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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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SIÊCJLE DE LOUIS XIV. — POÉSIE.<br />

our le Caire pleurer comme si en effet<br />

il s'affligeait. En un mot, nous y allons pour être<br />

trompés 9 et tout ce que nous <strong>de</strong>mandons 9 c'est qu'on<br />

nous trempe bien. Je citerai 9 à ce propos 9 le mot<br />

d'un Ang<strong>la</strong>is qui était -venu voir lei tours d'adresse<br />

d'un fameur joueur <strong>de</strong> gobelets. A cité <strong>de</strong> lui se<br />

trouvait un <strong>de</strong> ces hommes toujours prêts à faire<br />

ce qu'on ne leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong> ps, et qui s'offrit, pour<br />

l'empêcher d'être <strong>du</strong>pe Y <strong>de</strong> lui <strong>mont</strong>rer d'avance le<br />

secret <strong>de</strong>s tours d'escamotage qu'il al<strong>la</strong>it foir. « Je<br />

vous en dispense; monsieur, dit froi<strong>de</strong>ment l'An*<br />

|lftîf 1 je paye ici pour être trompé. •<br />

471<br />

Mais pour tromper a?te le néons êê F art f II faut<br />

obscr?ar toutes les con?enani» sur lesquelles 11 est<br />

fondé. Or, une <strong>de</strong>s premières est que chaque personnage<br />

agisse et parle selon le oaraetère qu'on lui<br />

connaît. Un héros, un roi ne s'eiprime pas comme<br />

un homme <strong>du</strong> peuple; ni une reinet une princesse,<br />

comme une soubrette. Cest ce qu'enseignait Horace,<br />

lorsqu'il a dit : Qm ckaqm per$omm§e pmrk<br />

kkmg@@eqtdkd wfpropre. ïïnkêw$mé®i$pm<br />

s'exprimer comme Bmm> Ce précepte parait bien<br />

simple; cependant, jusqu'à Corbeille, on a?ait été<br />

presque toujours', sur <strong>la</strong> scène, ou p<strong>la</strong>t jusqu'à <strong>la</strong><br />

trivialité 9 ou boursouié <strong>de</strong> igures <strong>de</strong> rhétorique :<br />

ce <strong>de</strong>rnier défaut était surtout celui <strong>de</strong> Garnler;<br />

l'autre fut celui <strong>de</strong> Mairet. La tragédie me <strong>mont</strong>re<br />

<strong>de</strong>s rois et <strong>de</strong>s héros; elle me les <strong>mont</strong>re, non pas<br />

dans les actions indifférentes <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie, où tous les<br />

hommes peuvent se ressembler à un certain point,<br />

mais dans <strong>de</strong>s moments choisis 9 dans <strong>de</strong>s situations<br />

intéressantes. Je m'attends naturellement à' entendre<br />

un <strong>la</strong>ngage digne <strong>de</strong> leur rang9 conforme à leur<br />

caractère 9 adapté à leurs intérêts y à leurs passions,<br />

à leurs dangers; et, si je ne suis pas frustré dans<br />

mon attente, l'illusion s'établit et mon p<strong>la</strong>isir commence.<br />

Mais, si je les vois agir et parler comme<br />

mon voisin et mes voisines que j'ai <strong>la</strong>issées à <strong>la</strong> mai*<br />

son, je vois sur-le-champ que celui qui a voulu m'en<br />

Imposer n'y entend rien ; et 9 sous les habits <strong>de</strong> Mass<strong>la</strong>îsse<br />

et <strong>de</strong> Sophonisbe, je reconnais les bourgeois<br />

<strong>de</strong> mon quartier. C'est cette disconvenance pi choque<br />

dans ce que nous avons vu <strong>de</strong> <strong>la</strong> pièce <strong>de</strong> MaureL<br />

Est-ce bien <strong>la</strong> fille d'Aidrubal 9 l'épouse <strong>de</strong> Syphai,<br />

cette reine que l'histoire nous représente si 1ère et<br />

si sensible, et qui accepta <strong>du</strong> poison <strong>de</strong> <strong>la</strong> main <strong>de</strong><br />

Massinisse plutôt que d'être tramée en triomphe<br />

au Capitole? est-ce elle qui se con<strong>du</strong>it et qui s'énonce<br />

comme une veuve eoquette, pressée <strong>de</strong> se marier,<br />

et qui se jette à <strong>la</strong> tête d'un jeune homme qu'elle a<br />

trouvé beau ? Et Massinisse, qui ne Fa vue que dans<br />

ce seul moment où ces avances indécentes <strong>de</strong>vraient<br />

le prévenir contre elle, put-il convenablement lui<br />

offrir sur-le-champ <strong>de</strong> l'épouser ? Voilà pour le fond<br />

<strong>de</strong>s choses. Et le dialogue n'est-il pas entièrement <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> comédie ? Il est vrai que cette séparation si essentielle<br />

et si indispensable entre le <strong>la</strong>ngage familier et<br />

celui <strong>de</strong> <strong>la</strong> tragédie ne peut s'établir qu'à mesure<br />

que l'idiome s'épure et s'ennoblit. U fal<strong>la</strong>it faire à<br />

<strong>la</strong> fois ce double travail. Mais heureusement Fun<br />

tient à Fautre, et c'est l'habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> penser noblement<br />

qui donne <strong>de</strong> <strong>la</strong> noblesse au <strong>la</strong>ngage. Voilà le<br />

premier service que Corneille rendit à <strong>la</strong> lingue et<br />

au théâtre» Cest lui qui, k premier, marqua <strong>de</strong>s<br />

limites entre <strong>la</strong> diction tragique et le dis<strong>cours</strong> or-

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