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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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SIÈCLE DB LOUIS XIV. — nOBGDUCIIOlf.<br />

convenances au style proportionné an sujet, étaient<br />

<strong>de</strong>s mérites ignorés. La scène, te barbeau* <strong>la</strong> chaire,<br />

n'avaient qu'un même tonf également indigne <strong>de</strong><br />

tous trois. Les malheureux efforts <strong>de</strong> Ronsard pour<br />

transporter dans le français les procédés <strong>du</strong> grée et<br />

<strong>du</strong> <strong>la</strong>tin , prouvèrent qu'inutilement rempli <strong>du</strong> génie<br />

<strong>de</strong>s <strong>la</strong>ngues anciennes 9 il n'était pas en état <strong>de</strong><br />

saisir celui qui était propreà <strong>la</strong> sienne. Deux hommes<br />

seuls, mais sons <strong>de</strong>s rapports aussi éloignés que<br />

les <strong>de</strong>grés <strong>de</strong> leur mérite « paient attirer l'attention<br />

: ce sont Rabe<strong>la</strong>is et Montaigne. Le premier<br />

était aussi naturellement gai9 que le second naturellement<br />

raisonnable; mais l'un abusa presque<br />

toujours <strong>de</strong> 6a gaieté jusqu'à <strong>la</strong> plus basse bouffon*<br />

iierie; l'autre <strong>la</strong>issa quelquefois aller <strong>la</strong> paresse <strong>de</strong><br />

sa raison jusqu'à l'excès <strong>du</strong> scepticisme. Rabe<strong>la</strong>is,<br />

à qui <strong>la</strong> Fontaine troufait tant d'esprit, et qui<br />

réellement en avait, ne l'exerça que dans k genre<br />

le plus facile, celui <strong>de</strong> <strong>la</strong> satire allégorique, habillée<br />

en grotesque. 11 fou<strong>la</strong>it se moquer <strong>de</strong>. tous<br />

ses contemporains, <strong>de</strong>s roisy <strong>de</strong>s grands y <strong>de</strong>s prétres9<br />

<strong>de</strong>s magistrats, <strong>de</strong>s religieux et <strong>de</strong> <strong>la</strong> religion ;<br />

et pour jouer impunément ce râle, toujoum.un peu<br />

dangereux 9 il prit celui <strong>de</strong> ces fous <strong>de</strong> cour à qui<br />

Ton permettait tout, parce qu'ils fusaient rire,<br />

et qui disaient quelquefois k vérité.sans danger,<br />

parce qu'ils <strong>la</strong> disaient sans conséquent». A l'égard<br />

<strong>de</strong> son talent, on m a dit trop et trop peu.<br />

Ceux que a rebutait son <strong>la</strong>ngage bisarre et obscur<br />

ont <strong>la</strong>issé là Rabe<strong>la</strong>is comme un insensé : ceux qui<br />

ont travaillé à le déchiffrer ont. exalté son mérite<br />

en raison <strong>de</strong> ce qu'il leur avait coûté à entendre.<br />

Au fond, il a, parmi beaucoup <strong>de</strong> fatras et d'or<strong>du</strong>res,<br />

<strong>de</strong>s traits et même <strong>de</strong>s morceaux pleins<br />

d'une verve satirique, originale et piquante; et,<br />

après tout, on ne saurait croire qu'un auteur que<br />

•<strong>la</strong> Fontaine lisait sans cesse> et dont il a souvent<br />

profité ,t n'ait été qu'un fou vulgaire.<br />

Montaigne était sans doute un esprit d'une trempe<br />

fort supérieure. Ses connaissances ttaient plus<br />

éten<strong>du</strong>es et mieux digérées que celles <strong>de</strong> Rabe<strong>la</strong>is :<br />

aussi se proposa-t-il un objet bien plus relevé et<br />

plus difficile à atteindre. Ce ne fut pas <strong>la</strong> satire<br />

<strong>de</strong>s vices et <strong>de</strong>s abus <strong>de</strong> son temps, attaqués déjà<br />

