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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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C0U1S DE UTTÉRATURE.<br />

18<br />

sent et <strong>de</strong> pareils ordres ne pouvaient être donnés<br />

que par Alexandre. C'étaient <strong>de</strong> grands se<strong>cours</strong>,<br />

il est vrai; mais ce qu* Aristote tira <strong>de</strong> son génie<br />

est eUdre au-<strong>de</strong>ssus, si l'on s'en rapporte à unjuge*<br />

dont personne ne niera <strong>la</strong> compétence en ces matières,<br />

à Buffon. Voici comme il en parle dans le<br />

premier <strong>de</strong>s dis<strong>cours</strong> qui précè<strong>de</strong>nt son Histoire<br />

naturelle; et j'ai cru qu'on entendrait avec quelque<br />

p<strong>la</strong>isir Buffon par<strong>la</strong>nt d'Aristote.<br />

m Son msMrê <strong>de</strong>s Animaux9 dit-il, est peut-être escure<br />

aujourd'hui ce que nous avons <strong>de</strong> mieux fait et ce<br />

genre... H Ses connut pentetre miens et sous <strong>de</strong>s vues<br />

pins générales qu'on ne les connaît aujourd'hui.... Il accumule<br />

les faits, et n'écrit pas un mot qui soit inutile. Aussi<br />

i-t-11 compris dans un petit volume un nombre infini <strong>de</strong><br />

diflëreaji faits ; et je ne crois pas qu'il soit possible <strong>de</strong> ré<strong>du</strong>ire<br />

& <strong>de</strong> moindres termes tout ce qui! avait à dire sur<br />

cette matière ; qui punît si peu susceptible <strong>de</strong> précision<br />

qu'il disait un génie comme le sien pour y conserver es<br />

même temps <strong>de</strong> Tordre et <strong>de</strong> là netteté. Cet ouvrage d'Aristote<br />

s'est présenté à mes yen* comme une table <strong>de</strong>s<br />

matières qu'os sursit extraite avec Se "plus grand soin <strong>de</strong><br />

plusieurs miniers <strong>de</strong> ¥olumes remplis <strong>de</strong> <strong>de</strong>scriptions et<br />

d'observations <strong>de</strong> toute espèce ; c'est l'abrège' le pins savant<br />

qui ait jamais été feit » si <strong>la</strong> science est en effet l'histoire<br />

<strong>de</strong>s faits : et quand même on supposerait qu'Artstote aurait<br />

tiré <strong>de</strong> tous les livres <strong>de</strong> son temps ce qu'il a mis dans<br />

le sien, le p<strong>la</strong>n <strong>de</strong> l'ouvrage, sa distribution, le choii <strong>de</strong>s<br />

exemples 9 <strong>la</strong> justesse <strong>de</strong>s comparaisons , une certaine tournure<br />

dans les Idées, que j'appellerais volontiers le caractère<br />

philosophique, ne <strong>la</strong>issent pas douter qu'il ne fit lui-même<br />

beaucoup plus riche que ceux dont il aurait emprunté. »<br />

Voilà quel a été cet Aristote que Ton a presque<br />

voulu envelopper dans le mépris que, <strong>de</strong>puis DescartêS|<br />

on a "conçu pour <strong>la</strong> sco<strong>la</strong>stiqoe. Cette préten<strong>du</strong>e<br />

science n'est en effet qu'un tissu d'abstractions<br />

chimériques et <strong>de</strong> généralités illusoires, sur<br />

lesquelles on peut disputer à l'infini sans rien apprendre<br />

et sans rien comprendre; et il faut convenir<br />

qu'elle est fondée tout entière sur <strong>la</strong> métaphysique<br />

d'Aristote 9 qui no faut pas mieux. C'est pourtant<br />

à lut qu 9 on est re<strong>de</strong>vable <strong>de</strong> cet axiome célèbre<br />

dans l'ancienne philosophie, et adopté dans <strong>la</strong> nôtre,<br />

queles idées qui sont les représentations <strong>de</strong>s objets,<br />

arrivent à nos esprits par l'organe <strong>de</strong>s sens. C'est le<br />

principe fondamental <strong>de</strong> ta métaphysique <strong>de</strong> Locke<br />

et <strong>de</strong> Condîl<strong>la</strong>e ; c'était peut-être <strong>la</strong> seule vérité essentielle<br />

qu'il y eût dans celle d'Aristote, et c'est<br />

<strong>la</strong> seule qu'on ait rejetée dans les écoles, parce qu'elle<br />

était contraire aui idées innées , regardées longtemps<br />

comme une croyance religieuse , et abandonnées<br />

généralement <strong>de</strong>puis les gran<strong>de</strong>s découverte»<br />

<strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>rnes, qui sont les vrais fondateurs <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

saine métaphysique. Au reste, s'il s'est égaré dans<br />

cette carrière à l'époque où <strong>la</strong> philosophie venait <strong>de</strong><br />

rouvrir, if semble que ses erreurs excusables tïea-__<br />

lient à <strong>la</strong> nature mime <strong>de</strong> l'esprit humain. En effet 9<br />

il doit arriver dans les sciences naturelles et spécu<strong>la</strong>tives<br />

Je contraire <strong>de</strong> ce qu'on a toujours observé<br />

dans les arts et dans les lettres. Ici le progrès est<br />

toujours rapi<strong>de</strong>, <strong>la</strong> perfection prompte; on vole au<br />

but dès qu'il est indiqué, parce que ce but est certain,<br />

et que <strong>la</strong> route est bientôt connue : aussi <strong>la</strong><br />

belle poésie et <strong>la</strong> vraie éloquence re<strong>mont</strong>ent aux<br />

époques les plus reculées. Mais les <strong>de</strong>ux choses qui<br />

contribuent le plus èavancer les succès en ce genre?<br />

c'est-à-dire <strong>la</strong> promptitu<strong>de</strong> à saisir les objets et <strong>la</strong><br />

disposition à imiter, sont précisément ce qui retar<strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> marche <strong>de</strong> l'homme dans <strong>la</strong> recherche <strong>de</strong> <strong>la</strong> vérité.<br />

Celle-ci ne se <strong>la</strong>isse pas approcher aisément : on<br />

s'arrive jusqu'à elle que par le chemin <strong>de</strong> l'expérience<br />

, qui est long et pénible. L'esprit humain est<br />

impatient, et l'expérience est tardive : <strong>de</strong> là vient<br />

qu'il s'attache à ces fantômes sé<strong>du</strong>isants qu'on appelle<br />

systèmes, qui le f<strong>la</strong>ttent d'ailleurs pr ce qu'il<br />

y a chez loi <strong>de</strong> plus aisé à sé<strong>du</strong>ire, l'imagination et<br />

l'amour-propre. Il y a plus : c'est que les plus grands<br />

esprits sont les plus susceptibles <strong>de</strong> l'illusion <strong>de</strong>s<br />

systèmes. Leur vaste intelligence ne peut souffrir<br />

ce qui l'arrête ; le doute est pour eux un état violent ;<br />

et c'est ainsi fiftio Descartes, un Leibnitz, eu<br />

cherchant les premiers principes <strong>de</strong>s choses, ren­<br />

contrent, l'un <strong>de</strong>s tourbillons, l'autre <strong>de</strong>s mona<strong>de</strong>s.<br />

Quand <strong>de</strong>pareils gui<strong>de</strong>s ont marché en avant, le reste<br />

<strong>de</strong>s hommes, naturellement imitateur, suit comme<br />

un troupeau ; et Ton emploie à étudier les erreurs 9<br />

le temps qu'on aurait pu mettre à chercher <strong>la</strong> vérité.<br />

Les bornes <strong>de</strong> l'esprit d'Aristote ont été en philosophie,<br />

pendant vingt siècles, les bornes <strong>de</strong> l'esprit<br />

humain. Ce n'est qu'au temps <strong>de</strong>s Galilée, <strong>de</strong>s Copernic,<br />

<strong>de</strong>s Bâcoe, qu'enfin l'on a compris qu'il va<strong>la</strong>it<br />

mieux observer notre inon<strong>de</strong> que d'en faire un »<br />

et qu'une bonne expérience qui apprenait un fait<br />

va<strong>la</strong>it mieux que le plus ingénieux système qui ne<br />

prouve rien. Alors est tombée <strong>la</strong> philosophie d'Aristote,<br />

mais non pas sa gloire avec elle, puisque cette<br />

gloire est fondée, comme nous l'avons vu, sur <strong>de</strong>s<br />

titres que le temps a consacrés.<br />

Ce s'est pas que, dans ses meilleurs ouvrages,<br />

sa manière d'écrire n'ait <strong>de</strong>s défauts très-marqués.<br />

Il pousse jusqu'à l'excès l'austérité <strong>du</strong> style philosophique<br />

et l'affectation <strong>de</strong> <strong>la</strong> métho<strong>de</strong> : <strong>de</strong> là naissent<br />

k sécheresse et <strong>la</strong> diffusion. Il semble qu'il ait voulu<br />

être en tout l'opposé <strong>de</strong> son maître P<strong>la</strong>ton, et que*<br />

non content d'enseigner une autre doctrine, il ait<br />

voulu aussi se faire un-autre style. On reprochait à<br />

P<strong>la</strong>ton trop d'ornements : Aristote n'en a point <strong>du</strong><br />

1 tout. Pour se résoudre à le lire, il fait être déter-

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