23.02.2013 Views

la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

232 G0C1S Bl UTTÉBATDUL<br />

Il tend compte <strong>de</strong> ee qu'il a coutume <strong>de</strong> pratiquer<br />

dans ces sortes d'occasions, et Ton ne salirait donner<br />

use meilleure leçon à ceux qui exercent le même ministère.<br />

« Quand quelqu'un Tient m'exposer si cause, j'ai 'coutume<br />

<strong>de</strong> faire pour un moment le rôle <strong>de</strong> sa partie adverse,<br />

et je p<strong>la</strong>i<strong>de</strong> contre lui9 afin <strong>de</strong> le mettre à portée <strong>de</strong> me<br />

développer toutes ses raisons. Quand il est parti f je me<br />

charge tour à tour <strong>de</strong> trois personnages que je soutiens avec<br />

une égale équité, celui <strong>de</strong> mon client, celui <strong>de</strong> mon ndv eraaire,<br />

celui <strong>du</strong> juge. Je marque les différents pointe <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

cause : ceui qui m'offrent plus d'avantage que <strong>de</strong> difficulté?<br />

je ma propose <strong>de</strong> les traiter; ceux qui sont tels que, d@<br />

quelque façon qu'on les prenne 9 ils me sont plus défav©rmbles<br />

qu'avantageai 9 je les mets entièrement à l'écart Je<br />

m'assure donc bien positivement- <strong>de</strong> mes moyens, et je<br />

sépare avec soin <strong>de</strong>ux, choses que bien <strong>de</strong>s gens confon<strong>de</strong>nt<br />

par trop <strong>de</strong> confiance, le temps <strong>de</strong> méditer une cause,<br />

et le temps <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>i<strong>de</strong>r. » (u 9 24.)<br />

Ensuite il s'étend sur <strong>la</strong> nature <strong>de</strong>s différentes<br />

causes et sur <strong>la</strong> manière <strong>de</strong> les considérer, sur fart<br />

<strong>de</strong> s'Insinuer dans f es prit <strong>de</strong>s juges, sur <strong>la</strong> meilleure<br />

métho<strong>de</strong> à employer dans <strong>la</strong> disposition <strong>de</strong>s preuves,<br />

sur l'espèce d'autorité que donne à l'orateur <strong>la</strong> considération<br />

personnelle attachée aux mœurs et à <strong>la</strong><br />

probité. Quant au secret d'émouvoir les passions,<br />

il donne pour l'éloquence le même précepte qu'Horace<br />

pour <strong>la</strong> poésie.<br />

« Il Tant, dit-il, éprouver Tous-même tes affections que<br />

•ous folles communiquer. Je ne sais ce qui arrive aui<br />

autres 9 mais pour moi jamais je n'ai cherché à «citer<br />

dans le cœur <strong>de</strong>s juges <strong>la</strong> douleur y le pitié f Fîndipationy<br />

que je ne fusse pénétré moi-même <strong>de</strong>s sentiments que je<br />

•nous Mes passer dans leur âme. Il faut t s'il est permis<br />

<strong>de</strong> s'eiprimer ainsi 9 que l'orateur soit en feu y s f i vent allumer<br />

un incendie. » (u9 4e.)<br />

Tout cet article, qui regar<strong>de</strong> les diverses passions<br />

qu'il s'agit d'inspirer aux juges, est traité a?ec une<br />

sagacité et développé avec une facilité et une abondance<br />

d'élocution dignes d ? un fi grand maître. Antoine<br />

en fient à ee qui regar<strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>isanterie ; mais<br />

alors il <strong>la</strong>isse <strong>la</strong> parole a César, renommé pour cette<br />

espèce <strong>de</strong> talent; et <strong>la</strong> longueur <strong>de</strong> <strong>la</strong> dissertation<br />

qu'il entreprend sur cet objet prouYe combien cette<br />

partie occupait <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ce dans Fart oratoire. C'est<br />

qu'indépendamment <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>idoyers proprement dits,<br />

'où <strong>la</strong> p<strong>la</strong>isanterie pouvait être plus ou moins employée,<br />

il y assit encore <strong>de</strong>ux parties essentielles <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> p<strong>la</strong>idoirie, l'interrogation <strong>de</strong>s témoins qui appartenait<br />

à l'avocat t et l'altercation. On appe<strong>la</strong>it <strong>de</strong><br />

ee nom <strong>la</strong> discussion dialoguée et contradictoire <strong>de</strong>s<br />

faits, <strong>de</strong>s témoignages, <strong>de</strong>s moyens, qui succédait<br />

aux dis<strong>cours</strong> suivis et préparés, et qui <strong>de</strong>mandait<br />

beaucoup 4e présence d'esprit et une gran<strong>de</strong> habitu<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> parler.<br />

