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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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C0U1S DE LITTÉMTU1E.<br />

424<br />

d'histoiref quelque chose à considérer dans <strong>la</strong> nature<br />

<strong>de</strong>s sujets 9 qui ne sont pas tous aussi favorables<br />

, soit pour l'intérêt, soit pour l'instruction, on<br />

a peioe à concevoir ce qu'à voulu dire Denys d'Halicarnasse,<br />

quand ii fait presque un crime à Thucydi<strong>de</strong><br />

d'avoir travaillé sur cette guerre <strong>du</strong> Péiopoaèse,<br />

époque désastreuse <strong>de</strong> tous les crimes et <strong>de</strong> tous les<br />

maux qui peuvent naître <strong>de</strong> l'ambition $ <strong>de</strong> <strong>la</strong> jalousie<br />

et <strong>de</strong> <strong>la</strong> discor<strong>de</strong>, et que Denys met en opposition<br />

avec l'époque que choisit Hérodote, qui fut<br />

celle <strong>de</strong> <strong>la</strong> constance et <strong>de</strong> <strong>la</strong> magnanimité <strong>de</strong>s Grecs.<br />

.Mais l'histoire n'est-elle instructive et digne d'attention<br />

que dans les tableaux <strong>de</strong>s prospérités et <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> gran<strong>de</strong>ur ? Les exemples qu'elle trace dans le mal<br />

comme dans le bien ne sont-ils pas éplement une<br />

leçon pour les âges suivants ? Et serait-Il moins<br />

utile d'inspirer l'horreur <strong>de</strong>s crimes que l'ému<strong>la</strong>tion<br />

<strong>de</strong>s vertus? Si Hérodote avait fait voir combien les<br />

Grecs avaient été grands dans <strong>la</strong> concor<strong>de</strong> et l'union,<br />

que pouvait faire <strong>de</strong> mieui Thucydi<strong>de</strong> que <strong>de</strong><br />

<strong>mont</strong>rer ce qu'ils s'étaient <strong>la</strong>it <strong>de</strong> mal et <strong>de</strong> déshonneur<br />

dans leurs opiniâtres dissensions et leurs atroces<br />

rivalités? Et n'était-ce pas encore un avantage<br />

d'avoir à peindre ce qu'il avait vu ? Le critique estil<br />

plus raisonnable quand il le reprend très-aigrement<br />

<strong>de</strong> sa sévérité à marquer toutes les fautes <strong>de</strong>s<br />

différents partis $ souillés tour à tour, ou tout à <strong>la</strong><br />

fois, par <strong>la</strong> perfidie, l'injustice et <strong>la</strong> cruauté, comme<br />

si c'était l'historien qui dût supporter l'odieux <strong>de</strong> ce<br />

qu'il est obligé <strong>de</strong> rapporter ? Toute cette mauvaise<br />

humeur est fort étrange dans un homme qui d'ailleurs<br />

paraît naturellement judicieux. 11 avoue et<br />

répète en. plusieurs endroits que P<strong>la</strong>ton et Thucydi<strong>de</strong><br />

jouissent <strong>de</strong> <strong>la</strong> plus haute réputation, et sont<br />

regardés comme les modèles à suivre, l'un parmi<br />

les philosophes, l'autre parmi les historiens; et il<br />

croit réfuter cette opinion en opposant sans cesse<br />

les défauts <strong>de</strong> leur diction à <strong>la</strong> perfection <strong>de</strong> Démosthènes.<br />

Mais d'abord le mérite propre <strong>de</strong> Fhistorien<br />

<strong>du</strong> philosophe, même dans le style, n'est pas<br />

celui <strong>de</strong> l'orateur, et c'est ce que Denys parait avoir<br />

oublié; et, à l'amertume <strong>de</strong> ses censures, on dirait<br />

qu'il est choqué <strong>de</strong> l'admiration qu'on a pour eux.<br />

Je ne l'accuse pas pourtant d'une partialité prouvée<br />

: il peut avoir eu quelques préventions particulières<br />

; il est si rare <strong>de</strong> n'en avoir aucune ! Le bon<br />

Plutarque a fait un Traité <strong>de</strong> ta malignité d'Hêrodote;<br />

et Denys, compatriote <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier, nous<br />

assure qu'Hérodote est partout un homme simple<br />

et bon. Ce qu'on aperçoit ici <strong>de</strong> plus avéré, c'est<br />

que Denys d'Halîcaraasse, quëque en général d'un<br />

jugement sain, n'a pas les conceptions assez nettes.<br />

Le jugement se <strong>mont</strong>re en ce que, P<strong>la</strong>ton et Thucy­<br />

