5.2. Tensions ethniques – un deuxième génocide

Tables des Matières
PRÉFACE 3
1. INTRODUCTION 5
2. CONNAISSANCES GENERALES POUR NOTRE TRAVAIL 7
2.1. PRÉSENTATION DU RWANDA 7
2.1.1. LA CAPITALE KIGALI 10
2.1.2. UNE SUISSE AFRICAINE AUX RELATIONS MULTIPLES 11
2.1.3. LA DIVERSITÉ CULTURELLE 11
2.1.4. TERMES « TUTSI » ET « HUTU » : SENS ORIGINEL ET ÉVOLUTION DU SENS 12
3. HISTOIRE MARQUANTE AVANT LE GENOCIDE EN 1994 16
4. LE ROLE DE LA FRANCE ET DE L’ONU DANS LE GENOCIDE RWANDAIS 26
4.2. LE ROLE DE LA FRANCE 30
4.2.1. HISTOIRE DE LA RELATION ENTRE LE RWANDA ET LA FRANCE 32
4.2.2. LE REPROCHE ADRESSÉ À LA FRANCE 37
4.2.3. LA FRANCE SE DÉFEND 40
4.3. LE ROLE DE L’ONU 44
4.3.1. LA MINUAR ET L’IMPOSSIBILITÉ D’AGIR 44
4.3.2. DÉCLARATIONS PUBLIQUES DE L’ONU 55
4.4. À QUI ALORS LA CULPABILITE? 57
5. SITUATION D’AUJOURD’HUI 61
5.1. SITUATION POLITIQUE D’AUJOURD’HUI 62
5.1.1. RELATIONS INTERNATIONALES D’AUJOURD’HUI 62
5.1.2. DÉVELOPPEMENT DE LA POLITIQUE NATIONALE 68
5.2. LA SITUATION DE L’AIDE HUMANITAIRE AUJOURD’HUI 78
5.2.1. AIDE HUMANITAIRE NÉCESSAIRE 78
5.2.2. LA RECHERCHE DE LA JUSTICE – LES GACACA 83
5.3. TENSIONS ETHNIQUES – UN DEUXIÈME GÉNOCIDE ? 88
6. ÉPILOGUE 90
BIBLIOGRAPHIE 92
7. APPENDICE 97

- 3 -
Préface
Pourquoi avons-nous choisi un thème de travail de maturité concernant le
Rwanda? Pourquoi voulions-nous traiter pendant plus de cinq mois de travail un
thème d’un pays que nous n’avons jamais visité et dont nous avons rarement
entendu parler ?
L’expérience déterminante était le film « Hôtel Rwanda » du régisseur Terry
George.
Toutes les deux, nous l’avons vue pour la première fois en printemps 2006, avec la
conséquence d’une consternation profonde et durable. Le fait que nous n’avons
rien entendu de ce génocide avant avoir vu le film, nous rendait pensives, même
effrayées. Cette consternation relative au génocide rwandais en 1994, nous
l’avons conservée et maintenue jusqu’à aujourd’hui, avec le changement
considérable qu’elle est devenue encore plus profonde et plus bouleversante par
une recherche approfondie sur les machinations et les circonstances dans le
génocide.
Notre travail n’aurait pas été réalisable de telle manière, sans le support précieux
par nos informateurs concernant la situation d’alors et d’aujourd’hui dans le
Rwanda. Monsieur Edouard Bizumuremyi et encore plus tard, Madame Margrit
Fuchs et Monsieur Alessandro « Bizimana » Fattorini nous ont aidées
énormément, même supportées d’une façon extraordinairement utile et sacrifiant.
A cette occasion, nous aimerions bien les remercier pour leur effort inoubliable.
Surtout Monsieur Bizumuremyi, qui travaille à l’ambassade et la mission
permanente de Rwanda à Genève, nous a donné beaucoup de temps et
d’investissement en offrande, en ce qui concerne la contemplation critique mais
souteneur de notre travail. Monsieur Bizumuremyi nous a aussi donné la possibilité
de participer à une conférence-débat sur « la responsabilité de la communauté
internationale dans le génocide des Tutsi perpétré au Rwanda en 1994 » à
Genève, qui était très informative et intéressante.

- 4 -
De même notre remerciement est valable pour les experts de notre travail de
maturité, Monsieur Thomas Wohler et Monsieur Martin Berger, qui nous ont offert
toujours la possibilité de les contacter et nous ont manifesté de l’intérêt pour notre
travail.
Nous vous souhaitons bonne lecture et un cœur ouvert pour faire entrer des
réflexions critiques sur un des crimes les plus graves contre l’humanité. Un crime
permis par l’abandon collectif d’un pays et de sa population.

1. Introduction
- 5 -
La question, comment une population entière est capable de commettre un
génocide et comment c’est possible que la communauté internationale n’agisse
que par une indifférence dangereuse envers les problèmes d’un pays, nous a
poursuivies pendant le developpement de notre travail.
Une question, à laquelle on n’est pas capable, de livrer une réponse et une
excuse, mais peut-être une explication à titre d’essai et un sentiment subtil de
compréhension en considérant les informations de fond.
Avec notre travail de maturité nous avons l’intention :
• de donner une vue approfondie dans les machinations pendant le génocide
rwandais.
• d’illustrer l’effort plus ou moins couronné de succès de se remettre d’une
situation économiquement, démographiquement et politiquement détruite.
• d’exposer la situation actuelle dans les domaines politiques et ethniques et
son succès remarquablement stable.
Nous aimerions atteindre ces buts en démontrant, comment le génocide s’est
passé dans les coulisses, ce qui ne se révélait pas du tout facile. Il fallait venir à
bout de toutes les sources, qu’on avait à disposition. Les contradictions étaient à
juger d’une façon critique, il fallait les insérer dans le travail, pour construire un
texte intéressant et impartial.
Ainsi, la difficulté consistait à rajouter les sources ensemble dans un seul texte qui
soit bien structuré, et clair dans sa déclaration.
De cette manière, le lecteur devrait être initié à un point de vue critique non
seulement concernant le génocide rwandais, mais aussi relatif aux actes souvent
douteux et détachés de la communauté internationale.

- 6 -
Il nous importe beaucoup, que la sensibilisation de nos lecteurs à ce thème
réussisse. Il faut être curieux et rechercher profondément dans les sources de
différents partis, pour qu’on puisse se sentir informé au sujet des actes politiques
dans notre monde. Il ne suffit pas, qu’on fasse confiance aux informations données
par les médias filtrés.
De même, nous aimerions empêcher que le destin de la population rwandaise soit
oublié. Grâce à notre travail de maturité, nous espérons susciter la pensée aux
victimes du génocide rwandais en 1994, qui étaient trop humiliées pour qu’on
puisse justifier une ignorance envers ce thème.
La population du Rwanda a mérité qu’on traite son histoire bouleversante et son
effort à se retaper dans notre monde occidental. On s’est déjà trop tu sur le
génocide et l’implication de la communauté internationale, déjà trop on a oublié les
crimes incroyables qu’on a commis contre une race humaine.
C’est pourquoi nous aimerions dédier ce travail à tout le peuple rwandais, qui se
sentait abandonné pendant ce temps d’humiliation amer. A tout le peuple
rwandais, peu importe, s’ils ont tué ou s’ils étaient blessés, car tous les deux partis
ont souffert d’un abandon tragique par les pays et les organisations mondiaux.

- 7 -
2. Connaissances générales pour notre travail
2.1. Présentation du Rwanda
Le nouveau drapeau du Rwanda a été adopté le 1er janvier 2002 1 en
remplacement du drapeau tricolore vert-jaune-rouge portant un « R » dans son
centre.
Le drapeau national rwandais n'est plus un symbole de trahison et de déséquilibre
ethnique comme c’était considéré pendant tous les massacres durant l’histoire
rwandaise. Redessiné suite au génocide de 1994 qui a fait un million de morts, il
est plus moderne et plus beau que jamais. La couleur rouge, qu’on interprétait
comme la couleur du sang est remplacée par des couleurs vivantes. Formé de
trois bandes horizontales de couleur bleu ciel, jaune et verte, il arbore dans le coin
supérieur droit un soleil à 24 rayons, symbolisant l'importance de chaque heure de
la journée. Cet emblème annonce des jours meilleurs. 2
La couleur verte symbolise l'espoir de la prospérité, la couleur jaune le
développement économique et la couleur bleue le bonheur et la paix. Le soleil et
ses rayons de couleur jaune doré symbolisent la lumière qui éclaire
progressivement tout le peuple. Ceci traduit l'unité, la transparence et la lutte
contre l'ignorance. 3
1 Flags online, drapeau Rwanda
http://www.flagsonline.it/asp/drapeau.asp/drapeau_rwanda/rwanda.html (17.01.2007)
2 Nations Unies, chronique, la levé du drapeau rwandais,
http://www.un.org/french/pubs/chronique/2006/numero3/0306p70.htm (17.01.2007)
3 Flags online, drapeau Rwanda

- 8 -
Le Rwanda (nommé en français Ruanda dans les atlas d'avant 1970), surnommé
le pays des milles collines, est un pays d'Afrique centrale.
Il partage des frontières avec :
• l'Ouganda au nord;
• la Tanzanie à l'est;
• le Burundi au sud;
• la République démocratique du Congo à l'ouest.
Les Rwandais parlent une même langue nationale, le Kinyarwanda, une chose
plutôt rare en Afrique. Ils vivent entre les collines qui constituent la localisation de
référence des habitats. Le pays est l'un des plus densément peuplés au monde. 5
4 Wikipedia Ruanda, http://fr.wikipedia.org/wiki/Drapeau_du_Rwanda (12.01.2007)
5 Wikipedia Ruanda; http://fr.wikipedia.org/wiki/Rwanda (12.01.2007)
4

6 Wikipedia Ruanda
- 9 -
Langue nationale Kinyarwanda
Langues officielles Kinyarwanda (95% de
la population),
Français (5%) et
Anglais
Capitale Kigali
Président Paul Kagame
Superficie 26'338 km²
Population totale
(2003)
8'387'000 hab.
Population densité 320 hab./ km²
Indépendance
Déclarée
de la Belgique, 1 er
juillet 1962
6

2.1.1. La capitale Kigali
- 10 -
Kigali est la capitale du Rwanda et le centre économique et administratif du pays.
Sa population compte environ 600 000 habitants. La ville est construite sur
plusieurs collines.
Après 1994 la ville s'est développée rapidement, de très nombreux Rwandais s'y
sont installés, en particulier les exilés Tutsi qui sont revenus au pays, certains
après plus de trente ans d’exil. Beaucoup de nouveaux bâtiments ont été
construits ou sont en construction.
Kigali est constituée de quatre pôles géographiques, correspondant à d'anciennes
communes : Nyarugenge, Kanombe, Mutamba et Butamwa. 7
7 Rwanda – Au coeur de l’Afrique 1970/9 p. 269
8 Carte Rwanda, http://fr.wikipedia.org/wiki/Image:Carte_Rwanda.png (12.01.2007)
8

- 11 -
2.1.2. Une Suisse africaine aux relations multiples
Un horizon de collines vertes, de montagnes caressées par les vents frais, de lacs
clairs et profonds, de rivières et ruisseaux bruissants à travers les roches. Le
Rwanda est une oasis, situé au cœur de la région des grands lacs. Le pays a une
vocation de carrefour géographique des grands circuits touristiques de l’Est et du
Centre africain.
Le petit pays est connu pour sa ressemblance avec la Suisse, ainsi qu’avec la
Méditerranée par ses montagnes et ses lacs. Comme en Suisse on peut y faire de
l’alpinisme, escalader sur les grands volcans qui dressent leurs sommets à plus de
4000 m. Plus de 23 lacs sont disséminés dans le pays et 18 rivières importantes.
On peut y pratiquer tous les sports nautiques. La qualité des eaux est excellente.
Mais il ne s’agit tout de même pas de la Suisse, ni de la Méditerranée, il s’agit d’un
pays à moins de cent kilomètres de l’Equateur. Les grands fauves africains sont
tout proches. On peut les étudier et les photographier dans les deux grands Parcs
nationaux.
Le Rwanda a un climat idéal : quatre saisons mais toujours la même température
moyenne : 18°, ni trop chaud, ni trop froid.
2.1.3. La diversité culturelle
Dans le Rwanda il y a trois communautés, les Twa (1%), les Hutu (80%) et les
Tutsi (18%). D’après une certaine historiographie, mais sans base scientifique
établie, les Twa seraient les plus anciens. Les plus nombreux, les Hutu, seraient
venus du sud et se seraient installés au cours des siècles. Enfin, peu avant le XV e
siècle, dit-on, les Tutsi, qui seraient d’origine éthiopienne, seraient entrés dans le
pays, et auraient adopté la langue des Hutu et la majeure partie de leur culture.
Ces trois populations, malgré leurs origines différentes et leurs oppositions
internes, ont la chance de parler la même langue, le Kinyarwanda. Le fait, qu’il n’y
a pas de vrais dialectes pour plus de huit millions d’habitants, est plutôt étonnant
en Afrique.

- 12 -
Chez les voisins du Congo, il y a une foule de dialectes, à côté des langues
principales. Le Kinyarwanda, alors la langue des gens simples, est aussi la langue
de la poésie lyrique, pastorale et guerrière. 9
Grâce à cette langue commune, il paraissait clair que pour l’avenir ces populations
fonderaient une culture rwandaise et donc une nation rwandaise. 10
2.1.4. Termes « Tutsi » et « Hutu » : sens originel et
évolution du sens 11
Les termes „Twa“ „Tutsi“ et „Hutu“ existaient déjà même avant le temps de colonie.
L’appartenance à telle ou telle communauté (Hutu, Tutsi ou Twa) relevait de la
catégorie sociale. Les Tutsi étaient éleveurs, les Hutu agriculteurs et les Twa
chasseurs. En effet, les Hutu payaient leurs tributs (impôts) au chef du village en
produits agricoles, les Tutsi en produits laitiers ou en peaux de vaches et les Twa
en produits de la chasse. Le groupe des Twa est de type pygmoïde et n’a jamais
eu d’importance politique.
L’appartenance à la catégorie « Tutsi » ou «Hutu» était d’abord transmise
héréditairement. Mais cette appartenance a varié au cours des siècles car elle était
liée à la réussite sociale des gens. Ainsi, un Hutu qui arrivait à se procurer
beaucoup de vaches bénéficiait de l’ascension sociale et était classé dans la
catégorie sociale des Tutsi car de toute façon il devait payer son tribut en produits
de vache. Un Tutsi qui perdait ses vaches, devait cultiver la terre pour survivre et
payer son tribut en produits agricoles était donc identifié dans la catégorie des
«Hutu». L’on comprend alors que la vache constituait une valeur à la fois
économique, sociale et dans une certaine mesure politique. Gagner une vache ou
la perdre occasionnait un changement social. Etre Hutu ou Tutsi était donc flexible
et aléatoire. Seul le roi et les familles princières appartenaient de façon régulière
9 Rwanda – Au coeur de l’Afrique 1970/9 p. 265
10 Ibid, p. 269
11 Tiré d’informations reçues par Edouard Bizumuremyi, Doctorant en science politique, Université
de Genève, et collaborateur à l’ambassade de Rwanda à Genève.

- 13 -
et fixe à leurs familles et n’étaient pas inclus dans ces procédés de changement de
catégorie sociale. Ce qui nous importe ici c’est de comprendre le sens originel de
ces deux termes, hutu et tusi. Et comme le dit si bien Patient Kanyamacumbi, cité
par Edouard Bizumuremyi, Hutu et Tutsi étaient des «Catégories déterminées pour
les besoins du fisc» 12 .
Seulement voilà, à l’arrivée des colonisateurs, ces termes ont gagné de
l’importance politique et ont fini par être figés. Les Tutsi étaient décrits comme des
hommes grands et clairs de peau. Et ceci est vrai. Pour certains analystes,
l’alimentation en produits laitiers aurait joué un grand rôle. Mais le problème avec
les colonisateurs n’était pas cette description. Ils sont allés plus loin. Les
colonisateurs, d’abord les allemands et puis les belges, sont arrivés à conclure
unanimement que ces tutsi n’étaient pas des « nègres », mais au contraire
d’origine européenne 13 qui auraient transité en Ethiopie avant de décendre au
Rwanda. Les Hutu, eux, étaient décrits comme race obséquieuse avec moins
d’entêtement. La puissance coloniale, avec son idéologie raciale, a même procédé
à des mesures de certaines parties du corps pour s’assurer que la théorie raciale
appliquée aux Rwandais était vérifiable. Avec des mesures de la tête, du nez et de
la taille, sur des échantillons bien choisis, les colonisateurs ont donné aux Hutu et
Tutsi des signes caractéristiques et intellectuels. Les Tutsi devenaient alors
intelligents, nés pour commander et les Hutu d’éternels enfants. Une méthode, qui
était aussi utilisée dans le III Reich et avec laquelle l’homme aryen était conçu 14 .
Or, depuis les temps immémoriaux, quoique Hutu, Tutsi et Twa, les populations
rwandaises partageaient les clans. Même pendant le temps des colonies la plupart
des habitants se sentaient comme faisant partie d’un des 18 clans, dont 70%
comprenaient tous les trois groupes Tutsi, Hutu et Twa.
12 Edouard Bizumuremyi, Genèse d’un genocide. Racialisation, ethnisation et communication au
Rwanda, Mémoire de DEA, Communication et Médias, Université de Genève, 2001, p.7
13 La théorie des Hamiten dit, que les Tutsi sont un peuple de nomade du nord du pays et qu’ils ont
soumis le peuple des paysans Hutu.
14 Hoering Uwe, Zum Beispiel: Hutu und Tutsi, S. 18-22

- 14 -
A l’époque coloniale, la thèse «Hamite» qui sous-tendait la prétendue origine
européenne des Tutsi a été utilisée pour favoriser les Tutsi mais dans l’intérêt de la
puissance coloniale. En effet, la puissance belge, en étroite collaboration avec
l’Eglise Catholique, avait fini par conclure que les « Tutsi étaient nés pour diriger le
pays» et qu’il était nécessaire de s’appuyer sur eux pour mieux gouverner. On
écarta petit à petit des Hutu qui avaient un certain pouvoir dans certaines régions,
mais c’est en 1926 qu’une loi a été mise en place pour chasser tous les Hutu du
pouvoir. Dans la foulée, une école d’administration a été mise en place, le Groupe
scolaire d’Astrida (alors reine de Belgique), uniquement pour ceux qui sont
appelés à gouverner, c’est à dire les Tutsi. Les Hutu fréquentaient à peine le
séminaire et n’étaient même pas encouragés à étudier. En 1932, la puissance
coloniale belge institua une carte d’identité avec mention «Tutsi» ou «Hutu», le
critère étant la possession ou non de 10 vaches respectivement. Dès cette
époque, être Tutsi ou Hutu ne relève plus du rang social. Ça devient
héréditairement invariable.
Trente ans plus tard, en 1957, une génération d’Hutu, dont la majorité avait
fréquenté le grand séminaire, a commencé à critiquer le régime en place. Dirigé
par Grégoire Kayibanda, qui sera plus tard le premier président du pays, ce groupe
d’Hutu a mis en place un parti politique raciste, le Parmehutu ou Parti pour
l’Emancipation du Peuple Hutu. Ce parti disait clairement que les Tutsi étaient des
étrangers, qu’ils étaient d’une race différente de celle des Hutu et qu’ils venaient
d’Ethiopie. Le Parmehutu demandait la décolonisation du pays envahi et asservi
par les Tutsi.
Comme c’était l’époque des indépendances, les Tutsi qui étaient au pouvoir ont
commencé à revendiquer l’indépendance à l’instar d’autres pays africains. La
puissance coloniale belge se fâcha contre ces «ingrats» qui ne savaient pas
remercier leur maîtres. Mais mieux, la Belgique comprit qu’il fallait changer de
tactique afin de maintenir son influence dans le Rwanda futur. La puissance
coloniale se mit alors activement à aider les Hutu à prendre le pouvoir. La thèse du
Hutus = peuple ; et Tutsis = colonialistes, féodaux et étrangers fut beaucoup plus
défendue par les Flamands, dont le nombre avait beaucoup augmenté au Rwanda

- 15 -
et qui se sentaient socialement plus proches des Hutu. Le Parmehutu assimila
ainsi tous les Tutsi, y compris des pauvres paysans, à ce petit groupe de
dirigeants tutsi, auxiliaires des colonisateurs. Les Tutsi, petit à petit, devenaient
des étrangers, des ennemis ; alors que les Hutu se sentaient réduits en esclavage
par ce groupe d’intrus qu’on ne tardera pas à chasser.
De 1959 à 1961, le Parmehutu, aidé par la puissance coloniale, opéra une
révolution en renversant la monarchie et en chassant et tuant une grande partie
des chefs et de simples paysans Tutsi. Les premiers réfugiés d’Afrique
s’éparpillaient ainsi dans toute l’Afrique des grands lacs (Burundi, Congo –
Kinshasa, Tanzanie et Uganda). L’indépendance du pays fut obtenue en 1962 et
le Parmehutu prit le pouvoir avec toujours des idées raciales héritées de la
colonisation. Ainsi l’idéologie raciale importée d’occident s’implanta au pays des
milles collines ! Le sens originel des termes Hutu, Tutsi et Twa n’est plus le même.
Ce changement entraînera l’une des catastrophes du 20 ème siècle.

- 16 -
3. Histoire marquante avant le génocide en
1994
Ce chapitre sert comme connaissance de base sur lequel nous construirons notre
travail. En outre, nous aimerions bien donner un aperçu de l’histoire rwandaise
avant que le génocide ait commencé. Ainsi, on peut se faire une idée de ce fossé
qui s’est installé déjà depuis longtemps entre les deux «ethnies» Tutsi et Hutu.
C’est un fossé construit par l’intervention abrupte de la colonisation, comme on
vient de le voir, au moyen des caractéristiques ethniques superficielles, mais qui
ont, de plus en plus, gagné de l’importance. Ce chapitre devrait livrer une
explication pour la haine, sur laquelle se base un des massacres les plus cruels
dans l’histoire mondiale, à savoir le génocide des Tutsi du Rwanda en 1994, dont
le nombre de morts s’élève à plus de 800'000.
Le pouvoir colonial de l’Allemagne
En 1899 les Allemands déclaraient officiellement le Rwanda comme colonie de
l’Allemagne. 15 A ce temps-là le pays était une royauté qui restait imperturbable en
ce qui concerne le droit étranger à son propre territoire. Le roi Musinga n’y voyait
pas de danger sérieux pour son pouvoir, mais le pris simplement comme situation
momentanée.
L’Allemagne en revanche dressait un poste militaire et instituait ses propres
hommes comme administrateurs des terres. Juste au sud, les postes des chefs
étaient occupés par des Tutsi, qui voulaient agrandir leur influence à l’aide du
pouvoir colonial. En 1908 la « Residentur » Rwanda a été fondée sous le ministre
colonial Bernhard Dernburg. Richard Kandt était le Résident à Kigali, le siège
central 16 .
15 Harding, „Ruanda der Weg zum Völkermord“, S. 22-26
16 Partnerschaft Rheinlan-Pfalz-Ruanda,Geschichte,
http://www.rlp-ruanda.de/laenderinfo.ggeschichte.html (12.01.2007)

- 17 -
La puissance coloniale allemande fut frappée de trouver sur place au Rwanda un
pouvoir centralisé, alors inexistant dans la région. Les chercheurs commencèrent
à s’imaginer une origine extra africaine des Tutsi au pouvoir. La théorie raciale se
développa davantage comme nous l’avons vu plus haut.
Richard Kandt, dans son administration plutôt «indirecte» (c'est-à-dire une
administration coloniale qui permet au roi local de gouverner son territoire),
s’investit pour la consolidation du mwami (roi, qui se trouvait à la tête de l’ancienne
royauté). Pourtant, la présence des Allemands ne convenait pas du tout à la
population perturbée, à tel point qu’on décidait de chasser les intrus à l’aide de
rituels magiques.
Les Allemands de leur coté commençaient à construire des monocultures, comme
du coton, du tabac, de la cacahuète et du riz, parce qu’ils espéraient des revenus
des biens d’exportation. Il s’avérait que le café était le meilleur investissement.
La première guère mondiale a mis fin au pouvoir colonial des Allemands. Ainsi en
mai 1916, les Allemands devaient rompre les rangs en faveur de la Belgique après
plusieurs petits combats.
La Belgique reprend le territoire Rwanda-Urundi
La Belgique reprenait le système administratif des Allemands ainsi que leurs idées
racistes.
Les Belges agissaient plus ou moins au hasard, sans projet réel et d’une manière
pleine d’incompréhension envers une culture différente. Ils décidèrent,
contrairement aux Allemands, d’appliquer une administration coloniale «directe»
(c'est-à-dire sans donner aucun pouvoir au Roi. C’est eux qui dirigent le pays). Ils
affaiblissaient Musinga en lui enlevant le droit de décider sur la vie ou la mort de
ses sujets. Dans la foulée, on destitua son conseiller important qui avait une
grande influence sur lui. Un autre signe de leur attitude sans but était qu’ils
n’avaient aucune idée sur les ordres sociaux qui existaient au Rwanda.
L’administration coloniale, obéissant à ses convictions raciales et convaincue que

