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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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488<br />

COURS BE LITTÉRATURE.<br />

vous <strong>de</strong>venez tout à coup un autre homme 9 §11 faut<br />

blâmer ce que j'approuvais, et aimer ce que je<br />

haïssais , je ne peux plus vous suivre : et comment<br />

ra'intéresser à ce que vous pouvez vouloir, quand<br />

vous-même ne le savez pas ?<br />

Il est inutile d'avertir que ce principe n'est pas<br />

applicable quand il s'agit <strong>de</strong>s passions violentes, telles<br />

que l'amour et <strong>la</strong> jalousie, qui sont faites pour<br />

bouleverser l'âme et <strong>la</strong> porter sans cesse d'un mouvement<br />

à un autre. Non-seulement alors l'unité <strong>de</strong><br />

caractère n'est point violée, mais cette variation<br />

même est <strong>de</strong> l'essence <strong>du</strong> caractère établi : et quand<br />

le spectateur vous a dit, Je sais que vous aimez avec<br />

fureur, je sais que vous êtes jaloux avec rage, il<br />

s'attend à tout ce que peuvent faire <strong>la</strong> jalousie et<br />

l'amour. Mais ce n'est pas ici le cas; ce n'est point<br />

l'amour qui change les dispositions <strong>de</strong> Cinna à l'égard<br />

d'Auguste : au contraire, cet amour a si peu <strong>de</strong><br />

pouvoir sur lui, qu'il ne veut point d'Emilie, si elle<br />

lui est donnée par Auguste, et qu'ensuite elle peut<br />

à peine obtenir <strong>de</strong> lui <strong>de</strong> ne pas renoncer à <strong>la</strong> conspiration.<br />

Il a donc toute sa raison ; l'amour ne lui<br />

a point renversé <strong>la</strong> tête, et ses contradictions n'ont<br />

point d'eicuse. Je n'aurais pas même songé à prévenir<br />

cette objection si improbable, s'il al<strong>la</strong>it pas<br />

très-commun d'élever sur les choses les plus c<strong>la</strong>ires<br />

<strong>de</strong>s difficultés entièrement étrangères à <strong>la</strong> question.<br />

Concluons que le rôle <strong>de</strong> Cinna est essentiellement<br />

vicieux, en ce qu'il manque à <strong>la</strong> fois, et d'unité <strong>de</strong><br />

caractère et <strong>de</strong> vraisemb<strong>la</strong>nce morale. Ajoutons<br />

maintenant qu'il manque aussi <strong>de</strong> cette noblesse<br />

soutenue, convenable à un personnage principal,<br />

qui ne doit rien dire ni rien faire d'avilissant. Or,<br />

actuellement que nous avons appris, en voyant ce<br />

qu'il est au troisième acte, que ce n'est rien moins<br />

qu'un républicain féroce, et que ce n'était pas <strong>la</strong><br />

soif <strong>du</strong> sang d'Auguste qui l'engageait à parler contre<br />

son sentiment, l'excès <strong>de</strong> dissimu<strong>la</strong>tion où il s'est<br />

porté peut-il ne pas l'avilir aui yeui <strong>du</strong> spectateur?<br />

Fa-t-il pas fait le rôle d'un malhonnête homme<br />

quand il s'est jeté aui genoui d'Auguste pour le déterminer<br />

à gar<strong>de</strong>r l'empire? Et qui l'obligeait à tant<br />

d'hypocrisie? On n'en conçoit pas <strong>la</strong> raison, et il<br />

paraissait bien plus simple <strong>de</strong> <strong>la</strong>isser cette bassesse<br />

hypocrite à Maxime, qui n'est dans <strong>la</strong> pièce qu'un<br />

personnage entièrement sacrifié» .<br />

Nous avons vu déjà combien aoa amour était froid :<br />

sa con<strong>du</strong>ite dans le quatrième acte est quelque chose<br />

<strong>de</strong> bien pis. 11 fait révéler <strong>la</strong> conspiration à l'empereur<br />

par l'esc<strong>la</strong>ve Euphorbe, qui dit en même temps<br />

à Auguste que Maxime s'est tué <strong>de</strong> désespoir; et<br />

cependant ce même Maiime vient chez Emilie lui<br />

dire que tout est découvert, que Cinna est mandé<br />

au pa<strong>la</strong>is, qu'elle va être arrêtée par Tordre d*Auguste;<br />

mais que celui qui est chargé <strong>de</strong> cet ordre<br />

se trouve heureusement être un <strong>de</strong>s conjurés, que<br />

cet homme attend Emilie dans <strong>la</strong> maison <strong>de</strong> Maxime,<br />