di<strong>de</strong> exceptés, il caractérise les poètes $ les orateurs,<br />

les historiens, les philosophes <strong>de</strong> <strong>la</strong> Grèce, avec<br />

assez <strong>de</strong> justesse pour que Quintilien Tait suivi es<br />

cette partie <strong>de</strong> très-près, et quelquefois même Fait<br />

presque répété. Mais le défaut <strong>de</strong> netteté dans les<br />

vues générales ne se manifeste pas moins dans le<br />

vague <strong>de</strong> ses divisions et c<strong>la</strong>ssifications, trop susceptibles<br />

d'équivoque, et quelquefois <strong>de</strong> contrariété,<br />

au moins apparente, et dans ce qu'il appelle<br />

ses résumés, qui ne sont que <strong>de</strong> longues et fastidieuses<br />

répétitions, qui pro<strong>du</strong>isent les mêmes choses<br />

sans les fortifier ou les éc<strong>la</strong>ircir. Comme écrivain,<br />

Denys, dans ses ouvrages didactiques, est lâche,<br />

traînant, diffus, sans agrément, sans variété, sans<br />

élévation. Gommé critique, toutes ses théories se<br />

ré<strong>du</strong>isent à une seule idée dont le fond est vrai,<br />

mais qui n'est point <strong>du</strong> tout exposée comme elle <strong>de</strong>vrait<br />

l'être, et qui s'obscurcit encore en se perdant<br />

au -milieu <strong>de</strong> ses prolixes et minutieuses citations.<br />

En voici <strong>la</strong> substance : P<strong>la</strong>ton, Isocrate, Thucydi<strong>de</strong> 9<br />

ont les beautés et les défauts <strong>du</strong> style figuré; tous<br />

trois pèchent par l'affectation, l'un <strong>de</strong> <strong>la</strong> gran<strong>de</strong>ur,<br />

l'autre <strong>du</strong> nombre, le <strong>de</strong>rnier <strong>de</strong> <strong>la</strong> pensée; ce qui<br />

fait que le premier est quelquefois enflé, le secoué<br />

souvent monotone, et le troisième souvent obscur.<br />

Parmi ceux qui ont préféré le style simple, Lysias<br />

a eu toutes les grâces <strong>de</strong> <strong>la</strong> simplicité sans'tomber<br />

jamais, mais aussi sans jamais s'élever. Entre ces<br />

<strong>de</strong>ux sortes d'eitrêmes, Denys établit ce qulf appelle<br />

très-improprement, ce me semble, le gmre<br />

mûfem, qui joint tout le mérite d'une pureté soutenue<br />

et d'une simplicité attique à ce sublime <strong>de</strong>s<br />

igures <strong>de</strong> pensée et <strong>de</strong> mouvements <strong>du</strong> dis<strong>cours</strong>,<br />

sans aucune affectation ni dans le dis<strong>cours</strong> ni dans<br />

<strong>la</strong> pensée; et ce genre wwtjm est celui <strong>de</strong> Démosthènes.<br />

Telle est <strong>la</strong> substance d'un gros volume <strong>de</strong><br />

rhétorique, qui pouvait être abrégé <strong>de</strong>s trois quarts y<br />

et <strong>de</strong>vait être mieux conçu et mieux eipliqué. Il est<br />

hors <strong>de</strong> 'toute convenance <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>ui extrêmes,<br />

c'est-à-dire <strong>de</strong>ux exemples vicieui <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux c<strong>la</strong>sses<br />

d'écrivains : dont Fuse, celle <strong>de</strong> Lysias, d'Esehine,<br />

d'Hypéri<strong>de</strong>, est, <strong>de</strong> Faveu même <strong>de</strong> Denys, ie modèle<br />

<strong>du</strong> genre auquel ils se sont attachés, et n'a<br />

d'autre défaut que <strong>de</strong> n'être pas sublime ; et dont Fautre<br />

n'a péché que par l'abus <strong>de</strong>s qualités éminentes,<br />

telles que celles qui dominent dans P<strong>la</strong>ton, dans<br />

Isocrate, dans Thucydi<strong>de</strong>, c'est-à-dire, dans l'un <strong>la</strong><br />

noblesse et <strong>la</strong> richesse <strong>de</strong>s idées, dans l'autre.Fharmonie<br />

et l'éc<strong>la</strong>t <strong>du</strong> style, dans le <strong>de</strong>rnier <strong>la</strong> force et<br />

<strong>la</strong> profon<strong>de</strong>ur <strong>de</strong>s pensées. Tout ce qu'il y a ici <strong>de</strong><br />

vrai, c'est qu'en effet toute perfection est entre <strong>de</strong>ux<br />

excès, et

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