cours)<br />

Un homme de trente-cinq ans quitte le domicile où il vit en huis clos avec sa mère,<br />

qui le protège jusqu’à l’enfermer. Il rencontre une jeune prostituée sénégalaise qui<br />

l’éveille à la vie. La mère, affolée par la disparition de son fils, fait appel à un<br />

inspecteur. Ils partent tous deux à la re<strong>ch</strong>er<strong>ch</strong>e de ce fils « né avec le cordon<br />

ombilical autour du cou », selon la mère. La traque donnera lieu à un <strong>ch</strong>assé-croisé<br />

de rencontres au cours desquelles <strong>ch</strong>acun des personnages tentera de trouver un<br />

équilibre sentimental et affectif.<br />

Une pièce débordante d’humanité, pour laquelle Gilles Laubert invente une langue<br />

insolite, à la fois rugueuse et caressante. La pièce aborde aussi, avec subtilité, le<br />

thème de la xénophobie.<br />

COPRODUCTION THÉÂTRE VIDY-LAUSANNE / LE POCHE GENÈVE<br />

AVEC LE SOUTIEN DE LA SOCIÉTÉ SUISSE DES AUTEURS (SSA)


6 > 26 mai 2013<br />

FIGURES DE L’AUTRE<br />

Gilles Laubert, avril 2012<br />

Aminata s'inscrit dans une réflexion que je mène sur les questions de l'altérité.<br />

AMINATA<br />

En Europe, les récentes votations trahissant une peur généralisée de l'étranger m'ont<br />

fortement questionné.<br />

En suisse, les affi<strong>ch</strong>es de campagne racontaient une histoire sordide, certes, mais il y avait là<br />

une véritable story telling ; celle du mâle étranger violeur. C'est de là qu'est partie l'écriture<br />

de la pièce.<br />

On dit du post-dramatique qu'il a rompu avec l'idée de narration - de fable - et pourtant,<br />

c'était bien une fable que me racontaient ces affi<strong>ch</strong>es. Pour inscrire mon écriture dans la<br />

modernité, j'ai donc voulu répondre à l'affabulation par une narration.<br />

Un homme de 35 ans, que sa mère a protégé jusqu'à l'enfermer dans l'inceste, décide de<br />

prendre le large. Il rencontre une jeune femme sénégalaise sans papiers, avec qui il découvre<br />

le plaisir, l'autre et la vie.<br />

La mère engage un inspecteur pour faire des re<strong>ch</strong>er<strong>ch</strong>es. Entre la mère et l'inspecteur va se<br />

nouer une relation assez mortifère, qui fonctionne sur le mode mar<strong>ch</strong>ant.<br />

Le personnage de la mère est monomaniaque. Je tente, avec elle, de rendre compréhensible,<br />

mais non excusable, l'univocité d'un atta<strong>ch</strong>ement ar<strong>ch</strong>aïque à la notion de « mère natale ».<br />

Ces aspects narratifs entrainent l’abandon d'un rapport normatif à la langue qui, dans<br />

l'écriture, n'est jamais une langue quotidienne. Syntaxe heurtée, langue trouée, fautive, faite<br />

de barbarismes, de solécismes, d'idiolectes, d’humour décalé, avec des é<strong>ch</strong>appées poétiques,<br />

cette écriture tente de rendre compte du brassage des langues.<br />

Sans trop exagérer, on pourrait dire qu'il s'agit là d'un français mondialisé qui s'écrit dans<br />

l'espace francophone.<br />

Les emprunts au Wolof mettent encore plus en évidence la question de l’étranger.<br />

36


6 > 26 mai 2013<br />

NOTES<br />

Jacob Berger, mai 2012<br />

AMINATA<br />

Un homme que l’on dit simple d’esprit, mais dont l’âme est tout ce qu’il y a de plus complexe.<br />

Une mère que l’on croit aimante, mais dont l’amour est une arme de destruction massive.<br />

Une fille que l’on appelle putain, mais dont le cœur est insoumis et pur.<br />

Un flic qui croit combattre le désordre mais dont la vie est un <strong>ch</strong>amp de ruines.<br />

Un amour qui explose comme une bombe.<br />

Des mots qui sifflent comme des balles.<br />

Des paroles qui s’abandonnent comme des caresses.<br />

Une pièce courte mais dont la brûlure dure longtemps.<br />

Des phrases écrites à l’envers mais qui remettent le monde à l’endroit.<br />

Un théâtre à avaler, à cra<strong>ch</strong>er, à supplier, à abjurer.<br />

Le théâtre des mots.<br />

Le théâtre de la <strong>ch</strong>air. Le théâtre des passions.<br />

La proximité des corps des acteurs face au public, la fulgurance des paroles scandées en<br />

direct, la primauté de la langue qui se fabrique sous nos yeux, comme une prière.<br />

