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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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étroit et escarpé, oà tout le mon<strong>de</strong> marche es silence<br />

et les yeux baissés. Telle était <strong>la</strong> condition<br />

<strong>de</strong>s Romains <strong>de</strong>puis Auguste, dont le règne, il est<br />

irai , a donné son nom à cette époque bril<strong>la</strong>nte <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> perfection <strong>du</strong> goit dana te <strong>la</strong>ngage et dans les<br />

arts <strong>de</strong> l'imagination, mais qui fit aussi périr <strong>la</strong> ?éritable<br />

éloquence avec <strong>la</strong> république et Cieéron.<br />

La poésie, quoiqu'elle ait , comme tons les arts,<br />

besoin <strong>de</strong> liberté, en est pourtant un peu moins dépendante<br />

que l'éloquence, elle est moins effrayée<br />

<strong>de</strong>s tyrans f parce qu'elle-même les effraye un peu<br />

moins. Sa voix, moins austère, est plus consacrée<br />

au p<strong>la</strong>isir qu'à l'instruction, aux illusions qu'à <strong>la</strong><br />

vérité; et le charme <strong>de</strong> ses jeux et <strong>de</strong> ses fables peut<br />

se faire sentir an tyrans mêmes, s'ils ne sont pas<br />

stupi<strong>de</strong>s : encore faut-il qu'elle ait soin d'écarter <strong>de</strong><br />

son <strong>la</strong>ngage et <strong>de</strong> ses inventions tout ce qui pourrait<br />

a<strong>la</strong>rmer <strong>de</strong> trop près <strong>la</strong> conscience <strong>de</strong>s méchants.<br />

Virgile, dans aucun <strong>de</strong> ses ouvrages 9 n'a<br />

fait l'éloge <strong>de</strong> <strong>la</strong> liberté : Lucaln Fa osé faire; mais<br />

on sait comme il a fini. Ce n'est donc pas. Passer-<br />

Yissement <strong>de</strong>s Romains qui a porté le coup fatal à<br />

<strong>la</strong> poésie comme à l'éloquence : c'est seulement<br />

cette déca<strong>de</strong>nce presque inéfitable qui suit <strong>de</strong> près<br />

<strong>la</strong> perfection; c'est celte corruption <strong>de</strong> goût et <strong>de</strong><br />

principes, effet nécessaire <strong>de</strong> l'inquiétu<strong>de</strong> et <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

faiblesse naturelle à l'esprit humain, qui ne poutant<br />

se lier dans le bien, s'égare en cherchant le<br />

mieux. <<br />

Cependant, lors même que l'éloquence et <strong>la</strong> poésie<br />

étaient déjà fort dégénérées, plusieurs hommes<br />

<strong>de</strong> mérite leur conser?èrent encore quelque gloire,<br />

et formèrent comme le troisième âge <strong>de</strong>s lettres<br />

che2 les Romains : envers, Perse, Juvénal, Sïlîus<br />

Italiens, Stace, Martial, et surtout Lucaln; dans<br />

k prose, Quintilienf Sénèque, et les <strong>de</strong>ux Pline. Je<br />

ne parle pas ici <strong>de</strong> Tacite, homme bien supérieur<br />

à tous ceux que je viens <strong>de</strong> nommer, homme à part,<br />

et qui seul, dans ce <strong>de</strong>rnier âge, fut digne d'être<br />

comparé aux plus beaux génies <strong>de</strong> celui d'Auguste :<br />

j'en parlerai à l'article <strong>de</strong>s historiens. Quintilien a<br />

déjà passé sous nos yeux ; nous avons vu les poètes :<br />

il reste à nous occuper <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux Pline, et d'abord<br />

<strong>de</strong> Pline le jeune, parce que son Panégyrique <strong>de</strong><br />

Trsjan est le seul monument qui nous reste <strong>de</strong> ce<br />

siècle, et le seul qui puisse sertir d'objet <strong>de</strong> corn*<br />

paraison avec le siècle précé<strong>de</strong>nt. Il se p<strong>la</strong>int sou*<br />

f rat f datas ses ouvrages, <strong>de</strong> <strong>la</strong> déca<strong>de</strong>nce <strong>de</strong>s lettres<br />

