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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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SIÈCLE DE LOUIS XIV. — POÉSIE.<br />

un <strong>de</strong>gré suffisant <strong>de</strong>,probabilité morale, et sans<br />

doute elles Font ici. C'est un principe <strong>de</strong> Fart fondé<br />

sur <strong>la</strong> sature <strong>du</strong> cœur humais* que tout le reste<br />

<strong>du</strong> drame ne doit être que le développement successif<br />

<strong>de</strong> ces premières dispositions que Fart <strong>du</strong><br />

poète a fait naître dès le commencement ; et c'est<br />

ce qui constitue l'unité d'intérêt. Voyons comment<br />

cette règle si essentielle est observée dans Cinna.<br />

L'ouverture <strong>du</strong> second acte nous fait voir Auguste<br />

entre les <strong>de</strong>ux chefs <strong>de</strong> <strong>la</strong> conspiration, qui<br />

sont en même temps ses <strong>de</strong>ux confi<strong>de</strong>nts les plus<br />

intimes, délibérant avec eux sur le <strong>de</strong>ssein qui! a<br />

d'abdiquer. 11 s'en rapporte entièrement à leur avis<br />

sur le parti qu'ai prendra <strong>de</strong> déposer ou <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r<br />

<strong>la</strong> souveraine puissance. Cette idée est gran<strong>de</strong> et<br />

dramatique ; elle est d'un homme <strong>de</strong> génie, et il<br />

n'y a personne qui n'en ait été frappé. Voltaire<br />

voudrait que ce projet d'abdication ne fût pas si<br />

subit , parce que rien ne doit Fétre au théâtre ; il<br />

tondrait %qm cette délibération fût amenée par<br />

quelque motif particulier, et qu'Auguste rappelât à<br />

sesconi<strong>de</strong>nts qu'il a déjà en plusieurs fois <strong>la</strong> même<br />

pensée : et en effet, dans l'histoire lorsque Auguste<br />

traite cette question avec Agrippa et Mécène, c'est<br />

à propos d'une nouvelle conspiration qu'il vient <strong>de</strong><br />

découvrir, et <strong>de</strong>s périls dont sa vie est continuellement<br />

menacée. La remarque <strong>du</strong> commentateur est<br />

juste, mais il est le premier à reconnaître que ce défaut<br />

n'affaiblit point le grand intérêt <strong>de</strong> curiosité<br />

que pro<strong>du</strong>it cette belle scène; et l'on peut ajouter<br />

que c'est Racine qui a connu le premier cette observation<br />

exacte <strong>de</strong> toutes les convenances, qui ne<br />

<strong>la</strong>isse lieu à aucune objection : c'est le complément<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> théorie dramatique, et il appartient naturellement<br />

au génie qui perfectionne ce que le génie a<br />

créé.<br />

Voilà donc Cinna et Maxime, <strong>de</strong>ux républicains<br />

décidés, maîtres <strong>du</strong> sort <strong>de</strong> Rome et <strong>de</strong> celui d'Auguste.<br />

Que vont-ils faire? Maxime ne ba<strong>la</strong>nce pas à<br />

conseiller à l'empereur <strong>de</strong> renoncer à en pouvoir<br />

toujours odieux aux Romains et toujours dangereux<br />

pour lui. Cinna prend le parti contraire ; et<br />

le soutient par les meilleures raisons possibles; et,<br />

ce qui est très-remarquable, c'est qu'il ne les appuie<br />

pas sur l'intérêt particulier d'Auguste, mais<br />

sur celui <strong>de</strong> Rome qui a besoin <strong>de</strong> lui. 11 dé<strong>mont</strong>re<br />

que9 dans l'état où sont les choses, Femplre ne<br />

peut se passer d'un maître, et qu'il ne peut en<br />

avoir un meilleur qu'Auguste. Il soutient que f autorité<br />

<strong>de</strong> fempereur est légitimement acquise, qu'il<br />

ne <strong>la</strong> doit qu'à ses vertus; il affirme que le gouvernement<br />

démocratique est le plus mauvais <strong>de</strong><br />

tous; enfin il le conjure à genoux, comme le génie<br />

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tuté<strong>la</strong>ire <strong>de</strong> Rome, <strong>de</strong> veiller à sa conservation, et<br />