- 18 -
le Tutsi était le meilleur pour diriger, destitua, déjà en 1923, les chefs locaux du
nord, qui étaient hutu, et nomma les Tutsi comme administrateurs. On voyait
clairement que les Belges voulaient une concentration du pouvoir dans les mains
des petits groupes de Tutsi. Ceci se généralisa dans tout le pays, comme on l’a vu
plus haut, avec la loi de 1926.
L’Eglise catholique qui travaillait de concert avec l’administration coloniale entama
une campagne visant à convertir la majorité des Rwandais à la religion catholique.
Le Mwami Musinga y était farouchement opposé. Tout comme il était opposé à
l’administration directe de la puissance coloniale. Le bras de fer devenait
insupportable. Musinga fut destitué et déporté au voisin Congo. Il sera remplacé
par son fils Rudahigwa, un catéchiste bien formé. Le nouveau Mwami reçut le nom
de règne de Mutara III.
Après la déportation du roi Musinga et l’intronisation de son fils, la conversion au
christianisme, en particulier au catholicisme a augmenté rapidement. A la fin de
1934, 90% de Tutsi étaient convertis. La raison était double. Il y a d’abord l’activité
missionnaire des Pères Blancs, mais aussi et surtout l’opinion des Tutsi, selon
laquelle on pouvait seulement monter en grade lorsqu’on était chrétien. Ce qui ne
se révélait pas faux, car la sympathie des Belges envers les Tutsi était favorable
et augmentait de plus en plus.
Les Hutu, quant à eux, étaient de plus en plus relégués au second plan. Les
paysans constituaient la classe en bas de l’échelle dans l’hiérarchie sociale. Ils
étaient presque automatiquement opprimés. Ils restaient fidèles à la religion
traditionnelle et résistaient au catholicisme.
En 1946, un événement va précipiter l’adhésion massive au catholicisme au
Rwanda. Le roi Rudahigwa va se convertir au catholicisme. Toute la masse, Hutu
et Tutsi confondus, adhéra au catholicisme seulement quelque temps plus tard.
Les protestants qui avaient peu de missionnaires sur place auront peu de fidèles.
Mais c’est l’islam qui resta le plus marginalisé au Rwanda. Les colonnes de
marchands musulmans n’avaient pas pu pénétrer au Rwanda depuis toujours. La
garde à la frontière les avait de tout temps repoussés. Même actuellement, il y en

- 19 -
a très peu dans le pays des milles collines.
Des délégations de l’ONU, qui fréquentaient le pays, accusaient l’injustice et
exigeaient que la Belgique agisse. Peu après, en 1949, la Belgique abrogeait le
statut officiellement élevé des Tutsi. Néanmoins l’injustice sociale restait valable.
Au milieu des années 50 la concentration du pouvoir des Tutsi arrivait à l’apogée.
À cette époque presque 60% des administrations politiques étaient aux mains des
deux clans des Tutsi.
Dès le départ on a donné plus de privilèges aux Tutsi. Ceci pouvait être vu dans la
formation des écoles séparées, comme nous l’avons vu plus haut. Les Tutsi
étaient préparés aux travaux administratifs et ils apprenaient le Français
contrairement aux Hutu 17 (à part peu d’entre eux qui fréquentaient le Séminaire)
Après la deuxième guerre mondiale des missionnaires surtout d’origine flamande,
venaient au Rwanda. Ils étaient plus solidaires envers les Hutu. Aussi, les Hutu
participaient aux leçons missionnaires, et certains d’entre eux avaient pu faire des
écoles poussées notamment au Grand Séminaire. Ceci était effectivement le seul
chemin d’arriver à une formation plus élevée.
Révolution et la première république : de 1959 jusqu’à 1973
Dans les années 50, l’image de la société rwandaise a massivement changé.
L’existence d’une conscience ethnique menait à des tensions à l’interieur de la
population. Il se formait une élite des Hutu qui se constituait complètement en
contrepartie des Tutsi. Cette élite n’était plus prête à négocier. Ceci fut nettement
clair dans le manifeste des Hutu en 1957 qui demandait le maintien d’une
séparation ethnique dans les passeports 18 . Ils réussissaient à mobiliser le peuple.
Ce mécontentement contre la suprématie des Tutsi finissait en 1959 dans un
17 Harding, Leonhard, Ruanda – der Weg zum Völkermord, S. 33
18 Ibid, S. 50

- 20 -
soulèvement sanglant 19 . La révolution se terminait en 1962 avec l’indépendance
du Rwanda. À la tête de la première république était une direction des Hutu. Le
vieux système du patron - client entre les Tutsi et Hutu était enlevé, en échange,
les paysans hutus étaient indépendants. Le gouvernement savait profiter de cette
situation et mobilisait la masse contre les Tutsi, contre la monarchie. Comme ça, la
haine contre les Tutsi était encouragée de plus en plus. Comme nous l’avons vu
plus haut, la révolution a tué et chassé beaucoup de Tutsi. En 1962 déjà 350'000
Tutsi vivaient comme réfugiés dans les pays de la région des grands lacs
(l’habilitation de la Belgique était restreinte à ce temps-là, parce qu’elle n’était alors
que l’administrateur de l’ONU et plus un pouvoir colonial).
Le 15 septembre 1961 il y eut des élections parlementaires par décret de la
réunion de l’ONU. Le vainqueur était le parti des Hutu MDR-PARMEHUTU
(Mouvement Démocratique Républicain – Parti du Mouvement de l’Émancipation
des Bahutu) avec leur dirigeant Grégoire Kayibanda. Celui-ci fut élu en octobre
1961 par le Conseil national comme président du pays. En juin 1962 un corps
armé de Tutsis, qui avaient fui vers la république du Congo, attaqua la frontière du
Rwanda. Le gouvernement en place réussit à repousser les guerriers, mais la
haine contre les Tutsi qui se trouvaient déjà dans le pays, s’aggravait. Le
gouvernement des Hutu entreprit des représailles contre la population tutsi qui
était restée sur place au Rwanda. Ces représailles contre les tutsi de l’intérieur ont
coûté la vie à 20'000 Tutsi, particulièrement des hommes politiques.
Le Gouvernement commençait déjà à appliquer les lois discriminatoires et raciales
contre les Tutsi. Il s’agissait notamment de spoliations de biens et de l’exclusion
des Tutsi de toute l’administration du pays. Un article bien documenté en fait la
synthèse : Tous les biens des réfugiés (terres, vaches, mobiliers et immobiliers)
furent distribués et partagés entre les nouveaux responsables politiques du
pays. 20 En plus des réfugiés, certains Tutsi restés au Rwanda furent chassés de
19 Ibid, S. 57-70
20 Jean Mukimbiri, « Les sept étapes du génocide des Tutsis du Rwanda », Journal of International
Criminal Justice 3, 2005, 823-836. Oxford University Press

- 21 -
leurs terres et déportés à l’intérieur du pays, notamment dans une région insalubre
et sauvage comme Nyamata où la mouche tsé-tsé faisait rage. Ceux-ci aussi
seront spoliés de leurs biens.
Quant à l’exclusion, elle fut catégorique. A tel point que jusqu’en 1990, aucun Tutsi
n’a accédé au poste de préfet de préfecture. L’exclusion était même dans les
postes subalternes. Quelques exemples. Jusqu’en 1990, le ministère des affaires
étrangères a employé uniquement deux Tutsi ; un seul Tutsi sera ambassadeur ;
l’armée comptera un seul officier supérieur ; sur 55 directeurs de toute
l’administration, il y avait deux Tutsi, et ceci grâce à leurs relations d’amitié avec
les Hutu 21 .
Malgré sa défense de la morale chrétienne, l’ancien séminariste, Grégoire
Kayibanda, premier président du Rwanda a poussé trop loin son autoritarisme. Il
sera lâché par l’occident. Car non seulement il opprimait les Tutsi mais aussi il
favorisait les Hutu du sud, sa région natale, au détriment des Hutu du nord. En
1973 enfin, Kayibanda, qui était faible à ce temps-là, était remplacé par son
ministre de la défense, Juvénal Habyarimana, originaire du nord et ainsi la
première république est terminée.
Le gouvernement militaire sous Habyarimana : Deuxième république (1973 –
1994)
Au début de son règne, le président Habyarimana interdit le MDR-PARMEHUTU. Il
fonda son parti, le parti MRND (Mouvement Révolutionnaire National pour le
Développement). Il organisa l’armée, qui repoussait toujours les rebelles Tutsi et
intimidait ou éliminait d’autres adversaires possibles dans ses propres rangs 22 .
Jusqu’aux années 1988, le Rwanda répandait l’impression d’un état plus ou moins
bien développé. Le renforcement de l’infrastructure et la fourniture médicale a
marché. En plus la monnaie était relativement stable et aussi les dettes étrangères
21 Ibid, 8
22 Harding, Leonhard, Ruanda – der Weg zum Völkermord, S. 71-82

- 22 -
n’étaient pas trop grandes. Le Rwanda était un but très apprécié en ce qui
concerne l’aide au développement des pays de l’ouest.
Habyarimana continua, par contre, la politique de discrimination envers les Tutsi. Il
institua même une politique, jusque-là informelle et non écrite, celle de l’équilibre
ethnique. Cette politique exigeait un quota ethnique dans toute la vie du pays.
Pour accéder par exemple à l’école secondaire ou à n’importe quel poste de
l’administration, la règle exigeait un quota de 85% pour les Hutu, 14% pour les
Tutsi et 1% pour les Twa. En plus de l’équilibre ethnique, Habyarimana appliqua
aussi l’équilibre régional. Le slogan était que la région du nord avait été
désavantagée lors de la première république. Il fallait alors un quota avantageux
pour rattraper le sud. Ceci créa un mécontentement des Hutu du sud.
Quand les réfugiés Tutsi étaient chassés d’Ouganda en 1982, ce pays considéré
comme modèle du développement en Afrique était secoué. Habyarimana refusa
d’accueillir ces réfugiés en disant que la barque était pleine. Or, le président
d’Ouganda, Milton Obote, qui considérait les réfugiés rwandais comme traîtres,
avec la justification qu’ils avaient supporté son prédécesseur, Amin DADA, avait
ordonné de brûler leurs maisons, occasionnant ainsi une masse de réfugiés (pour
la deuxième fois mais cette fois-ci vers leur pays) à la frontière rwandaise. Dix
mille Rwandais franchissaient la frontière. Mais ils furent repoussés et les
frontières fermées.
Alors, les réfugiés étaient prisonniers entre les deux pays Rwanda et Ouganda.
Les ONG mettaient des camps à la disposition d’une grande partie des réfugiés,
mais beaucoup d’entre eux, surtout les jeunes, s’engageaient déjà pour la NRM,
National Resistance Army, de Museveni, l’actuel président d’Ouganda. L’actuel
président du Rwanda, Paul Kagame, était parmi ces jeunes recrues. Ces
Rwandais engagés dans la guérilla profiteront de cette expérience pour fonder le
FPR (Front Patriotique Rwandais), une organisation clandestine des rebelles Tutsi
qui attaquera le régime de Habyarimana en 1990.
La chute globale du prix de café déstabilisait l’économie du Rwanda.
Particulièrement les paysans étaient concernés, car le café était souvent la seule

- 23 -
source de revenu. En 1990 l’état était forcé d’accepter le « programme
d’ajustement structurel » (PAS), qui veut dire concrètement une dévaluation du
« Franc Rwandais ». Comme ça les prix pour la nourriture et l’approvisionnement
médical augmentaient de nouveau dans le pays. Ainsi on percevait des taxes
d’école.
La pénurie de terre poussait beaucoup d’habitants dans les villes. Dans les
bidonvilles les gens désespérés étaient ouverts pour la propagande de l’état qui
promettait de donner une meilleure vie au peuple. Beaucoup d’hommes adhéraient
à l’armée d’Habyarimana, qui comptait au début 2'000 soldats, contrairement au
commencement du génocide où l’armée était constituée de 40'000 soldats.
Commencement de la guerre civile 1990 et préparation du génocide
Le 1 er octobre 1990, la FPR commençait à attaquer le Rwanda à partir de
l’Ouganda. Les armes étaient mises à disposition par le président ougandais
Museveni, qui avait renversé, avec l’aide des réfugiés rwandais, le dictateur Idi
Amin en 1986 et plus tard Milton Obote 23 .
L’armée de Habyarimana FAR (Forces armées rwandaises) était, avec 5'000
soldats, beaucoup plus grande, mais au début avec des armes de pire qualité que
celles des rebelles. En plus cette armée manquait d’expérience de guerre.
Seulement avec l’aide de la France, le Zaïre et la Belgique on pouvait contenir la
guérilla. Avec des efforts diplomatiques de la Tanzanie on arrivait à un cessez-le-
feu. Ceci permit à Habyarimana de renforcer l’armée FAR, et le FPR aussi en
profita pour renforcer son armée qui était en débandade. En réalité, l’armée
gouvernementale avait réussi, avec l’aide de ses amis notamment la France, à
totalement déstabiliser la guérilla. Son commandant était même mort.
Ce qui a poussé Habyarimana à déclarer que la guerre était officiellement
23 Journées européennes du développement,
http://www.eudevdays.eu/opencms/Governance_Forum_15_17/Conference/speakers/Paul_KAGA
ME_fr.html (12.01.2007)

- 24 -
terminée le 30 octobre 1990, ce qui n’était pas du tout la réalité. Pour la première
fois depuis les années 1960, il y avait de nouveau des massacres contre les Tutsi
et on en a emprisonné des milliers de façon inhumaine.
Les opinions internationales publiques étaient différentes. Plusieurs pays, y
compris la Belgique, ont pris leur distance face au Rwanda, pendant que la France
soutenait encore Habyarimana. Même l’église catholique, à laquelle Habyarimana
était fidèle depuis longtemps, montrait sa désapprobation et condamnait l’injustice
sociale.
Dans l’année 1991 le FPR essayait de nouveau de pénétrer dans le pays. Mais
c’est seulement en 1992 que les rebelles pouvaient se fixer dans le nord. En 1991
les trois partis MDR, PSD (Parti Social Démocratique) et PL (Parti Libéral)
fondaient une alliance, constituant par conséquent l’opposition forte au MRND. Il
faut noter que ces partis d’opposition sont principalement formés par les Hutu du
sud du pays, longtemps marginalisés par le pouvoir de Habyarimana.
Après plusieurs discussions avec l’opposition, Habyarimana était prêt à accepter
un premier ministre à côté de lui. Nsengiyaremye, qui venait du MDR, proclamait,
qu’il apportait de la démocratie et de la paix. Mais Habyarimana faisait encore
fonction d’un dirigeant, bien que sa capacité d’agir soit limitée.
Entre temps, le FPR avait recommencé les combats en provoquant une masse de
déplacés de l’intérieur. A peu près 350'000 de personnes fuyaient vers le sud.
Au milieu de l’année 1992 on a négocié un armistice, qui n’a pas abouti jusqu’à la
grande offensive du FPR en février 1993, jusqu’aux portes de Kigali, mais qui a
forcé environ un million de personnes à fuir. Ces déplacés au sud constituaient un
grand danger, parce qu’ils apportaient une colère commune à cause de leur
expulsion accentuant ainsi la haine ethnique. La trêve fut quand même signée
Cette haine ethnique était incarnée par un parti particulier : La CDR (Coalition pour
la Défense de la République). Ce parti s’était séparé, déjà en 1992, du MRND et
était de toute évidence contre les négociations de paix avec le FPR. Il ne voulait
rien partager avec les Tutsi. Il incitait de nouvelles attaques contre les Tutsi vivant

- 25 -
à l’intérieur du pays. Ces attaques provoquaient la rupture de l’armistice.
Malgré tout, les deux côtés ont signé le 4 août 1993 les accords d’Arusha, qui
exigeaient un gouvernement de transition avec la participation du FPR ainsi que
l’espoir d’une paix durable 24 .
Malgré cet accord, l’écrasement de Habyarimana avec son collègue burundais
déclencha une des plus grandes catastrophes que le monde n’ait jamais vue.
24 Harding, Leonhard, „Ruanda – der Weg zum Völkermord“, S. 209f.

- 26 -
4. Le rôle de la France et de l’ONU dans le
génocide rwandais
Dans ce chapitre, nous aimerions bien nous plonger dans le rôle de la France et
de l’ONU pendant le génocide rwandais en 1994 et donner une vue d’ensemble
des incidents concernant les actions (ou les actions présumées) de la France et de
l’ONU dans le génocide. Encore aujourd’hui, douze ans plus tard, c’est un thème
assez délicat et difficile à traiter. Tous les deux côtés (ONU, France) sont
concernés par des reproches graves. Il en résulte donc des opinions, et des
défenses différentes à examiner. Ces opinions divergentes causent certains
problèmes pour trouver la réalité. Car jusqu’à aujourd’hui on est en train de vérifier
l’exactitude des déclarations concernant comment on avait agi pendant le
génocide et de quelles missions et devoirs les différents antagonistes étaient
chargés.
Rwanda, le « Darling » de la communauté internationale
Le Rwanda pouvait se nommer le « Darling » de la communauté internationale.
Juvénal Habyarimana, le président d’alors, avait, après vingt ans de pouvoir, des
relations cordiales et personnelles avec des politiciens et diplomates partout dans
le monde.
Plus particulièrement, il entretenait des relations les plus fortes avec la France,
inclus le président, François Mitterrand.
Une tragédie impardonnable pour les Tutsi de Rwanda était que la communauté
internationale, plus précisément la France, la Belgique et l’ONU, ont échoué de
faire un pas simple pour arrêter le génocide, alors que tout le monde savait qu’il
était en cours. Malgré tous les indices précoces, l’intervention était largement
inadéquate et truffée par les propres intérêts politiques.

Ce que le monde savait
- 27 -
« I will take the words of General Dallaire, he said, "The whole
community ... international community has blood on his hands,"
and I feel the same ... Because during the month of May it was
obvious for the whole world what was going on in Rwanda » 25
Déjà avant 1994, il n’y a pas de doute que la communauté internationale était
avertie des faits précédents : que déjà depuis longtemps, les Hutus étaient en train
de massacrer les Tutsi, que quelque chose de terrible et de plus immense qu’à ce
temps-là était en train de se préparer au Rwanda, et qu’il fallait beaucoup plus de
protection internationale. Il y a assez de preuves, que le monde aurait dû savoir ce
qui se passerait, si rien et personne n’intervenait :
• Le 27 décembre 1993, le service secret belge a annoncé que « les
Interahamwe sont armés jusqu’aux dents et alerté… chacun d’entre eux a
de la munition, des grenades, des mines et des couteaux… Ils sont tous en
attendant le moment juste pour agir. »
• Le 27 janvier 1994, la « Radio Télévision Libre des Milles Collines »
(RTLMC) diffusai un appel aux Hutu de se défendre eux-mêmes jusqu’au
dernier homme. La radio chargeait les rwandais de prendre la responsabilité
de ce qui s’était passé, ou bien les soldats belges donneraient le pays aux
Tutsi.
• Le 4 avril 1994, Theoneste Bagasora, le leader de « Hutu Power »
expliquait à un groupe, y compris des hauts officiels de l’ONU que « la seule
solution plausible pour le Rwanda serait l’élimination des Tutsi. »
• Roméo Dallaire, général canadien de l’ONU, avait déjà essayé depuis
longtemps d’attirer l’attention internationale sur le cas du Rwanda. Il avait
averti plusieurs fois l’ONU de la situation précaire au Rwanda. 26
25 Frontline Interview avec colonel Luc Marchal,
http://www.pbs.org/wgbh/pages/frontline/shows/evil/interviews/marchal.html (15.12.2006)
26 Frontline Interview avec colonel Luc Marchal,

- 28 -
Ce sont là des exemples choisis sur ce que la communauté internationale savait,
et dont elle avait été avertie bien avant le génocide. 27
James Woods, US Deputy Assistant Secretary for African Affairs du département
de la défense de 1986 à 1994, admet, que la communauté internationale savait
assez pour intervenir :
« I think the people who were following the cable traffic, the press
reports, the radio intercepts, yes, I think we all knew it. Now, I
think we did not know, in fact, for many months after, the full
scale that tens of thousands of people were being killed. It was
known that this was planned, premeditated, carefully planned,
was being executed according to a plan with the full connivance
of the then Rwandan government. This was known. » 28
Ainsi, on était averti par les médias. Particulièrement la radio jouait un rôle clé
dans le génocide. On y a proclamé les noms des gens, qui se trouvaient sur la liste
des morts et on a lancé une campagne de dénigrement contre les Tutsi. Dans un
pays, dont presque la moitié des gens sont des analphabètes, la radiodiffusion
était la méthode la plus effective pour mobiliser la masse. Concernées sont la
« Radio Rwanda » (étatisée) et la « Radio Télévision des Milles Collines » (RTLM)
(privée, mais appartenant au parti CDR) qui étaient les instigateurs de la haine
anti-tutsi. Les accords d’Arusha, alors les accords de paix entre le FPR et le
gouvernement d’Habyarimana, n’étaient pas du tout pris en compte en ce qui
concernait le programme de diffusion. Le 6 Avril 1994 à 18 heures, la RTLM
encourage à un massacre, après l’écrasement de l’avion de Habyarimana 29 . Des
appels comme « Rottet die Tutsi aus, ehe sie uns ausrotten! Es sind inyenzi,
Kakerlaken! Arbeitet weiter, die Gräber sind noch nicht voll! » 30 , frappaient le
monde. De le seriner chaque jour de nouveau à la population portait l’effet, qu’on
27 Rwanda, the preventable genocide, chapter 9: The eve of the genocide: what the world knew.
http://www.aegistrust.org/images/stories/oaureport.pdf (18.12.2006)
28 Frontline interview avec James Woods,
http://www.pbs.org/wgbh/pages/frontline/shows/evil/interviews/woods.html (15.12.2006)
29 Harding Leonhard, Ruanda – der Weg zum Völkermord
30 Die Zeit, 51/2002, Tötet! Tötet! Tötet!, http://www.zeit.de/2002/51/LB-P-Ruanda (27.12.2006)

- 29 -
finissait à y croire, et à éprouver cette haine, qui était répandue partout. Le journal
raciste du CDR, Kangura, a ainsi publié les « Dix commandements des Bahutu »,
une sorte de code de conduite des Hutu vis-à-vis des Tutsi. Toute cette diffusion
de haine était alors accessible à la communauté internationale.

- 30 -
4.2. Le rôle de la France
«“Vive la France !”, criaient les tueurs embarqués dans le
véhicule. “Vive les Français”, reprenait la foule. (…) Comme si
les troupes américaines avaient été accueillies en fanfare par les
gardiens de Treblinka, en 1945. » 31
En avril 1991, Immaculée Cattier fuit les massacres ethniques du nord-est du
Rwanda dans un minibus appartenant à des canadiens religieux. Le minibus arrive
à Ruhengeri, grande ville au nord-est du Rwanda. L’extrait précédent résulte d’un
témoignage comme ils en existent encore beaucoup d’autres. Un témoignage qui
accuse la participation des Français au génocide :
« Là il y avait une queue de véhicules qui attendait un contrôle.
La tension était à vous couper le souffle. De loin j’ai aperçu les
autos blindées prêtes à attaquer. Avec comme chauffeurs des
militaires blancs. Mes amis canadiens ont chuchoté : « les
Français »… Nous avons vu les militaires qui contrôlaient, les
miliciens qui tenaient les barrières en agitant les machettes dans
tous les sens. Mon vieux protecteur m’a regardé dans le
rétroviseur d’un œil qui me rappelait que je devais garder le
calme et le sang froid comme le jour où je suis arrivée chez eux
sous une pluie de lances et de bambous bien aiguisés.
Les prières ne venaient plus en moi, je me croyais déjà morte.
On avançait d’un ou deux mètres après le départ d’une voiture.
Je me suis rendue compte que parmi les militaires il y avait aussi
des Français qui demandaient aussi les cartes d’identités des
Rwandais où figurait la mention « hutu, tutsi, twa ». Les tutsi se
faisaient sortir de la voiture et les militaires français les
remettaient aux mains des miliciens agacés qui les coupaient à
coups de machettes et les jetaient dans une rigole (canalisations
d’eau) au bord de la grande route asphaltée de Ruhengeri-Kigali.
Après le couvre-feu un camion benne de la commune venait
charger les cadavres et les mettre je ne sais où (probablement
dans une des fosses communes que la FIDH a découvert en
janvier-février 93 dans la commune Kigombe-Ruhengeri).
Malgré les consignes des frères de faire semblant de ne rien
craindre, j’ai tout de même jeté un coup d’œil dans le rétroviseur
de notre Hiace-minibus pour voir ce qui se passait dans d’autres
voitures et j’ai vu un tutsi qui se faisait sortir d’une voiture un peu
plus loin de la nôtre et après la vérification de sa carte d’identité,
31 Patrick de Saint-Exupéry, L'inavouable, La France au Rwanda, éd. Les Arènes, 2004, p. 26

- 31 -
un militaire français et un autre officier rwandais l’ont donné aux
miliciens qui ont commencé tout de suite devant ces voitures à le
frapper, de leurs machettes et de toutes autres armes comme
Ntampongano (gourdins) qu’ils avaient pour le jeter après dans
la rigole (tout cela vite fait pour s’attaquer aux suivants).
Quand j’ai vu cela j’ai regardé autour de nous dans la rigole où
j’ai aperçu quelques corps qui gisaient sans bruit (ils meurent
tous sans bruit). J’ai fermé mes yeux jusqu’à ce que notre moteur
ait tourné longtemps sans s’arrêter et j’ai compris que nous
avions eu l’autorisation de partir sans perte puisque j’étais la
seule à être visée. Personne de notre voiture n’a commenté ce
qui s’est passé, juste le frère directeur qui a demandé une petite
prière dans nos cœurs pour ces gens qui se faisaient tuer. » 32
Ce témoignage date de l’année 1991. Trois ans plus tard, le génocide commence,
le 7 avril 1994, un jour après l’écrasement de l’avion du président d’alors,
Habyarimana.
C’était la France qui jouait un rôle principal parmi les pouvoirs internationaux
concernés par les massacres contre les Tutsi. Dès l’invasion du FPR en 1990
jusqu’à la fin du génocide en 1994, la France était le plus proche allié militaire,
politique et diplomatique du régime en place. Les deux présidents d’alors,
Habyarimana et Mitterrand cultivaient une relation proche et sincère. Les Français,
en soutenant les milices et les FAR, fournissaient des armes et de l’argent au
gouvernement rwandais. De ce fait, l’avion abattu de Habyarimana, un Mistère-
Falcon 50, était un cadeau de Mitterrand. Ainsi, en été 1993, une commande pour
des millions de machettes était envoyée à la république populaire de la Chine. Un
fac-similé apparaissait à Paris l’année précédente. Ce qui se passait dès le 7 Avril
1994 était préparé déjà bien avant grâce à l’aide de la France, plus précisément
grâce au soutien militaire, politique et diplomatique. Dans un rapport
d’investigation de l’ONU du novembre 1998 on peut trouver que la France avait
livré des armes aux FAR jusqu’au mois de mai 1994 (un mois après le
commencement du génocide). Encore après, l’armée française a couvert le reste
du régime « Hutu-Power » quand les milices ont dû fuir vers l’Est du Zaïre.
32 Présomption de complicité militaire : 1.1. Complicité avec les tueurs
http://nuit.rwandaise.free.fr/CEC/CECresume1.htm (12.12.06)

