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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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40<br />

G0U1S DE LITTÉ1ATUEE.<br />

<strong>de</strong> moins les raisons à ceux même qui n'enten<strong>de</strong>nt<br />

que le français.<br />

Dans cet examen comparatif <strong>de</strong>s <strong>la</strong>ngées , il faut<br />

<strong>de</strong> toute nécessité revenir aui premiers éléments f<br />

il faut parler <strong>de</strong>s noms , <strong>de</strong>s verbes , <strong>de</strong>s articles ,<br />

<strong>de</strong>s prépositions , <strong>de</strong>s particules ; car c'est <strong>de</strong> tout<br />

ce<strong>la</strong> que se composent <strong>la</strong> construction, l'expression<br />

et l'harmonie, c'est-à-dire les trois choses principales<br />

qui constituent <strong>la</strong> diction. Ne rougissons point<br />

<strong>de</strong> <strong>de</strong>scendre à ce détail 9 qui ne peut paraître petit<br />

que parce qu'on en parle très-inutilement aux enfants<br />

qui ne peuvent pas l'entendre; mais quand le<br />

philosophe pense à tout le chemin qu'il a fallu faire<br />

pour parvenir à un <strong>la</strong>ngage régulier et raisonnable?,<br />

malgré ses imperfections, <strong>la</strong> formation <strong>de</strong>s <strong>la</strong>ngues<br />

paraît une <strong>de</strong>s merveilles <strong>de</strong> l'esprit humain, que<br />

<strong>de</strong>ui choses seules ren<strong>de</strong>nt concevable s le temps<br />

et <strong>la</strong> nécessité.<br />

Une <strong>de</strong>s premières qualités d'une <strong>la</strong>ngue, est <strong>de</strong><br />

présenter à l'esprit, le plus tôt et le plus c<strong>la</strong>irement<br />

qu'il est possible, les rapports que les mots ont les<br />

uns avec les autres dans <strong>la</strong> composition d'une phrase.<br />

Ainsi 9 par exemple, les rapports <strong>de</strong>s noms entre eus<br />

ou avec les verbes sont déterminés par les cas. Le rudiment<br />

nous dit qu'il y en a six; mais ce<strong>la</strong> est bon<br />

à dire à <strong>de</strong>s enfants : ces cas appartiennent aux<br />

Grées et aux Latins ; quant à nous y nous n'en avons<br />

pas. Les cas sont distingués par différentes terminaisons<br />

<strong>du</strong> même mot, qui avertissent dans quel rapport<br />

il est avec ce qui précè<strong>de</strong> ou ce qui suit. Mous<br />

disons dans tous, les cas $ homme, him f Uvre, et<br />

nous sommes obligés <strong>de</strong> les différencier par un article<br />

ou par une particule; l'komine, <strong>de</strong> l'homme, à<br />

l'homme, par l'homme. Les femmes savantes <strong>de</strong><br />

Molière diraient ; Votià qui se décline. Point <strong>du</strong><br />

tout : voilà ce qu'on fait quand on ne peut pas décliner<br />

; car un mot qui ne change point <strong>de</strong> terminaison<br />

est ce qu'on appelle indéclinable. Décliner,<br />

c'est dire comme les Latins, homo, homMs, homini,<br />

hominem$ homàtw, et comme les Grecs,<br />

Mpciirac, Mpuirou, èêçmis®, ééfmmv, etc. Pourquoi?<br />

C'est que le mot, dès qu'il est prononcé,,<br />

m'avertit dans quelle re<strong>la</strong>tion il est avec les autres.<br />

On sera peut-être tenté <strong>de</strong> croire que ce défaut <strong>de</strong><br />

déclinaisons, auquel nous suppléons par <strong>de</strong>s articles<br />

et <strong>de</strong>s particules ; n'est pas une chose bien importante;<br />

mais c'est qu'on n'en voïtpas d'abord <strong>la</strong>eonséquence;<br />

et ce premier exemple <strong>de</strong> ce qui nous manque<br />

va faire voir combien tout se tient dans les <strong>la</strong>ngues.<br />

Cette privation <strong>de</strong> cas proprement dits est une<br />

<strong>de</strong>s causes capitales qui font que l'inversion n'est<br />

point naturelle à notre <strong>la</strong>ngue, et qui sous privent pr<br />

conséquent d'jun <strong>de</strong>s plus précieux avantages' <strong>de</strong>s<br />

