la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal
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C0U1S DE UTTÉMTOEE.<br />
pas le calme et le sang-froid , qui <strong>la</strong> distinguent <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> témérité. Sénèque traite fort sensément cet endroit,<br />
quoique beaucoup trop longuement 9 comme<br />
<strong>de</strong> coutume. 11 s'écrie à ce sujet :<br />
« La verte serait bien malheureuse, si die mmt besoin<br />
<strong>du</strong> se<strong>cours</strong> <strong>de</strong>s vices. »<br />
C'est peut-être une dm plus beMes lignes ( pour par-<br />
1er comme Di<strong>de</strong>rot ) qui soient Tenues sous <strong>la</strong> plume<br />
<strong>de</strong> Sénèque. Mais pour cette fois ce n'est pas ïmk<br />
<strong>de</strong> Di<strong>de</strong>rot, qui ne veut pas que les passions soient<br />
<strong>de</strong>s vices; et il est ici question <strong>de</strong> <strong>la</strong> colère comme<br />
habitu<strong>de</strong>, iracuntMa* (disaient les Latins), mot<br />
qui nous manque en français pur eiprimer substantivemeiit<br />
<strong>la</strong> différence <strong>de</strong> l'homme en colère à<br />
Thomme colère. Dès lors il est hors <strong>de</strong> doute que<br />
Yiracundia est une habitu<strong>de</strong> vicieuse, une passion,<br />
un fiée* Biais Di<strong>de</strong>rot soutient le contraire , c'est-àdire<br />
qu'il nie qu'unepassion soit un niée. Cependant<br />
nous appelons passions, dans un sens absolu<br />
it générique, les affections déréglées <strong>de</strong> rame; et<br />
quand nous foulons donner à ce mot une acception<br />
favorable , nous y joignons toujours une épithète qui<br />
le relèfe et le corrige, comme une passion noèk,<br />
louable, lêgitime9 etc. , «spèce <strong>de</strong> ûgure <strong>de</strong> diction<br />
reçue dans toutes les <strong>la</strong>ngues. Mais comment Di<strong>de</strong>rot<br />
prouve-t-il sa thèse? Comme il a coutume <strong>de</strong><br />
prouver. Il fie conçoUpas qu'un être sensible agisse<br />
sans passion; et il confond ainsi les affections naturelles<br />
quelconques avec les affections vicieuses<br />
qu'on appelle en français passions. Pour nous faire<br />
entendre qu'on n'agit point sans passion ( quoique<br />
ce seul énoncé, agir avec passion, soit universellement<br />
l'expression <strong>du</strong> blâme )? il ne lui faut que<br />
<strong>de</strong>ux lignes, et pas un mot <strong>de</strong> plus.<br />
« Le magistrat juge sans passion; mais c'eil par §&ût<br />
m par passion qu'il est magistrat. »<br />
Je ne connais guère que Dandin qui fût magistrat<br />
par passion, et j'en ai connu beaucoup qui ne Tétaient<br />
pas même par goût, sans compter que le goût<br />
n'est point <strong>la</strong> passion. Mais qu'importe à Di<strong>de</strong>rot?<br />
Vous voyez qu'il est au niveau <strong>de</strong> Sénèque, et comme<br />
loi, excellent raisonneur et stêlime moraMsÉe.Màm<br />
c'est avec cette rare logique qu'on endoctrine le<br />
genre humain, et-qu'on lui comman<strong>de</strong> <strong>de</strong> respecter<br />
les philosophes.<br />
« La raison est tranquille ou furieuse, »<br />
Ce n'est pas un axiome <strong>de</strong> Sénèque, c'est une ligne<br />
<strong>de</strong> Di<strong>de</strong>rot, dont Ja raison en effet est souvent/nrkme,<br />
m ce sens que <strong>la</strong> fureur lui tient lieu <strong>de</strong> rai-<br />
1 Ira, <strong>la</strong> colère ; imim, Thomme en colère; imcmném,<br />
l'homme colère. Jusque-là, aoua gommes m équivalent ; mais<br />
pour imcunàia, nous sommes obligés <strong>de</strong> dire rhaWtu<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> colère.<br />
son, comme dans ses réponses aux censeurs It Sénèque.<br />
Vous verrez qu'elles ne sont jamais que <strong>de</strong>s<br />
invectives qui supposent ta fureur, ou <strong>de</strong>s sophismes<br />
audacieux qui supposent un homme hors <strong>de</strong> sens.<br />
11 s'est appliqué surtout, ainsi que l'éditeur, à<br />