<strong>de</strong> ne pas l'abandonner aux guerres civiles et à l'anarchie.<br />

Il va jusqu'à dire que les dieux mêmes ont<br />

voulu que Rome perdît ta'liberté; et sa politique<br />

est si bien raîsonnée, si persuasive, qu'elle entraîne<br />

Octave, qui finit par lui dire :<br />

Clera, pur vos conseils t Je relleadrmi l'empire ;<br />

Mak je le retiendrai pour TOUS en faire part.<br />

11 lui donne pour épouse Emilie, à <strong>la</strong>quelle il tient<br />

lieu dé père <strong>de</strong>puis qu'il lui a été le sien.<br />

On est déjà un peu étonné <strong>du</strong> parti que prend<br />

Cinna, et <strong>de</strong>s dis<strong>cours</strong> qu'il tient; <strong>de</strong> voir le même<br />

homme que tout à l'heure il a peint comme un<br />

monstre exécrable, comme un tigre enivré <strong>de</strong> sang,<br />

<strong>de</strong>venu tout à coup pour lui un souverain légitime,<br />

le bienfaiteur <strong>de</strong>s Romains et leur appui nécessaire.<br />

Mais ce n'est pas encore le moment d'examiner s'il<br />

a dit ce qu'il <strong>de</strong>vait dire, si ses paroles s'accor<strong>de</strong>nt<br />

avec le caractère <strong>de</strong> son rôle. Je n'en suis pas à<br />

l'examen <strong>de</strong>s caractères : je ne considère que les<br />

ressorts <strong>de</strong> Faction et <strong>la</strong> marche <strong>de</strong> <strong>la</strong> pièce. On<br />

peut être surpris que Cinna ait changé <strong>de</strong> <strong>la</strong>ngage<br />

jusqu'à ce point. Mais lorsque Maxime, dans <strong>la</strong><br />

scène suivante, lui dit :<br />

Quel est votre <strong>de</strong>ssein après ces hmwL dtseows?<br />

et qu'il répond,<br />

Le même que f avais et que j'aurai toujours t<br />

on voit que <strong>du</strong> moins il n'a pas changé <strong>de</strong> sentiment.<br />

Il ne veut pas qu'Auguste m soit quitte<br />

pour l'effet d'un remords; que <strong>la</strong> tyrannie $oU<br />

impunie. Il ne veut épouser Emilie que sur <strong>la</strong> cendre<br />

d'Octave : ce serait un supplice pour lui <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

tenir d'un tyran. 11 n'a donc dissimulé que par un<br />

excès <strong>de</strong> haine et <strong>de</strong> rage; il est altéré <strong>du</strong> sang<br />

d'Auguste : il ne lui suffit plus que Rome soit libre,<br />

il faut que l'oppresseur périsse. Cette fureur<br />

peut paraître atroce, si Fou considère qu'il a <strong>mont</strong>ré<br />

dans le premier acte beaucoup moins <strong>de</strong> ressentiment<br />

personnel contre Auguste, qui d'ailleurs le<br />

comb<strong>la</strong>it <strong>de</strong> bienfaits, que d'ar<strong>de</strong>ur pour <strong>la</strong> liberté,<br />

pour l'honneur <strong>de</strong> <strong>la</strong> rendre à sa patrie, et enfin<br />

pour l'hymen d'Emilie, qu'il ne peut obtenir qu'à<br />

ce prix. On pourrait donc croire que, puisque l'abdication<br />

d'Octave et l'oflre <strong>de</strong> <strong>la</strong> main d'Emilie lui<br />

donnaient ce qu'il désirait le plus, il ne pouvait<br />

Vacharner à vouloir <strong>la</strong> mort d'un homme qui ne<br />

lui a fait aucun mal, et qui même ne lui a fait que <strong>du</strong><br />

bien. Mais on peut encore le justifier en ne voyant<br />

en lui qu'un inflexible républicain, qui veut, à quelque<br />

prix que ce soit, venger sa patrie et le sang <strong>de</strong><br />

ses concitoyens. Le spectateur, accoutumé à <strong>la</strong> férocité<br />

<strong>de</strong>s maximes romaines, peut encore se pré-

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