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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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m»ares qu'il nous t <strong>la</strong>issées sent , I proprement •<br />

parler, <strong>de</strong>s sommaires <strong>de</strong> leurs actions principales,<br />

semés <strong>de</strong> réflexions judicieuses. Mais 9 en rapportant<br />

les événements 9 il a négligé les détails qui<br />

peignent les hommes , et ces traits caractéristiques<br />

dont <strong>la</strong> réunion forme leur physionomie : Rome<br />

n'a point eu <strong>de</strong> Plutarque.<br />

Suétone s'est jeté dans l'excès contraire; il est<br />

exact jusqu'au scrupule, et rigoureusement méthodique<br />

: il n $ omet rien <strong>de</strong> ce qui concerne l'homme<br />

«font il écrit <strong>la</strong> fie ; il rapporté tout, mais il ne peint<br />

rien. C'est proprement un anecdotier, si Ton peut<br />

f® sertir <strong>de</strong> ce terme, mais fort curieux à lire et à<br />

«insulter. On rit <strong>de</strong> cette attention dont il se- pique<br />

dans les plus petites choses; mais souvent on<br />

ji'est pas fâché <strong>de</strong> les trouver. D'ailleurs, il cite <strong>de</strong>s<br />

oui-dire, et ne les garantit pas. S'il abon<strong>de</strong> en détails<br />

t il est fort sobre <strong>de</strong> réflexions. Il raconte sans<br />

s'arrêter, sans s'émouvoir : sa fonction unique est<br />

celle <strong>de</strong> narrateur. Il résulte <strong>de</strong> cette indifférence<br />

an préjugé bien fondé en faveur <strong>de</strong> son impartialité.<br />

11 n'aime ni ne hait personnellement aucun <strong>de</strong>s hommes<br />

dont il prie; il <strong>la</strong>isse au lecteur à les juger.<br />

Suétone était secrétaire <strong>de</strong> l'empereur Adrien.<br />

Mais le plus justement estimé, le plus relu et le<br />

meilleur à relire parmi les biographes <strong>de</strong> tous les<br />

pays, c'est sans contredit Plutarque. D'abord le<br />

p<strong>la</strong>n <strong>de</strong> ses Fk$ pamMêks, établi sur le rapprochement<br />

<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ' personnages célèbres chez <strong>de</strong>ux<br />

nations qui ont donné le plus <strong>de</strong> modèles au mon<strong>de</strong>,<br />

Rome et <strong>la</strong> Grèce,_ est en morale et en histoire une<br />

idée <strong>de</strong> génie. Aussi l'histoire n'est-elle nulle part<br />

aussi essentiellement morale que dans Plutarqne.<br />

Si l'on peut désirer quelque chose dans sa narration,<br />

qui n'est pas toujours aussi c<strong>la</strong>ire, aussi méthodique<br />

qu'elle pourrait Titre, il faut se souvenir d'abord<br />

qu'elle suppose toujours <strong>la</strong> connaissance antérieure<br />

<strong>de</strong> l'histoire générale. Cest <strong>de</strong> l'homme<br />

qu'il s'occupe, plus que <strong>de</strong>s choses ; son sujet est<br />

particulièrement l'homme dont il.écrit <strong>la</strong> vie; et,<br />

sous ce point <strong>de</strong> vue, il le remplît toujours aussi<br />

bien qu'il est possible, non pas en accumu<strong>la</strong>nt 'les<br />

détails, comme Suétone, mais en choisissant <strong>de</strong>s<br />

traits. Quant aux ParoMéks qui en sont le résultat,<br />

ce sont <strong>de</strong>s morceaux achevés; c'est là surtout<br />

qu'il est supérieur, et comme écrivain, et comme<br />

philosophe. Jamais personne ne s'est <strong>mont</strong>ré plus<br />

digne <strong>de</strong> tenir <strong>la</strong> ba<strong>la</strong>nce où <strong>la</strong> justice <strong>de</strong>s siècles<br />

pèse les hommes et leur assigne leur véritable valeur.<br />

Personne ne s'est moins <strong>la</strong>issé sé<strong>du</strong>ire ou éblouir<br />

par ce qu'il y a <strong>de</strong> plus éc<strong>la</strong>tant, et n'a mieux saisi<br />