donner un grand poids aux suffrages qu'a obtenus<br />
Sénèque, et à décrier ceux qui se sont réunis contre<br />
lui, <strong>de</strong>puis Quîntilien jusqu'à nos jours. Ceci nous<br />
mène à l'examen <strong>de</strong>s autorités qu'on a voulu ba<strong>la</strong>ncer,<br />
et qui sont curieuses à peser. Mais auparavant<br />
je croîs <strong>de</strong>voir compléter cette analyse par un morceau<br />
<strong>du</strong> choix <strong>de</strong> nos adversaires, qui met à portée<br />
<strong>de</strong> les prendre pour ainsi dire corps à corps, et <strong>de</strong><br />
les combattre sur leur propre terrain. 11 faut leur<br />
êter te subterfuge fermai dans ces sortes <strong>de</strong> controverses,<br />
que l'on n'a <strong>mont</strong>ré que le cdté faible <strong>de</strong><br />
l'auteur. J 9 aî commencé par faire tout le contraire;<br />
mais ce n'est pas assez : je veux inir <strong>de</strong> même, et<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> manière <strong>la</strong> plus décisive. Di<strong>de</strong>rot nous propose<br />
un morceau <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux pages, sur lequel il consent<br />
que Sénèque soit jugé..<br />
« Si l'on doute, diMl, que Sénèque f série penser <strong>de</strong><br />
gran<strong>de</strong>s choses, et tes rendre amc noblesse, f en appellerai<br />
an dis<strong>cours</strong> qu'il a mis dans <strong>la</strong> eenclie ie Néron , au<br />
œmmeiieemêni do Traité <strong>de</strong> <strong>la</strong> Clémence, et je <strong>de</strong>mas»<br />
dorai quelques pages plus belles en aucun auteur, sans<br />
en eicepter Tacite. »<br />
Tant mieux : ce<strong>la</strong> s'appelle se présenter <strong>de</strong> bonne<br />
grâce; et pourquoi l'apologiste n'est-il pas toujours<br />
aussi franc <strong>du</strong> collier? Cependant il n'a pas voulu<br />
cette fois confier son auteur à un autre, et sa ver*<br />
sion n'est pas celle <strong>de</strong> <strong>la</strong> Grange. Mais il est juste<br />
<strong>de</strong> préférer celle-ci, car elle est plus fidèle et meilleure<br />
: et d'un ce té, Di<strong>de</strong>rot a joint ses fautes à celles<br />
<strong>de</strong> Sénèque, ce dont je ne veux pas profiter ; et<br />
<strong>de</strong> l'autre, il s'est permis <strong>de</strong>s suppressions qui changeraient<br />
un peu l'état <strong>de</strong>s choses, et par conséquent<br />
celui <strong>de</strong> <strong>la</strong> question. Lisons le morceau.<br />
« 11 est agréable <strong>de</strong> se dire à soi-même : Seul <strong>de</strong> tous<br />
les mortels, j'ai été choisi pour représeiier les dieux sur<br />
<strong>la</strong> terre. Arbitre absolu <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie et <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort <strong>de</strong>s nations y<br />
Se sort et f état <strong>de</strong> chaque Indivi<strong>du</strong> est remis dans mes<br />
mains. Cest par ma bouche que le fortune déc<strong>la</strong>re ce qu'elle<br />
Veut accor<strong>de</strong>r à chaque homme. C'est <strong>de</strong> mes réponses<br />
que les peuples et les villes reçoivent les motifs <strong>de</strong> leur joie.<br />
Molle partie do mon<strong>de</strong> n f est florissante que par ma fer car et<br />
ma volonté. Ces milliers <strong>de</strong> g<strong>la</strong>ires que <strong>la</strong> pâli relient dans le<br />
fourreau, d'an clin d'oeil je tes en ferai sortir. C'est moi qui<br />
déci<strong>de</strong> quelles nations eteireat être anéanties on transportées<br />
alSteiirs, affranchies on ré<strong>du</strong>ites en servitu<strong>de</strong> ; quels souveraias<br />
doivent être <strong>la</strong>its ese<strong>la</strong>res; quels fronts doivent être<br />
ceints <strong>du</strong> ban<strong>de</strong>au royal ; quelles Tilles doivent être détruites,<br />
quelles cités s'élever sur leurs débris. Malgré cette puis<br />
sauce suprême, on ne peut pas me reprocher un seul supplice<br />
injuste. Je ne me guis <strong>la</strong>issé emporter, ni par <strong>la</strong> colère,