- 32 -
4.2.1. Histoire de la relation entre le Rwanda et la France
Les relations entre le Rwanda et la France ont leurs racines dans les années 1975.
Le 18 juillet de cette année-là, Valéry Giscard d’Estaing, ancien premier ministre
français, signe des accords de coopération pour la formation de la gendarmerie
rwandaise avec le Président rwandais Juvénal Habyarimana. Dès 1983, un
changement de l’accord de 1975 permet aux militaires français, chargés de la
formation de la gendarmerie rwandaise, de servir sous l’uniforme rwandais. A
cause de l’invasion des Tutsi exilés venus de l’Ouganda le 1 octobre 1990, la
France sert comme soutien militaire aux côtés de Habyarimana, précisément aux
côtés des FAR. Tout cela, bien que les accords signés entre les deux pays ne
soient pas des accords de défense, mais seulement de formation de la
gendarmerie rwandaise.
Opération Noroît
Dès 1990, l’armée française est placée à Kigali sous le nom d’opération Noroît. Le
devoir consiste à défendre le régime de Habyarimana contre les rebelles du FPR.
Cette opération autorise d’organiser, d’entraîner et d’encadrer les militaires
rwandais. Ceux-ci, pour leur part, arment les milices Interahamwe, si les Français
ne le font pas encore directement eux-mêmes dans les camps de Gabiro et
Bigogwe. Ce que les témoignages rwandais leur reprochent. Ainsi Jean
Carbonare de la Commission internationale sur les violations des Droits de
l’homme au Rwanda (1993) :
« J’ai eu deux grands chocs dans ma vie. Le premier lorsque j’ai
découvert, qu’en Algérie, on avait institutionnalisé la torture. Le
deuxième, en janvier 1993, quand j’ai vu des instructeurs
français dans les camps militaires de Bigogwe, situés entre
Gisenyi et Ruhengeri. C’est là qu’on amenait des civils par
camions entiers. Ils étaient torturés et tués, puis enterrés dans
une fosse commune que nous avons identifiée près du cimetière
de Gisenyi ». 33
33 Jean Carbonare, Interviewé par Le Nouvel Observateur du 04.08.1994,
http://nuit.rwandaise.free.fr/CEC/CECresume1.htm (12.12.06)

- 33 -
Au juillet 1992, la France et le Rwanda régularisent l’accord d’assistance militaire
de 1975 pour qu’il concerne aussi la formation des FAR et non seulement la
« gendarmerie rwandaise ».
Parallèlement à l’accord d’assistance militaire, la France soutient officiellement le
processus de paix des négociations des accords d’Arusha. Cet accord est signé le
3 août 1993 en Tanzanie, car Habyarimana était forcé d’accepter des négociations
de paix, à cause de l’état brisé économique et politique du pays. Les accords
d’Arusha visaient un cessez-le-feu entre le FPR et le gouvernement
d’Habyarimana, un état de droit, le partage de pouvoir et l’intégration des rebelles
du FPR dans l’armée rwandaise sous la surveillance de la MINUAR (Mission des
Nations Unies pour l’assistance au Rwanda).
Le FPR n’a signé les accords d’Arusha qu’à la condition que les troupes françaises
quittent le Rwanda. Avec l’arrivée de la MINUAR, la France retire ses troupes du
Rwanda.
L’opération Amaryllis
Le 8 avril 1994, la France déclare l’opération Amaryllis pour permettre l’évacuation
sécurisée de 1500 ressortissants occidentaux, ainsi que des membres de la famille
du président tué Habyarimana. Le point critiquable se trouve dans le fait que cette
opération n’incluait pas l’évacuation des Rwandais menacés par les massacres. Le
rapport des députés français mentionne que le premier avion décolle de Kigali le 9
avril 1994 avec 43 français et 12 membres de la famille Habyarimana. Aucun Tutsi
ni Hutu modéré menacé ne se trouve à bord de cette machine. Le Colonel Luc
Marchal, commandant du contingent Belge de la MINUAR, était à l’aéroport de
Kigali quand les trois premiers avions français atterrissaient :
«Two of those three planes were carrying personnel. And one
was carrying ammunition… for the Rwandan army… [T]hey just
remained a few minutes in the airfield, and immediately after [the
ammunition] was loaded in the vehicles they moved to the
Ikonombe [army] camp.” 34
34 Colonel Luc Marchal, interview BBC Panorama television, “When Good Men do Nothing”, 1994

- 34 -
Après que les armes sont déchargées, et l’évacuation est complète, les troupes
françaises abandonnent le Rwanda. Pour la première fois depuis 1990, il n’y avait
aucun soldat français dans le Rwanda. Le 14 avril, l’opération Amaryllis se
termine.
Opération turquoise
Du 22 juin au 22 août 1994, la France demande et obtient la permission de l’ONU,
pour conduire l’opération turquoise. De différents facteurs influençaient cette
décision d’intervenir de nouveau dans les événements génocidaires déjà devenus
quotidiens. Des pressions considérables de différents groupes sociaux en France,
qui exigeaient la fin de la bataille au Rwanda se faisaient jour. Entre-temps, le
génocide attirait une attention étendue des médias, dont beaucoup se basaient sur
la question de la responsabilité de la France. C’était alors le temps de démontrer
que la France restait une force puissante sur laquelle on pouvait compter en
Afrique.
Le but annoncé de l’opération turquoise est de protéger dans une zone
humanitaire sûre les populations menacées par les génocidaires. 2'500 troupes
françaises et sénégalaises aménagent les « zones humanitaires sures » (ZHS)
dans la région Cyangugu-Kibuye-Gikongoro dans le sud-ouest de Rwanda.
Il surgit beaucoup de critique envers cette opération. Le DPKO (Department of
Peacekeeping Operations) regrette, qu’on ne la confie pas à la MINUAR.
Le Général Dallaire, commandant des troupes MINUAR était furieux de cette idée:
“If they land their planes here to deliver their damn weapons to the government, I'll
have their planes shot down.” 35 Un peu plus diplomatiquement, il envoie un
message à New York, mentionnant les problèmes que l’opération turquoise pourra
causer à la MINUAR. Les différents mandats (ceux de l’opération turquoise et ceux
de la MINUAR) se mettent en travers de leur chemin. “To have two operations
35 Gérard Prunier, The Rwanda Crisis: History of a Genocide 1959-1994

- 35 -
present in the same conflict area with the authorization of the Security Council but
with such diverging powers was problematic.” 36
Enfin, plus qu’un million de gens, inclus un certain nombre de Tutsi trouvent le
chemin dans les ZHS. La conséquence de la prédilection des Français envers les
milices de Habyarimana est, qu’ils ne désarment pas les Hutu, vu que les ZHS ne
sont jamais démilitarisées. Ça mène au fait que les gens dans les ZHS ne sont pas
protégés, et que les Hutu continuent à massacrer les Tutsi et Hutu modérés.
Citation d’un témoignage de J…, ancien milicien Interahamwe :
« Nous avons donc rassemblé les Interahamwe et sommes
montés à Nyarushishi où nous avons encerclé le camp […]
lorsque est arrivé un Français, j’ignore si c’était le supérieur des
autres, mais il nous a dit : « Etant donné que ces gens (Tutsi)
sont si nombreux rassemblés ici, les satellites ont dû les
photographier, la communauté internationale risque de les avoir
repérés, vous ne pouvez plus les tuer ici. Par contre, tous ceux
qui se cachent, vous pouvez les débusquer et les liquider… ». 37
La France déclare qu’elle empêcherait les actes de violences du FPR dans les
zones. Alors que l’avancée du FPR ne pouvait pas être évitée, les militaires
français protègent les membres du «Hutu Power » et facilitent leur fuite vers le
Zaïre. Par ailleurs, les Français ne mettent aucunement fin aux émissions de la
Radio des milles collines, qu’on considère aujourd’hui comme l’appareil
extrêmement dangereux en ce qui concerne la publicité et l’appel à l’assassinat
des Inyenzi (« cancrelats », surnom de déshumanisation donnée aux Tutsi).
Témoignage d’A..., rescapé du camp de Nyarushishi :
« Je leur reproche de n’avoir rien fait pour sauver les gens. Ils
sont arrivés en plein génocide, ils auraient pu sauver des vies et
des biens, mais ils n’ont rien fait de tout cela, ils n’ont même pas
désarmé les milices. Ce n’est pas la capacité qui leur a manqué,
personne n’a voulu nous sauver, c’est tout. (…) »
Mais l’opération turquoise a aussi des bénéfices à répertorier. Premièrement elle
réussit à arrêter les masses de réfugiés vers le Zaïre, lequel est en train de se
36 “United Nations Independent Inquiry,” December 1999, 47
37 Géraud de la Pradelle, Imprescriptible, éd. Les Arènes, Paris, 2005, p.168

- 36 -
déstabiliser de plus en plus. En outre l’opération protège quand même 13'000 à
14'000 personnes mis en danger (mais pas « des dizaines de milles personnes »,
comme le Président Mitterrand à prétendu). 38
Le 22 août 1994 l’opération se termine et est remplacée par les forces de la
MINUAR.
Une opération pareille aurait certainement pu protéger encore plus de personnes,
et avec plus de présence dans le pays entier, la chance de mettre un point final
aux massacres aurait été emvisageable.
38 David Millwood (ed.), “The International Response to Conflict and Genocide: Lessons from
the Rwanda Experience”, Study 2, 54 - 55

- 37 -
4.2.2. Le reproche adressé à la France
Tiré d’un témoignage de C., une dame rescapée du camp de Nyarushishi :
« Ils (les Français) venaient et nous proposaient de les suivre
pour recevoir du riz et de lentilles. Nous y allions et, arrivées làbas,
ils nous prenaient de force, dans leurs tentes, ou parfois
même dans la forêt à côté. » 39
Dans toutes ces investigations sur le rôle de la France, on devrait distinguer entre
la France en générale et ceux qui ont agi au nom du pays, soient les soldats,
soient les officiers militaires, soit toute une organisation pro Hutu. Ce n’est pas « la
France » qui à violé des femmes, ce n’est pas « la France » qui a donné des
instructions militaires pour massacrer les Tutsi, ce n’est pas « la France » qui a fait
des contrôles de passeports pour différencier les Hutu et les Tutsi. Mais c’est sans
doute un « défaut français » de ne pas avoir été informé de tout ce qui s’était
passé au Rwanda. « “La France” est un commode bouclier. » 40 C’est un bouclier
qui permet de se cacher là-derrière. Mais le défaut de l’information, ou bien d’avoir
voulu cacher les informations, n’est pas à nier. La confiance, qu’on avait donnée
aux Généraux, qui acceptaient, qu’on supporte le parti FAR, venait du
gouvernement français. « La France » n’est qu’un bouclier présumé.
La neutralité perturbante
Juste après le génocide, le nouveau régime à Kigali exige l’extradition et la
condamnation des instigateurs du génocide. La France n’est pas d’accord avec
cette exigence. Les raisons données par le ministère des affaires étrangères à
Paris étaient : « Our mandate does not authorize us to arrest them on our own
authority. Such a task could undermine our neutrality, the best guarantee of our
effectiveness. » 41
39 De la Pradelle, p.179
40 Ibid, p. 9
41 Assemblée nationale, Mission d'information commune, Tome 1 Rapport, 325.

- 38 -
Ce raisonnement n’était pas du tout convaincant. Premièrement, la France n’était
jamais neutre (le parti pris pour les FAR). Deuxièmement, s’ils voulaient, ils
auraient pu changer leur mandat, ainsi comme le changement de l’accord de 1975.
Troisièmement, la « Convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide » mentionne dans l’article V:
« Les Parties contractantes s'engagent à prendre,
conformément à leurs constitutions respectives, les mesures
législatives nécessaires pour assurer l'application des
dispositions de la présente Convention, et notamment à prévoir
des sanctions pénales efficaces frappant les personnes
coupables de génocide ou de l'un quelconque des autres actes
énumérés à l'article III. » 42
Ainsi dans l’article VII :
« Le génocide et les autres actes énumérés à l'article III ne
seront pas considérés comme des crimes politiques pour ce qui
est de l'extradition. Les Parties contractantes s'engagent en
pareil cas à accorder l'extradition conformément à leur
législation et aux traités en vigueur. » 43
La convention sur le génocide garantit donc la légalité de l’arrestation des
génocidaires accusés. Les militaires français en revanche organisent l’évacuation
des membres des FAR à travers les zones sûres. Le Colonel Tadele Selassie,
commandant d’un contingent éthiopien, a vu des voitures françaises, utilisées
comme moyens de fuite pour les soldats rwandais dans le Zaïre 44 . Les ZHS
servent maintenant comme zones sûres pour les fuites des FAR et beaucoup
d’autres génocidaires. Même le Premier ministre du gouvernement intérimaire,
Jean Kambanda (que le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a
condamné pour participation au génocide le 4 septembre 1998) était exfiltré le 17
juillet par des soldats français vers le Zaïre, où il retrouvait d’autres dignitaires,
dont le général Augustin Bizimungu et le colonel Théoneste Bagosora, aujourd’hui
42 Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, article V
http://www.preventgenocide.org/fr/droit/convention/texte.htm (27.12.06)
43 Ibid, article VII
44 Chris McGreal, “French accused of protecting killers,” The Guardian (London), 27
August 1994.

- 39 -
en cours de jugement devant le même TPIR. 45 Des relations entre Bizimungu et
les Français étaient visibles déjà avant son exfiltration. Le Général Roméo Dallaire
indique qu’il a rencontré le général Bizimungu le 16 juillet 1994 à Goma, conduit
par le général Lafourcade au milieu du camp de l’opération Turquoise. Lafourcade
demanda à Dallaire d’être discret sur la façon dont la rencontre avait été
arrangée : « Cela pourrait paraître suspect que le dirigeant de l’AGR [Armée
gouvernementale rwandaise, plus connue sous le sigle FAR] soit à l’intérieur du
camp militaire français ». 46
Pendant toute cette période, la France continue à livrer des armes aux ex-FAR,
bien que les officiels français assurent d’avoir arrêté les livraisons dès le
commencement du génocide le 6 avril 1994. Des indices montrent une autre
vérité. Gérard Prunier, africaniste français, reçoit l’information de Philippe
Jehanne, ancien homme du service de sécurité : « We are busy delivering
ammunition to the FAR through Goma. But of course I will deny it if you quote me
to the press. » 47 Même « Human Rights Watch Arms Project » a découvert grâce à
des recherches détaillées que cinq livraisons d’armes étaient envoyées à partir de
la France en mai et juin 1994, quand le génocide battait encore son plein. Le
consul français l’explique comme respect des négociations antérieures. 48
Un autre comportement irresponsable de la France se déroule en 1995. Une
année après le génocide, les autorités rwandaises craignent la reconstruction
militaire des ex-FAR dans les ZHS, tels qu’ils demandent à les fermer. Le FPR a
l’intention d’assumer cette mission, ce qui mène de nouveau à un nombre de
morts significatif. Le « Independent International Commission of Inquiry » a montré
que le FPR a exécuté de milliers d’IDP (Internally Displaced Persons). Au même
45 De la Pradelle, p. 35
46 1.2. Continuation après le 7 avril 1994 de l’alliance militaire antérieure
http://nuit.rwandaise.free.fr/CEC/CECresume1.htm (12.12.2006)
47 Prunier, 278
48 Human Rights Watch (Arms Project), “Rearming with impunity: International support for the
perpetrators of the Rwandan genocide,” 1995.

- 40 -
temps que tous ces gens étaient tués dans les ZHS, la France a bloqué
l’élargissement des demandes d’asile de réfugiés rwandais avec la justification,
qu’ils étaient déjà protégés dans leur propre pays par les ZHS.
Patrick de Saint-Exupéry, journaliste français qui était stationné au Rwanda
comme correspondant du « Figaro » à ce temps là, a rendu publiques les réactions
des politiciens actuels et il les a critiquées acerbement. Le président français
François Mitterrand a déclaré en été 1994 : « Un génocide dans un tel pays
[comme le Rwanda], n’est pas tellement important. » Ainsi la politique d’Edouard
Balladur, premier ministre de la France de 1993 à 1995, laisse entendre la formule
toute faite : « Dans ces pays, les gens n’ont pas la même relation avec la mort que
nous. » 49 L’irresponsabilité qui se cache derrière ces citations est inouïe et tout à
fait blâmable.
La conséquence de la politique française ne peut pas être surévaluée. La fuite des
têtes génocidaires devait mener à la déstabilisation de la région des grands lacs,
et étendait le conflit un peu partout dans l’Afrique centrale. 50 Ce qui manquait le
plus après le génocide, était la volonté internationale de faire enfin des pas en
avant, pour interrompre la série des massacres incessants. Chaque désastre
après le génocide était le résultat de l’échec commun de savoir s’y prendre avec
les événements précédents. Ce qu’il aurait fallu, était une sincérité, responsabilité
et l’abandon commun du mot «indifférence».
4.2.3. La France se défend
Malheureusement, nous n’avons pas eu la possibilité de prendre contact avec
l’ambassade de la France, ni avec le service administratif qui est compétent pour
les liens entre la France et le Rwanda concernant le génocide. Bien que nous
49 Leugnen und Vertuschen, 01.12.2006
http://www.heise.de/tp/r4/artikel/24/24109/1.html (19.12.2006)
50 David Newbury, “Convergent Catastrophes in Central Africa,” Nov. 1996.

- 41 -
ayons contacté l’ambassade française, elle ne nous a pas répondu.
Le ministère des affaires étrangères de la France exprime une prise de position
concernant les évènements en 1994. Ce qui est frappant, c’est l’évidence qui y est
décrite, que la France était le pays le plus responsable de toute la communauté
internationale. 51
« (…) En juin 1994, la France est le premier pays, qui condamne le génocide, et
qui se décide de lancer une intervention humanitaire». Déjà cette affirmation
contient des points remarquables. Bien avant le lancement de l’opération
turquoise, la MINUAR sous le commandement du Lieutenant Général Roméo
Dallaire, était sur place au Rwanda. Et aussi, si la France pouvait se féliciter d’
une intervention « rapide » (le 4 juillet, après trois mois de génocide), il y a quand
même ces points suspects appuyés par des centaines de témoignages que nous
avons indiqués dans les sous-chapitres précédents. En outre le ministère des
affaires étrangères mentionne : « (…) la France installe une Zone humanitaire,
pour protéger la population concernée des conflits dévastateurs au sud (Butare) et
à l’ouest (Kibuye) du pays. » Inopportunément, la France n’est pas neutre (comme
elle insiste), mais aide les FAR à fuir, et abandonne les Tutsi et le FPR. La
« population concernée » est constituée alors par des Hutu, alors menacés par la
rage du FPR. En même temps, la « population concernée» devrait aussi être
constituée par les Tutsi et Hutu modérés, qui sont, sous la « protection » des
Français, encore menacés par les massacres génocidaires des Hutu. Mais cette
protection ne se met jamais en marche efficacement.
« (…) mais elle (la ZHS) permettait d’évacuer des gens par centaines de milliers et
d’offrir de l’aide et de prise en charge médicale. » Cette affirmation n’est pas
fausse en soi, car les Français ont pu évacuer effectivement des centaines de
milliers de gens, avec le défaut considérable, que les instigateurs et les exécutants
du génocide y étaient compris (voir ci-dessus : Jean Kambanda, Augustin
Bizimungu et Théoneste Bagosora). En plus, la France mentionne, qu’elle
51 Citations suivantes tiré de : France diplomatie, Rwanda, Politische Beziehungen.
http://www.diplomatie.gouv.fr/de/dossiers-nach-land_1/ruanda_96/index.html (06.01.2007)

- 42 -
supporte aujourd’hui la MONUC (Mission des Nations Unies en République
démocratique du Congo) avec le but de disposer d’une puissance militaire qui est
en mesure de faire le désarmement des groupes armés à l’est congolais en
exécution. Également comme les autres points indiqués, la France ne peut pas se
vanter avec une telle déclaration. S’ils ont l’intention de désarmer l’ex-FAR, qui se
trouvent à présent armés à l’est du Congo, ils auraient dû intervenir bien avant le
génocide, pour éviter les massacres. Ce point n’apparaît que comme preuve
présumée qu’ils font tout pour lutter contre l’injustice qui s’est consituée dans la
région des grands lacs.
« La France non seulement n’a pas à rougir de ce qu’elle a fait au Rwanda, mais
elle doit au contraire en tirer fierté. » 52 Edouard Balladur y persiste et signe sur
France 3, le 27 novembre 2004. Avant la diffusion d’un documentaire consacré à
l’implication française au Rwanda 53 , Balladur défend la France sous la forme d’un
long monologue, avec l’intention de persuader les téléspectateurs d’un complot
contre la France.
« À quoi correspond cette volonté systématique de tenter de
décrédibiliser l’action de notre pays ? […] Quels sont les mobiles
qui font agir ceux qui se livrent à une campagne qui est une
véritable campagne de diffamation contre la France ? » 54
Il y a assez de mobiles menant à la méfiance, comme les témoignages qu’on a
comme preuves des actions suspectes de la France au Rwanda, comme les
indices qu’on a trouvés dans le Rwanda (armes françaises), ainsi que les
informations déconcertantes et contradictoires reçues de différents partis.
Patrick de Saint-Exupéry, du Figaro, dans son livre « l’Inavouable » :
« Il nous a fallu du temps, Monsieur, pour comprendre que notre
tic-tac avait un nom. Il s’appelait “crise de confiance”. Quand les
responsables d’un pays entretiennent le silence autour d’un
génocide, nourrissent une atmosphère de conspiration, se refusent
52 Paroles d’Edouard Balladur, France 3, le 27 novembre 2004. (de la Pradelle, p.9)
53 Tuez-les tous! Histoire d’un génocide sans importance, Raphaël Glucksmann, David Hazan et
Pierre Mezerette, passé sous silence, France 3, 27 novembre 2004
54 De la Pradelle, p. 9

- 43 -
à toute explication, masquent des pans entiers de la réalité et en
viennent à se contredire eux-mêmes, il est difficile de ne pas y
céder. Il est tout aussi difficile de renouer. » 55
55 L’inavouable. La France au Rwanda, Les Arènes, 2004

4.3. Le rôle de l’ONU
- 44 -
Si on parle du rôle de l’ONU au Rwanda en 1994, avant et pendant le génocide, ce
sont surtout trois personnages principaux, qui y sont impliqués. Le Secrétaire
général de l’ONU d’alors, Boutros Boutros-Ghali, le responsable du « Domp »
(Département des opérations de maintien de la paix), Kofi Annan, et le Général
Roméo Dallaire, commandant de la MINUAR.
Le rôle de l’ONU a été critiqué, surtout par la France et le Rwanda, concernant la
négligence de l’enquête sur l’attentat contre l’avion de Habyarimana, dont on dit,
que c’était le signal de départ du génocide. Pendant des semaines, la
communauté internationale a laissé se passer les tueries sans intervenir. La
MINUAR, sous le Général Dallaire, a dû se débrouiller pendant cette période avec
les mains liées et dans des conditions insupportables.
4.3.1. La MINUAR et l’impossibilité d’agir
Le 12 mars 1993, le Conseil de sécurité de l’ONU décide d’envoyer une force au
Rwanda pour soutenir la dynamique des accords d’Arusha. La MINUAR, Mission
des Nations Unies pour l’Assistance au Rwanda, reçoit son quartier général à
Kigali. Elle se compose à moitié par des soldats belges. A la fin 1993 la MINUAR
arrive au Rwanda avec la conséquence que les forces françaises de l’opération
Noroît se retirent. La fonction principale de la mission était, comme prévu par le
conseil de sécurité de l’ONU, l’assistance dans l’application de l’Accord de paix
d’Arusha, signé par les parties rwandaises le 4 août 1993.
Informations précoces
Le 11 janvier 1994, Dallaire envoie un télégramme au Général Maurice Baril,
conseilleur militaire aux opérations de maintien de la paix de l'ONU, à New York.
Ce télégramme contenait des informations sur le contact avec un leader des
Interahamwe, un certain « Jean Pierre » :

- 45 -
« Jon [Jean] Pierre told us that he had no objection to make war
[with the] RPF people because RPF was the enemy ... but his
mission was now to prepare the killings of civilian and Tutsi
people... to make lists of Tutsi people, where they lived, to be
able, at a certain code name, to kill them. Kigali City was divided
in a certain number of areas, and ... each area was manned by,
let's say, 10 or maybe more people. Some were armed with
firearms, some with other kind of tools like machetes, and the
mission of those persons was just to kill the Tutsis. Another
aspect of his mission was to distribute weapons to the
[Interahamwe] militia, and so during this first meeting he told me
that in the area of Kigali there were a lot of arms caches and
some ... of the weapons, the firearms were in those caches. » 56
Après avoir transmis le télégramme contenant l’information ci-dessus à Kofi Annan
et Iqbal Riza, directeurs du DPKO (Department of Peacekeeping operations), rien
ne se passe.
Dallaire est instruit d’informer le président Habyarimana des informations reçues.
« Not only was I not allowed to conduct deterrent operations in
support of UNAMIR, but in the interests of transparency, I was to
provide the information that Jean-Pierre had given to us to
President Habyarimana immediately. I was absolutely beside
myself with frustration. » 57
De nouveau, rien ne se passe, Habyarimana ne prend pas de mesures, ni à
dissoudre les dépôts d’armes dont on est mis en connaissance, ni à nettoyer les
quartiers des personnes armées, prêtes à tuer. Un autre élément d’information
obtenu par « Jean Pierre » concernait une stratégie dont le but était de provoquer
le meurtre de soldats belges de la MINUAR et le retrait de leur bataillon.
« … et les troupes belges devaient elles aussi faire l’objet de
provocations. Si les Belges répondaient par la force, un certain
nombre d’entre eux seraient alors assassinés, ce qui garantissait
que la Belgique retirerait son contingent du Rwanda. » 58
56 Frontline Interview avec colonel Luc Marchal
57 Roméo Dallaire, Shake hands with the devil, Arrow Books, 2004, p. 146
58 United Nations Independent Inquiry,” December 1999, II. Les principaux événements,
http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/N99/395/48/PDF/N9939548.pdf?OpenElement,
(05.12.2007)