<strong>la</strong>ngues anciennes. Pourquoi sera-t-on toujours<br />

choqué d'entendre dire, La vie conser&er je voudrais.?<br />

C'est que ce mot fa vie ne présente à l'esprit<br />

aucun rapport quelconque où l'on puisse s'arrêter.<br />

Vous ne savez, quand vous l'enten<strong>de</strong>z, s'il<br />

est nominatif ou régime, c'est-à-dire s'il doit amener<br />

un verbe ou le suivre. Ce n'est que lorsque <strong>la</strong><br />

phrase est finie que vous comprenez que le mot &<br />

vie est régi par le verbe conserver. Or, il y a dans<br />

toutes les têtes une logique secrète qui fait que<br />

vous désirez d'attacher une re<strong>la</strong>tion quelconque à<br />

chaque mot que vous enten<strong>de</strong>z ; et 9 pour suivre le<br />

fil naturel <strong>de</strong> ces re<strong>la</strong>tions, il faut absolument dire<br />

dans notre <strong>la</strong>ngue, Je voudrais conserver <strong>la</strong> vie,<br />

ce qui n'offre aucun nuage à <strong>la</strong> pensée. Mais si je<br />

commence ma phrase en <strong>la</strong>tin par te mot vUam,<br />

me voilà d'abord averti, par <strong>la</strong> désinence qui frappe<br />

mon oreille, que j'entends un accusatif; c'est-àdire<br />

un régime qui me promet un verbe. Je sais<br />

d'où je pars et où je vas ; et ce qui est pour un Français<br />

une inversion forcée qui le trouble, est pour<br />

moi, Latin, un ordre naturel d'idées. Mais, dira-ton<br />

peut-être, y a-t-il beaucoup d'avantages à pouvoir<br />

dire, La vie corner ver je voudrais, plutôt que<br />

Je voudrais conserver <strong>la</strong> vie? Non, il y en a fort<br />

peu pour cette phrase et pour telle autre que je<br />

choisirais dans le <strong>la</strong>ngage ordinaire. Mais <strong>de</strong>man<strong>de</strong>z<br />

aux poètes, aux historiens, aux orateurs, si<br />

c'est pour eux <strong>la</strong> même chose d'être obligés <strong>de</strong> mettre<br />

toujours les mots à <strong>la</strong> même p<strong>la</strong>ce, ou <strong>de</strong> les<br />

p<strong>la</strong>cer où l'on veut, et leur réponse développée fera<br />

voir qu'à ce même principe, qui fait que l'une <strong>de</strong>s<br />

<strong>de</strong>ux phrases est impossible pour nous et naturelle<br />

aux anciens, tient d'un côté une multitu<strong>de</strong> d'inconvénients<br />

9 et <strong>de</strong> l'autre une multitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> beautés.<br />

J'y reviendrai quand il s'agira <strong>de</strong> l'inversion. Nous<br />

n'aurions pas cru les déclinaisons si importantes ;<br />

et il me semble que ce<strong>la</strong> jette déjà quelque intérêt<br />

sur les reproches que nous avons à faire aux parti­<br />

cules, aux articles, aux pronoms, long et embarrassant<br />

cortège sans lequel nous ne saurions faire un<br />

pas. Af <strong>de</strong>9 <strong>de</strong>s, <strong>du</strong>9je9 moi, U, vous, nous, elle,<br />

le, <strong>la</strong>, les, et ce gué éternel 9 que malheureusement<br />

on ne peut appeler que retranché que dans les<br />

grammaires <strong>la</strong>tines : voilà ce qui remplit continuellement<br />

nos phrases. Sans doute accoutumés à notre<br />

<strong>la</strong>ngue, et n'en connaissant point d'autres, nous<br />

n'y prenons pas gar<strong>de</strong>. Mais croit-on qu'un Grec ou<br />

un Latin ne fût pas étrangement fatigué <strong>de</strong> nous voir<br />

traîner sans cesse cet attirail <strong>de</strong> monosyl<strong>la</strong>bes, dont<br />

aucun n'était nécessaire aux anciens, et dont ils ne<br />

se servaient qu'à leur choix? Voilà, entre autres<br />

choses, ce qui rend pour nous leur poésie si difficile

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