la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal
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ANCIENS. — PHILOSOPHE.<br />
lion est coilée à Famé, sont par conséquent <strong>de</strong>s<br />
lois pour elle-même, qu'elle ne peut violer sans attenter<br />
à <strong>la</strong> nature <strong>de</strong> l'homme, qui est celle d'un animal<br />
, et par conséquent sans désobéir à Dieu 9 qui en<br />
est fauteur, aurait pu rétorquer contre Soerate ses<br />
propres arguments, jusqu'à rembanrasserbeaucoup,<br />
même sur cette excellence <strong>de</strong> <strong>la</strong> substance pensante,<br />
qui est pourtant une térîté, et une ?érîlé nécessaire*<br />
Aussi tout ce que je prétends inférer <strong>de</strong> cette observation<br />
, c'est que, dans <strong>de</strong>s matières si importantes,<br />
il n'y a point d'erreur indifférente, et qu'il faut se<br />
gar<strong>de</strong>r soigneusement <strong>de</strong> l'enthousiasme, même en<br />
morale comme en toute autre chose. La mesure <strong>du</strong><br />
bien est ce qu'il y a <strong>de</strong> plus essentiel dans le bien;<br />
et le siècle qui va finir fera époque dans tous les<br />
siècles, pour leur avoir enseigné, par un mémorable<br />
exemple 9 que l'enthousiasme <strong>de</strong> <strong>la</strong> philosophie,<br />
le fanatisme <strong>de</strong> <strong>la</strong> mîsm, sont capables <strong>de</strong> faire plus<br />
<strong>de</strong> mal que tout autre enthousiasme et tout autre<br />
fanatisme, précisément parce que <strong>la</strong> raison et <strong>la</strong> philosophie<br />
sont en elles-mêmes <strong>de</strong> très-bonnes choses,<br />
et que l'abus <strong>du</strong> très-bon, suivant un fieil axiome,<br />
est très-mauvais.<br />
Mais rien n'a fait plus d'honneur à Soerafe et à<br />
P<strong>la</strong>ton que <strong>la</strong> guerre opiniâtre qu'ils déc<strong>la</strong>rèrent tous<br />
<strong>de</strong>ux aux sophistes <strong>de</strong> leur temps, et que le disciple<br />
poursuivit avec courage, quoiqu 9 elle eût coûté <strong>la</strong><br />
vie au maftre. Ces sophistes tels que nous les voyons<br />
aujourd'hui dans les écrits <strong>de</strong> P<strong>la</strong>ton ne nous paraissent<br />
qu'impu<strong>de</strong>nts et ridicules; mais <strong>la</strong> vogue<br />
et le crédit qu'ils eurent un certain temps prouvent<br />
que leur char<strong>la</strong>tanisme ne <strong>la</strong>issait pas d'être contagieux,<br />
surtout ches un peuple qui, entre autres rapports<br />
avec le peuple français, avait particulièrement<br />
celui <strong>de</strong> se piquer d'esprit par-<strong>de</strong>ssus tout, et <strong>de</strong><br />
mettre ainsi au premier rang dans l'opinion ce qui,<br />
dans les choses et dans les hommes f ne doit jamais<br />
être qu'au second, puisque l'honnêteté doit être<br />
partout au premier. On peut juger <strong>de</strong> <strong>la</strong> jactance<br />
d'un Protagoras, d'un Oorgias, et d'une foule d'autres<br />
qui se vantaient d'être prêts à répondre sur-lechamp<br />
à toutes sortes <strong>de</strong> questions, <strong>de</strong> soutenir le<br />
puur et le contre sur toutes sortes <strong>de</strong> sujets, et <strong>de</strong><br />
fournir <strong>de</strong>s arguments pour dé<strong>mont</strong>rer le faux et<br />
infirmer le vrai en tout genre. Il fal<strong>la</strong>it bien que<br />
cette gran<strong>de</strong> science, pi m bonne police n'est qu'un<br />
grand scandalei et aux yeux <strong>du</strong> bon sens une gran<strong>de</strong><br />
Ineptie, ne fût pas sans attrait, au moins pour les<br />
jeunes gens, puisque ceux qui <strong>la</strong> professaient j gagnèrent<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> célébrité et <strong>de</strong>s richesses, quoiqu'elle<br />
ne fût pat sans inconvénient pour les professeurs<br />
eux-mêmes, pisepe pluMeu» furent mis en justice<br />
et condamnés lies amen<strong>de</strong>s ou à Pexil, et que<br />