- 46 -
L’attitude inactive de l’ONU face à ces informations peut avoir été interprétée par
les Hutu comme signal d’indifférence soit face à l’existence d’armes, soit face aux
meurtres imminents. L’avertissement précoce par Dallaire n’est pas pris au
sérieux.
Peu de temps après l’écrasement de l’avion de Habyarimana, le commandant de
la MINUAR, le Général Roméo Dallaire écrit à New York : « Give me the means
and I can do more. » 59 Mais rien ne se passe, aucune autorisation d’agir n’est
envoyée, et aucun moyen pour une intervention n’est permis. La mission n’est pas
planifiée et instruite de façon qu’elle puisse assumer un rôle actif et décisif, face à
un processus de paix sérieusement menacé.
Inactivité dévastatrice
Selon James Woods, Dallaire voyait plus tôt que tous les autres ce qui pourrait se
passer: « I think he would have played a more vigorous, helpful, possibly decisively
positive role had he been given authority permitting him to do that. » 60
Ce refus d’autorité menait au fait, qu’aucune intervention de la part de la MINUAR
n’était possible. En plus, MINUAR est rarement équipée, non seulement de
nourriture et d’armes, mais encore de gens et soldats en général.
« It is nonsense to open fire to save one life if you lose 10, 20 or
30 other lives, and that was our problem at that moment. We
were a minority on the ground. Their [FAR] army was better
equipped and armed than UNAMIR. » 61
Le problème de la minorité et de la faiblesse des troupes de la MINUAR
est apparent. Il manque de pouvoir, et il manque de très peu, à savoir la
permission d’agir, pour marquer un signe de négation aux massacres de
59 Alison DesForges, “Defeat is the Only Bad News: Rwanda under Musinga, 1896-1931,”
Yale University, Ph.D. thesis, 1972, 598
60 Frontline Interview avec James Woods
61 Frontline Interview avec colonel Luc Marchal

- 47 -
la part de la communauté internationale, représentée par la MINUAR.
Qu’est-ce qu’on aurait pu faire si on recevait un mandat pour agir ?
« Oh, it was not very difficult because in the first day after the
coup there were killings, but not on a great scale so we had just
to occupy the terrain and for us it was enough, just show to the
population that UNAMIR was active, show to the Rwandan army
that our objective was to save the peace, because don't forget
with the president, the chief of staff of the army was also killed ...
[the president] was considered a "god" in Rwanda, and the chief
of staff of the army was also a kind of god for the Rwandan. And
it means that the whole country was without any leader and they
were really waiting for a sign from us, and we didn't give that kind
of sign. » 62
Le signe, que le Rwanda n’était pas abandonné de l’extérieur manquait alors. Le
signe, que ce n’était pas indifférent au monde, si on massacrait 800'000 gens.
Mais comment envoyer ce signe, s’il semblait à ce temps-là qu’il y avait cette
indifférence concernant le Rwanda. Comment envoyer un signe que le Rwanda
n’était pas abandonné du monde, s’il l’était en vérité ?
« Ruander zählten für die Welt damals einfach nicht. Die
internationale Gemeinschaft sortierte ihre Prioritäten nach
nationalen Interessen. [...] bei den Entscheidungsprozessen zu
Ruanda ergab sich, dass Ruanda handlungsfähigen Ländern
nicht wert war, Opfer zu riskieren" [...] Die internationale
Gemeinschaft hat den fundamentalen Fehler, dass sie nicht in
der Lage ist, Eigeninteresse zu überwinden und jeden Menschen
als Menschen zu sehen, als genau gleich. » 63
Après la reprise des combats en 1994, le mandat de la MINUAR vient d’être
modifié de manière qu’elle puisse agir comme intermédiaire entre les partis
rwandais, pour essayer de maintenir un cessez-le-feu et pour faciliter les
opérations de secours humanitaires. Mais tout cela toujours est encore sans la
possibilité et la permission d’agir directement pour une amélioration de la situation
en place.
62 Ibid
63 Roméo Dallaire, taz, 7.4.04, Jeder Mensch zählt. Kein Mensch auf der Welt ist mehr wert als ein
anderer. In Ruanda wurde das vergessen

Empêchement d’efficacité
- 48 -
À part de l’inactivité, un autre grave problème apparaît. Sur place il y a beaucoup
de troupes de différentes nationalités. Non seulement l’ONU est stationnée mais
encore la France, l’Italie, la Belgique et les Etats-Unis organisent des évacuations
de leurs propres expatriés. Ainsi, beaucoup de troupes sont stationnées au
Rwanda, avec le défaut de se trouver sous différents commandements.
Le 9 avril, Kofi Annan donne des instructions à Dallaire de coopérer avec les
Français et les Belges pour faciliter l’évacuation de leurs expatriés :
« You should make every effort not to compromise your
impartiality or to act beyond your mandate but may exercise your
discretion to do [so] should this be essential for the evacuation of
foreign nationals. This should not, repeat not, extend to
participating in possible combat, except in self-defence. » 64
Cette autorisation d’agir au-delà du mandat s’il était nécessaire pour l’évacuation
des étrangers au Rwanda, est la seule pendant toute l’existence de la MINUAR.
Jamais on n’a autorisé une telle marge de manœuvre concernant la protection des
Rwandais menacés.
Dès que les étrangers sont sauvés à l’extérieur du Rwanda, les troupes qui
n’appartiennent pas à l’ONU, laissent la MINUAR et ainsi le destin du pays
Rwanda seuls dans des circonstances misérables.
À l’exemple de l’abandon de Don Bosco, l’école technique officielle à Kigali, et de
ses deux mille réfugiés venus se mettre sous la protection des soldats belges
installés sur place, le problème du désaccord des troupes stationnées au Rwanda
se manifeste. Après la retraite des troupes belges, due à l’expiration de la mission
de l’évacuation des expatriés belges, Don Bosco n’est plus protégé, et les deux
milles réfugiés sont assassinés par les Interahamwe qui rodaient déjà à l’extérieur
depuis quelques jours en attendant le moment venu pour commettre le meurtre.
64 United Nations Independent Inquiry,” December 1999, III. Conclusions, 17. Opération turquoise

- 49 -
« So there were enough troops on the ground to have saved the
lives of the people at Don Bosco? Yes, there were enough
troops on the ground in Kigali at that time. And you couldn't
have given them orders because they were not under your
command, is that right? Of course, because (…) Because they
were not United Nations troops. Yes, they were national troops
because Italy, France and Belgium, organized their own
evacuation of their own expatriates. » 65
Ce qui faisait alors obstacle à l’union des troupes, et ainsi à la possibilité de
stabiliser la situation et de garantir une protection des personnes menacées, était
la quantité des troupes de différents pays et le manque de coordination entre
leurs différents mandats.
Cette difficulté se montre par l’exemple de l’opération turquoise, qui est lancée le
22 juin 1994. Elle cause un tas de problèmes à la MINUAR, surtout à cause des
différents mandats, qui permettent de différentes missions. Un « jeu » commun ne
peut pas être construit, ainsi qu’un travail complémentaire et uni.
« In the clearest, most objective and rational terms I could muster, I described all of
the reasons why the French should not deploy and what I estimated would happen
if they did. » 66
Le Général Roméo Dallaire propose trois options à l’ONU concernant le mandat de
l’opération turquoise, dont l’une comporte les phrases suivantes :
« It is strongly recommended that the French-led initiative be
encouraged only if the RPF agrees to French troops on the
ground, or if this force comes with personnel and equipment but
not with any French troops. Should this not be possible, in order
to avoid an escalation of the conflict, both inside Rwanda and in
the region… the French-led initiative should be let to run its
course alone and permit UNAMIR to build itself up in a secure
environment … after which the Mission could redeploy with the
effective forces planned for in its mandate.» 67
Le danger de l’opération turquoise consiste alors au fait, que le FPR ne souhaite
65 Frontline Interview avec colonel Luc Marchal
66 Roméo Dallaire, p. 433
67 Ibid, p. 433

- 50 -
pas la bienvenue aux troupes françaises qui ont toujours collaboré avec les FAR.
La stabilisation branlante construite par la MINUAR est alors menacée par le
recours de l’opération turquoise française.
Diminution des soldats
Le 7 avril 1994, la Garde présidentielle rwandaise assassine le Premier Ministre,
Agathe Uwilingiyimana, et les dix casques bleus belges qui tentaient de la
protéger. La consternation des Belges, résultant de cet assassinat entraîne le
désengagement de la MINUAR. La Belgique retire son contingent d’environ 1200
soldats et divise ainsi l’effectif de la MINUAR en deux. Le 13 avril, le DPKO offre
deux possibilités au Conseil de Sécurité de l’ONU. Soit laisser la MINUAR au
Rwanda pour trois semaines sans les soldats belges (sous la condition d’un
cessez-le-feu), soit réduire la MINUAR et maintenir seulement une présence
maigre dans le pays. C’est alors la deuxième décision que le Conseil de Sécurité
de l’ONU prend, sous la pression des Etats-Unis et de la Grande Bretagne. L’ordre
de la diminution de 2500 à 270 hommes est mis en exécution le 21 avril 1994.
«Nach meiner Ansicht waren die Vereinten Nationen während
des Völkermordes nicht nur nutzlos. Sie waren schlimmer als
nutzlos. Es wäre uns besser ergangen, wenn es sie überhaupt
nicht gegeben hätte, denn sie erlaubten es der Welt zu glauben,
dass etwas geschieht, dass sich eine verantwortungsbewusste
Institution um die Ereignisse kümmert. So entstand die fatale
Illusion von Sicherheit. In Rwanda blieben weniger als 300
schlecht ausgebildete UN-Soldaten, denen noch nicht einmal
gestattet war, Gebrauch von ihren Waffen zu machen, wenn ein
Kind direkt vor ihren Augen abgeschlachtet wurde. Ein
vollkommener Rückzug wäre besser gewesen als diese
Farce.» 68
Malgré tout, l’effet secondaire de l’intérêt des médias apparaît par la
présence de l’ONU au Rwanda, par conséquent le monde est informé de
ce qui se passe au Rwanda, même si les informations sont maigres et
rares.
68 Paul Rusesabagina, „Ein gewöhnlicher Mensch“ Berlin Verlag 2006, p. 135

- 51 -
Une nouvelle résolution du Conseil de sécurité étend le 17 mai la mission de la
MINUAR à la protection des populations et autorise ainsi le déploiement de 5500
casques bleus au Rwanda (MINUAR II). Comme prévu, cette résolution cause de
nouveaux problèmes :
« On June 19, the date that UNAMIR 2 should have had 4,600
soldiers in Rwanda, my troop strength stood at 503, and we were
still living with all of the problems and shortages that had plagued
and undermined us in April. […] UNAMIR 2 would not be
operational for at least three months. » 69
Seulement le 10 août la MINUAR II entre en action et la France se retire. La
nouvelle mission permet, de contribuer à la sécurité et à la protection des
personnes déplacées, des réfugiés et des civils en danger, et de favoriser le retour
des populations déplacées ainsi que le rapatriement des réfugiés en toute sécurité.
Le mandat de la MINUAR se termine le 8 mars 1996.
« We need to be seen to be neutral » 70
À part l’échec de la Communauté Internationale en ce qui concerne la réaction au
génocide, la négation du mot génocide contribue à la thèse que les massacres ne
sont que le fruit de la guerre qui règne déjà depuis longtemps au Rwanda. La
thèse d’un génocide, indépendant de la guerre incessante, n’est pas envisagée. Il
ne suffit pas, d’arrêter la guerre ; c’est la pensée au nettoyage ethnique, qu’il faut
arrêter. Ce n’était plus une guerre entre FPR et le régime de Habyarimana, c’était
un génocide, une partie d’une population exterminant une autre. Ainsi, un cessez-
le-feu entre les deux partis n’aurait pas forcément contribué à un arrêt des
massacres.
Human Rights Watch faisait remarquer à l’ONU le fait que:
« Keeping the peace is not a goal of the authorities in Kigali, and that a cease-fire
between the warring parties is largely irrelevant to the mass slaughter of non-
combatants being carried out throughout Rwanda... by the army and militia. » 71
69 Roméo Dallaire, p. 432
70 African Rights, Death, Despair, 1120
71 Cité in US Committee For Refugees, “Rwanda: Genocide and the Continuing Cycle of

- 52 -
L’hésitation d’utiliser le mot « génocide » reposait aussi sur le manque de bonne
volonté d’agir. La dénomination de la situation au Rwanda comme génocide aurait
provoqué une attente que la communauté internationale agisse et intervienne dans
les machinations au Rwanda.
« They did not want to admit what was going on or that they
knew what was going on because they didn't want to bear the
onus of mounting a humanitarian intervention – probably
dangerous – against a genocide... » 72
Ce qui n’est pas à oublier, c’est que juste avant le génocide rwandais, de 1992 à
1994, les Nations Unies, ensemble avec les Etats-Unis, étaient stationnés en
Somalie pour réprimer la guerre civile. Le cas d’un soldat américain traîné par terre
à travers la ville de Mogadishu provoquait un changement de la politique
extérieure des Etats-Unis, et une prudence renforcée des Nations Unies. Les
conséquences étaient sensibles au génocide rwandais.
La prudence devant une prise de responsabilité due à la perte de 18 soldats
américains en Somalie s’exprime dans le point de vue américain : « We're not
going to intervene in this mess, let the Africans sort themselves out. » 73
Ainsi, il en résulte le souci de maintenir l’impartialité de l’ONU, pour garder la
menace de ses propres troupes à un niveau minimal. Cette neutralité est non
seulement difficile à garder, mais encore gênante pour une intervention efficace et
active. Toujours, les informations des médias contiennent des phrases comme:
« we need to be seen to be neutral » ou bien « we must not be seen to be taking
sides » 74
Quelques années plus tard, le Secrétaire Général Kofi Annan écrit dans un
rapport concernant le cas Srebrenica en 1995 qu’un des problèmes principaux
Violence,” May 5, 1998
72 Ibid
73 Ibid
74 African Rights, Death, Despair, 1120.

pendant cette période terrible était :
- 53 -
« …An institutional ideology of impartiality [on the part of the UN]
even when confronted with attempted genocide… Certainly
errors of judgement were made [by the UN], errors rooted in a
philosophy of impartiality and non-violence wholly unsuited to the
conflict in Bosnia. » 75
Bien que ce ne soit pas un rapport relatif au génocide rwandais, il apparaît quand
même un aveu des fautes commises concernant l’acharnement sur la neutralité.
Les camps de réfugiés
Juste après le génocide, un exode d’une grande partie du peuple rwandais
marquait le pays du Rwanda. En tout, environ deux millions de personnes ont fui
du Rwanda. Les premiers réfugiés étaient des Tutsi qui ont eu le bonheur
d’échapper aux massacres. Pourtant, la plupart des réfugiés se constituait des
Hutu.
Le Haut Commissariat des Nations Unies pour Réfugiés (UNHCR) a décrit cet
Exode comme onde de réfugiés avec le plus grand nombre jamais existant.
Pendant une période de 24 heures, du 28 au 29 avril, 250'000 Rwandais fuient le
pays par un pont étroit à Rusumo, menant en Tanzanie. 76
L’UNHCR et les différentes organisations humanitaires (plus de 200 ONG et
Médicins sans frontières) ont agi sans un grand savoir sur la situation politique de
l’époque. Ainsi apparaissaient des problèmes de collaboration entre l’UNHCR et
les ONG. Mais on doit aussi tenir compte du fait que les organisations
humanitaires avaient une grande pression, chaque jour il y avait des images à la
télé montrant des gens en train de mourir de faim. Oui, le monde occidental lançait
une vague d’aide extraordinaire, qu’on n’a jamais vue avant : Des coupables, ils en
ont fait les victimes. La misère des réfugiés recouvrait l’horreur du génocide.
75 Report of the Secretary-General pursuant to General Assembly Resolution 53/35: The
Fall of Srebrenica, 15. November 1999, 110-111.
76 Des Forges, p. 636

- 54 -
En peu de temps ils ont construit des camps énormes, qui se trouvaient vite sous
la direction des extrémistes Hutu. Ceux-ci ont su qu’ils pouvaient compter sur
l’aide humanitaire. Par conséquente, les extrémistes Hutu, en prenant en otage les
réfugiés et en les obligeant de fuir, ont contribué à une grande misère pour ces
réfugiés. Mais la stratégie des extrémistes marchait. Les organisations
humanitaires agissaient de manière très irréfléchie. Elles ont ainsi remis la
direction des camps à ceux qui ont planifié et mis en marche le génocide.
Par conséquent, il était plus difficile de condamner les responsables du génocide,
parce qu’on dépendait d’eux, en ce qui concerne la distribution de l’aide, entre
autre. Beaucoup de collaborateurs des organisations humanitaires ont dit qu’ils
sont seulement responsables de s’occuper de la nourriture. Il n’était pas important
si les bénéficiaires de l’aide avaient commis des crimes avant.
Pourtant, les activités militaires continuaient après le génocide dans les camps de
réfugiés.
Des meurtres, des chantages et des prises d’otages étaient fréquents dans les
camps de réfugiés. Même ceux qui voulaient retourner dans leur pays ont été
contraints de rester dans les camps.
Le Conseil de Sécurité lançait par conséquente une commission internationale de
recherche, pour examiner la présence d’armes aux mains du gouvernement
ancien. 77
Dans un rapport en 1996, la commission a confirmé trois résultats : Il existait un
réarmement intensif dans les camps ; Les Ex-FAR et les Interahamwe entraînaient
des nouveaux recrues ; et le Zaïre, la Belgique, la France, la Bulgarie, la Chine et
l’Afrique du Sud étaient impliqués dans la livraison d’armes.
La culpabilité de ces pays n’a jamais pu être prouvée. Comme le monde a refusé
d’intervenir contre la menace de la population rwandaise par un nouveau
massacre, les menacés (à savoir le FPR), prenaient l’intervention dans leurs
77 United Nations, “Report of the International Commission of Inquiry (Rwanda)
S/1996/195,” 14 March 1996.

- 55 -
propres mains. Ainsi résultaient les massacres post-génocidaires dans les camps
de réfugiés, qui auraient dû être sous contrôle de l’ONU et d’organisations
humanitaires.
4.3.2. Déclarations publiques de l’ONU
Après sept semaines de massacres, et d’ignorance de la part de la communauté
internationale, Boutros-Ghali envoie une mission au Rwanda pour insister sur un
cessez-le-feu. Le rapport de la Mission des Nations Unies au Rwanda (avec un
nombre de morts présumé de déjà 250'000 à 500'000) pousse Boutros-Ghali à
déclarer que les massacres étaient planifiés systématiquement et qu’il y a « peu
de doute » 78 que ce qui s’est passé doit être nommé un génocide.
« The delay in reaction by the international community to the
genocide in Rwanda has demonstrated graphically its extreme
inadequacy to respond urgently with prompt and decisive action
to humanitarian crises entwined with armed conflict. Having
quickly reduced UNAMIR to a minimum presence on the ground,
since its original mandate did not allow it to take action when the
carnage started, the international community appears paralyzed
in reacting almost two months later even to the revised mandate
established by the Security Council. We must all realize that, in
this respect, we have failed in our response to the agony of
Rwanda, and thus have acquiesced in the continued loss of
human lives. » 79
Même à ce temps, après la reconnaissance du génocide par l’ONU, quelques
états, entre autres les Etats-Unis, refusent de prendre les mesures exigées par la
convention sur le génocide, et ainsi refusent d’accepter eux-mêmes de qualifier
ces massacres de génocide.
En 1998, quatre années après le génocide, l’ONU, les États Unis, ainsi que deux
ans plus tard la Belgique, déclarent leur culpabilité pour la catastrophe génocidaire
78 United Nations Secretary-General, “Report of the Secretary-General on the situation in Rwanda”,
S/1994/640 (31 May 1994), par.5
79 Ibid, par. 43

et ils s’excusent officiellement.
- 56 -
À part cette déclaration, Kofi Annan commissionne, avec l’accord du conseil de
sécurité, une enquête totalement indépendante sur le rôle de l’ONU dans le
génocide rwandais.
Concernant ce rapport, le Secrétaire Général Kofi Annan écrit en 1999 :
« In 1994 the whole international community -- the United
Nations and its Members States -- failed to honour that
obligation. […] All of us must bitterly regret that we did not do
more to prevent it. There was a United Nations force in the
country at the time, but it was neither mandated nor equipped for
the kind of forceful action which would have been needed to
prevent or halt the genocide. On behalf of the United Nations, I
acknowledge this failure and express my deep remorse. » 80
80 Kofi Annan, Statement on receiving the report of the independent inquiry into the actions of the
united nations during the 1994 genocide in Rwanda, 16 December 1999

- 57 -
4.4. À qui alors la culpabilité?
Ce qu’on vivait en 1994 au Rwanda concernant l’action de la communauté
internationale était l’abandon et l’indifférence pure envers un pays « loin de chez
nous ». « Un génocide dans un tel pays [comme le Rwanda], n’est pas tellement
important » 81 , c’est apparemment tout ce qu’on arrivait à dire face aux massacres
au Rwanda. L’intervention effective aurait contribué beaucoup à la possibilité que
les massacres n’aient pas dégénéré autant : « Si les casques bleus étaient restés
sur place, il y aurait pu un nombre très limité de victimes. Il y aurait eu un
massacre et pas un génocide » 82
Etait-ce le peuple…
La question de la culpabilité se pose automatiquement, quand on est mis au
courant de tous ces événements, de toutes ces machinations douteuses et peu
responsables exécutées soit par la communauté internationale, soit par la
population rwandaise.
Ainsi les soldats de l’armée rwandaise, et les milices du CDR et MRND ont
contribué, pour leur part au déclenchement du génocide. Ils ont formé les
personnes qui surveillaient et dirigeaient les massacres sur place. Les meurtriers
connaissaient très bien les victimes. Ainsi les voisins tuaient leurs voisins et les
élèves faisaient la chasse aux professeurs. Les meurtres étaient planifiés par les
hauts politiciens et ministres rwandais, mais ceux qui les ont exécutés, c’était le
peuple quotidien, c’étaient les paysans, les artisans, simplement les voisins.
Des milliers de personnes, poussées par des paroles politiques, ont commis des
cruautés incroyables : Ils ont brûlé des hommes et de femmes vifs, les ont enterrés
vifs, ils leur ont découpé touts les membres avec les machettes, avant de les
décapiter ; et ils ont battu les enfants à mourir. Il y avait même des victimes qui ont
81 Leugnen und Vertuschen, (01.12.2006)
82 Edouard Bizumuremyi, Interview du (25.09.2006)

- 58 -
payé beaucoup pour être tué vite par une balle au lieu d’une machette.
La question, de quelle manière on peut exciter et inciter des gens normaux à
commettre un génocide s’impose à l’esprit inévitablement. Pendant la persécution
des juifs le peuple a réagi passivement. Il n’y avait jamais un pays entier, qui
devenait un coupable. Ce fait complique la tentative de trouver les responsables
pour ce génocide et laisse inévitablement beaucoup de coupables, qui n’auront
jamais de procès.
Il y a deux explications et raisons concevables auant à cette question :
La propagande humiliait les Tutsi ciblés et parle d’eux comme de la vermine. Les
Hutu ne devaient pas voir des relations avec les Tutsi, mais les considérer comme
facteurs dérangeants dans la société (voir notamment les dix commandements
des Bahutu). La distance émotive entre les victimes et les coupables était comme
ça plus grande ou même éliminée. La déshumanisation est ainsi un premier pas
dans la longue marche vers un génocide, comme on le voit aussi dans le cas de
l’holocauste. Comme nous l’avons vu plus haut, les Tutsi sont petit à petits
devenus étrangers dans leur propre pays, et puis cancrelats et enfin sont
transformés en «problème».
Une autre raison encore plus inhumaine de la propagation rapide de la dérive
génocidaire est, qu’on a forcé, arme à la main, plusieurs Hutu (aussi dans les
propres familles) de tuer les Tutsi. Le blocage de tuer disparaît face à la menace
contre sa propre vie, ainsi que la barrière de tuer une fois de plus.
…ou c’est la communauté internationale qui a échoué ?
Comme nous venons de le voir, c’est une partie de la population rwandaise, sous
l’emprise de la haine de l’autre qui a massacré une autre partie. Mais ce seul
facteur ne nous suffit pas à comprendre une telle ampleur du génocide. Il y a aussi
l’inaction, l’indifférence de la communauté internationale qui y a largement
contribué, comme on a vu dans le chapitre précédant.