et que tous trois ils peuvent prendre <strong>la</strong> fuite. Emilie<br />

répond, avec <strong>la</strong> fermeté qui lui convient, qu'elle<br />

suivra en tout le sort <strong>de</strong> Cinna. Là-<strong>de</strong>ssus il répond<br />

que c'est un autre Cinna qu'elle doit regar<strong>de</strong>r en<br />

M ; que le ciel lui rend l'amant qu'elle a per<strong>du</strong> ; que<br />

<strong>de</strong>s mêmes ar<strong>de</strong>urs dont M fut embrasé*.. Elle l'interrompt<br />

fort à propos.<br />

Mudme, en voilà trop pour un homme amm.<br />

Elle n'a que trop raison. A-t-il pu croire qu'elle donnât<br />

dans un piège si grossier? et jamais déc<strong>la</strong>ration<br />

d'amour fut-elle plus dép<strong>la</strong>cée? Voltaire remarque<br />

qu'elle est comique, et qu'elle aehém <strong>de</strong> rendre le<br />

râle <strong>de</strong> Maxime insupportable. On est forcé d'en<br />

convenir : ce rêîe est indigne <strong>de</strong> <strong>la</strong> tragédie.<br />

Malheureusement ces défauts dans les caractères,<br />

les invraisemb<strong>la</strong>nces <strong>de</strong> l'un et les ridicules <strong>de</strong> l'autre<br />

, achèvent aussi <strong>de</strong> détruire l'intérêt <strong>de</strong> l'action f<br />

dont les ressorts ne sont plus tragiques. La trahison<br />

<strong>de</strong> Maxime, qui n'est motivée que par un amour <strong>de</strong><br />

comédie dont personne ne peut se soucier, est un<br />

inci<strong>de</strong>nt par lui-même très-considérable dans <strong>la</strong><br />

pièce, puisqu'il change <strong>la</strong> situation <strong>de</strong> tous les personnages;<br />

mais il est amené par <strong>de</strong> trop petits<br />

moyens. Ses propositions à Emilie révoltent par leur<br />

ma<strong>la</strong>dresse. Cinna t qui a per<strong>du</strong> toute cette gran<strong>de</strong>ur<br />

qu'il avait au premier acte, et qui s'appelle luimême<br />

un lâche et un parrici<strong>de</strong>, ne peut plus nous<br />

attacher à une conspiration qu'il condamne. Que<br />

reste-t-il donc pour soutenir <strong>la</strong> pièce jusqu'au cinquième<br />

acte? Le seul intérêt <strong>de</strong> curiosité : c'est un<br />

grand événement entre <strong>de</strong> grands personnages. La<br />

pièce est intitulée <strong>la</strong> Clémence d'Auguste. Il est informé<br />

<strong>de</strong> tout : il a mandé Cinna : il paraît incertain<br />

<strong>du</strong> parti qu'il doit prendre; il est violemment agité.<br />

On veut voir ce qui arrivera, et tel est l'avantage<br />

qui résulte <strong>de</strong> l'unité d'objet. Le spectateur, que l'on<br />

a toujours occupé <strong>de</strong> <strong>la</strong> même action, veut en voir<br />

<strong>la</strong> fin. Le poète, malgré tant <strong>de</strong> fautes, se soutient<br />

donc ici par son art. Mais il se soutient aussi par<br />

son génie : c'est l'énergique fierté <strong>du</strong> rôle d'Emilie<br />

qui ne se dément jamais ; c'est <strong>la</strong> scène vive et animée<br />

qu'elle a au troisième acte avec Cinna, le contraste<br />

<strong>de</strong> sa fermeté avec <strong>la</strong> faiblesse et les irrésolutions<br />

<strong>de</strong> son amant, et sa sortie bril<strong>la</strong>nte qui termine<br />

l'acte par ces beaux vers :<br />

Qu'il achève, et dégage si fol t<br />

Et qui! choisisse après, <strong>de</strong> k mort on <strong>de</strong> mot.<br />

C'est ensuite le monologue d'Auguste au quatrième

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