S51<br />
les livres <strong>de</strong> Protagoras, qui avait mis <strong>la</strong> Divinité<br />
en problème, furent brûlés sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce publique<br />
d'Athènes. Mais cette animadversion <strong>de</strong>s magistrats<br />
n'avait Heu que sur les matières qui touchaient à <strong>la</strong><br />
religion, <strong>la</strong> seule chose que les Grecs ne permissent<br />
pas <strong>de</strong> tourner en controverse. Du reste, les sophistes<br />
avaient toute liberté, et l'on conçoit sans peine<br />
que <strong>de</strong>s leçons <strong>de</strong> cette nature pouvaient être <strong>du</strong><br />
goût <strong>de</strong> <strong>la</strong> jeunesse, toujours si disposée à regar<strong>de</strong>r<br />
toute nouveauté comme un bien, et toute espèce <strong>de</strong><br />
frein comme un mal. Aussi courait-elle en foule à<br />
<strong>la</strong> suite <strong>de</strong>s sophistes, qui al<strong>la</strong>nt <strong>de</strong> ville en ville,<br />
mettaient partout à contribution <strong>la</strong> curiosité et <strong>la</strong><br />
cré<strong>du</strong>lité. L'on sait que c'est là le fonds sur lequel<br />
les char<strong>la</strong>tans en tout genre ont p<strong>la</strong>cé leur revenu,<br />
dans tous les lieux et dans tous les temps ; et c'est<br />
peut-être le seul qu'on n f ait jamais pu appeler un<br />
fonds per<strong>du</strong>. 11 était très-fructueux pour ces maîtres<br />
nouveaux, d'autant plus courus qu'ils se faisaient<br />
payer plus cher, comme c'est <strong>la</strong> coutume;<br />
maïs qui pourtant 9 s'ils faisaient <strong>de</strong>s <strong>du</strong>pes, Tétaient<br />
quelquefois eux-fnémes<strong>de</strong> leurs disciples, tant ceux-ci<br />
profitaient bien <strong>de</strong> leurs leçons. Aulu-Gelle en "rapporte<br />
on exemple que je crois pouvoir citer comme<br />
uses amusant pour égayer m% peu le sérieux continu<br />
<strong>de</strong>s matières que nous traitons.<br />
Un jeune homme, nommé Évathle, .qui se <strong>de</strong>stinait<br />
au barreau, avait fait marché avec Protagoras<br />
pour apprendre <strong>de</strong> lui toutes les finesses <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>idoirie<br />
et <strong>de</strong> <strong>la</strong> chicane, moyennant une certaine<br />
somme, mais sous <strong>la</strong> condition qu'il n'en payerait<br />
d'abord qu'une moitié, et ne serait tenu <strong>de</strong> payer<br />
l'autre qu'après le 'gain <strong>de</strong> <strong>la</strong> première cause qu'il<br />
p<strong>la</strong>i<strong>de</strong>rait. Le jeune avocat, bien endoctriné, ne se<br />
hâte pourtant pas <strong>de</strong> mettre ses talents à répreuve,<br />
et i quoique pressé par son maître ,«qui avak le double<br />
intérêt <strong>de</strong> faire briller son disciple et d'en être<br />
payé, il diffère toujours d'entrer en lice, jusqu'à<br />
ce qu'enln le sophiste impatienté le fait assigner<br />
sur sa promesse écrite, et, se croyant sûr <strong>de</strong> son<br />
fait, débute ainsi «<strong>de</strong>vant les juges, d'un ton triomphant,<br />
et avec rasâuranced'un maftrequi va confondre<br />
un écolier :<br />
« De quelque manière que cette efeMre soit jugée, mon<br />
débiteur ne peut manquer d'être obligé ai payement; car<br />
<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux choses l'use : ou il perdra sa casse, etf m couse*<br />
faeaeeie votre arrêt 9 È font qull meftye ; ou fl <strong>la</strong> gagnent<br />
et dès kirs» panière casse étant §a§aée f il s'ensuit encore<br />
qn f l f<strong>la</strong>il me payer. »<br />
Gran<strong>de</strong>s acc<strong>la</strong>mations. Le jeune homme se lève i<br />
son tour, et <strong>du</strong> ton le plus tranquille :<br />
« J'accepte, dit-il à sea maître, cette même alternatif e<br />
comme te vrai fon<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> toute cette cause, et connu