Il est à' remarquer que Scévo<strong>la</strong>, l'un <strong>de</strong>s interlocuteurs<br />

<strong>du</strong> premier dialogue, n f est point présent<br />

à celui-ci; et il parait que Cieéron Ta écarté à <strong>de</strong>ssein<br />

, parce qu'il ne convenait pas qu'on fit un traité<br />

sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>isanterie en présence d'un homme aussi<br />

grave qu'un grand pontife. Ces sortes <strong>de</strong> bienséances<br />

sont soigneusement observées par les anciens;<br />

et Cieéron surtout, qui ne recomman<strong>de</strong> rien tant à<br />

l'orateur que l'exacte observation <strong>de</strong>s cou?enanees '<br />

<strong>de</strong> toute espèce 9 avait trop <strong>de</strong> délicatesse et <strong>de</strong> goât<br />

pour y manquer.<br />

Gomme ce sont souvent <strong>de</strong>s circonstances subites<br />

et imprévues qui donnent lieu aux traits les<br />

plus p<strong>la</strong>isants 9 il importe <strong>de</strong> savoir saisir Fà-propos;<br />

et cette heureuse promptitu<strong>de</strong> d'esprit rappelle<br />

à César un trait <strong>de</strong> Crassas dans un genre<br />

tout opposé à <strong>la</strong> p<strong>la</strong>isanterie, mais très-remarquable<br />

par l'habileté <strong>de</strong> l'orateur à profiter «fan acci<strong>de</strong>nt<br />

inatten<strong>du</strong>, et par le grand effet .qu'il pro<strong>du</strong>isit.<br />

Crassas p<strong>la</strong>idait contre Brutus, jeune homm e<br />

qui déshonorait sou nom, qui avait dissipé son<br />

patrimoine et ven<strong>du</strong> toutes les terres <strong>de</strong> sa famille 9<br />

qui n'avait aucun talent qui rachetât <strong>la</strong> dépravation<br />

<strong>de</strong> ses mœurs ; et ami 9 <strong>de</strong> plus 9 comme pour se<br />

venger <strong>de</strong>là mauvaise réputation qu'il avait, intentait<br />

<strong>de</strong>s accusations Injustes et calomnieuses contra<br />

les meilleurs citoyens. C'était Crassus dans ce moment<br />

qu'il attaquait; et pendant que celui-ci par<strong>la</strong>it,<br />

le hasard it que le convoi <strong>de</strong> Junia, femme<br />

respectable et aïeule <strong>de</strong> Brutus, morte peu auparavant<br />

f Yint à passer <strong>de</strong>vant le forum , et à <strong>la</strong> suite <strong>de</strong><br />

son convoi paraissaient les images <strong>de</strong> ses ancêtres,<br />

que l'on avait coutume <strong>de</strong> porter dans ces lugubres<br />

cérémonies; car les Romains, ainsi que tous les<br />

peuples policés et même sauvages, ont honoré les<br />

morts par respect pour les vivants : ils ont honoré<br />

<strong>la</strong> nature humaine dans sa dépouille mortelle. On a<br />

consacré, d'un bout do mon<strong>de</strong> à l'autre, ces asiles<br />

souterrains où <strong>la</strong> plus excellente <strong>de</strong>s créatures attend<br />

dans le silence <strong>de</strong>s tombeaux le réveil <strong>de</strong> l'éternité;<br />

on a consacré Fappareil funéraire qui nous<br />

avertit que l'homme ne meurt pas tout entier; on<br />

a consacré <strong>la</strong> pierre qui couvre <strong>de</strong>s cendres chéries,<br />

afin que <strong>la</strong> douleur pût venir y répandre <strong>de</strong>s<br />

<strong>la</strong>fmes sur les restes d'un père, d'une mère, d'une<br />

épouse. Ce n'est qu'en France, au dix-huitième<br />

siècle, que <strong>de</strong>s hommes, «jui apparemment se reniaient<br />

jastîce, en ne se distinguant pas <strong>de</strong>s bétesbrutes<br />

et féroces t n'ont mis aucune différence entre<br />

le cadavre d'un homme et celui d'un chien. Opprobre<br />

et exécration! (et puisse ma voix retentir pour<br />

nous justifier, jusqu'aux extrémités <strong>du</strong> mon<strong>de</strong> et jusqu'au!<br />

<strong>de</strong>rnières générations!) opprobre et exécra-

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!