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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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C0U1S DE LITTÉIÂTOIE.<br />

sance,et qui est aujourd'hui en elle-même un <strong>la</strong>erilee<br />

et no dévouement. Mon que j'aie pu <strong>de</strong>venir insensîMe<br />

à ces arts que j'ai tant aimés, ni surtout atii<br />

témoignages <strong>de</strong> bienveil<strong>la</strong>nce qu'ils m'ont procurés<br />

ici dans tous les temps, et qui sont restés dans mon<br />

coeur ; maïs, je ne le dissimulerai point, le charmes'est<br />

éloigné et affaibli : et que n'altéreraient pas nos longues<br />

années <strong>de</strong> révolution? Je sais que <strong>la</strong> faculté<br />

d'oublier jBst uo <strong>de</strong>s biens <strong>de</strong> l'homme, qui ne pourrait<br />

guère supporter à <strong>la</strong> fois et tout le passé et unit<br />

le présent; mais cette facilité, comme toutes les autres,<br />

doit avoir sa mesure ; et qui oublie trop et trop<br />

tel n'est ni assez instruit ni assez corrigé. J'excuse<br />

et n'envie point ceui qui peuvent vivre comme s'ils<br />

n'avaient ni souffert ni vu souffrir; mais qu'ils me<br />

pardonnent <strong>de</strong> ne pouvoir les imiter. Ces jours d'une<br />

dégradation entière et inouïe <strong>de</strong> k nature humaine<br />

sont sous mes yeux, pèsent sur mon âme, retombent<br />

sans cesse sous ma plume, <strong>de</strong>stinée à Jes retracer<br />

jusqu'à mon <strong>de</strong>rnier moment. Dans cette situation<br />

d'esprit, les lettres ne sont plus pour moi qu'une<br />

distraction innocente, et les arts ne se présentent<br />

plus à mon imagination que pour colorier les imposantes<br />

et déso<strong>la</strong>ntes idées qui peuvent seules m'oocuper<br />

tout entier. Sans doute, ceux qui ont tout oublié<br />

ne sauraient ra'entendre; mais je dirai à ceux<br />

qui pleurent encore, Et moi aussi je pleure avec ?ous.<br />

La douleur <strong>de</strong> l'homme sensible est comme <strong>la</strong> <strong>la</strong>mpe<br />

religieuse et solitaire qui veille auprès <strong>de</strong>s tombeaux;<br />

et qui serait assez barbare pour l'éteindre?<br />

D'ailleurs il ne faut pas s'y tromper : toutes les vérités<br />

se tiennent par <strong>de</strong>s liens plus ou moins apparents,<br />

mais toujours réels; et bien loin que <strong>la</strong> morale<br />

nuise au goût et au talent, elle épure et enrichit<br />

l'un et l'autre. Je p<strong>la</strong>ins ceux qui ne savent pas qu'il<br />

y a une dépendance secrète et nécessaire entre les<br />

principes qui fon<strong>de</strong>nt l'ordre social et les arts qui<br />

l'embel lissent. Je persisterai donc à joindre l'un avec<br />

l'autre, et je ne séparerai point ce que <strong>la</strong> nature a<br />

réuni. Je continuerai à regar<strong>de</strong>r avec compassion,<br />

plus encore qu'avec mépris, ces nouveaux précepteurs<br />

<strong>de</strong>s nations, qui si tristement et si fièrement<br />

seuls contre l'univers, contre l'expérience <strong>de</strong>s siècles<br />

, contre le cri <strong>de</strong> tous les sages, contre <strong>la</strong> conscience<br />

<strong>de</strong> tous les hommes, en sont venus à ne pas<br />

concevoir que l'on puisse lever les yeux vers <strong>la</strong> suprême<br />

justice qui règne éternellement dans k ciel,<br />

quand le crime règne un moment sur <strong>la</strong> terre : incurables<br />

fous, condamnés à ne se douter jamais <strong>de</strong><br />

réten<strong>du</strong>e <strong>de</strong> leur sottise et <strong>de</strong> <strong>la</strong> richesse <strong>de</strong> leurs<br />

ridicules; semb<strong>la</strong>bles à ces malheureux privés <strong>de</strong><br />

toute raison, qui, éta<strong>la</strong>nt leur nudité et leur folie,<br />

se moquent <strong>de</strong> tout ce qui n'est pas dégradé iê<br />

même, et rient <strong>de</strong> ceux fil ont pitié d'eux. Enfin,<br />

je ne cesserai <strong>de</strong> signaler ceux qui s'efforcent obstinément<br />