- 59 -
James Woods se demandait du point de vue des Etats-Unis, pourquoi le monde
occidental n’intervenait pas, et ne se sentait pas responsable du génocide.
« (…) and, secondly, a very legitimate question is: Whose
responsibility? Is it in the modern-day world to deal with these
kinds of problems? Why us? The argument that we're the
greatest superpower; therefore, we're the world's policeman did
not sell. » 83
C’était peut-être la peur d’une intervention qui a empêché la communauté
internationale d’agir. La peur de perdre ses propres soldats, la peur de prendre la
«fausse» décision. C’était le manque du mot « responsabilité » qui a contribué au
non-agir. Ou bien le manque du sentiment, qu’il valait même la peine de sauver la
vie d’une population qui n’appartient pas à son propre pays, mais à notre monde. Il
semble que ce sentiment d’une communauté mondiale s’est perdu, effacé au profit
des intérêts spécifiques des différents pays. Ainsi, le silence et l’inattention dans
lesquels les massacres se sont développés, permettaient aux génocidaires d’agir
et de continuer. Les génocidaires n’ont-ils pas accueilli chaleureusement les
militaires français brandissant leurs machettes en l’air, couvertes de sang ! C’était
le signal qui manquait, le signal qui aurait montré que le monde voyait ce qui se
passait, qu’on n’était pas d’accord et qu’on en avait horreur. Ce signal ne venait
pas, ni de la communauté internationale, ni de la population rwandaise qui s’est
soumise à la haine.
Qui est alors le bouc émissaire du génocide ? Est-se la France, qui n’a pas cessé
de livrer des armes au FAR ? Est-se l’ONU qui n’est pas intervenue assez tôt ?
Sont-ce les voisins, qui se sont perdus dans la haine. Ou bien n’est-ce la faute de
personne, car une expression comme « la responsabilité » ou « le sens de
devoir » n’existe plus sur la base internationale ? Peut-être qu’on reste à la
conclusion donnée par Roméo Dallaire que c’est la faute de tous, qu’il ne suffit pas
de dire, qu’on a fait le mieux. Si on abandonne un pays de telle manière, le mieux
n’est jamais atteint.
83 Frontline interview avec James Woods

- 60 -
« Wenn man bis zum Hals in Leichen steht, und das meine ich
wörtlich, wenn man also einmal ausgerutscht und in einen Berg
von Leichen gestürzt ist, dann kann man sich nicht hinstellen und
sagen: Ich habe mein Bestes gegeben. Das geht nicht. Wir
haben es in ihren Augen gesehen, wir haben versagt. Ich habe
es in ihren Augen gesehen, ich habe versagt. Sie haben damit
gerechnet, dass wir ihnen helfen Frieden zu bringen. » 84
84 Roméo Dallaire, exposé au Rwanda:
http://www.3sat.de/3sat.php?http://www.3sat.de/kulturzeit/lesezeit/77558/index.html (23.12.2006)

- 61 -
5. Situation d’aujourd’hui
La situation au Rwanda s’est améliorée pendant tout ce temps entre 1994 et 2006.
Non seulement la situation politique (nationale / relations internationales), mais
aussi la situation ethnique et humanitaire a connu un changement important et
effectif. Douze ans sont passés, douze ans d’un processus d’assimiler
psychiquement ce qu’on a vécu, ce qu’on a fait, et surtout d’un processus de
pardon au meurtrier. Le pays s’est retapé d’un niveau tout bas, à un niveau
acceptable, même mieux qu’avant le génocide. Grâce à des institutions nationales
de transition, le Rwanda s’est développé en un pays républicain, avec les
premières élections pluralistes en 2003 et avec un nouveau record de croissance
économique en 2002 de 9 %. 85
Dans ce chapitre nous traitons la situation rwandaise d’aujourd’hui. L’objectif visé
consiste à démontrer la rupture visible, le contraste effectif en comparaison avec la
situation génocidaire en 1994. Le Rwanda mérite qu’on ne considère pas
seulement son histoire brutale mais aussi son époque actuelle pacifique et
remarquablement stable.
85 Edouard Bizumuremyi, Interview du 25 septembre 2006

- 62 -
5.1. Situation politique d’aujourd’hui
La politique dans le pays du Rwanda s’est nettement améliorée depuis le
génocide. Un gouvernement républicain s’est construit, ainsi que des institutions
sociales. Même le drapeau et l’hymne national ont été changés le 31 décembre
2002. « Conformément à la politique de l'actuel gouvernement, le nouvel hymne
ne fait pas mention des composantes hutue, tutsie et twa » 86 . Ainsi la nouvelle
devise rwandaise se présente : « unité, travail, patriotisme ».
Mais non seulement la politique nationale, aussi la politique internationale, plus
précisément les relations internationales ont enduré des événements
bouleversants. Les relations avec les pays concernés par le génocide en 1994
sont différentes. Tandis qu’elles sont plutôt normales avec les Etats-Unis, la
Belgique et l’ONU, il apparaissent actuellement des difficultés profondes entre la
France et le Rwanda, ayant des origines dans les machinations françaises
suspectes dans la page de l’histoire noire du Rwanda.
5.1.1. Relations internationales d’aujourd’hui
Généralement les relations rwandaises avec les autres pays impliqués au
génocide sont sur un bon niveau. À l’instant, au mai 2006, le président des Etats-
Unis, George W. Bush, a rencontré Paul Kagamé dans la Maison Blanche, avec
des résultats de relations agréables et d’appréciations mutuelles. Ainsi avec la
Belgique, les relations sont bonnes, grâce à l’aveu belge d’avoir une culpabilité
dans le cas du génocide rwandais.
86 Déclaration de Désiré Nyandwi, ministre de l’administration locale et des affaires sociales,
http://www.afrique-
express.com/archive/CENTRALE/rwanda/rwandapol/242changementdrapeau.htm (08.01.2007)

La diplomatie détruite
- 63 -
Tout différemment se développent les relations entre la France et le Rwanda qui
sont tendues comme jamais dans leur histoire. Récemment, le pays africain a
décidé de rompre toutes les relations diplomatiques avec la France. A l’avenir, les
ambassades de la Belgique et de l’Allemagne représenteront les intérêts français à
la capitale rwandaise de Kigali. L’ambassadeur français a dû quitter le pays dans
un délai de 24 heures ; ainsi l’ambassadeur rwandais était rappelé de Paris. 87 La
rupture des relations est une mesure exceptionnelle, la plus grave qui puisse être
prise sur le plan diplomatique entre deux pays. Plus de 25000 habitants de Kigali
ont protesté contre la politique française. Ils portaient des écriteaux avec des
inscriptions comme : « La France – Génocidaire » ou bien, « Arrêtez de protéger
les meurtriers ». 88 Dans plusieurs capitales du Monde, y compris en Suisse (à
Genève), les mêmes manifestations se sont déroulées.
La dissension entre les deux pays a ses racines dans le soutien français aux
Forces Armées Rwandaises (FAR) du gouvernement qui a fait le génocide, et ceci
avant et pendant le génocide.
« Depuis des années, notre relation avec la France n'est pas
bonne. Cela remonte à l'époque où le gouvernement français
soutenait le gouvernement d'Habyarimana, responsable du
génocide. Quand nous sommes arrivés au pouvoir, Paris s'est
mis à multiplier les obstructions. » 89
Contrairement aux Etats-Unis, la Belgique et l’Onu, la France ne s’est jamais
excusée et n’a jamais montré un aveu de responsabilité dans le génocide envers
la société rwandaise. Cela contribue encore à plus de décalage entre les deux
pays. Pour le gouvernement rwandais le fait est clair que la France est coupable
87 Leugnen und vertuschen (01.12.2006)
88 Ibid
89 Paul Kagamé, Interview avec le Figaro, « les rwandais veulent des excuses de Paris »
16. décembre 2006
http://www.lefigaro.fr/international/20061216.FIG000000702_paul_kagame_les_rwandais_veulent_
des_excuses_de_paris.html (27.12.2006)

- 64 -
du génocide, en ayant supporté le parti génocidaire FAR.
La France au contraire ne démorde pas de son opinion, qu’elle était la première, et
longtemps la seule nation, qui avait envoyé une action humanitaire (« opération
turquoise ») au Rwanda (contradictions là-dessus voir : « 2.1.3. La France se
défend »).
La question se pose, si une excuse suffirait pour fermer le fossé profond entre le
Rwanda et la France. C’est en tout cas l’avis de l’actuel Président du Rwanda,
Paul Kagamé :
« (…) Paris s'est refusé à cette approche : les responsables de
grands pays, le premier ministre belge, le président américain...,
sont venus ici et ont admis leurs responsabilités - qui n'ont rien à
voir avec celles de Paris. Ils se sont excusés. La France n'a
jamais eu le moindre mot. Les Français sont les plus impliqués
et... rien, pas un mot. Alors que de simples excuses, montrant
que l'on a été touché par ce qui s'est passé ici, feraient une
grosse différence. Ne pas être capable de faire cela quand on
est impliqué à ce point ne fait que tout empirer. C'est à la France
de réfléchir. C'est à elle de décider. Si un officiel français venait à
Kigali pour présenter ses excuses aux Rwandais, cela ferait une
énorme différence. C'est ce qu'attendent les Rwandais. » 90
La fermeture de l'ambassade de France au Rwanda ne doit pas être vue comme
un acte soudain. Cela fait douze ans que ces relations ne fonctionnent pas.
Pourtant, selon Kagamé, un simple aveu de la part de la France suffirait, pour
approcher les deux pays et pour maintenir des relations acceptables et modestes.
Le « cas Bruguière »
Le juge français Jean-Louis Bruguière est chargé depuis 1998 d’une instruction sur
l’attentat contre le président rwandais Juvénal Habyarimana du 6 avril 1994.
Dans son ordonnance du 17 novembre 2006, le juge antiterroriste a livré le résultat
de ses investigations. Paul Kagamé, actuel président du Rwanda et ancien chef du
FPR, serait l’instigateur de cet attentat.
90 Ibid

- 65 -
« Le général [Paul Kagamé] avait délibérément opté pour un
modus operandi qui, dans le contexte particulièrement tendu du
Rwanda (...) ne pouvait qu'entraîner en réaction des représailles
sanglantes. » 91
Cette accusation contre Paul Kagamé a suscité une vague d’indignation non
seulement au Rwanda, mais encore au monde entier. Dès l’année 2004, l’essentiel
de l’instruction était publié dans la presse. Depuis ce temps-là, le résultat était
attendu et souhaité par de nombreux partis rwandais.
Ce qu’on reproche au juge, c’est qu’il a travaillé d’une manière partiale, en
interrogeant les partis, qui se déclarent en faveur du côté d’Habyarimana, et ainsi
de la France. D’anciens responsables des FAR, dont plusieurs sont aujourd’hui
accusés devant le Tribunal pénal international d’Arusha (TPIR), sont passés aux
aveux contre Paul Kagamé. Ces accusations d’anciens membres des FAR contre
le FPR ont été examinées en 1998 par la mission parlementaire d’information
constituée à Paris qui les ont considérées comme « tentative de
désinformation ». 92
Bruguière admet d’avoir prouvé l'éventualité d'un attentat réalisé par le FAR :
« S'agissant des FAR il a pu être établi qu'elles étaient mal
équipées et peu entraînées (...) qu'au surplus, elles ne
disposaient que de faibles moyens antiaériens et n'avaient pas
de missiles. » 93
Ce qui est déterminé, c’est que l’attentat était opéré au moyen de missiles Sam 16.
Mais la contradiction envers l’affirmation du juge Bruguière vient étonnamment du
côté des FAR. Le colonel Théoneste Bagosora, accusé d’avoir été le cerveau du
génocide et ancien commandant du bataillon antiaérien à Kigali, a admis que les
91 Affirmation de Jean-Louis Bruguière, le Figaro, « Enquête sur la mission du juge Bruguière, par
Patrick de Saint-Exupéry » (05.01.2006)
92 Le Figaro, « Enquête sur la mission du juge Bruguière, par Patrick de Saint-Exupéry »
(05.01.2006)
93 Ibid

- 66 -
autorités rwandaises de l’époque avaient acheté des missiles Sam 16.
Les FAR auraient bien eu des intentions de tuer Habyarimana. Ils n’étaient pas du
tout contents de la bonne volonté du président, de négocier avec le FPR et surtout
d’avoir signé les accords d’Arusha qui attribuaient aux officiers du FPR des postes
de commandements importants. Ils craignaient la perte du pouvoir et une attaque
ou mutinerie des éléments du FPR une fois installés au pouvoir aux côtés des
forces gouvernementales d’autant plus que les forces du FPR avaient prouvé être
plus fortes militairement que les FAR. De tuer Habyarimana et de jeter la
culpabilité sur le FPR pourrait être envisagé comme issue unique de la menace
par les rebelles. Une mobilisation de la population Hutu pour commencer des
massacres contre les Tutsi «coupables du meurtre d’Habyarimana» pouvait alors
réussir.
Le juge Bruguière travaille sur une base fragile, contradictoire et incomplète. La
plupart des témoins étaient des supporteurs d’Habyarimana, d’autres livrent des
témoinages contradictoires, encore d’autres s’appuient sur des faits inexistants et
inventés. Le reproche le plus formulé est : « de ne pas avoir testé la crédibilité des
témoins comme il est d'usage tant devant les tribunaux d'instruction que de
jugement. » 94 De construire une accusation sur une telle base, suscite des doutes
graves envers le juge Bruguière et son impartialité.
Le « cas Bruguière » a fait que le tonneau de la diplomatie France-Rwanda a
débordé. Les tensions de plusieurs années atteignent le comble par l’accusation
de Paul Kagamé.
« Qu’un juge étranger puisse émettre des actes d’accusation
contre des personnalités officielles d’un Etat souverain pour des
crimes prétendument commis sur le sol de cet Etat souverain
est parfaitement absurde. » 95
94 Dr Jean-Damascène Bizimana, Docteur en droit de l'Université de Toulouse, « Le rapport du juge
BRUGUIERE : une moquerie de l'éthique et du droit »
95 Communiqué du Gouvernement du Rwanda sur l'affaire Bruguière, reçu de l’ambassade de
Rwanda à Genève.

- 67 -
La justification de l’accusation contre Kagamé est fortement contestée par l’état du
Rwanda. Ainsi en résultent les ruptures diplomatiques avec la France. Pour le
gouvernement rwandais, le cas est clair : la France soutient le juge Bruguière
« pour couvrir sa propre culpabilité ». 96 Sans un pas en avant d’un de ces pays, le
rapprochement diplomatique ne sera jamais obtenu.
96 Paul Kagamé, Interview avec le Figaro, « les rwandais veulent des excuses de Paris »
16. décembre 2006

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5.1.2. Développement de la politique nationale
Tenter d’analyser la situation d’aujourd’hui dans le Rwanda ne se manifeste ni
facile, ni clair. Les informations sont souvent cachées derrière la surface, derrière
le rideau de la politique rwandaise, dont on ne sait même pas, si elle a une veste
blanche ou sale. On peut aussi bien être optimiste en ce qui concerne l’avenir du
Rwanda que pessimiste. Ce qu’on peut faire s’est faire confiance aux informations
reçues, faire confiance à un gouvernement qui a quand même pu arrêter le
génocide et les massacres incessants. Ce qu’on peut faire, c’est de regarder
l’histoire du gouvernement d’aujourd’hui, l’histoire et comment elle est reflétée
dans l’actualité.
Période de transition
Après le génocide, le Rwanda était un pays désert, blessé, meurtri, anéanti. De
ses sept millions d’habitants avant le génocide, trois quarts étaient morts, déplacés
ou avaient pris la fuite. La plupart de ceux qui restaient avaient souffert
énormément, soit d’avoir été blessé, soit d’avoir tué. Beaucoup de femmes étaient
violées et ainsi infectées du SIDA. Une nation entière était non seulement
brutalisée mais encore traumatisée. Ils étaient, dans leurs propres mots, « the
walking dead » 97 .
Le Produit Intérieur Brut (PIB) par habitant avait baissé de 50%, jusqu’à 95 $ 98 .
L’inflation se trouvait à 40% 99 , plus que 70% vivaient dans la pauvreté absolue. 100
« Au niveau socio-économique, le pays n’avait plus de vie.
97 The facts behind the massacres, http://www.cwnews.com/news/viewstory.cfm?recnum=20654
(07.01.2007)
98 World Bank, “Rwanda: Country Assistance Strategy– Progress Report,” June 1999.
99 Millwood, Studies 1-4 (Joint Evaluation of Emergency Assistance to Rwanda,
March 1996), Study 4, 36
100 World Bank, “Rwanda: Country Assistance Strategy;” International Monetary Fund,
Rwanda: Enhanced Structural Adjustment Facility Economic and Financial Policy
Framework Paper for 1998/99 2000/2001

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D’abord il était presque vide à la fin du génocide. Avec plus d’un
million de morts et plusieurs millions de réfugiés dans les pays
voisins, les forces vives du pays étaient inexistantes. Même
ceux qui restaient dans le pays ne travaillaient pas mais vivaient
de l’aide humanitaire. Intellectuels, cadres, techniciens étaient
morts ou réfugiés. Le pays était littéralement anéanti. » 101
Ça, c’était le contexte, dans lequel le parti du FPR construisit le « Gouvernement
d’union nationale », ensemble avec sept autres partis pour la période de transition.
Le devoir de ce gouvernement était énorme : Un nouvel appareil de gouvernement
était à former, le comportement social était à réparer, le pays était sans aucune
réserve, les infrastructures étaient à reconstruire, ainsi que toute l’économie qui se
trouvait au niveau le plus bas possible. Toute la vie du pays était arrêtée. Un
système judiciaire devait être mis en place pour garantir la nouvelle justice dans le
pays. Les cadavres traînaient partout et devaient être enterrés. Et finalement, il
fallait de l’aide physique et psychique pour les milliers de victimes rwandais.
« Rwandans have been through a national nightmare that
almost defies comprehension. There is a post-genocide society
that has also experienced civil war, massive refugee
displacement, a ruthless [post-genocide] insurgency...deep
physical and psychological scars that are likely to linger for
decades... and economic ruin so extensive that it is now one of
the two least- developed countries in the world. » 102
Dès les premiers mois après le génocide, il y avait une migration énorme de
Rwandais, qui retournaient dans leur pays. Les quatre premiers mois après le
génocide on comptait environ 750'000 émigrants. 103 Même ceux qui étaient déjà
émigrés avant la guerre, retournaient pour joindre les membres de familles
touchés par les massacres. Cette diversité d’immigrants avait une répercussion
positive pour le développement du pays, car avec les gens venant de différents
pays, ils venaient aussi avec des talents, capacités et relations diverses. 104
101 Edouard Bizumuremyi, Doctorant en Science Politique, Université de Genève,
Interview du 25 septembre 2006
102 U.S. Committee for Refugees, “Life After Death,” 4,41-42.
103 Prunier, 325; Millwood, Study 4, 16.
104 Rwanda, the preventable genocide, Chapter 17: After the genocide

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Le gouvernement se composait d’une grand part de membres du FPR, qui
n’avaient jamais été au Rwanda d’avant le génocide, surtout ceux qui avaient vécu
en Ouganda. Beaucoup d’intellectuels et de professionnels étaient morts, en exil
ou avaient supporté le parti génocidaire.
Le Pasteur Bizimungu, un Hutu modéré, membre du FPR pendant la guerre dès
les années 1990 prenait la fonction de président dans ses mains. Vice-président
était Paul Kagamé ancien leader du FPR pendant le génocide, Tutsi et homme
puissant dans le gouvernement.
Le nouveau gouvernement insistait que les accords d’Arusha de 1993 doivent
toujours être respectés et qu’un partage du pouvoir soit garanti. Toutefois ce qu’on
partageait était l’apparence d’avoir du pouvoir, le vrai pouvoir était dans les mains
des Tutsi. L’homme le plus puissant depuis juillet 1994 était le vice-président et
ministre de la défense Paul Kagamé. 105 Les preuves du déséquilibre favorable aux
Tutsi étaient visibles dans l’administration (considérant la minorité d’alors des
Tutsi, due aux massacres) : 16 de 19 secrétaires permanents et 80% des maires
étaient des Tutsi. 95% des professeurs à l’université nationale à Butare ainsi que
80% de leurs étudiants étaient des Tutsi. Les commandants de la police et de
l’armée entière consistaient de Tutsi. 90% des juges du département de la justice
étaient des Tutsi. 106
Les tensions sociales restaient existantes. Personne ne faisait plus confiance à
l’autre, le gouvernement craignait les citoyens, les citoyens craignaient le
gouvernement. Bien qu’on affirme, que l’ethnie ne jouait plus aucun rôle, la peur
restait et la chance d’une cohabitation pacifique des deux ethnies semblait petite.
Les critiques étaient programmées. Le Rwanda après le génocide avait l’air
remarquablement similaire avaient Rwanda avant et pendant le génocide, avec
l’exception que les deux ethnies ont changé de place. La pression et la
105 Prunier 330; Timothy Longman, “State, Civil Society and Genocide in Rwanda,” in
Ethnicity, Conflict and Insecurity
106 Prunier 329

- 71 -
surveillance de la part de la communauté internationale étaient ainsi garanties.
Mais la volonté de réparation et la honte de n’avoir rien fait contre le génocide se
manifestaient également, par des promesses d’argent et d’aide au développement
dont, finalement, seulement environ un tiers était distribué. 107 Bien que l’aide de la
communauté internationale soit en train de se diffuser au Rwanda, le
déboursement de l’argent et l’aide étaient mis en pratique lentement et peu.
Boutros-Ghali comprenait l’effet qui se déroulait au Rwanda:
“It is fully recognized how difficult it is for the government to
undertake nation-building activities when it suffers from a
severe lack of basic resources, including cash reserves. While
the international community is calling on it to undertake such
activities, the government is becoming increasingly frustrated
with the international community's slow pace in providing the
resources necessary for it to do so.” 108
L’ambiance générale était stagnante. La période de transition était prévue pour 22
mois, mais le gouvernement rwandais la prolongeait de neuf ans jusqu’en 2003.
Pendant cette période, beaucoup de Hutu étaient tués, soit par vengeance, soit
par haine. M. Faustin Twagiramungu, premier ministre du Rwanda de juillet 1994
jusqu’en août 1995, a jugé dans une audition du 12 mai 1998 que de 1994 à 1998,
les crimes n’ont jamais cessé et se sont étendus aux camps de réfugiés. Il insistait
également sur le fait que le FPR avait massacré sans doute plus de 200'000
réfugiés, justifié par l’interprétation selon laquelle tous ces réfugiés étaient des
criminels et des Interahamwe. 109 Il faut qu’on tienne en compte, que la population
rwandaise fût menacée par les Hutu extrémistes dans les camps de réfugiés, et
que le monde de nouveau ne soit pas intervenu au conflit.
Toutefois cette thèse du nombre de morts très élevé n’est pas prouvée du tout.
107 Millwood, Study 4, 58
108 Secretary-General, “Report of the Secretary-General outlining three options for a possible
peace-keeping operation to enhance security in camps for Rwandan refugees,” 18. Nov. 1994,
S/1994/1308.
109 Audition de M. Faustin Twagiramungu, séance du 12 mai 1998,
http://www.assemblee-nationale.fr/dossiers/rwanda/auditi02.asp#TWAGIRAMUNGU (08.01.2007)

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« A mon avis, cela relève de la thèse du double génocide, thèse
tenue immédiatement après le génocide. […] depuis novembre
1994 déjà, Mitterrand parlait des génocides au sommet francoafricain
tenu à Biarritz. Tous les acteurs français n'ont cessé
d'utiliser le pluriel en parlant du génocide, un peu pour montrer
que même si la France avait soutenu un régime génocidaire,
c'est du pareil au même car le régime au pouvoir n'est pas mieux.
Cette thèse du double génocide a poussé les acteurs diversifiés à
chercher les chiffres.
Ce qui est en effet correct, c’est l’affirmation qu’il y a eu des morts qui sont tombés
sous les balles pendant la bataille à l’Est du Congo et le démantèlement des
camps de réfugiés (qui étaient basés non loin de la frontière rwandaise), ainsi que
des morts de faim et de choléra dans la forêt vierge du Congo en fuyant les
combats. 110
Déficit de liberté
Comme déjà vu précédemment, les médias jouaient un grand rôle dans l’appel
aux massacres. Par la RTLM, on motivait les Hutu à tuer et massacrer les
cancrelats Tutsi.
Entre-temps, les médias se sont développés en termes de densité et de travail
critique sur les informations, et ils ne portent plus le même nom. Mais tout de
même, il y a encore beaucoup à faire pour atteindre la liberté de presse
proprement dite. Pendant la période de transition, la radio et la télévision
demeurent le monopole de l’état. Jusqu’à aujourd’hui, l’état de liberté de presse
reste branlant. C’est comme si on avait oublié de tirer la leçon des années avant et
pendant 1994. Les médias publics restent largement fermés aux opinions
contradictoires. De plus, les mesures consistant à faire payer au plus fort les
tranches de diffusion limitent les émissions d’associations de la société civile.
Le gouvernement de Paul Kagamé s’explique ainsi, qu’on ne veut pas voir
apparaître un nouveau « monstre » comme la tristement célèbre RTLM. Une seule
110 Tiré des informations reçues de la mission permanente de Rwanda à Genève.