J’ai en tête une mise en scène sobre et ardente, graphique et passionnelle, qui donne toute<br />

leur place aux mots et aux corps.<br />

Paradoxalement, les quatre personnages sont à la re<strong>ch</strong>er<strong>ch</strong>e de l’amour. Ils se<br />

pour<strong>ch</strong>assent, se kidnappent, se menacent, se séduisent, se défendent, se fascinent et se<br />

heurtent mutuellement, mais ce qu’ils <strong>ch</strong>er<strong>ch</strong>ent vraiment, c’est la consolation.<br />

Leur douleur est palpable. Leurs contradictions si puissantes que leur langage en est altéré.<br />

Comme dans les rêves, où le réel <strong>ch</strong>ange d’apparence selon nos émotions.<br />

<strong>37</strong>


6 > 26 mai 2013<br />

EXTRAIT<br />

Gilles Laubert, Aminata<br />

AMINATA<br />

AMINATA.<br />

Georges, la raison faut que tu la retrouves t’es comme un gamin Georges. Le petit Georges<br />

quoi… sama doom.<br />

GEORGES.<br />

Le dis pas que je suis le petit Georges. Maintenant je comprends. Mon prénom tu le dis pour<br />

me tirer les bons sentiments de mon cœur et après tu partirais à me rendre plus triste que la<br />

vie d’avant. Faut pas jouer avec tous les sentiments. Moi je t’aime parce que tu es une belle<br />

fille venue d’ailleurs. Tu n’es pas comme les autres. Les filles, les autres j’avais peur. Toi je<br />

t’ai <strong>ch</strong>oisie dans la rue avec ton regard qui ne restait pas dans le dédain et l’agression. Avec<br />

ma mère je regardais les filles qui voulaient le mariage dans les annonces du Chasseur<br />

français. « On finira bien par te trouver une fille qui reste avec nous ». Les annonces c’étaient<br />

souvent des camerounaises des ivoiriennes des filles de l’Afrique. Elles en <strong>ch</strong>er<strong>ch</strong>aient des<br />

maris. Ma mère disait qu’il fallait se méfier qu’il fallait attendre encore. Que les filles<br />

d’Afrique c’était ou tout bon ou tout mauvais […]. Qu’il fallait attendre, attendre toujours<br />

attendre avec elles. C’est pour ça que je suis allé vers toi. Pour aller contre ma mère. Tu vois<br />

c’est déjà un beau souvenir dans notre tête à tous les deux. Une rencontre. Dans les journaux<br />

ils le disent que c’est de l’Afrique que vous partez toutes sans les papiers. Ils le disent dans<br />

les télévisions et toi des papiers dans ton sac je n’en trouve pas […].<br />

AMINATA.<br />

Sama doom, tu avais l’air si doux. Comme un enfant de la circoncision avec le respect dans<br />

les yeux. Jamais je ne les avais vu des yeux comme ça dans un client.<br />

38


6 > 26 mai 2013<br />

GILLES LAUBERT<br />

AMINATA<br />

Gilles-Souleymane Laubert, auteur et comédien, est fondateur de la<br />

Compagnie des Cris. Après une formation à l’École Supérieure d’Art<br />

Dramatique de Genève, il interprète des rôles de premier plan dans de<br />

nombreux spectacles en France, en Suisse et en Belgique. Notamment,<br />

Trafics amoureux d’Edwin San<strong>ch</strong>ez et La Terre, leur demeure de Daniel<br />

Keene. Parmi ses pièces, L’Abus, jouée près d’une centaine de fois<br />

dans une mise en scène de Martine Pas<strong>ch</strong>oud, est parue aux éditions<br />

