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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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28<br />

et déci<strong>de</strong> en faveur <strong>de</strong> <strong>la</strong> tragédie. Il se me conviendrait<br />

pas d'être d'un a?Is différent <strong>du</strong> sien.<br />

CHAPITRE IL — Analyse eu TRAITé DU<br />

SoiLiMi <strong>de</strong> Longin.<br />

SI quelque chose semble se refuser à toute analyse,<br />

et même à toute définition, c f est sans doute<br />

le sublime. En effet, comment définir ce qui ne peut<br />

jamais être préparé par le poète ou l'orateur, ni<br />

prêta par ceoi qui lisent ou qui écoutent; ce qu'où<br />

ne pro<strong>du</strong>it que par une espèce <strong>de</strong> transport; ce<br />

qu'on ne sent qu'arec enthousiasme; esta ce qui<br />

met également hors d'eux-mêmes, et f artiste qui<br />

compose, et <strong>la</strong> multitu<strong>de</strong> qui admire? Gomment<br />

rendre compte d'une immense impression qui est<br />

à <strong>la</strong> fois <strong>la</strong> plus rire et <strong>la</strong> plus rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong> toutes? et<br />

quelle explication s'est pas aussi froi<strong>de</strong> qu!issufisaste,<br />

lorsqu'il s'agit <strong>de</strong> développer aux hommes<br />

ce qui a si fortement ébranlé toutes les puissances<br />

<strong>du</strong> leur âme? Qui se sait que dans tous les sentiments<br />

extrêmes il y a quelque chose au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong><br />

toute expression, et que, quand notre âme est émue<br />

à un certain <strong>de</strong>gré, cfest pour elle une espèce <strong>de</strong><br />

tourment <strong>de</strong> ne plus trouver <strong>de</strong> <strong>la</strong>ngage? S'il est<br />

reconnu que <strong>la</strong> faculté <strong>de</strong> sentir 6'étesd fort loin<br />

au <strong>de</strong>là <strong>de</strong> celle d'eiprimer, cette vérité est surtout<br />

applicable au sublime, qui émeut en nous tout ce<br />

qu'il est possible d'émouvoir» et nous donne le plus<br />

grand p<strong>la</strong>isir que nous puissions éprouver, c'est-àdire<br />

<strong>la</strong> jouissance intime <strong>de</strong> tout ce que <strong>la</strong> nature a<br />

mis en nous <strong>de</strong> sensibilité.<br />

Lorsque nous venons d'entendre une belle scène,<br />

un beau dis<strong>cours</strong>, un beau morceau <strong>de</strong> poésie, si<br />

quelqu'un venait nous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r pourquoi ee<strong>la</strong> nous<br />

a fait p<strong>la</strong>isir, pourquoi nous avons app<strong>la</strong>udi, chacun<br />

<strong>de</strong> nous, suivant ses connaissances, pourrait<br />

rendre compte <strong>de</strong> son jugement, et louer plus ou<br />

moins dans l'ouvrage l'ensemble ou. les détails, les<br />

pensées, <strong>la</strong> diction, l'harmonie, enln tout ce que<br />

Fart enseigne à bien connaître, et le goAt à bien<br />

apprécier. Mais lorsque le vieil Horace a prononcé<br />

le fameux qu'il mourût, lorsqu'à ce mot les spectateurs<br />

ont jeté tous ensemble le même cri d'admiration,<br />

si quelqu'un venait leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r pourquoi<br />