<strong>de</strong> séparer <strong>la</strong> terre <strong>du</strong> ciel, parce que le ciel<br />

les condamne, et qu'ils veulent envahir k terre; et<br />

Ton ne m'dtera ni l'horreur <strong>du</strong> mal ni l'espérance<br />

<strong>du</strong> bien » donec tromemt îniquîim*<br />

CHAPITRE PREMIER. — De ta Poésie frmçmim<br />

avant et <strong>de</strong>puis Marot Jusqu'à CorneMk.<br />

La poésie a été le berceau <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue français®!<br />

comme <strong>de</strong> presque toutes les <strong>la</strong>ngues connues.<br />

L 9 idiome provençal, qui était cekiï <strong>de</strong>s troubadours,<br />

nos plus anciens poètes, est le premier parmi<br />

nous qu'elle ait parlé, et même avec succès, pendant<br />

plusieurs siècles *. Us nues donnèrent k ri.ii»,<br />

soit qu'ils en fussent les inventeurs, soit qu'ils f eussent<br />

empruntée <strong>de</strong>s Maures d'Espagne f comme on<br />

le croit avec d'autant plus <strong>de</strong> vraisemb<strong>la</strong>nce f»<br />

<strong>la</strong> rime chez les Arabes était <strong>de</strong> <strong>la</strong> plus haute antiquité,<br />

et que l'on sait d'ailleurs que ces peuples conquérants<br />

lorsqu'ils passèrent d'Afrique dans le midi<br />

<strong>de</strong> l'Europe, au huitième siècle, <strong>la</strong> trouvèrent entièrement<br />

barbare, et portèrent les premiers dans<br />

nos climats méridionaux le goût <strong>de</strong> <strong>la</strong> poésie ga<strong>la</strong>nte<br />

et quelque teinture <strong>de</strong>s arts. Les troubadours, qui<br />

professaient ta science gmk (c'est ainsi qu'ils rappe<strong>la</strong>ient)<br />

et qui couraient le mon<strong>de</strong> en chantant IV<br />

mour et les dames, furent honorés et recherchés.<br />

Leur profession eut bientôt tant d'éc<strong>la</strong>t et d'avantages,<br />

les femmes,toujourssensibiesà<strong>la</strong> louange,<br />

traitèrent si bien ceux qui <strong>la</strong> dispensaient, que <strong>de</strong>s<br />

souverains se glorifièrent <strong>du</strong> titre et même <strong>du</strong> métier<br />

<strong>de</strong> troubadours. Ils fleurirent jusqu'au quatorzième<br />

siècle : ce fut le terme <strong>de</strong> leurs prospérités. Us t'étaient<br />

fort corrompus en se multipliant, et par <strong>de</strong>s<br />

abus et <strong>de</strong>s désordres <strong>de</strong> toute espèce, ils forcèrent<br />

le gouvernement <strong>de</strong> les réprimer, et tombèrent dans<br />

le discrédit. Ils firent p<strong>la</strong>ce aux poëtea français proprement<br />

dits, c'est-à-dire à ceux qui écrivaient dans<br />

<strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue nommée originairement <strong>la</strong>ngue romance,<br />

formée d'un mé<strong>la</strong>nge <strong>du</strong> <strong>la</strong>tinet <strong>du</strong> celte, et qui vert<br />

le onzième siècle s'appe<strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française : c'est te<br />

temps où elle parait avoir eu <strong>de</strong>s articles. Elle adopta<br />

<strong>la</strong> rime; et, quoique cette invention soit beaucoup<br />

moins favorable à <strong>la</strong> poésie que le vers métrique <strong>de</strong>s<br />

Grecs et <strong>de</strong>s Latins, elle parait absolument essentielle<br />

à <strong>la</strong> versification <strong>de</strong> nos <strong>la</strong>ngues mo<strong>de</strong>rnes, si<br />

éloignées <strong>de</strong> <strong>la</strong> prosodie presque musicale <strong>de</strong>s anciens.<br />

La rime est voisine <strong>de</strong> <strong>la</strong> monotonie ; mais elle<br />

• Yoyei Se Tabteau et !*t Uîiémimm mm moyen i§f*9 par<br />

M. YlUemaln, in», i¥% v* et n" leçon.

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