Les Solitaires Intempestifs. Sur les bords a été représentée en Suisse<br />

et en France. Aminata reçoit le prix SSA 2011, sous le titre Sortie(s). En<br />

mars 2011, il interprète au Théâtre La Traverse le rôle titre de sa<br />

propre pièce : Georges ou tout ce qui file entre les doigts. Il est décédé<br />

le 8 mai 2012.<br />

JACOB BERGER<br />

Jacob Berger est un cinéaste d’origine britannique et suisse né en<br />

1963. Après des études à la Tis<strong>ch</strong> S<strong>ch</strong>ool of the Arts de l’Université de<br />

New York, il réalise son premier long métrage en 1990, Angels,<br />

présenté en compétition officielle du Festival de Berlin. Il tourne<br />

ensuite Jour Blanc, avec notamment Heinz Bennent (Prix de la fiction<br />

au Festival du Film d’Antibes). Il réalise ensuite 1 Journée, ainsi que de<br />

nombreux documentaires pour Temps Présent, célèbre émission de la<br />

RTS, ainsi que pour Arte. Il tourne pas moins d’une dizaine de téléfilms<br />

parmi lesquels Un Enfant de trop, Ra<strong>ch</strong>el et ses amours, Un Cadeau, la<br />

vie. Son long-métrage, Aime ton père, représente la Suisse aux Oscars<br />

2003. Il cosigne le scénario de Libertad, un film de Nicolas Wadimoff,<br />

dernièrement sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs de Cannes.<br />

39


LE POCHE PROPOSE…<br />

VISITE GUIDÉE DU THÉÂTRE<br />

De nombreux groupes de personnes visitent la Vieille-Ville de Genève. Envie d’y<br />

ajouter la visite de notre théâtre fondé en 1948 ? Notre équipe se fera un plaisir de<br />

vous accueillir.<br />

SURTITRAGE POUR SOURDS OU MALENTENDANTS<br />

Durant la saison, les spectacles Co<strong>ch</strong>ons d’Inde et In love with Federer seront<br />

surtitrés à l’intention des spectateurs sourds ou malentendants, en collaboration<br />

avec le Département de la culture de la Ville de Genève et Swiss TXT.<br />

SOIRÉES FESTIVES<br />

Pour un anniversaire, une fête de fin d’année ou une sortie de bureau : nous vous<br />

proposons pour seulement CHF 50.- par personne le spectacle, un repas au bar du<br />

théâtre, ainsi qu’une rencontre avec les artistes après la représentation.<br />

À partir de 20 personnes.<br />

MÉDIATIONS ÉCOLES ET UNIVERSITÉS<br />

Le Po<strong>ch</strong>e souhaite vivement faire découvrir les nouvelles écritures du théâtre<br />

contemporain et se met à disposition des enseignants pour faciliter l’accès au Po<strong>ch</strong>e<br />

de leurs élèves ou de leurs étudiants. Ils ont la possibilité :<br />

- de recevoir le dossier pédagogique des spectacles par courrier ou par mail<br />

- d’assister à une répétition ou à une générale publique<br />

- de rencontrer le metteur en scène ou d’autres artistes, au théâtre ou dans<br />

leurs classes, avant ou après le visionnement du spectacle.<br />

Renseignements et inscription auprès de Barbara Mégroz<br />

(barbara.megroz@<strong>lepo<strong>ch</strong>e</strong>.<strong>ch</strong> / <strong>022</strong> <strong>310</strong> 42 21)


LE POCHE EN TOURNÉE<br />

COCHONS D’INDE AMINATA<br />

Sébastien Thiéry / Antony Mettler Gilles Laubert / Jacob Berger<br />

4 >16 septembre 2012 4 > 23 décembre 2012<br />

Théâtre Montreux Riviera Théâtre Vidy-Lausanne<br />

LES FLEURS DU MAL LA FORCE DE TUER<br />

Charles Baudelaire / Françoise Courvoisier Lars Norén / Philippe Lüs<strong>ch</strong>er<br />