et même fait valoir le soli<strong>de</strong>. Il examine et apprécie<br />

tout; il confronte le héros avec lui-même, les ae-<br />

COURS DE LOTÉRATUIE.<br />

iloss avec Ici m#tis f te succès mm les moyeu, les<br />

fautes avec les excuses; et <strong>la</strong> justice, <strong>la</strong> vertu, IV<br />

nxrar <strong>du</strong> bien, sont toujours m qui détermine son<br />

jugement, qu'il prononce toujours avec autant d@<br />

réserve que <strong>de</strong> gravité. Ses réflexions sont d'ailleurs<br />

un trésor <strong>de</strong> sagesse et <strong>de</strong> vraie politique : c'est <strong>la</strong><br />

meilleure école pour ceux qui veulent diriger leur<br />

vie publique, et même privée, sur les règles <strong>de</strong> l'honnêteté.<br />

Ce n'est pas qu'on ne lui ait fait quelques reproches<br />

plus ou moins fondés. Je ne sais si nous sommes<br />

assez savants en grec pour censurer mm style<br />

aussi <strong>du</strong>rement que Fâ fait Dacier, qui apparemment<br />

a craint pour cette fois <strong>de</strong> donner dans l'excès<br />

<strong>de</strong> comp<strong>la</strong>isance attribué aux tra<strong>du</strong>cteurs, et<br />

qui peut-être est tombé dans l'excès contraire. Il le<br />

trouve dépourvu <strong>de</strong> toutes ks grâces <strong>de</strong> sa tangue,<br />

<strong>de</strong> nombre, d'harmonie, d'mrangemenê, <strong>de</strong> rêgk<br />

dans ses pério<strong>de</strong>s. C'est beaucoup. Je ne suis pas<br />

assez helléniste pour être si sévère, mais je doute<br />

'que Dacier ait été assez mesuré dans sa critique.<br />

Je suis sûr au moins qu'il en est <strong>de</strong> Plutarqne, four<br />

sa diction, comme <strong>de</strong>s auteurs grecs, qui tous ont<br />

<strong>de</strong>s tournures .et <strong>de</strong>s constructions qu'ils affectionnent,<br />

et qui sont comme <strong>de</strong>s éléments <strong>de</strong> leur<br />

style ; <strong>de</strong> façon qu f en passant d'un auteur à l'autre,<br />

il faut, dans les vingt premières pages 9 faire une<br />

sorte d'apprentissage <strong>de</strong>s tours <strong>de</strong> phrases qii sont<br />

familiers à chacun. 11 se peut aussi que le béotien<br />

Plutarque n'ait pas <strong>la</strong> pureté attique; mais il m 9 a<br />

paru que son style, autant que je puis en juger, se<br />

manque m <strong>de</strong> dignité, ni <strong>de</strong> force, ni même <strong>de</strong><br />

c<strong>la</strong>rté. Il y a <strong>de</strong>s endroits obscurs; et où n'y en at-il<br />

pas? L'altération inévitable dans les anciens<br />

manuscrits suffît pour faire comprendre que ces<br />

obscurités ne sont pas <strong>de</strong> Fauteur lui-même, quand<br />

sa pensée est ordinairement c<strong>la</strong>ire, ainsi que son<br />

expression.<br />

On a pu lui reprocher avec plus <strong>de</strong> justice <strong>de</strong>s<br />

endroits trop poétiques et trop Igurés, qui ne sont<br />

pas <strong>du</strong> ton <strong>de</strong> Fhistoire, et l'espèce <strong>de</strong> bigarrure que<br />

forment quelquefois les fragments <strong>de</strong>s poètes et<br />

<strong>de</strong>s philosophes qu'il insère dans son -teste sans en<br />

avertir. Lui-même se <strong>la</strong>isse aller aussi <strong>de</strong> temps es<br />

temps à <strong>de</strong>s excursions philosophiques trop éten<strong>du</strong>es<br />

et trop abstraites, suite naturelle <strong>de</strong>.son goût<br />

dominant pour les recherches et les réflexions en<br />

tout genre. Il porte cet esprit dans l'érudition historique,<br />

et l'on se passerait bien <strong>du</strong> travail qu'il prodigue<br />

un peu en dissertations mythologiques, géo*<br />

graphiques, généalogiques, critiques, qui seraient<br />

mieux dans Pausanias que cties lui. On voit qu'en<br />

total m n'est pas un écrivain d'un goût pur. Mais

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