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publication indépendante d’envergure nationale existe, et c’est « Umuseso », qui
est régulièrement attaqué et persécuté. 111 Ainsi il y avait toujours de nouveau des
fuites et des arrestations des journalistes de l’Umuseso.
Bien que le gouvernement prétende officiellement faire des efforts pour garantir la
liberté de presse, il y a des doutes en ce qui concerne la garantie de la mise en
œuvre de cette dernière.
Vision 2020
Malgré tout, l’échec politique de la période de transition reste sporadique. On peut
aussi enregistrer des succès. Pour la plupart, la population assimile le génocide
d’une autre manière que par la vengeance. Elle, « …petit à petit, voit que les
divisions ethniques sont artificielles dans une société qui partage l’histoire, la
même langue (kinyarwanda), le même territoire… » 112 Peu à peu, avec les
années, la considération de tout un chacun, Hutu et Tutsi, en tant que citoyens, et
non en tant qu’ethnies, met fin au déséquilibre ethnique et à la haine ethnique, fruit
de la division entre les deux ethnies depuis les années 1920.
Pas mal de buts de la période de transition ont quand même pu être réalisés
aujourd’hui. Un point important qui est atteint est que les gens se sont remis à
travailler et à produire. Un nouveau record de croissance économique pouvait
même être obtenu en 2002. Cela est dû à la bonne collaboration aux lieux de
travail entre la population. La collaboration et la compréhension aujourd’hui entre
Hutu et Tutsi y contribuent beaucoup. 113
Une décision importante, la « vision 2020 » a été prise par le gouvernement en
1999. Cette vision est construite sur six piliers à atteindre:
111 Reporters sans frontières, Rwanda – rapport annuel 2005,
http://www.rsf.org/article.php3?id_article=13335 (14.01.07)
112 Edouard Bizumuremyi, Interview du 25 septembre 2006
113 Ibid

- 74 -
1. Reconstruction of the nation and its social capital anchored on good
governance, underpinned by a capable state;
2. Transformation of agriculture into a productive, high value, market oriented
sector, with forward linkages to other sectors;
3. Development of an efficient private sector spearheaded by competitiveness
and entrepreneurship;
4. Comprehensive human resources development, encompassing education,
health, and ICT skills aimed at public sector, private sector and civil society.
To be integrated with demographic, health and gender issues;
5. Infrastructural development, entailing improved transport links, energy and
water supplies and ICT networks;
6. Promotion of regional economic integration and cooperation. 114
La « vision 2020 » cherche à transformer le Rwanda en un pays d’un revenu
moyen en 2020. Ça veut dire atteindre un revenu annuel d’US $ 900 par habitant
(US $ 220 en 2000), un taux de pauvreté de 30% (64% en 2000) et une espérance
de vie de 55 ans (49 en 2000). 115
C’est un grand pas, que le pays doit réaliser. Et il ne manque pas d’innovation en
ce qui concerne la mise en action. Le moyen principal de l’effectuer se présente
dans le plan stratégique de réduction de la pauvreté. Ce plan de quatre ans doit
être évalué et mis en jour chaque année. Y compris sont les objectifs et actions de
chaque ministère (santé, éducation, commerce etc.) et chaque ministère doit
montrer comment son secteur contribue à réduire la pauvreté.
À part des différents ministères, les quatre régions du Rwanda et la ville de Kigali,
dirigés par un gouverneur, contribuent à la réalisation. Chaque région est divisée
en districts, dirigées par un maire. Chaque année, les maires et le gouverneur
114 Rwanda Vision 2020, Ministry of finance and economic planning, July 2000.
http://www.moh.gov.rw/docs/VISION2020.doc (06.01.2007)
115 Ibid

- 75 -
signent un contrat de Performance avec le président de la république et doivent
montrer comment ils ont atteint les objectifs et actions fixés il y a une année dans
ce contrat. Cette collaboration avec les districts et les régions (qu’on pense à
éliminer en 2007) mène à une efficacité beaucoup plus grande, la proximité de
l’administration aux administrés est ainsi garantie. Ça contribue aussi à
l’administration autonome des régions et des districts. Ce n’est plus l’état qui gère
leurs ressources, leur budget et le paiement du personnel, mais les régions. Ainsi,
les maires sont élus par la population et ne sont plus nommés par le
gouvernement. La population est proche à l’administration du pays, et est capable
de s’engager directement.
Bien que le Rwanda soit encore loin de l’objectif, l’optimisme dans le
gouvernement et surtout dans la population rwandaise est assez grand, pour qu’on
puisse y croire. « Cet engagement politique n'est pas un rêve pour les rwandais
mais se traduira en résultats en 2020; mais en réalité les Rwandais, eux, croient
se développer bien avant 2020. » 116 Bien que le but ne soit pas encore atteint, une
telle vision et une telle direction montrent la volonté du Rwanda, d’arriver à un état
solide. Cette planification est le reflet de l'engagement politique de réussir à
reconstruire le Rwanda à tous les plans (Rwanda en tant que nation, économie et
société d'égalité).
« VISION 2020 represents an ambitious plan to raise the people
of Rwanda out of poverty and transform the country into a
middle-income economy. Some will say that this is too
ambitious and that we are not being realistic when we set this
goal. Others say that it is a dream. But, what choice does
Rwanda have? To remain in the current situation is simply
unacceptable for the Rwandan people. Therefore, there is a
need to devise and implement policies as well as mobilize
resources to bring about the necessary transformation to
achieve the Vision » 117
116 Edouard Bizumuremyi, E-mail du 08.01.07
117 Ibid

Nouveau commencement
- 76 -
Les élections pluralistes contribuent beaucoup à un état solide. Les élections
présidentielles en août 2003 et législatives en octobre 2003 au Rwanda étaient les
premières élections pluralistes et paisibles depuis l’indépendance en 1962.
Jusqu’à ce temps-là, le pays a été dominé par un seul parti, avec toujours un seul
candidat à la présidence, avec des lois votées par les députés d’un seul parti.
Un nouveau commencement a donc été lancé en 2003. Non seulement les
élections y ont réussi, mais encore la nouvelle constitution a été approuvée par
référendum et instituée le 26 mai 2003. Ils en résultent les efforts dans la lutte
contre toute division ethnique. Il y est consigné que le peuple rwandais est « résolu
à combattre l'idéologie du génocide et toutes ses manifestations ainsi qu’à
éradiquer les divisions ethniques et régionales et toute autre forme de division » 118 ,
et que « tous les citoyens ont un droit égal d'accéder aux fonctions publiques de
leur pays, compte tenu de leurs compétences et capacités. » 119 Tout ça n’était pas
garanti dans les régimes précédents. L’ancien régime avait instauré ce qu’on avait
appelé curieusement l’équilibre ethnique et régional. Ça voulait dire, que les Tutsi
pouvaient avoir une présence de 14% dans les fonctions publiques, l’école
secondaire, et l’université et dans l’administration. L’exclusion totale des Tutsi se
pratiquant à l’armée, la diplomatie et d’autres domaines politiques.
Cette stratégie d’exclusion se retrouvait, rappelons-le, dans les « dix
commandements des Bahutu »:
« Les postes stratégiques tant politiques, administratifs,
économiques, militaires et de sécurité doivent être confiés aux
Bahutu. »
« Les Forces armées rwandaises doivent être exclusivement
Hutu. L’expérience de la guerre d’octobre 1990 nous l’enseigne.
Aucun militaire ne doit épouser une Mututsikazi. » 120
118 Paragraphe 2 du préambule de la Constitution rwandais
119 Article 45 de la Constitution rwandais
120 Les 10 documents du Muhutu, http://rwanda.free.fr/docs1_j.htm (06.01.2007)

- 77 -
Tout ceci n’attisait que le sentiment de différences, de discrimination et
d’exclusion. On ne regardait pas les Tutsi comme êtres humains, mais comme
Inyenzi, cancrelats en Kinyarwanda. L’abrogation de ces commandements a
contribué beaucoup à l’égalité des ethnies aujourd’hui. Actuellement, on retrouve
Hutu et Tutsi dans les affaires du pays, dans l’armée, dans la diplomatie sans
aucune distinction.
A part des ethnies, l’égalité entre l’homme et la femme est aussi importante et
aussi couronnée de succès. Le Rwanda s’efforce de faire participer la femme dans
la création de richesses du pays, en leur facilitant l’accès à la micro finance, par
exemple. De plus, le Rwanda est le premier pays au monde à avoir plus de 48%
de femmes au parlement. Ils participent dans la prise de décision au niveau de la
province et du district. L’idéologie affirmée du pouvoir actuelle est que le « gender
mainstreaming » dans un Etat contribuera beaucoup à cultiver la culture de paix et
tolérance pour les prochaines générations dans la perspective de construire une
nation.
Actuellement les efforts sont continuellement consentis pour mettre en œuvre tous
ces principes, dans la pratique, dans la vie courante.
On peut parler alors d’espoir, on peut parler de la possibilité que le pays du
Rwanda atteigne son but, d’arriver à un état stable, et équilibré. Bien que ce ne
soit peut-être pas en 2020 qu’on y arrive, les efforts sont présents, et se montrent
déjà dans le processus de développement depuis 1994 jusqu’à aujourd’hui. Il y
aura toujours les points critiques, qu’il faudrait encore améliorer, il y aura toujours
aussi des reproches contre l’état du Rwanda (voir la liberté de presse). Mais il ne
faut pas oublier la toile de fond brutale et blessante, qui marquera ses traces
encore longtemps dans la vie courante du Rwanda. On arrive vite à l’avis que le
génocide au Rwanda serait déjà une histoire ancienne qui devrait être rangé dans
les livres d’histoire et qu’il est temps de l’oublier et avancer vers un avenir brillant.
Jamais, les massacres ne peuvent être oubliés, jamais on arrive à regarder
seulement vers l’avenir. Compte tenu de ce fait, le Rwanda se trouve sur une
bonne piste de savoir s’y prendre avec son histoire ainsi qu’avec son avenir.

- 78 -
La situation de l’aide humanitaire aujourd’hui
5.1.3. Aide humanitaire nécessaire
Le projet de Margrit Fuchs
Madame Margrit Fuchs a remarqué les plus grands problèmes actuels au
Rwanda : L’analphabétisme et le besoin de place pour des écoles. Madame Fuchs
vient de Windisch et travaille depuis 36 ans au Rwanda. Elle s’occupe surtout des
enfants de rue et des orphelins à Gitarama. Elle a abandonné sa vie sûre pour
s’occuper des gens les plus pauvres, désemparés et faibles de la société. Le
Rwanda est un des plus pauvres pays du monde et depuis le génocide la misère
est énorme. Jamais tant d’enfants n’ont souffert d’une guerre. Il est important pour
le développement d’un enfant, s’il grandit dans la guerre ou dans la paix.
Le massacre au Rwanda coûtait la vie à 300'000 enfants et jeunes. Cent milles
enfants devenaient des orphelins. Au Rwanda il y a pour la première fois dans
l’histoire des enfants devant le tribunal. Des milliers, qui sont accusés d’avoir
participé au génocide, ont passé les derniers sept à neuf ans dans les prisons
bondées. Beaucoup d’enfants ont passé leur jeunesse à la prison.
Madame Fuchs fait parler son cœur depuis des années avec ses projets pour les
orphelins et les enfants de rue. Toute cette force énorme, elle peut la tirer des
enfants :
« Es ist ein wunderbares Gefühl zu sehen, wie sich die Kinder
in Ruanda über ein Stück Brot freuen können. In der Schweiz
gehört alles zur Selbstverständlichkeit. Das dankbare Lächeln,
welches die Kinder entgegenbringen, gibt Kraft. » 121
Très connue est l’organisation des dons du journal « Aargauer Zeitung (AZ) » de
Madame Fuchs. Les donateurs peuvent acheter des vaches et des chèvres. Tous
les dons sont complètement pour les pauvres, car il ne faut pas payer un bureau
d’administration. Madame Fuchs décide personnellement de tous les
investissements et dépenses.
121 Conversation téléphonique avec Madame Margrit Fuchs du 13.11.2006

- 79 -
Avec cet argent on a pu installer presque 800 orphelines dans des familles et on a
permis aux parents adoptifs de recevoir des bons pour les denrées alimentaires.
Dans les années passées Madame Fuchs a construit beaucoup de bâtiments : une
maison pour le personnel, des maisons pour les orphelins, une cantine pour les
remises gratuites des repas, des écoles, un jardin d’enfants et une école pour la
formation continue.
Aujourd’hui, l’aide humanitaire alimentaire est terminée. Le Rwanda est passé de
la phase humanitaire d’urgence à la phase de développement. Le but est de
travailler et produire de façon indépendante pour atteindre l’autosuffisance
alimentaire. Dès la transition à cette phase, les nombreuses vallées rwandaises
produisent beaucoup de riz et d’autres produits alimentaires. Ainsi, on a l’intention
d’exporter, après qu’on a dépassé l’autosuffisance pour relancer l’économie d’une
nouvelle manière et pour lui donner de la nouvelle vie.
Ce dont le Rwanda jouit encore aujourd’hui, c’est l’aide publique au
développement (APD) qui livre la grande partie du budget du gouvernement. C’est
de l’aide qui vient surtout des pays qui ont des relations diplomatiques avec le
Rwanda (entre autre la Grande Bretagne, la Belgique, l’Allemagne, les USA, et
dans une certaine mesure la Suisse). 122
Les victimes – les enfants
Pourtant, certaines organisations humanitaires continuent encore aujourd’hui
d’aider le Rwanda, comme par exemple le CICR, le ACDI (Africa Care
development initiative), Care international et d’autres. 123 Ils se spécialisent surtout
dans le support des personnes détenues dans les prisons, et les enfants non
accompagnés, qui ont été séparés de leur famille. Ces organisations donnent de
l’espoir à ceux qui ont besoin d’une assistance pour rebâtir leur vie, et pour se
situer de nouveau dans cette vie différente.
122 Edouard Bizumuremyi, Interview du 25 septembre 2006
123 Ibid

- 80 -
UNICEF estime, qu’il y a aujourd’hui environ 28'000 ménages menés par des
enfants. Plus de 100'000 garçons et filles se débrouillent sans leurs parents, les
filles aînées s’occupent le plus souvent des frères et sœurs mineurs. Le quotidien
est marqué par une pauvreté énorme, beaucoup d’enfants ont perdu la maison et
le territoire, après la mort des parents dans le génocide ou à cause du SIDA.
Beaucoup d’entre eux sont utilisés comme travailleurs bon marché dans des
plantations ou dans des ménages privés. Ils sont exploités et souvent violés. Les
chances d’atteindre un meilleur avenir sont petites : 90% de ces enfants ne vont
pas à l’école.
Aussi dans les rues de Kigali, on peut rencontre à peu près 3’500 enfants, qui se
débrouillent, et qui ne peuvent pas jouir d’une bonne réputation dans la société, et
qui sont abandonnés.
Les enfants sont traumatisés beaucoup par le génocide. Un sondage en 1996 a
montré que 69 % des enfants ont vécu le meurtre de quelqu’un dans le génocide.
Aujourd’hui, la vie cohabitation avec les meurtriers de la propre famille qui sont
déjà libérés, rouvre de nouveau des plaies.
Mais aussi les jeunes d’alors, qui avaient participés aux massacres, motivés par
les parents et les médias, souffrent aujourd’hui des souvenirs de ce temps-là.
Environ 5’000 enfants et jeunes étaient mis sous détention, à cause des meurtres
commis. Beaucoup d’entre eux se trouvent encore aujourd’hui en prison, ont passé
leur jeunesse dans la captivité, et remporteront des traumatismes quand ils en
sortiront. 124 L’environnement de guerre et de peur ne comporte guère à une
société pacifique :
« Kinder leiden nicht nur physisch unter Krieg und Gewalt,
sondern tragen auch seelische Verletzungen davon.
Traumatische Kriegserlebnisse verfolgen die Kinder ihr ganzes
Leben lang. In einem Klima der Aggression, des Misstrauens
und der Angst lernen Kinder nicht, wie Konflikte friedlich gelöst
124 Die Wunden heilen nur langsam, 10.03.2004, http://www.unicef.de/index.php?id=201
(15.01.2007)

- 81 -
werden können und was Sicherheit bedeutet. » 125
Les enfants sont les victimes tout à fait innocentes résultant du génocide.
Beaucoup ne jouissent pas d’un espoir pour leur avenir, beaucoup n’ont pas de
chances de sortir de la misère qui s’est construite lors du génocide. La seule
chance qui devrait exister pour tous les enfants, serait d’aller à l’école pour pouvoir
en profiter en ce qui concerne la possibilité d’atteindre une profession. Mais
l’espoir reste mince.
Education
En ce moment, la plus grande demande humanitaire devrait alors se concentrer
sur la baisse du taux d’analphabétisme. Margrit Fuchs a déjà construit douze
écoles, deux écoles maternelles et une université, ce qui est le devoir principal au
Rwanda du moment. Beaucoup d’écoles étaient détruites pendant le génocide et
ont servi comme champ de bataille. De même, pas mal de professeurs étaient tués
ou ont participé aux massacres. Presque tous les élèves ont vécu des scènes
horribles et sont traumatisés comme conséquence. Le taux de l’analphabétisme se
trouvait en 2000 à un niveau élevé de 33.2 %. Pourtant, la part du budget de l’Etat
consacrée à la formation des élèves est généralement minime. De plus, il existe
beaucoup d’obstacles pour les élèves, tels que la pauvreté, des ménages conduits
par les enfants, et peu de support des parents et de la communauté en général.
Un effort grand et effectif a été exercé par les TEP, « Teacher Emergency
Packages » de l’UNICEF-UNESCO juste après le génocide. C’étaient des salles
de classes mobiles, considérées comme pont de quatre ou cinq mois, pour éviter
un effondrement total du système scolaire. De plus, l’UNICEF et l’UNESCO
mettaient à disposition des équipements de base pour les élèves, tel que cahiers,
des stylos et du support pour l’entraînement des professeurs. 126
Aujourd’hui, le gouvernement est en train de réaliser des plans d’amélioration du
125 Zerschossene Zukunft, Kinder im Krieg auf der Flucht. http://www.uni-
muenster.de/PeaCon/wuf/wf-98/9820202m.htm (16.01.07)
126 Rwanda, the preventable genocide, chapter 16, the plight of women and children, Education.

- 82 -
système scolaire. Beaucoup d’espoir est investi au secteur de l’éducation qui est :
« (…) expected to play a key role in three macro policies:
poverty eradication, economic growth, and national
reconciliation and national unity. » 127
L’éducation est alors considérée comme une chance de sortir de la pauvreté et
d’atteindre le but visé par la vision 2020.
Pour atteindre ce but, un enfant doit être motivé d’aller à l’école, et l’école doit
garantir une atmosphère motivante. Ça ne peut pas être réalisé sans
l’investissement de grandes sommes, beaucoup plus que le Rwanda investit
maintenant. Beaucoup de familles ne peuvent pas se permettre que tous ses
enfants aillent à l’école parce que c’est l’argent qui manque. Il ne suffit pas que le
monde applaudisse, face aux efforts qui ont été réalisés, il faut, que le Rwanda
atteigne les moyens, dont il a besoin pour une éducation favorable et prometteuse
en ce qui concerne l’avenir du pays. Il semblerait, cependant, que le
Gouvernement a déjà garanti, depuis l’an 2004, une éducation pour tous et
gratuite pour tout le cycle primaire 128 .
A part l’éducation, il y a d’autres programmes humanitaires à encourager. Voici un
choix de points, qui étaient sur la liste des buts en 2006 par l’UNHCR à l’endroit
des réfugiés étrangers se trouvant sur le sol rwandais:
• Provide comprehensive protection and assistance to all camp-based
refugees still in Rwanda in 2006 including shelter, nutrition, health care,
water and sanitation in line with UNHCR standards.
• Pay special attention to HIV/AIDS and SGBV prevention and care
activities
• Provide protection and assistance for urban refugees including
assistance to vulnerable refugees as well as education
• Prioritise education in the Rwanda operation with the continued provision
127 Government of Rwanda Document given to IPEP, “Education Sectoral Consultation,”
Kigali, February 1999.
128 Edouard Bizumuremyi

- 83 -
of primary and basic secondary education as well as DAFI scholarships.
• Launch peace education programmes in camps, especially prior to
repatriation activities
• Pursue public information strategies to increase visibility of the Rwanda
operation and to keep refugees abreast on developments in their
countries of origin. 129
Le but des organisations est vite dit: paix. On espère atteindre un état stable et
une société pacifique et saine. Non seulement l’éducation des enfants y contribue
beaucoup, mais aussi l’éducation des adultes. Comment on arrive à développer
son propre statut, comment on peut vivre avec les propres traumatismes, ainsi que
des informations sur le SIDA, tout ça doit être appris aux parents pour qu’ils
puissent prendre leur vie dans leurs mains fortes.
Mais aussi la justice est un but, par lequel la vie peut prendre de nouvelles formes.
5.1.4. La recherche de la justice – les Gacaca
Aujourd’hui, les gens sont condamnés à vivre ensemble. Il faut que les coupables
s’excusent et que les victimes pardonnent. Mais ce n’est pas facile avec les
propres sentiments. Pour une vraie réconciliation il faut du temps.
La recherche de la vérité et de la justice est le premier pas dans le processus de
guérison.
On a lancé des tribunaux profanes, les « Gacaca ». Gacaca est le nom rwandais
pour tribunal communautaire villageois. 130 Gacaca vient de agacaca, « petite
herbe » ou « gazon » en Kinyarwanda, allusion à l'habitude de ces tribunaux de se
réunir sur l'herbe. 131
129 Country operations plan, Rwanda 2006, http://www.unhcr.org/home/RSDCOI/43219a312.pdf
(16.01.2007)
130 Wikipedia, Gacaca, http://fr.wikipedia.org/wiki/Gacaca (14.01.2007)
131 Histoire du Rwanda, mise en place des Gacaca
http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_Rwanda#Mise_en_place_des_.C2.AB_gacaca_.C2.BB

- 84 -
Ils ont le devoir de reconstituer le processus de 1994, de rassembler des preuves
et de juger. Des milliers de personnes sont accusées de participation au génocide
rwandais. Au moment où on a lancé l'idée des Gacaca, 130’000 prisonniers
croupissaient depuis des années en prison. On estime qu'il aurait fallu 200 ans à la
justice rwandaise pour les juger tous. 132
En août 1996, la loi sur l'organisation et la poursuite de crimes de génocide ou
crimes contre l'humanité a créé quatre catégories de criminels:
• Les planificateurs, les organisateurs et les leaders du génocide, ceux qui
ont agi en position d'autorité, les meurtriers de grand renom ainsi que
ceux qui sont coupables de tortures sexuelles ou de viols;
• les auteurs, co-auteurs ou complices d'homicides volontaires ou
d'atteintes contre des personnes ayant entraîné la mort et de ceux qui
avaient l'intention de tuer et ont infligé des blessures ou ont commis
d'autres violences graves qui n'ont pas entraîné la mort;
• ceux qui ont commis des atteintes graves sans intention de causer la
mort des victimes;
• ceux qui ont commis des infractions contre les biens. 133
Compétence
Les planificateurs ainsi que les personnes accusées de viols (première catégorie)
ne sont pas devant les Gacaca. Ils doivent se justifier devant les tribunaux
réguliers rwandais ou le Tribunal pénal international pour le Rwanda.
La peine maximale s’élève à trente ans de prison, mais aussi au travail dans
l’intérêt publique. La peine de mort est exclusivement du ressort des juridictions
régulières. Ceux qui n'ont pas encore été exécutés devraient voir leur peine
commuée en prison à vie.
Si un mineur âgé de 14 à 18 ans (au moment des faits) est déclaré coupable, il
encourt la moitié de la peine de celle d’un adulte. Les mineurs âgés de moins 14
(14.01.2007)
132 Wikipedia, Gacaca
133 Wikipedia, Gacaca

ans n'encourent aucune peine. 134
Fonctionnement
- 85 -
Les « Gacaca » se constituent de personnes élues et juridiquement formées pour
la bonne réputation et le fonctionnement sans difficultés. 135 Tous les villageois
peuvent participer et intervenir dans les Gacaca et peuvent accuser des gens, dont
ils sont convaincus qu’ils étaient impliqués dans les machinations du génocide.
Les accusés n’ont pas d’avocats, mais s’ils se trouvent des témoins du village qui
jurent, qu’ils n’y étaient jamais impliqués, les discussions sont garanties, comme si
on se trouvait devant un tribunal régulier. Ces séances d’accusation ont lieu une
fois par semaine. Avant qu’on fixe la peine et les réparations dues aux victimes,
une phase d’instruction précède le jugement officiel. 136
Ce qui est étonnant concernant ces Gacaca est, que le but consiste plutôt à
recevoir une excuse sincère du coupable que de lui imposer la peine la plus
grande possible. Les personnes jugées sont alors encouragées à révéler, ce qui
est encore en leur connaissance de leurs crimes, en échange de remises
généreuses de peine. Les accusés des Gacaca peuvent jouir ainsi d’une peine
plus modeste que devant un tribunal normal. Ils doivent exprimer des remorde en
échange d’être pardonnés par leurs victimes.
Ces Gacaca peuvent être considérés comme moyen de fortifier la cohabitation
entre victimes et coupables, ce qui est nécessaire pour une société stable et
pacifique. C’est l’évidence d’avouer ses crimes et de recevoir un pardon en
échange qui rend les Gacaca tellement spéciaux et effectifs.
134 Wikipedia, Gacaca, compétence
135 Wikipedia, Gacaca
136 Ibid

- 86 -
Tout ça a mené jusqu’à aujourd’hui à environ 33'000 aveux. Mais ce processus
provoque une question : On ne sait pas si on peut mettre ces aveux au même pied
d’égalité avec la vérité. 137
Jugement de l’efficacité des Gacaca
En ce qui concerne les Gacaca, on entend beaucoup de voix critiques au niveau
international.
Amnesty international estime que :
« …cette volonté de traiter les affaires aussi rapidement que
possible a accru la suspicion régnant sur l’équité du système.
Certaines décisions rendues par les tribunaux Gacaca faisaient
douter de leur impartialité. » 138
Cependant, Amnesty international est sûre, que moralement, les Gacaca
contribuent beaucoup à ce que la population rwandaise sache s’y prendre avec
ses crimes, avec sa haine et avec le pardon :
« Gacaca ist ein wegweisender Versuch, den Überlebenden
des Völkermords, den Angeklagten und den Zeugen ein Forum
zu geben, um ihre Fälle offen darzulegen. Gacaca eröffnet der
ruandischen Gesellschaft die Möglichkeit, einen wichtigen
Schritt zu nationaler Versöhnung zu machen und zugleich die
aktuelle Gefängniskrise des Landes zu entspannen. (…) Dies
kann jedoch nur in einer Umgebung geschehen, in der die
Menschenrechte respektiert werden. Jegliche
Strafgerichtsbarkeit verliert ihre Glaubwürdigkeit, wenn sie sich
von internationalen Standards entfernt. Deshalb sollten die
ruandische Regierung und die internationale Gemeinschaft
sicherstellen, dass Gacaca diese Standards nicht
unterschreitet. » 139
Malgré les voix critiques, les Gacaca font leurs devoirs. Il ne s’agit pas d’une façon
137 Histoire du Rwanda, mise en place des Gacaca
138 ibid
139 Amnesty: Gacaca-Gerichte müssen Rechtsstandards einhalten, 17.12.2002,
http://www2.amnesty.de/internet/deall.nsf/0/dff9aa8ae894a270c1256c910050df19?OpenDocument
(15.01.2007)

- 87 -
juridiquement correcte, mais simplement de parler des événements passés. Il est
plus important d’assumer le génocide dans l’ensemble de la communauté
rwandaise et d’éprouver des sentiments comme le pardon et la honte.