7 janvier > 17 février 2013 16 avril > 5 mai 2013<br />

Théâtre Le Public – Bruxelles Théâtre Vidy-Lausanne<br />

ALBAHACA IN LOVE WITH FEDERER<br />

Mi<strong>ch</strong>èle Milner Denis Maillefer<br />

28 mai > 9 juin 2013 12 mars 2013<br />

Théâtre de la Parfumerie Maison des Arts Thonon-Evian<br />

NOCES DE CARTON 4 & 5 avril 2013<br />

Bergamote Château Rouge Annemasse<br />

7 > 28 juillet 2012<br />

Théâtre du Bélier - Festival Avignon Off 21 > 26 mai 2013<br />

Arsenic Lausanne<br />

11 > 14 septembre 2012<br />

Théâtre du Pommier - Neu<strong>ch</strong>âtel mai 2013<br />

Théâtre les Halles - Sierre<br />

17 janvier 2013<br />

Théâtre de Valère - Sion<br />

30 janvier > 2 février 2013<br />

Nuithonie – Fribourg<br />

5 > 6 février 2013<br />

Théâtre de Beausobre - Morges<br />

41


INFORMATIONS GÉNÉRALES<br />

PRIX DES PLACES<br />

Plein tarif Fr. 35.-<br />

AVS, AI, <strong>ch</strong>ômeurs Fr. 22.-<br />

Groupe (min. 10 personnes) Fr. 25.-<br />

Étudiants, apprentis Fr. 15.-<br />

Carte 20 ans / 20 francs Fr. 10.-<br />

Le prix du lundi Fr. 15.-<br />

L’ABONNEMENT « À CHOIX » 6/8<br />

L’abonné assiste à six spectacles dans la saison au gré de ses disponibilités et de ses<br />

envies !<br />

Abonnement individuel [prix anniversaire] Fr. 140.-<br />

à l’occasion de notre dixième saison. au lieu de Fr. 160.-<br />

Abonnement duo [prix anniversaire) Fr. 250.-<br />

pour inviter qui vous voulez. au lieu de Fr. 280.-<br />

Abonnement AVS, AI, <strong>ch</strong>ômeurs Fr. 115.-<br />

Abonnement de groupe Fr. 120.-<br />

(min. 10 personnes)<br />

Abonnement « bou<strong>ch</strong>e à oreille » Fr. 100.-<br />

valable uniquement pour les 6 premières représentations<br />

L’ABONNEMENT « INCONDITIONNEL » 8/8 Fr. 200.-<br />

un soutien inconditionnel au Théâtre de Po<strong>ch</strong>e !<br />

L’abonné assiste à tous les spectacles de la saison.<br />

L’ABONNEMENT « MOINS DE 30 ANS » 8/8 Fr. 80.-<br />

Offre « spécial jeunesse » : au théâtre pour 10.-<br />

HORAIRES<br />

lundi et vendredi à 20h30<br />

mercredi, jeudi et samedi à 19h<br />

diman<strong>ch</strong>e à 17h<br />

mardi relâ<strong>ch</strong>e<br />

RÉSERVATIONS & RENSEIGNEMENTS<br />

<strong>022</strong> <strong>310</strong> <strong>37</strong> <strong>59</strong> <strong>www</strong>.<strong>lepo<strong>ch</strong>e</strong>.<strong>ch</strong><br />

42


LE POCHE GENÈVE, THÉÂTRE EN VIEILLE-VILLE<br />

rue du Cheval-Blanc 7<br />

1204 Genève<br />

location +41 (0)22 <strong>310</strong> <strong>37</strong> <strong>59</strong><br />

billetterie@<strong>lepo<strong>ch</strong>e</strong>.<strong>ch</strong><br />

<strong>www</strong>.<strong>lepo<strong>ch</strong>e</strong>.<strong>ch</strong><br />

ADMINISTRATION<br />

rue de la Boulangerie 4<br />

1204 Genève<br />

tél +41 (0)22 <strong>310</strong> 42 21<br />

fax +41 (0)22 781 31 13<br />

info@<strong>lepo<strong>ch</strong>e</strong>.<strong>ch</strong><br />

L’ÉQUIPE DU POCHE<br />

direction artistique FRANÇOISE COURVOISIER<br />

direction administrative & financière LAURENT MIRZA<br />

<strong>ch</strong>ef te<strong>ch</strong>nique PHILIPPE BÉGNEU<br />

assistante de direction CAROLINE FUJISÉ<br />

presse & relations publiques KATIA GANDOLFI<br />

atta<strong>ch</strong>ée de production BARBARA MÉGROZ<br />

comptabilité CHANTAL MAILLARD<br />

secrétariat CÉCILE TOGNI & FRÉDÉRIC SCHREYER<br />

costumes VALENTINE SAVARY<br />

billetterie & accueil ÉLIANE KNECHT<br />

graphisme JEAN-MARC HUMM<br />

photographie AUGUSTIN REBETEZ<br />

Le Po<strong>ch</strong>e Genève est subventionné par la Ville de Genève (Département de la<br />

culture) ; la République et Canton de Genève.<br />

Il est géré par la Fondation d’Art Dramatique (FAD).<br />

Il reçoit également les soutiens de la Fondation Leenaards, de la Société Suisse des<br />

Auteurs, du Conseil du Léman, du Comité Régional Franco-Genevois (CRFG), de Pro<br />

Helvetia et de la Corodis.<br />

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