et <strong>du</strong> goût, ainsi que Tacite, son ami, qui même<br />

écrivit sur ce sujet un ouvrage en dialogue, dont<br />

nous avons per<strong>du</strong> une partie. Mais Tacite a l'avantage<br />

<strong>de</strong> n'être inférieur à personne dans le genre<br />

où il a travaillé : Pline! à qui l'on reprochait <strong>de</strong> son<br />

ANCIENS. — ÉLOQUENCE. _ Uî<br />

temps son admiration pour CIcéron, et 6a sévérité<br />

pour ses contemporains; Pline, qui s'était proposé<br />

CIcéron pour modèle, est bien loin <strong>de</strong> l'égaler.<br />

Noos ne pouvons pas apprécier ses p<strong>la</strong>idoyers, que<br />

nous n'avons plus; mais, à juger par son Panêgy*<br />

riqw, s'il suivait son goût en admirant Cicéron,<br />

11 avait, en composant, une manière toute dîfférente,<br />

et qui a déjà l'empreinte d'un autre siècle.<br />

Il a infiniment d'esprit; on ne peut même en avoir<br />

davantage : mais il s'occupe trop' à le <strong>mont</strong>rer, et<br />

ne <strong>mont</strong>re rien <strong>de</strong> plus. Il cherche trop à aiguiser<br />

toutes ses pensées, à leur donner une tournure piquante<br />

et épigrammatique; et ee travail continuel f<br />

cette profusion <strong>de</strong> traits sail<strong>la</strong>nts, cette monotonie<br />

d'esprit pro<strong>du</strong>it Mentét <strong>la</strong> fatigue. Il est, mmm<br />

Sénèque, meilleur à citer par fragments qu'à lire<br />

<strong>de</strong> suite. Ce n'est plus, comme dans Cicéron, ce ton<br />

naturellement noble et élevé, cette abondance facile<br />

et entraînante, cet enchaînement et cette progression<br />

d'idées f ce tissu où tout se tient et se développe;<br />

cette foule <strong>de</strong> mouvements, ces constructions<br />

nombreuses, ces figures heureuses qui animent<br />

tout; c'est un amas <strong>de</strong> bril<strong>la</strong>nts, une multitu<strong>de</strong> d'étincelles<br />

qui pîeJl beaucoup pendant un moment,<br />

qui excite mène une sorte d'admiration s ou plutôt<br />

d'éblouissement, mais dont on est bientôt étourdi.<br />

11 a tant d'esprit, et il en fa et tant pour le suivre,<br />

qu'on est tenté <strong>de</strong> lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r grâce et <strong>de</strong> lui dire :<br />

En voilà assez. On s'est souvent étonné que Trajan<br />

ait eu <strong>la</strong> patience d'entendre ce long dis<strong>cours</strong> où <strong>la</strong><br />

louange est épuisée; mais on oublie ce que Pline<br />

nous apprend lui-même, que celui qu'il prononça<br />

dans le sénat, lorsque Trajan l'eut déc<strong>la</strong>ré consul,<br />

n'était qu'Un remercfment fort court, adapté au<br />

lieu et aux circonstances. Ce n'est qu'au bout <strong>de</strong><br />

quelques années qu'il le publia aussi éten<strong>du</strong> que<br />

nous l'avons. Si quelque chose pouvait rendre cette<br />

longueur excusable, c'est qu'il louait Trajan et son<br />

bienfaiteur; mais il faut <strong>de</strong> <strong>la</strong> mesure dans tout,<br />

et principalement dans <strong>la</strong> louange. Au reste, s'il a<br />

excédé les bornes, il n'a pas été au <strong>de</strong>là <strong>de</strong> <strong>la</strong> vérité.<br />

Il a le rare avantage <strong>de</strong> louer par <strong>de</strong>s faits, et<br />

tous les faits sont attestés. L'histoire est d'accord<br />

avec le panégyrique; et, ce qu'il y a <strong>de</strong> plus heureux<br />

, au portrait d'un bon prince il oppose celui<br />

<strong>de</strong>s tyrans qui l'avaient précédé, et particulièrement<br />

<strong>de</strong> Bomitien. On conçoit ce double p<strong>la</strong>isir que doit<br />

sentir une âme honnête à faire justice <strong>du</strong> crime en<br />

rendant hommage à <strong>la</strong> vertu, et à comparer le bonheur<br />

présent aui malheurs passés : ce contraste est<br />

le plus parte! mérite <strong>de</strong> son ouvrage. Je citerai les<br />

morceaux qui m'ont para les mieux faits, les plus<br />

intéressant», et qui offrent <strong>de</strong>s leçons et <strong>de</strong>s esero-

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