- 88 -
5.2. Tensions ethniques – un deuxième génocide ?
Il est difficile de dire si un deuxième génocide au Rwanda sera possible ou non.
Premièrement la confiance entre les Tutsi et les Hutu est encore faible. Mais :
« Pour en arriver au génocide, il faut un processus de diabolisation,
de valorisation négative de l’autre. L’autre est vu comme différent
de « nous ». Il y a donc un travail macabre de différenciation entre
« Nous » et « Eux » (division claire) qui sera suivi par des
programmes d’incitation à la haine comme dans le cas du
Rwanda. » 140
Actuellement, le gouvernement rwandais mise sur un programme tout à fait
contraire, c’est-à-dire basé sur l’Unité nationale et la réconciliation. La liberté pour
tous et sans discrimination avec la lutte contre la corruption et la promotion de la
transparence politique est envisagée. C’est déjà une bonne base d’autant plus que
ce programme est le socle de la vision 2020 du Rwanda.
Pourtant, il faut considérer qu’on a tué presque toute la race des Tutsi et que les
meurtriers étaient les voisins et les amis. Il est déjà difficile de vivre de nouveau
ensemble, mais de pardonner le massacre aux meurtries demande encore plus de
force. Avant qu’on puisse se pardonner il faut que les Hutu comprennent ce qu’ils
ont fait et qu’ils montrent du regret (ce qui est possible avec les Gacaca).
Il faut aussi convaincre les gens qu’on expie juste les crimes du passé. Autrement
des nouveaux conflits sont programmés. Mais c’est difficile, parce que très peu de
monde a déjà été jugé.
« Même l’architecte du génocide Bagosora n’est pas encore jugé
alors que des millions de dollars dépensés sont énormes. » 141
La possibilité d’un nouveau génocide est grande selon le jugement de Madame
140 Interview avec Edouard Bizumuremyi
141 Ibid

- 89 -
Fuchs. Il y a encore une armée des Hutu au Congo, dont les soldats sont formés
comme des meurtriers, pour attaquer de nouveau les Tutsi au Rwanda. Elle dit
qu’il y a deux ans ils voulaient attaquer de nouveau le Rwanda. Selon elle, ce pays
n’est pas stable du tout aujourd’hui.
Il y a aussi d’autres voix qui disent que le conflit de tendance ethnique est enterré.
Pour le moment il semble que le gouvernement a bien en main son pays et que le
Rwanda est aujourd’hui un des pays les plus sûrs au monde.
« La sécurité était (et reste à présent) totale dans tout le
Rwanda. C’est l’un des pays les plus sécurisés au monde. On
se promène au Rwanda 24 heures sur 24 heures sans être
inquiété». 142
On ne ressent presque rien de la dégradation de l’état il y a treize ans. Pourtant,
les milices Hutu de la république démocratique du Congo envahissent toujours de
nouveau le Rwanda du nord-ouest et construisent une ambiance qui fait les gens
se sentir mal à l’aise. Le président Paul Kagamé et son gouvernement jurent
toujours l’unité actuelle des Rwandais. Il remarque dans une interview dans « Die
Presse », journal de Vienne :
«In den zehn Jahren seit dem Genozid hat das Land einen enormen
Fortschritt erlebt - Versöhnung, Wiederaufbau, Frieden, Stabilität. Wir
haben mehr getan, als man in so kurzer Zeit für möglich gehalten
hätte. Eines kann ich sicher sagen: Ruanda ist heute stabiler als
jedes andere Land in der Region - das wäre nicht möglich, wenn die
Versöhnung nicht funktioniert hätte. » 143
Aussi la majorité des experts doutent d’un redoublement d’un génocide possible.
Mais une réconciliation véritable entre les Hutu et les Tutsi durera au minimum une
génération. On entend des Rwandais qui disent qu’un soupçon de confiance et
pardon honnête souffle déjà à travers le pays.
142 Ibid
143 Ruandas Präsident Kagame zu Gast in Wien, http://www.openpr.de/news/73550/Ruandas-
Praesident-Kagame-zu-Gast-in-Wien.html (15.01.2007)

6. Épilogue
- 90 -
Notre objectif avec cet ouvrage était, de construire un travail qui laisse apparaître
des positions critiques envers un crime contre l’humanité.
Nous pensons avoir réussit à atteindre notre but. Le génocide rwandais devrait
gagner plus d’attention, ce que nous encourageons par un travail, qui insiste sur le
thème de la dignité humaine que le monde est en train d’oublier.
Notre travail laisse apparaître un nouveau point de vue en ce qui concerne les
machinations de la communauté internationale dans notre monde. Les nations et
organisations internationales se révèlent décevantes par rapport au sens du mot
« responsabilité ». Nous ne pouvons pas faire confiance au fait que, par la
direction de l’ONU, le monde devrait se trouver dans des mains sûres. Nous
n’habitons pas dans un monde sain et sauf, même pas dans nos temps
« progressifs » d’aujourd’hui. Encore aujourd’hui, des génocides se passent, et
encore aujourd’hui la communauté internationale n’a rien appris de ses fautes
commises en 1994. Encore aujourd’hui, le mot génocide et rarement utilisé et
l’hésitation des grandes puissances continue s’il s’agit de massacres envers une
population entière (voir le Soudan).
Si on pense toutefois au fait qu’un pays comme le Rwanda était capable de se
retaper d’une situation toute basse à un état d’une cohabitation stable, par des
actions comme demander pardon et le pardonner, il devrait exister un certain
espoir pour notre avenir.
On commence à se demander : « Comment reconstruire l’avenir, s’il vient de
sembler inaccessible ? » La réponse consiste peut-être à éprouver un sentiment
d’union à travers tout le monde. Peut-être elle consiste à essayer de comprendre,
que même si un génocide se passe « loin de chez nous », il devrait nous toucher
quand même, car des gens sont des gens, s’ils sont des Rwandais, des
Américains ou des Suisses, les gens connaissent partout dans le monde un

- 91 -
sentiment de dignité, ce qui n’est jamais à toucher et jamais à blesser.
Ce document n’est pas seulement un travail qui devait être réalisé, c’est un
ouvrage qu’on a fait avec beaucoup de passion. Ainsi, le travail possède
aujourd’hui une place importante dans notre mémoire et notre cœur. On pense
avoir réussi non seulement à acquérir des connaissances sur l’histoire et la
situation actuelle au Rwanda, mais aussi à nous approprier de nouvelles valeurs et
réflexions sur les mots responsabilité, consternation et conscience qui devraient
arriver à gagner enfin plus d’importance dans notre monde.

Sites d’internet
Bibliographie
• Les 10 documents du Muhutu
http://rwanda.free.fr/docs1_j.htm
- 92 -
• Rwanda Vision 2020, Ministry of finance and economic planning, July 2000.
http://www.moh.gov.rw/docs/VISION2020.doc
• Reporters sans frontières, Rwanda – rapport annuel 2005
http://www.rsf.org/article.php3?id_article=13335
• Audition de M. Faustin Twagiramungu, séance du 12 mai 1998
http://www.assemblee-
nationale.fr/dossiers/rwanda/auditi02.asp#TWAGIRAMUNGU
• The facts behind the massacres
http://www.cwnews.com/news/viewstory.cfm?recnum=20654
• Déclaration de Désiré Nyandwi, ministre de l’administration locale et des
affaires sociales
http://www.afrique-
express.com/archive/CENTRALE/rwanda/rwandapol/242changementdrapea
u.htm
• Roméo Dallaire, exposé au Rwanda
http://www.3sat.de/3sat.php?http://www.3sat.de/kulturzeit/lesezeit/77558/ind
ex.html
• United Nations Independent Inquiry,” December 1999
http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/N99/395/48/PDF/N9939548.pdf
?OpenElement
France diplomatie, Rwanda, Politische Beziehungen.
http://www.diplomatie.gouv.fr/de/dossiers-nach-
land_1/ruanda_96/index.html
• Leugnen und Vertuschen, 01.12.2006
http://www.heise.de/tp/r4/artikel/24/24109/1.html

- 93 -
• Commission d’enquête citoyenne pour la vérité sur l'implication française
dans le génocide des Tutsi au Rwanda
http://nuit.rwandaise.free.fr/CEC/CECresume1.htm
• Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
http://www.preventgenocide.org/fr/droit/convention/texte.htm
• Rwanda, the preventable genocide
http://www.aegistrust.org/images/stories/oaureport.pdf
• Frontline Interview avec le colonel Luc Marchal
http://www.pbs.org/wgbh/pages/frontline/shows/evil/interviews/marchal.html
• Frontline interview avec James Woods
http://www.pbs.org/wgbh/pages/frontline/shows/evil/interviews/woods.html
• Länderinfo Geschichte
http://www.rlp-ruanda.de/laenderinfo.geschichte.shtml
• Kinder brauchen Frieden – Infos über Rwanda
http://www.kinder-brauchen-frieden.de/Projekte/Ruanda/Infos.htm
• Materialien zum Genozid in Ruanda 1994
http://www.hist.net/ag-genozid/Archiv/Ruanda/rwanda.htm
• Tötet! Tötet! Tötet!
http://www.zeit.de/2002/51/LB-P-Ruanda
• Flags online
http://www.flagsonline.it/asp/drapeau.asp/drapeau_rwanda/rwanda.html
• Nations Unies, chronique
http://www.un.org/french/pubs/chronique/2006/numero3/0306p70.htm
• Wikipedia Ruanda
http://fr.wikipedia.org/wiki/Rwanda
• Ruandas Präsident Kagame zu Gast in Wien
http://www.openpr.de/news/73550/Ruandas-Praesident-Kagame-zu-Gast-
in-Wien.html

Livres, rapports et études:
- 94 -
• Jean Hatzfeld, Nur das nackte Leben, Haland & Wirth, 2004
• Jean Hatzfeld, Zeit der Macheten, Haland & Wirth, 2004
• Gil Courtemanche, Un dimanche à la piscine à Kigali, folio, 2006
• Patrick de Saint-Exupéry, L'inavouable, La France au Rwanda, éd. Les
Arènes, 2004
• Gérard Prunier, The Rwanda Crisis: History of a Genocide 1959-1994
(London: Hurst and Company, 1997)
• Géraud de la Pradelle, Imprescriptible, éd. Les Arènes, Paris, 2005
• David Newbury, “Convergent Catastrophes in Central Africa,” Nov. 1996
• Harding, Leonhard, Ruanda – der Weg zum Völkermord, Studien zur
Afrikanischen Geschichte, Hamburg, 1998
• Chris McGreal, “French accused of protecting killers,” The Guardian
(London), 27 August 1994.
• Roméo Dallaire, Shake hands with the devil, Arrow Books, 2004
• Alison DesForges, “Defeat is the Only Bad News: Rwanda under Musinga,
1896-1931", Yale University, Ph.D. thesis, 1972, 598
• Paul Rusesabagina, „Ein gewöhnlicher Mensch“ Berlin Verlag 2006
• African Rights, Death, Despair
• “United Nations Independent Inquiry,” December 1999, 47
• Report of the Secretary-General pursuant to General Assembly Resolution
53/35: The Fall of Srebrenica, 15. November 1999
• United Nations Secretary-General, “Report of the Secretary-General on the
situation in Rwanda”, S/1994/640 (31 May 1994)
• Secretary-General, “Report of the Secretary-General outlining three options
for a possible peace-keeping operation to enhance security in camps for
Rwandan refugees,” 18. Nov. 1994, S/1994/1308.
• Kofi Annan, Statement on receiving the report of the independent inquiry
into the actions of the united nations during the 1994 genocide in Rwanda,
16 December 1999

DVD
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• United Nations, “Report of the International Commission of Inquiry
(Rwanda), S/1996/195,” 14 March 1996
• Assemblée nationale, Mission d'information commune, Tome 1 Rapport
• Communiqué du Gouvernement du Rwanda sur l'affaire Bruguière
• US Committee For Refugees, “Rwanda: Genocide and the Continuing Cycle
of Violence,” May 5, 1998
• U.S. Committee for Refugees, “Life After Death”
• World Bank, “Rwanda: Country Assistance Strategy;” International Monetary
Fund, Rwanda: Enhanced Structural Adjustment Facility Economic and
Financial Policy Framework Paper for 1998/99 2000/2001
• Human Rights Watch (Arms Project), “Rearming with impunity: International
support for the perpetrators of the Rwandan genocide” 1995.
• David Millwood (ed.), “The International Response to Conflict and Genocide:
Lessons from the Rwanda Experience”, Studies
• Dr Jean-Damascène Bizimana, Docteur en droit de l'Université de
Toulouse, « Le rapport du juge BRUGUIERE : une moquerie de l'éthique et
du droit »
• Tuez-les tous! Histoire d’un génocide sans importance, Raphaël
Glucksmann, David Hazan et Pierre Mezerette, passé sous silence, France
3, 27 novembre 2004
• Missi, Rwanda- au cœur de l’Afrique, Novembre 1970
• Conférence-débat sur « la responsabilité de la communauté internationale
dans le génocide des Tutsi perpétré au Rwanda en 1994 », Uni Mail
Genève, 30 septembre 2006
• « Hotel Rwanda » de Terry George, 2004
• « Tuez-les tous » de Raphaël Glucksmann, David Hazan et Pierre
Mezerette, 27 novembre 2004
• « Kigali – des images contre un massacre », Jean-Christophe Klotz

Interview:
- 96 -
• Jean Carbonare, Interviewé par Le Nouvel Observateur du 04.08.1994
• Colonel Luc Marchal, interview on BBC Panorama television documentary,
“When Good Men do Nothing,” August 1994
• Paul Kagamé, Interview avec le Figaro, « les rwandais veulent des excuses
de Paris » 16. décembre 2006
• http://www.lefigaro.fr/international/20061216.FIG000000702_paul_kagame_
Journaux
les_rwandais_veulent_des_excuses_de_paris.html
• Roméo Dallaire, taz, 7.4.04, Jeder Mensch zählt. Kein Mensch auf der Welt
ist mehr wert als ein anderer. In Ruanda wurde das vergessen.
• Le Figaro, « Enquête sur la mission du juge Bruguière, par Patrick de Saint-
Exupéry » (05.01.2006)
• Tages Anzeiger, « Ist den Helfern noch zu helfen ? », (Datum unbekannt)
Images de la page de titre et au-dessus du texte
• http://ruanda.ded.de/cache/pica/8/2/3/1/264191098113028/Zentrales_Bil
delement_2.jpg
• http://www.rbvex.it/africagif/ruanda.gif
• http://www.facite.com/perso/rwanda1/p1130012.jpg
• http://images.google.ch/imgres?imgurl=http://www.facite.com/perso/rwan
da1/p1130012.jpg&imgrefurl=http://www.facite.com/site/index.php%3FR
%3Drwanda1%26R1%3D29072&h=253&w=450&sz=31&hl=de&start=6
&tbnid=F8b0vW8VLIWj6M:&tbnh=71&tbnw=127&prev=/images%3Fq%3
Drwanda%2Bmontagnes%26svnum%3D10%26hl%3Dde%26lr%3D
• http://gponthieu.blog.lemonde.fr/files/rwanda2.thumbnail.jpg

7. Appendice
- 97 -
Après avoir fait connaissance avec Monsieur Edouard Bizumuremyi, qui travaille à
l’ambassade et la mission permanente de Rwanda à Genève, nous nous sommes
décidées de faire une interview avec lui. Nous avons essayé de préciser les
questions déjà pour notre thème de travail de maturité. Compte tenu du fait que
nous n’avons pas eu la chance, d’aller à Genève et faire l’interview à place, elle
comporte quelques points, oú apparaît le manque d’intervention de notre part, pour
ne pas disturber le flux de l’interview. Ainsi, il y a des questions auxquelles la
réponse est déjà donnée avant qu’elle soit posée, ce qui ne dérange pas le taux
d’informations, mais l’image formelle de notre interview.
L’interview nous servit comme information de base importante qui nous menait à
l’approfondissement des secteurs thématiques différents.
Du résultat de notre interview, nous sommes très contentes, car nous n’avons pas
pensé recevoir tant d’informations et tant de support de la part de Monsieur
Bizumuremyi. La gratitude de notre part lui est garantie.
Interview sur le Génocide rwandais le 25 septembre 2006 avec Monsieur
Edouard Bizumuremyi
Bonjour Monsieur Bizumuremyi, nous vous remercions de nous répondre à
quelques questions concernant notre travail de maturité sur le génocide rwandais.
On est maintenant en train d’enterrer des milliers de morts du génocide en 1994
au Rwanda, est-ce qu’on est en même temps en train de tirer un trait sur le passé,
c'est-à-dire d’enterrer aussi les conflits entre les Hutu et les Tutsi ?
Oui, depuis juillet 1994, le Rwanda a mis en place des institutions, des stratégies

- 98 -
ainsi que des politiques visant à définitivement enterrer le conflit de tendance
ethnique et toute velléité génocidaire. Il a fallu du temps. Il y a eu des réalisations
satisfaisantes dans la période de transition mais c’est avec la constitution (2003)
qu’on a mis en place les fondements légaux de construction d’une nation, basée
sur un Etat de droit et un rejet catégorique de tout divisionnisme qu’il soit ethnique
ou de toute sorte.
Période de transition
Juste après le génocide et la guerre, il a été mis en place des institutions
nationales de transition telles que prévues par les accords d’Arusha (ce sont des
accords de paix signés entre le gouvernement rwandais d’alors et le Front
Patriotique Rwandais – FPR- le 4 août 1993, quelques mois avant le génocide). Il
a été mis en place notamment le Gouvernement d’union nationale qui était
composé d’Hutu et Tutsi représentant des différents partis politiques alors existant
sauf des partis qui ont planifié le génocide (à noter que la constitution actuelle réglemente
la mise en place d’un gouvernement, voir l’Article 116 de la Constitution). Le FPR, qui venait
de gagner la guerre et de chasser le gouvernement génocidaire, n’a pas voulu
monopoliser le pouvoir mais l’a partagé avec d’autres partis politiques dans le
souci de refléter toutes les tendances politiques. Ceci fut une base pour mettre en
place d’autres institutions comme le parlement et plus tard certaines commissions
au niveau national comme la commission de l’Unité et réconciliation nationale
instituée le 12 mars 1999 ainsi que la commission nationale des droits de l’homme.
Contexte difficile
Le contexte socio-économique et politique de cette période de transition était un
contexte très difficile à gérer compte tenu notamment (i) du problème d’insécurité
qui régnait à la frontière entre le Rwanda et la République Démocratique du
Congo (RDC) où les militaires de l’ancien régime menaçaient, avec le soutien de
certains pays, d’attaquer le Rwanda et de finir le génocide ; (ii) le rapatriement des
millions de réfugiés qui étaient partis dans les pays voisins et principalement en
RDC manipulés dans les camps de réfugiés par les forces génocidaires.
Au niveau socio-économique, le pays n’avait plus de vie. D’abord il était presque

- 99 -
vide à la fin du génocide. Avec plus d’un million de morts et plusieurs millions de
réfugiés dans les pays voisins, les forces vives du pays étaient inexistantes.
Même ceux qui restaient dans le pays ne travaillaient pas mais vivaient de l’aide
humanitaire. Intellectuels, cadres, techniciens étaient morts ou réfugiés. Le pays
était littéralement anéanti.
Il a fallu des efforts de reconstruction pour passer de la situation humanitaire
d’urgence à la situation de développement tout en mettant toujours en avant le
principe clé de l’unité nationale. Dans la foulée, les autorités ont développé le
concept de citoyenneté qui a inspiré la suppression de la mention ethnique dans
les cartes d’identité, la promotion de la transparence publique et l’accès aux
postes par mérite. Ceci mettait fin à l’équilibre ethnique instauré depuis 1973 par la
deuxième République. Plus particulièrement, l’accès à l’école secondaire par
mérite et dans toute la transparence, sans considération régionale ou ethnique a
été bien accueilli par la population qui, petit à petit, voit que les divisions ethniques
sont artificielles dans une société qui partage la histoire, même langue
(kinyarwanda), même territoire (car il n’y a pas de séparation territoriale Hutu Vs
Tutsi comme c’est le cas par exemple pour la Suisse alémanique et romande).
Fin de transition : Institutions démocratiquement élues :
La période de transition a duré 9 ans, de 1994 à 2003 (ce qui est un plus long que
prévu). Le souci majeur était d’assurer une transition avec un minimum
d’institutions et de sensibilisation sur les principes majeurs autour de l’unité et
réconciliation nationale, sécurité et liberté individuelle, afin que la situation ne
dégénère au moment de la fin de transition. En 2003, bien de choses ont été
accomplies dont nous citerons quelques faits marquants : (i) La sécurité était (et
reste à présent) totale dans tout le Rwanda. C’est l’un des pays les plus sécurisés
au monde. On se promène au Rwanda 24 heures sur 24 heures sans être
inquiété ; (ii) La population comprend de plus en plus le danger de division
ethnique et le bienfait de vivre en harmonie sans discrimination (bonne
collaboration aux bureaux, cohabitation aux villages sans incidents majeurs, etc
sont des signes qui ne trompent pas) ; (iii) Les gens se sont remis à travaillé et à

- 100 -
produire. Le produit national par habitant a sensiblement augmenté comparé à la
situation de quelques années en arrière. En 2002, la croissance économique a été
un record de 9% ; (iv) Le gouvernement a définie sa vision 2020 de
développement et a mis en place la stratégie de réduction de la pauvreté pour
atteindre cette vision ; (v) La lutte contre la corruption tous azimuts a déjà
commencé et sera concrétisée par la mise en place un peu tard de l’institution
d’Ombudsman chargée de «prévenir et combattre l'injustice, la corruption“ (Art. 182 de la
Constitution). Cette institution sera complétée par la mise en place de l’Office de l’
Auditeur Général des finances de l’Etat (Art. 183 de la Constitution) pour veiller à une
gestion saine des finances. Ces deux institutions ont été formellement mises en
place après la promulgation de la Constitution mais dans la vie de tous les jours
c’est comme si elles existaient compte tenu de leur importance aux yeux de
l’actuel leadership. C’est donc dans ce contexte-là d’harmonie sociale qui renaît
de ses cendres ainsi que du développement économique qui prend son envol et
un climat de confiance entre autorités et population que ce sont déroulées le
référendum sur la Constitution en mai 2003 (promulguée le 4 juin 2003), ainsi que
les élections présidentielles (août 2003) et législatives (29-30 sept, 2 octobre
2003). Rappelons que ces élections ont été les premières élections pluralistes au
Rwanda depuis l’indépendance. De fait, depuis 1962, date de l’indépendance du
Rwanda, le paysage politique a toujours été dominé par un seul parti, avec
toujours un seul candidat à la présidence, avec des lois votées par les députés
d’un seul parti. Cette fois-là, en 2003, les électeurs avaient un choix à faire entre
deux Candidats. Pour la première fois, dans une atmosphère de campagne
politique paisible.
De la Constitution du Rwanda.
Tous les efforts de construire l’Etat nation basé sur un Etat de droit, depuis la
période de transition, se retrouvent consignés dans la Constitution qui a été
adoptée le 26 mai 2003, par référendum. Le projet de Constitution a été l’objet de
discussion dans les villages au Rwanda et même par les Rwandais vivant à
l’Etranger avant son adoption et a subi quelques amendements. Elle contient des
principes fondamentaux qui détermineront l’avenir du Rwanda. Quelques

- 101 -
exemples montrent le pas franchi dans la lutte contre toute division ethnique.
a. Le paragraphe 2 du préambule de la Constitution énonce que le
Rwanda est résolu “à combattre l'idéologie du génocide et toutes ses
manifestations ainsi qu’à éradiquer les divisions ethniques et régionales et toute autre
forme de divisions“. Commentaire: Ceci s’oppose fondamentalement à
l’idélogie du génocide inoculée par le parti au pouvoir jusqu’en Avril
1994, laquelle idéologie était véhiculée à travers les médias et les
institions politiques).
b. le paragraphe 4 du préambule énonce “la nécessité de consolider et
promouvoir l'unité et la réconciliation nationales durement ébranlées par le génocide et
ses conséquences“.
c. Le paragraphe 6 reconnaît l’importance de l’Etat de droit et des
libertés et des droits fondamentaux de la personne alors que
d’autres paragraphes mettent en avant l’histoire et une cullture
communes, une langue commune et un destin commun entre Hutu
et Tutsi;
d. L’Article 45 de la Constitution énonce que “tous les citoyens ont un droit
égal d'accéder aux fonctions publiques de leur pays, compte tenu de leurs compétences
et capacités».
Commentaire: L’égalité des chances est un facteur de citoyenneté et qui n’existait
pas dans les régimes précédents. L’ancien régime avait instauré ce qui était
appelé l’équilibre régionale qui favorisait les ressortissants de la région originaire
du Président Habyalimana (c-à-d le une province du Nord du pays) et l’équilibre
ethnique qui disait que les Tutsi devait accéder aux fonctions publiques, à l’école
secondaire, à l’université en pourcentage de 10%, participation exclue à l’armée,
diplomatie et autres domaines politiquement «sensibles». Tout ceci ne servait qu’à
exacerber le sentiment de différences et la discrimination. Dans une société
corrompue où la loi était bafouée, c’est finalement le plus offrant qui avait accès
aux services de l’Etat au détriment des pauvres. Tout ça est fini ! L’égalité devant
la loi prime.
e. Les institutions majeures chargées du renforcement de l’unité
nationale et de réconciliation ainsi que de la lutte contre la

