Le Père Jean-Sébastien Charrière, OSB, artiste peintre - Apic
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<strong>Le</strong> <strong>Père</strong> <strong>Jean</strong>-<strong>Sébastien</strong> <strong>Charrière</strong>, <strong>OSB</strong>, <strong>artiste</strong> <strong>peintre</strong> au couvent d’Einsiedeln<br />
"Tout l’univers dans une peinture"<br />
Petra Mühlhäuser, <strong>Apic</strong> / Traduction: Jacques Schouwey<br />
Einsiedeln, 12.7.09 (<strong>Apic</strong>) "Cela m’aide à comprendre, quand on peut tout voir dans un<br />
image", dit le <strong>Père</strong> <strong>Jean</strong>-<strong>Sébastien</strong> <strong>Charrière</strong>. <strong>Le</strong>s peintures du bénédictin d’Einsiedeln<br />
sont des images complexes de méditation. Ou des symboles tout à fait simples, qui<br />
rappellent la calligraphie japonaise. Mais, à chaque fois, c’est Dieu qui en est le centre.<br />
Entrer dans son atelier, c’est toute une aventure qui commence: on passe par<br />
d’interminables et merveilleux vieux couloirs, mal éclairés et sentant l’ancien sous les toits du<br />
bâtiment conventuel. Ici, il est possible de faire de vraies découvertes, comme celle des<br />
cercueils déjà prêts pour les moines. Après avoir passé d’innombrables portes, on entre sans<br />
transition dans une salle lumineuse, composée de deux étages. L’espace dispose de 5<br />
angles, et par les grandes fenêtres, on peut voir les tours de l’église d l’abbaye.<br />
Un Bouddha tout à fait chrétien<br />
De là, le regard est attiré sur une peinture représentant un bouddha assis. "C’est cent pour<br />
cent chrétien", sourit le <strong>Père</strong> <strong>Jean</strong>-<strong>Sébastien</strong> <strong>Charrière</strong>, auteur de cette œuvre, qui ajoute: "Je<br />
veux provoquer un peu". Mais provoquer au sens originel du mot latin "provocare": "appeler<br />
dehors". Stimuler à s’ouvrir à l’image.<br />
De fait, bien que le bénédictin ait su dès son enfance qu’il voulait "vivre avec le Christ",<br />
est passé par une phase bouddhiste. Lorsqu’il a eu des problèmes de santé durant ses<br />
études en arts, il a trouvé dans le bouddhisme plus de réponses que dans le christianisme.<br />
Après cette phase, il a retrouvé le christianisme.<br />
A côté du Bouddha, on trouve des fleurs de lotus, et sur les bords de la peinture figurent<br />
Alpha et Omega, symboles disant que Dieu est le commencement et la fin de tout. On y voit<br />
aussi la colombe symbolisant l’Esprit Saint la Croix, monogramme christique. <strong>Le</strong> <strong>Père</strong> <strong>Jean</strong>-<br />
<strong>Sébastien</strong> mélangerait-il, dans son art, les deux grandes religions mondiales? Il n’accepte<br />
pas cette affirmation: pour lui, "il n’y a qu’une seule vérité. Mais il y a des symboles communs<br />
aux deux religions."<br />
"<strong>Le</strong> silence est plénitude"<br />
L’homme assis n’est pas le Bouddha, mais le Christ: il porte sur le côté la plaie du Crucifié.<br />
La Bible cite souvent la position assise. Par exemple, Marie est assise aux pieds de Jésus et<br />
l’écoute pendant que Marthe travaille. Nous aurions perdu quelque chose de la position<br />
assise consciente, déclare le <strong>Père</strong> <strong>Charrière</strong>; cette position a beaucoup à voir avec le silence.<br />
"Pour moi, le silence est la plus grande, la plus parfaite et la plus belle des choses", dit-il. Il<br />
aurait été un des thèmes de prédilection des <strong>Père</strong>s du désert. "Peindre n’est pas<br />
indispensable à la vie, mais je suis heureux quand je peux m’exprimer. Là où le mot n’a plus<br />
rien à dire, on a besoin de l’image, et là où la peinture ne parle plus, il nous faut la musique.<br />
Finalement, lorsque la musique ne dit plus rien, il y a le silence. <strong>Le</strong> silence est la plénitude".<br />
Appelé à devenir moine<br />
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<strong>Apic</strong> série: <strong>artiste</strong>s dans les couvents 2<br />
C’est au cours de ces pensées que le téléphone résonne dans le silence. <strong>Le</strong> <strong>Père</strong> <strong>Jean</strong>-<br />
<strong>Sébastien</strong> est appelé comme <strong>Père</strong> qui reçoit les visites. Il donne en outre des cours de<br />
catéchisme au collège de l’Abbaye. Agé de 36 ans, il est Romand, issu de Fribourg. Il est<br />
diplômé de l’Ecoles des arts et métiers de Vevey. Il a ensuite suivi une formation artistique à<br />
l’Académie Maximilien de Meuron à Neuchâtel. Il a aussi effectué une formation pour devenir<br />
conseiller en hygiène alimentaire, possède un diplôme de masseur sportif et de réflexologie.<br />
Il est ensuite entré au séminaire en raison de la pénurie de prêtres, même s’il se savait<br />
appelé à la vie monacale. Il y a une dizaine d’années, il est entré à l’Abbaye d’Einsiedeln,<br />
bien qu’il ait plus précisément pensée à une petite communauté et qu’il ne parlait pas encore<br />
l’allemand à cette époque. Einsiedeln s’est dévoilé comme le lieu où il se sentait à l’aise. En<br />