<strong>de</strong> tous cAtés ; ce fut l'homme tout entier et tel<br />

qu'il est partout qu'il voulut examiner en s'examinent<br />

lui-même, il avait voyagé et beaucoup ta;<br />

mais il fondit son érudition dans sa philosophie!<br />

Après avoir écouté les anciens et les mo<strong>de</strong>rnes,<br />

il se <strong>de</strong>manda ce qu'il en pensait. L'entretien fut<br />

assez long, et il y avait en effet <strong>de</strong> quoi parler<br />

longtemp. Avouons d'abord les défauts : c'est par<br />

là qu'il faut commencer avec les gens qu'on almef<br />

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afin <strong>de</strong> les.louer ensuite plus à son aiae. Sa dietion<br />

est incorrecte, même pour le temps, quoiqu'il ait<br />

donné à <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue <strong>de</strong>s expressions et <strong>de</strong>s tournures<br />

qu'elle a gardées comme <strong>de</strong> vieilles richesses ; il<br />

abus© <strong>de</strong> <strong>la</strong> liberté <strong>de</strong> converser, et perd <strong>de</strong> vue le<br />

point <strong>de</strong> <strong>la</strong> question établie; il été <strong>de</strong> mémoire, et<br />

fût <strong>de</strong>s applications fausses ou forcées <strong>de</strong> plus tf un<br />

passage; il resserre trop les bornes <strong>de</strong> nos conceptions<br />

sur plusieurs objets «que, <strong>de</strong>puis M, l'expérience<br />

et <strong>la</strong> lélexion n'ont pas trouvés inaccessibles.<br />

Tels sont, je crois, les*reproches qu'on peut lui<br />

faire : ils sont effacés pr les éloges qu'on lui doit.<br />

Comme écrivain, il a imprimé à <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue une<br />

sorte cf énergie familière qu'elle n'avait pas avant<br />

lui, et qui ne s'est point usée, parce qu'elle tient à<br />

celle <strong>de</strong>s sentiments et <strong>de</strong>s pensées, et qu'elle ne s'éloigne<br />

pas f comme dans Ronsard 9 <strong>du</strong> génie <strong>de</strong> notre<br />

idiome. Comme philosophe, il a peint l'homme tel<br />

qu'il est, sans l'embellir avec comp<strong>la</strong>isance, et sans<br />

le défigurer avec misanthropie. Ses écrits ont un<br />

eajractère <strong>de</strong> bonne foi qui leur est particulier : m<br />

n'est pas un livre qu'on lit; c'est une conversation<br />

qu'on écoute. Il persua<strong>de</strong> d'autant plus qu'il parait<br />

moins enseigner, il parle souvent <strong>de</strong> lui, mais <strong>de</strong><br />

manière à vous occuper <strong>de</strong> tous ; et il n'est ni vain,<br />

pî ennuyeux, ni hypocrite; troiA choses très-dillciles<br />

à éviter, quand on se met soi-même en scène<br />

dans ses écrits. Il n'est jaraail sec : son, âme ou mm<br />

caractère sont partout. Et quelle foule d'idées sur<br />

tous les sujets! quel trésor <strong>de</strong> bon sens! que <strong>de</strong><br />

confi<strong>de</strong>nces où son histoire est aussi celle <strong>du</strong> lee-<br />

• teur l'Heureux qui retrouvera <strong>la</strong> sienne propre dans<br />

ce chapitre sur famille, qui a immortalisé le nom<br />

<strong>de</strong> l'ami <strong>de</strong> Montaigne ! Ses Eôsals sont le livre <strong>de</strong><br />

tous ceux qui lisent, et même <strong>de</strong> ceux qui ne lisent<br />

pas.<br />

Nous avançons vers Fe dix-septième siècle, qui<br />

fat enfin celui <strong>de</strong> <strong>la</strong> France. La <strong>la</strong>ngue commençait<br />

à s'épurer; elle prenait <strong>de</strong>s formes plus exactes,<br />

un ton plus noble et; plus soutenu; elle acquérait<br />

<strong>de</strong> l'harmonie dans les vers <strong>de</strong> Malherbe et<br />

dans 1a prose <strong>de</strong> Balzac : mais celui-ci t moins occupé<br />

<strong>de</strong>s choses que <strong>de</strong>s mots, et s'appliquent surtout<br />

à l'arrangement et au nombre <strong>de</strong> <strong>la</strong> phrase,<br />

qui semb<strong>la</strong>ientators <strong>de</strong>s miracles, parce qu'ils étaient<br />

<strong>de</strong>s nouveautés, écrivit <strong>de</strong> manière que sa gloire,<br />

moins attachée au mérite <strong>de</strong> ses ouvrages qu'aux<br />

services- qu'il rendait à notre <strong>la</strong>ngue, est presque<br />

tombée dans l'oubli quand il est <strong>de</strong>venu inutile.<br />

C'est pentétre une espèce d'ingratitu<strong>de</strong>, mais qui<br />

ne prattra ps sans excuse, si l'on se souvient que<br />

<strong>du</strong> moins les écrivains <strong>de</strong> cette c<strong>la</strong>sse ont joui d'une<br />

réputation proportionnée au p<strong>la</strong>isir qu'ils procuraient<br />

à leurs contemporain!; que lea jouissances

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