ils trouvent ce<strong>la</strong> si beau, qui est-ce qui voudrait<br />

répondre à cette étrange question? et que pourrait-on<br />

répondre, si ce n'est : Ce<strong>la</strong> est beau, parce<br />

que nous sommes transportés ; ce<strong>la</strong> est beau, parce<br />

que nous sommes hors <strong>de</strong> sous-mêmes ? Quand le<br />

COU1S DE L1TTÉEATU1E.<br />

grand Scipion, aêcusé par les tribuns, parut dans 1<br />

l'assemblée <strong>du</strong> peuple f et que, pour toute défense, '<br />

il dit : Romains, Mpa vingt ans qm*à pareiljour<br />

je vainquis Annibal, eê soumis Carthaqe ; rnëums<br />

au CapUok en rendre yrâces aux dieux; un cri<br />

général s'éleva, et tout le mon<strong>de</strong> le suivit. C'est que<br />

Scipion avait été sublime, et qu'il a été donné au<br />

sublime <strong>de</strong> subjuguer tous les hommes.<br />

Le sublime dont je parle ici est nécessairement<br />

rare et instantané; car rien <strong>de</strong> ce qui est extrême<br />

ne peut être commun ni <strong>du</strong>rable. C'est un mot, un<br />

trait, «ta mouvement, un geste, et son effet'est<br />

celui <strong>de</strong> l'éc<strong>la</strong>ir ou <strong>de</strong> <strong>la</strong> foudre. Il est tellement indépendant<br />

<strong>de</strong> l'art qu'il peut se rencontrer dans <strong>de</strong>s<br />

personnes qui n'ont aucune idée <strong>de</strong> l'art. Quiconque<br />

est fortement passionné, quiconque a lime<br />

élevée, peut trouver un mot sublime. On en cannait<br />

<strong>de</strong>s -exemples. C'est use femme d'une condition<br />

commune qui répondit à un prêtre, à propos <strong>du</strong><br />

sacrifice dlsaac, ordonné à son père Abraham :<br />

Bien n'aurait jamais ordonné m sacr^œ à me<br />

tnêre.<br />

Ce mot est le sublime <strong>du</strong> sentiment maternel. Il<br />

y a plus : le sublime peut se rencontrer même dans<br />

le silence. Ce fameux ligueur, Btusy-Le<strong>de</strong>ic, m<br />

présente au parlement, suivi <strong>de</strong> ses satellites. 11<br />

ordonne aux magistrats <strong>de</strong> rendre un arrêt centre<br />

les droits <strong>de</strong> <strong>la</strong> maison <strong>de</strong> Bourbon, ou <strong>de</strong> le suivra<br />

à <strong>la</strong> Bastille. Personne ne lui répond, et tous se<br />

lèvent pour le suivre. Yoilà le sublime <strong>de</strong> <strong>la</strong> vertu.<br />

Pourquoi ? c'est que nulle réponse ne pouvait en<br />

dire autant que ce silence ; car sans prétendre définir<br />

exactement le sublime (ce que je crois impossible),<br />

s'il y a un caractère distioctif auquel on puisse 1e<br />

reconnaître, c'est que le sublime, soit <strong>de</strong> pensée,<br />

soit <strong>de</strong> sentiment, soit d'image, est tel en lui-même,<br />

que l'imagination, l'esprit, l'âme, se conçoivent<br />

rien au <strong>de</strong>là» Appliquez ce principe! tous les exemples<br />

, et il se trouvera vrai. Ce qui est beau, ce qui<br />

est grand, ce qui est fort, admet le plus ou le moins.<br />

Il n'y en a pas dans le sublime. Essayez d'imaginer<br />

quelque chose que Scipion 'eût pu dire au lieu <strong>de</strong><br />

ce qu'il a dit; substituez quelque dis<strong>cours</strong> que ce<br />

soit au silence <strong>de</strong>s magistrats, et toujours vous resterez<br />

au-<strong>de</strong>ssous, alerter-tons dani <strong>la</strong> situation <strong>du</strong><br />

vieil Horace, et cherchez ce que peut imaginer le<br />

sentiment le plus exalté <strong>du</strong> patriotisme et <strong>de</strong> l'honneur,<br />

et vous ne concevrez rien aur<strong>de</strong>ssus au qu'il<br />

mourût* Rappelez-vous uae autre situation, celle<br />

d'Ajax, qui, dans le moment où tes Grecs plient<br />

<strong>de</strong>vant les Troyess, que Jupiter protège, se trouve<br />

enveloppé d'une obscurité affreuse qui ne lui per­<br />

met pas même <strong>de</strong> combattre; et cherchez ce que<br />

l'audace orgueilleuse d'us guerrier au désespoir<br />

peut, lui suggérer <strong>de</strong> plus fort : l'imagination même,

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