2006, il a été ordonné prêtre. "Ce que j’aime le plus c’est la spiritualité chartreuse", dit-il,<br />
"mais j’aime aussi bien parler".<br />
Chargé de symbole<br />
Un homme polyvalent, qui dit de lui-même qu’il aime aussi danser – des danses sacrées. Il a<br />
également appris à peindre des icônes, ce que l’on remarque avec l’image du Christ assis. Il<br />
pourrait certainement, à partir de ce tableau, dire quantité de choses durant des heures. Tout<br />
y a une signification. <strong>Le</strong> cercle représente la perfection, et ainsi le divin; le carré symbolise le<br />
terrestre. Au centre, la figure à trois branches symbolise la Trinité par laquelle tout passe et<br />
dont tout provient. "Tout es appelé à être réconcilié avec Dieu", affirme le <strong>Père</strong> <strong>Charrière</strong>.<br />
La tête chauve du Christ renvoie à la renonciation au pouvoir par le Dieu en croix –<br />
faisant référence au récit de Samson, dans l’Ancien Testament, dont la force héroïque<br />
dépendait de sa chevelure. La fleur de lotus est enracinée dans le limon et fleurit malgré tout<br />
merveilleusement – un symbole pour espérer malgré tout – comme la rose qui a aussi des<br />
épines. Il y a ensuite les éléments, le masculin et le féminin, l’amour et la force vitale.<br />
La théologie traduite en peinture<br />
<strong>Le</strong> téléphone sonne constamment. Mais ce qui habituellement dérange, est ici très bienvenu:<br />
de cette manière, on peut remettre un peu d’ordre dans nos pensées. Car ce que dit le <strong>Père</strong><br />
<strong>Jean</strong>-<strong>Sébastien</strong> est tellement dense, tout comme ses peintures, qu’il faut le temps de<br />
l’assimiler. Ces œuvres sont de la théologie traduite en peinture. "Je pense que si l’on voit<br />
tout ce que contient une image, cela nous aide à comprendre", énonce-t-il. Une scène de<br />
Noël, si l’on la regarde d’assez près, se révèle comme représentation de l’incarnation, de la<br />
crucifixion et de la résurrection, de la création entière; en somme c’est l’univers entier<br />
représenté dans une unique petite image. Et pourtant la représentation repose en elle-même<br />
et rappelle fortement les icônes.<br />
Dieu au centre<br />
Dieu, la Trinité, le Christ, est toujours au centre. C’est une pensée de saint Benoît de Nursie:<br />
Dieu doit toujours être au centre. Parfois cependant ce centre est sombre: "Nous ne pourrons<br />
jamais comprendre Dieu", selon le <strong>Père</strong> <strong>Jean</strong>-<strong>Sébastien</strong>. Pourtant le symbole de la Trinité ne<br />
brille que sur cet arrière-fond obscur. Il en va toujours de l’appel à répondre oui au oui de<br />
Dieu aux hommes. A partir des images s’énonce un être d’accord avec le cosmos tout entier.<br />
"La croix est mon thème préféré", déclare le <strong>Père</strong> bénédictin. Elle est pour lui la forme la<br />
plus parfaite, elle relie toutes les autres, établit la réconciliation du ciel et de la terre. <strong>Le</strong><br />
crucifix de bronze qu’il a réalisé pour l’ancienne salle capitulaire renonce aux branches de la<br />
croix, qui est pourtant présente dans la forme du corps mort représenté. Y sont aussi<br />
représentés le cercle symbolisant Dieu le <strong>Père</strong> et la colombe de l’Esprit Saint, qui en quelque<br />
sorte aspire le Crucifié à la Résurrection. Il y a là la colombe avec le triangle de la Trinité,
<strong>Apic</strong> série: <strong>artiste</strong>s dans les couvents<br />
l’incarnation et le sein de Marie, la nudité de Job souffrant, la bouche fermée et les oreilles<br />
ouvertes de Dieu, l’eucharistie. "J’ai voulu faire une croix qui résume toute l’histoire du salut".<br />
Une version miniature de cette œuvre est en vente au magasin du monastère, de même que<br />
les cierges de Pâques créés chaque année par le <strong>Père</strong> <strong>Jean</strong>-<strong>Sébastien</strong>.<br />
<strong>Le</strong>s œuvres plus récentes de l’<strong>artiste</strong> sont toutes différentes: un cercle peint avec un<br />
pinceau et de l’encre sur une feuille blanche, et c’est tout. Ou d’autres symboles qui<br />
rappellent la calligraphie japonaise. Il ne s’agit pas de caractères d’écriture, mais de très<br />
succinctes représentations symboliques. Il oscille entre les influences de la peinture d’icônes<br />
et l’art japonais qui dit beaucoup de choses avec peu de moyens, explique-t-il. "Mon style<br />
n’est pas encore mûr". Il nous montre ses notes, ses feuilles rectangulaires verticales,<br />
presque transparentes, avec des textes, des prières et des esquisses. Ce n’est pas un<br />
journal: "Ce que je pense n’est pas important", dit-il en passant. Il s’agit du contenu: la<br />
manière dont tout se tient. Il voudrait, dans la suite, représenter les différentes postures de<br />
prière, comme Marie aux pieds de Jésus. Longtemps, il porte en lui de tels projets. Mais dès<br />
qu’il a un tableau en tête, il faut qu’il se dépêche de le peindre, dit le prêtre.<br />
Note: Des photos illustrant ce portrait peuvent être commandées à kipa@kipa-apic.ch. Prix<br />
pour diffusion: 80 frs la première, 60 frs les suivantes.