- 102 -
corruption trouve aussi leur place dans la constitution (voir Article
176 et suivants).
f. Enfin, il faut aussi souligner la décentralisation comme mode de
gouvernement adopté par les autorités actuelles qui sert à donner
l’autonomie aux unités décentralisées et ainsi à diminuer la
distance qui existait entre les instances de décision et le peuple.
La politique «gender» ou promotion de la femme est aussi
importante dans la réconciliation et l’unité. Les femmes étant très
influentes dans l’éducation des enfants dès le bas âge, il est
important d’impliquer les femmes dans toutes les instances de
décisions politiques et les faire participer dans la création de
richesses du pays en leur facilitant l’accès au micro finance par
exemple. Le Rwanda est le premier pays au monde à avoir plus de
48% de femmes au Parlement. Les femmes participent aussi dans
la prise de décision aux unités décentralisées au niveau de la
province et aux échelons inférieurs comme le district et le secteur.
Le mot d’ordre de toute action politique étant centré sur l’unité et la
réconciliation, les Rwandais ont la ferme conviction que ce
«gender mainstreaming», dans un Etat qui se veut de droit,
contribuera largement à cultiver la culture de paix et de tolérance
pour les générations futures dans la perspective de construire une
nation. C’est là l’idéologie affirmée du pouvoir actuelle.
Bref… Actuellement des efforts sont quotidiennement consentis pour mettre
en œuvre, dans la pratique dans la vie courante, tous ces principes.
On qualifie l’attentat commis contre l’avion du président d’alors Habyarimana
comme motif pour le massacre. Est-ce qu’il y aurait eu aussi un génocide au
Rwanda sans cet attentat ?
�
- Des signes évidents indiquaient que le génocide était en préparation. Fin
Janvier 1993, soit une année et demi avant le génocide, Jean
Carbonare, rapporteur de la Mission d’enquête commandée par la

- 103 -
Fédération Internationale des droits de l’homme et Human Rights Watch
sur les violations des droits de l’homme au Rwanda depuis le 1er
octobre 1990 est rendu, avait déclaré dans le journal de 20 heures de
France 2 qu’un génocide se préparait au Rwanda et qu’il fallait voler au
secours de ces innocents avant que l’irréparable ne se produise.
- De nombreux massacres se sont produits dans l’indifférence depuis le
début de la guerre: il y en a eu dans la région de l'est du Rwanda à
Kibungo, il y en a eu dans la région du sud-est dans le Bugesera en
1992; il y a eu le massacre des Bagogwe, en janvier 1993, etc.
- Depuis le début de la guerre en 90, tuer un tutsi n’était plus considéré
comme une infraction. On savait très bien qui si on tuait, il n'y avait pas
de suite très graves. L'Etat en place a carrément démissionné de son
devoir de protection de cette partie de la population. Les victimes
pouvaient être aussi des hutu soupçonnées d'avoir des sympathies pour
des tutsi ou avaient la tendance de les protéger.
- Et puis, il y avait des listes longues des gens à éliminer.
- Il y avait des caches d’armes à être utilisées au moment venu par les
miliciens. Le Général Roméo Dallaire, le commandant des forces des
Nations unies avait dénoncé ces caches d’armes et avait demandé la
permisison, au Secrétraire Général de l’ONU, de les déterrer et de les
saisir malheureusement la permision ne lui a pas été accordée
- Enfin, il ne faut pas oublier que Bagosora, l’architecte du génocide, avait
claqué la porte des négociations de paix entre le gouvernement
rwandais et le Front patriotique rwandais (FPR) en déclarant qu’il rentrait
à Kigali «préparer l’apocalypse », surnommé plus tard “le colonel de
l’apocalypse“, il a nié le génocide lors de son procès en août 2005 en
ces termes : « Moi, je ne crois pas au génocide. La plupart des gens
raisonnables pensent qu'il y a eu des massacres excessifs », a-t-il
déclaré lors de sa première audition devant le Tribunal pénal
international pour le Rwanda (TPIR), à Arusha, en Tanzanie.
- A noter aussi que la radio télévision des milles collines (RTLM) n’a cessé
de préparer les Hutu à tuer les Tutsi. C’est la particularité de ce

- 104 -
génocide par rapport à tous les autres. On sensibilise les gens à tuer
publiquement à travers une radio. On banalise la mort d’un Tutsi. Tous
les autres génécides se sont déroulés en cachète. Les nazis disaient
aux juifs qu’ils allaient leur offrir une vie meilleure, les mettre à l’abri
alors que les politiciens et les interahamwe, avant même le génocide
n’hésitaient pas à dire qu’ils allaient néttoyer, exterminer les “cancrelats“.
Cette publicité du génécide bien évidemment a été beaucoup plus
amplifiée dès le 6 Avril. La RTLM servait à indiquer là où se cacher
quelques Tutsi et venter la bravoure des Hutu qui venaient d’exterminer
un nombre impressionnant d’ennemis cancrelats! Etc. Etc.
Dans le film « Hôtel Rwanda » apparaît la phrase suivante : « Si les spectateurs
des télévisions occidentales voient ces images, ils diront : « oh, ça, c’est affreux. »
Et puis ils continueront leur dîner. » Comment juge-t-on aujourd’hui la réaction du
monde occidental à ce qui s’est passé au Rwanda ?
C’est l’abandon et l’indifférence. Mitterrand n’a-t-il pas dit que « le génocide
dans ces pays là, ce n’est pas important » ! Mais surtout, il y a le manque de
volonté de comprendre ce qui se passe « loin de chez nous » ! Ce sont des
noirs qui tuent les noirs, c’est normal dans ces pays-là ! Ce sont des ethnies
qui s’entretuent ! C’est une guerre interethnique, etc. Voilà la réaction des
occidentaux. Il faut voir ce qu’écrivent les journaux ici. Ils n’osent pas oser
nommer le génocide, ils parlent d’événements, de catastrophe et j’en passe
comme s’ils résistent à l’idée qu’il y a eu un génocide !
Les Belges, les Français, les Américains et surtout l’ONU ont retiré leurs troupes
après que la situation s’était aggravée dans le pays du Rwanda.
Est-ce qu’on ne pourrait pas dire alors que le génocide était la conséquence de
l’échec de l’ONU et des états occidentaux ?
- Si les casques bleus étaient restés sur place, il y aurait un nombre très
très limité de victimes. Il y aurait eu un massacre et pas un génocide.

- 105 -
Les miliciens auraient tué très peu de monde. Il n’y a pas de doute là-
dessus. En ce sens on peut répondre oui à votre question. Mais le
génocide a des racines profondes dans le pouvoir politique depuis
l’empire colonial belge jusqu’au régime du Président Habyalimana
(1973-1994) en passant par le régime du Président Kayibanda (1962-
1973). Mais il faut dire et redire que les Etats occidentaux n’ont pas du
tout voulu protéger les innocents qui mourraient devant leurs yeux (télé)
à la machette.
Qu’est-ce qu’on leur reproche ?
- C’est simple, les casques bleus n’ont pas apporté assistance aux
personnes en danger, pour parler juridiquement. L’exemple le plus
emblématique est le camp des casques bleus à l’Ecole Technique
Officielle qui se trouvait à Kicukiro (l’une des parties de la ville Kigali).
Des milliers de réfugiés dans ce camp avaient la vie sauve quand les
casques blues étaient là malgré les miliciens qui rodaient derrière la
clôture machettes et gourdins à la main. Le jour où les casques bleus
ont quitté le camp, ces milliers d’innocents ont été tués, femmes,
vieillards et bébés. Le film « shooting dogs » montre bien cette scène
macabre de cette ignominie internationale.
- Il faut dire que par cet acte de la communauté internationale, ces
puissances ont failli à leur devoir d’ingérence anti-génocidaire. Il y a en
fait l’obligation d’intervenir militairement au secours des victimes quand il
s’agit d’un génocide. C’est pourquoi dans les premiers jours du
génocide, l’ONU et ces puissances –là, ne voulaient pas parler de
génocide pour ne pas intervenir
A présent, quelles sont les relations avec ces nations ?
- Les relations sont plus ou moins bons surtouts avec les pays qui ont bien voulu
exprimer soutien ; qui ont demandé pardon de leur manquement. Un seul pays (la

- 106 -
France) ne veut toujours pas demander pardon jusqu’à présent et ne reconnaît
même pas son implication alors que plusieurs éléments de complicité militaire,
politique, diplomatique et financière existent avec le gouvernement génocidaire. Je
vous laisse suivre les détails à la prochaine conférence du 30 septembre.
Comment les relations se sont-elles développées ?
- Cette question mériterait un travail de recherche dans les archives au
Ministère des affaires étrangères pour évaluer les échanges
diplomatiques et l’évolution de la coopération avec différents pays
occidentaux. Il serait donc prétentieux de répondre exhaustivement à
cette question surtout que nous avons peu de temps ;
- Néanmoins, on peut dire brièvement que les relations ont évolué
lentement mais sûrement par les voies de la coopération normale entre
Etats.
- Le gouvernement rwandais a dû fournir des efforts pour atteindre des
résultats meilleurs dans beaucoup de domaines notamment dans la
sécurité, bonne gouvernance etc. Les occidentaux ont alors vu un
gouvernement sérieux. Si bien que la coopération est actuellement
parfaite avec la plupart des pays occidentaux. Le Rwanda a des
relations diplomatiques (présence physique des ambassades) avec la
Grande Bretagne, la Belgique, l’Allemagne, les USA, la France, la
Suisse, entre autres (la Suisse a son ambassade à Nairobi qui couvre
aussi le Rwanda). Ces pays donnent une aide financière et politique au
Rwanda.

- 107 -
Encore quelques questions sur la situation actuelle:
A l'heure actuelle, quelle est l'importance du génocide au Rwanda?
- L’importance se fait sentir dans la mesure où il y a un nombre considérable de
rescapés qui souffrent du traumatisme et de pauvreté. Leurs biens ont été pillés et
détruits pendant le génocide. La majorité des femmes sont veuves. Les jeunes
filles rescapées sont devenues trop tôt «chefs de famille» en ramassant ici et là
quelques bébés et jeunes enfants rescapés de leur familles ou des familles
connues. Les séquelles du génocide sont toujours là. Beaucoup de jeunes filles et
de femmes violées pendant le génocide par les miliciens sont atteintes de
HIV/SIDA.
- Et puis il y a tout le travail de juger les présumés coupables du génocide, qui est
un travail très difficile d’autant plus que le régime génocidaire a tout fait pour
impliquer une grande majorité de la population. Ceci dit, tous les hutu n’ont pas
participé au génocide. Il y en a même ceux qui ont caché les Tutsi.
Est-ce que l’aide humanitaire est encore offerte maintenant par quelques
organisations ? (Desquelles ?)
- L’aide humanitaire alimentaire, non. Nous sommes passés de la phase
humanitaire d’urgence à la phase de développement. On ne veut plus
d’aide humanitaire alimentaire. On veut travailler et produire beaucoup.
Dès l’adoption de cette politique, les nombreuses vallées rwandaises
produisent beaucoup de riz et autres produits alimentaires.
L’autosuffisance alimentaire est l’objectif du gouvernement. On veut
même produire pour exporter, après l’autosuffisance. Mais il existe
quelques périodes de sécheresse malheureusement qui détruisent les
récoltes, mais l’exploitation efficiente des marais réglera ces problèmes.
- Cela dit la grande partie du budget du gouvernement vient de l’Aide
extérieure appelée «l’aide publique au développement» (APD) ou Official

- 108 -
Development Assistance (ODA). Les pays énumérés ci haut contribuent
à donner cette aide.
- Certaines organisations humanitaires continuent néanmoins d’aide le
Rwanda comme le CICR, ACDI (Africa Care development initiative),
Care international et autres.
Comment le Rwanda s’est-il développé après le génocide ?
- Je crois que j’ai dit cela à la première question où j’ai donné des éléments de
développement politique et économique (vision 2020, stratégie de réduction de la
pauvreté, bonne gouvernance).
Y a-t-il eu un afflux/retour de réfugiés ou d’autres formes de migrations ?
- Il y a eu un afflux massif de réfugiés rwandais en 1994 vers les pays voisins
principalement la RDC et depuis, le gouvernement a encouragé les réfugiés à
rentrer. Il reste très peu de réfugiés dans les pays voisins. La plupart se trouvent
actuellement à RDC mais aussi en Occident comme en Belgique, au Canada, en
France, en Suisse. Le gouvernement rwandais, soucieux de rapatrier sa
population a fait une initiative qui ne se fait pas normalement sous les règles du
HCR. Le gouvernement organise, depuis quelques années, des initiatives
tripartites (entre pays hôte des réfugiés, HCR et Gouvernement rwandais) afin de
permettre aux réfugiés de se rendre dans le pays pour voir si la situation est bonne
ou pas, après quoi, ils décident de rester ou pas. Dans l’histoire du HCR, cela n’a
jamais existé car quand on est réfugié et qu’on retourne dans son pays on
abandonne automatiquement son statut de réfugié. Le gouvernement a convaincu
le HCR et actuellement cette pratique a permis beaucoup de réfugiés à se rendre
compte que le Rwanda était paisible et ils sont rentrés.
La situation économique comment a-t-elle évolué?
(ici aussi je vais être bref)

- 109 -
- Economie : définition de la vision 2020 en début 2000. C’est-à-dire un
document de politiques qui montrent le niveau de développement
souhaité par le Rwanda en l’an 2020. Le Rwanda a défini cette vision
2020 alors qu’il avait un produit intérieur brut (PIB) par habitat de 220
dollars américains. C'est-à-dire que par an, en moyenne, un Rwandais
reçoit l’équivalent de 220 dollars, calcul qui se fait par la méthode de
parité du pouvoir d’achat. Alors, ceci montre qu’un Rwandais, en
moyenne, n’a même pas un dollar par jour (220 divisé par 365). Ce qui
fait que la population rwandaise se trouvait dans la situation d’extrême
pauvreté. La vision 2020 prévoit que ce PIB par habitat sera de 900
dollars américains en 2020 ; que l’agriculture sera modernisé, que les
services, surtout les services basées sur les nouvelles technologies (ICT
– information and communication technology) seront très avancés. Alors,
il y a eu une stratégie de réduction de la pauvreté en 2001 pour
commencer à mettre en œuvre cette vision petit à petit. Les résultats
sont surtout dans le domaine de la santé et l’éducation. Une grande
amélioration ! Mais les exportations du Rwanda restent
malheureusement très peu : café, thé, peaux de chèvres et de vaches
en état brut principalement. Récemment, il y a des efforts de
diversification des exportations en y ajoutant des fleurs coupées d’une
grande qualité qu’on vend en Hollande, il y a aussi du café qu’on traite
d’une manière qui lui ajoute de la valeur si bien que le café ainsi traité
est vendu 3 dollars soit fois le prix mondial d’un kg de café (1 dollar)
améliorant ainsi la vie des ménages. Il y a eu aussi la mise en place
d’une association des femmes qui produisent des paniers traditionnels
rwandais et qui bénéficient d’un marché aux Etats-Unis. Tous ces efforts
ont permis d’avoir des taux de croissance économique très élevés : 9%
en 2002, 6% en 2003 etc. La décentralisation a été mise en place depuis
janvier 2006. Chaque région est à la fois autonome et responsable pour
améliorer la vie des populations. Le préfet de chaque région a signé un
mémorandum d’engagement avec le président de la république
concernant les objectifs à atteindre dans la transparence et avec la

- 110 -
bonne gouvernance. L’année passée, en 2005, le G-8 a effacé la dette
du Rwanda, plus d’un milliard de dollars grâce aux résultats positifs
atteints. Ceci est fondamental. Car au lieu de payer la dette chaque
année ainsi que des intérêts, on va produire cette fois-ci pour investir.
Conclusion, avec l’engagement des leaders politiques et surtout avec la
décentralisation qui responsabilisent les dirigeants à tous les niveaux, le
Rwandais améliorera bientôt son bien être social et économique.
L’accent mis sur l’égalité des sexes (women empowerment) contribuera
y beaucoup.
Situation culturelle ?
- Culturellement, les Rwandais baignent dans une culture profondément
enracinée depuis la nuit des temps. Les chansons rwandaises ainsi que
les danses traditionnelles rwandaises ont été développées ce qui a fait
que la troupe nationale s’est classé première mondialement à plusieurs
reprises dans les championnats mondiaux de danses traditionnelles. La
langue unique, le Kinyarwanda, facilite l’unification culturelle rwandaise.
Les sites traditionnels de haute importance dans l’histoire du Rwanda
ont été mis en valeur. Etc.
Comment les deux ethnies Hutu et Tutsi se sont-elles développées ? Est-ce que le
fossé s’est aggravé ?
- Non, au contraire (voir réponse que j’ai donnée à la première question mais si
pas satisfait, vous pouvez me poser la question).
Qu’est-ce que le gouvernement lui-même a fait pour affaiblir les tensions entre les
différentes composantes du peuple rwandais ?
- réponses à la première question

- 111 -
Pourriez-vous nous dire des mesures concrètes et leurs résultats?
- réponses à la première question
Quelles sont les mesures qu’on prend contre le risque qu’un nouveau génocide
puisse se déclencher à partir) de la tension qui existe encore dans le pays ?
- réponse à la première question
Quelle est alors la leçon que le monde entier doit tirer du génocide ?
- Il faut prévenir le génocide car le génocide a des signes avant coureurs
- Nous avons suffisamment de preuves que dire « plus jamais » ne suffit
pas. Il pourrait y avoir d’autres génocides. Il faut donc un travail de
sensibilisation dans des sociétés à risque. Mais surtout il faut prendre de
mesures sérieuses contre un gouvernement qui soutient de tels actes ou
manifestations ou discours de caractère génocidaire
Combien de rwandais vivent en Suisse ?
- beaucoup mais nous ne savons pas le nombre car il y a aussi les réfugiés, qui,
en principe, n’ont pas de contact avec l’ambassade.
Les tensions continuent-ils de se manifester ici, sur un terrain extérieur,
éventuellement neutre?
- Non ! En tout cas ici en Suisse c’est rare sinon inexistant.
Quelle est l'attitude des autorités actuelles du Rwanda concernant des poursuites
pénales contre des responsables de crimes contre l'humanité, en bref vis-à-vis du
tribunal international sur les événements au Rwanda?

- 112 -
- C’est une attitude de coopération avec le tribunal. Mais il y a aussi une attitude
critique vis-à-vis d’un tribunal qui dépense trop de dollars sans faire un travail à la
hauteur. Très peu de gens ont été jugé. Même l’architecte du génocide Bagosora
n’est pas encore jugé alors que des millions de dollars dépensés sont énormes.
Quelle est la fiabilité des chiffres de ceux qui sont morts?
Il y a eu un recensement qui a été fait. Sur chaque village, on a essayé de compter
ceux qui sont morts. Le responsable de chaque village donnait son résultat à la
commune. Et chaque commune connaissait le nombre de ses morts. Toutes les
communes ont communiqué leur nombre aux provinces et les provinces au
gouvernement. Le nombre total de victimes du génocide dépasse un peu 1 million
de morts.

- 113 -
Deuxième Interview par E-mail le 10 novembre 2006
1. Dans la conférence (à l’Université de Genève le 30 septembre 2006) ils ont dit
que ce génocide est différent des autres, parce qu'on n'a pas choisit les victimes.
Dans d'autres génocides on choisit les victimes à cause de leur nationalité, leur
religion. Est-ce qu’on peut dire alors que les tutsi sont des victimes "choisis"...?!
La victime était désignée pendant le génocide des Tutsi. Des Tutsi ont été
massacrés par de Hutu (surtout par des milices des partis au pouvoir bien
entraînées pour tuer, les membres de l’armée ainsi que les populations mobilisées
par les partis, les radios et les journaux). Donc la désignation de la victime était
claire, ainsi que les instructions au passage à l’acte de tuer. Les radios et journaux
ont clairement donné la consigne de tuer les Tutsi. Les critères d’identification des
Tutsi étaient basés sur des clichés : par exemple la forme du nez, la taille (Tutsi
étant identifié par les génocidaires comme très grands), etc. Mais surtout le
voisinage a beaucoup joué car les gens du même village se connaissaient. Mais,
lorsqu’il y avait des doutes, les tueurs demandaient la carte d’identité. La carte
d’identité a été instaurée au Rwanda en 1930 par l’empire colonial belge. Depuis
l’année 1930 donc, la puissance coloniale a imposé la mention de Tutsi, Hutu ou
Twa sur la carte d’identité. Jusqu’au génocide cette mention était toujours en
vigueur (mais le gouvernement actuel a éliminé cette mention dite ethnique). Donc,
pendant le génocide, lorsque les génocidaires avaient des doutes sur l’identité
d’une personne, c’est-à-dire lorsqu’ils ne le connaissaient pas et qu’ils ne
pouvaient pas être sûrs que cette personne était Tutsi ou Hutu, on lui demandait
sa carte d’identité pour vérifier. En conclusion, oui, vous avez raison, les Tutsi
étaient des victimes. D’ailleurs les génocidaires disaient clairement à la radio qu’il
fallait éliminer les Tutsi, appelés serpents ou cafards. Toutes les victimes du
génocide ont des noms dévalorisants. Alors, si dans cette conférence on a dit que
ce génocide était différent, ce n’est pas parce qu’on n’a pas choisi les victimes. Je
ne me rappelle pas le contexte de cette énoncée mais ce n’est absolument pas
cela. Essayez de bien vous rappeler le contexte et écrivez-moi encore. La
singularité de ce génocide, à mon avis, est que par exemple les génocidaires ne

- 114 -
se gênaient pas à faire de la publicité de leurs massacres et à mobiliser
publiquement les gens à tuer alors que dans d’autres génocides, les auteurs ont
tout fait pour le cacher. Une autre particularité, qui découle bien évidemment de ce
qui précède, c’est que ce génocide a impliqué la masse y compris les voisins qui
tuaient leurs voisins. Je dois vous dire que la campagne à éliminer les Tutsi
notamment sur la Radio Télévision Libre des Mille Collines (TLM), dans les
journaux comme Kangura, a été sans précédent dans l’histoire. Le procès des
médias impliqués dans le génocide se passe actuellement au Tribunal
International Pénal pour le Rwanda (TPIR) comme vous le savez.
La France ne s'admette pas coupable. Bien qu'ils aient mis à la disposition des
armes aux hutu. Est-ce qu'il y a d'autres arguments contraires pour qu'on puisse
accuser la France comme complice de génocide ?
Actuellement, il y a une commission nationale rwandaise qui a été mise en place
pour faire la lumière sur la responsabilité de la France dans le Génocide des Tutsi
du Rwanda. Le livre dont je vous ai promis, « L’IMPRESCRIPTIBLE » fait une
analyse tout aussi détaillée (j’imagine car malheureusement je ne l’ai pas encore
lu) mais je vais vous l’envoyer lundi et vous le verrez mardi. Je m’en excuse
encore une fois.
A la fin de la conférence il y avait des participants qui se sont excité un peu que la
Suisse laisse "entrer" des Rwandais qui ont tué des gens ?
Nous nous sommes demandé, si on peut effectivement punir ces Rwandais? J'ai
lu que ces gens étaient comme renforcés par les amis de tuer les tutsi. Ils n'ont
presque pas eu de choix.
La Suisse a déjà jugé un ancien maire du Rwanda du nom de Niyonteze Fulgence,
Maire de la commune de Mushubati. La Suisse peut donc lancer des poursuites
judiciaires contre qui que ce soit, selon les procédures en cours en Suisse, s’il
existe des preuves de participation au génocide, au crime de guerre ou à tout

- 115 -
autre crime. Personnellement je ne suis pas juriste et à ce titre, je ne suis pas
mieux placé pour débattre de ce sujet. Y a –t-il des personnes qui ont tué parce
qu’ils/elles n’avaient pas d’autres choix ? Je pense personnellement qu’on a
toujours le choix. Mais C’est au juge d’apprécier dans quelles circonstances
l'auteur a donné le coup mortel. C’est pour cela qu’il y a des circonstances
atténuantes. Cela dit, je répète que je ne suis pas juriste et sincèrement vos
questions m’incitent à apprendre davantage. Enfin, je vous conseillerais, pour
compléter votre étude, de contacter les institutions suisses compétentes en la
matière pour entendre leur version. En cela, votre étude serait plus complète.
Dans le livre de Paul Rusesabagina "Hôtel Rwanda", il dit que ce génocide puisse
se passer toujours de nouveau au Rwanda, parce que le pays n'est pas encore
sûr, et il dit de plus, que, si le pays était sûr, il serait le premier d'y rentrer. Tous ça
est un peu au contraire de ça que vous avez dit, alors que le pays Rwanda est un
du plus sécurisés au monde. C'est quoi alors qu'on peu tenir comme vrai?
Bonne question : Paul Rusesabagina est déjà dans l’opposition politique de
l’extérieur. Il ne peut vraiment pas dire du bien du régime actuel. Mais la réalité est
qu’il ment. Il faudrait, peut-être, que vous discutiez avec quelques suisses qui vont
souvent au Rwanda pour avoir une idée que vous pourriez juger de neutre. Mais,
une fois de plus, je vous assure que le Rwanda est un pays très stable.
Est-ce qu’il y aura un autre génocide ? J’ose ne pas y croire. Vous savez, le
génocide ne tombe pas du ciel. C’est crime visant à éliminer un groupe de gens,
en tout ou en partie, selon son appartenance spécifique identitaire ou supposé
l’être (par exemple l’identité religieuse, ethnique, etc). Pour en arriver au génocide,
il faut un processus de diabolisation, de valorisation négative de l’autre. L’autre est
vu comme différent de « nous ». Il y a donc un travail macabre de différenciation
entre « Nous » et « Eux » (division claire) qui sera suivi par des programmes
d’incitation à la haine comme dans le cas du Rwanda. Et finalement de passage à
l’acte criminel (soit publiquement comme dans le cas du Rwanda, soit en cachette
comme dans le cas Nazis).

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Actuellement, le gouvernement rwandais embarque sur un programme tout à fait
contraire ; alors diamétralement opposé, c’est-à-dire basé sur l’Unité nationale et
réconciliation, liberté pour tous et sans discrimination avec la lutte contre la
corruption et la promotion de la transparence politique. Il y a beaucoup encore à
faire mais c’est déjà une bonne base d’autant plus que ce programme est le socle
de la vision 2020 du Rwanda.
La seule situation envisageable d’un autre possible génocide serait que ce
programme soit abandonnée au profit d’un programme divisionniste. J’ose espérer
que les forces vives du Rwanda ne permettront pas un tel recul en arrière. Et je
suis presque sûr cela n’arrivera pas.