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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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1NT10DUCTI0N.<br />

p<strong>la</strong>t bien concis t les situations intéressantes'et<br />

vraisemb<strong>la</strong>bles, les caractères «informes à <strong>la</strong> nature ;<br />

si le dialogue est raisonnable; si le style est l'expression<br />

juste <strong>de</strong>s*sentiments et <strong>de</strong>s passions; s'il<br />

est toujours en proportion a?ec le sujet et les .personnages;<br />

si <strong>la</strong> diction est pure et harmonieuse, si<br />

les scènes sont liées les unes au autres, si tont est<br />

c<strong>la</strong>ir et motivé : tout ce<strong>la</strong> peut se ré<strong>du</strong>ire en démonstration.<br />

Je suppose que, cet examen fait, Fou <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />

encore si ca<strong>la</strong>i f al a rempli toutes ces conditions<br />

a <strong>du</strong> génie (et Racine et Voltaire les ont<br />

remplies toutes), je croîs qu'alors <strong>la</strong> question pourra<br />

paraître un peu étrange, aussi, pour se sauter <strong>de</strong> l'évi<strong>de</strong>nce,<br />

on se esche encore dans les ténèbresd Y un mot<br />

abstrait. Tout ce que TOUS sciiez <strong>de</strong> détailler, dit-on,<br />

c'est f affaira <strong>du</strong> goût : le goût est le sentiment <strong>de</strong>s<br />

contenances, et c'est lui qui enseigne tout ce que<br />

•oui venez <strong>de</strong> dire. Oui., j'avoue que le goût est le<br />

sentiment <strong>de</strong>s convenances ; mais si son prtage est<br />

si beau et si éten<strong>du</strong>, qu'il contienne tout ce que je<br />

viens d ? eiposer, je <strong>de</strong>man<strong>de</strong> ce qui restera au génie.<br />

On répond que le génie c'est <strong>la</strong> créûikm, et nous<br />

voilà retombés encore dans un <strong>de</strong> ces termes abstraits<br />

qu'il faut définir. Qu'est-ce que créer? Ce ne<br />

peut être ici faire quelque chose <strong>de</strong> rien; car ce<strong>la</strong><br />

n'est donné qu'à Bien : encore faut-il avouer que<br />

cette création est pour nous aussi incompréhensible<br />

qu'évi<strong>de</strong>nte. C'est donc simplement pro<strong>du</strong>ire. —<br />

Oui, dit-on encore; mais le génie seul pro<strong>du</strong>it <strong>de</strong>s<br />

choses neuves; en un mot, il invente, et l'invention<br />

est son caractère distinctif . — Expliquons - nous<br />

encore. Qu'est-ce qu'on entend par invention ? Est-ce<br />

celle d'un art? le premier qui en ait eu f liée est-il<br />

le seul inventeur? L'arrêt serait <strong>du</strong>r; car enfin,<br />

Raphaël n'a pas inventé <strong>la</strong> peinture, ni Sophocle <strong>la</strong><br />

tragédie, ni Homère lui-mime l'épopée, ni Molière<br />

<strong>la</strong> comédie; et il me* semble qu'on ne leur conteste<br />

pas le génie»<br />

Il Jact donc en revenir à n'exiger d'autre inven*<br />

tien que celle <strong>de</strong>s ouvrages; et toute <strong>la</strong> difficulté<br />

sera ^assigner le <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> génie, selon qu'ils seront<br />

plus on moins heureusement inventés. Mous 'sommes<br />

donc parvenus, <strong>de</strong> définition en définition, à nous<br />

rapprocher <strong>de</strong> <strong>la</strong> vérité; car, indépendamment <strong>de</strong>s<br />

ouvrages oà Racine et Yoltaire ont été imitateurs,<br />

on ne îssut nier qu'il n'y en ait qui leur appartiennent<br />

en tonte propriété; et les voilà, non pas sans<br />

quelque peine, rentrés dans <strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse <strong>de</strong>s hommes<br />

et génie, <strong>de</strong>puis qu'on est convenu <strong>de</strong> s'entendre<br />

'sur ce mot.<br />

En ftilsamt les ouvrages <strong>de</strong> Boileau, j'y reaesfrtfs<br />

iesa cassages dont le <strong>de</strong>rnier surtout est<br />

tii^remarquable, et qui tous <strong>de</strong>ux achèvent <strong>de</strong><br />

11<br />

prouver que ce met <strong>de</strong> §êikf qui dans l'usage universel<br />

désigne aujourd'hui <strong>la</strong> plus gran<strong>de</strong> supériorité<br />

en fiât d'esprit et <strong>de</strong> talent, et qui est <strong>de</strong>venu<br />

le titre qu'on prend le plus exclusivement pour sol<br />

et qu'on dispte le plus aux autres, ne vou<strong>la</strong>it dire,<br />

dans tous les écrivains <strong>du</strong> siècle <strong>de</strong> Louis XI?, que<br />

<strong>la</strong> disposition à telle ou telle chose.<br />

On a ¥s le vin et le basant<br />

Inspirer quelquefois une muse graâgfère.<br />

Et fournir mm génie mm eosptet à IJMèm<br />

Génie, est là bien évi<strong>de</strong>mment pour aptitu<strong>de</strong> naturelle,<br />

pour ee que nous appelons êmkmi, dans le<br />

sens même le plus restreint. Iî n'exprime aucune<br />

idée <strong>de</strong> prééminence; au lieu que, lorsque nous disons<br />

: C'-est un homme <strong>de</strong> génie, il y a <strong>du</strong> génie dans<br />

cet ouvrage : nous croyons dire ee qu'il y a <strong>de</strong> plus<br />

tort. Écoutons maintenant Boileau dans une <strong>de</strong> ses<br />

fréfaces.<br />

« le me contenterai d'avertir d'une chose dont il<br />

est bon qu'on soit instruit; c'est qu'en attaquant<br />

dans mes satires les défauts <strong>de</strong> quantité d'écrivains<br />

<strong>de</strong> notre siècle, je n'ai pas préten<strong>du</strong> pour ce<strong>la</strong><br />

ater à ces écrivains le mérite et les bonnes qualités<br />

qu'ils peuvent avoir d'ailleurs. le n'ai ps<br />

préten<strong>du</strong>, dis-je, que Chape<strong>la</strong>in, par exemple,<br />

quoique assez méchant poète, n'ait pas fait autrefois,<br />

je ne sais comment, une assez belle o<strong>de</strong>,<br />

et qu'il n'y eût point d'esprft ni d'agrément dans<br />

les ouvrages <strong>de</strong> M. Quinault, quoique si éloignés<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> perfection <strong>de</strong> Virgile. J'ajouterai même sur<br />

ce <strong>de</strong>rnier, que, dans le temps où j'écrivis contre<br />

lui, nous étions tous <strong>de</strong>ux fort jeunes, et qu'il<br />

n'a?ait pas fait alors beaucoup d'ouvrages qui lui •<br />

ont dans <strong>la</strong> suite acquis une juste réputation. Je<br />

veui bien aussi avouer qu'il y a <strong>du</strong> §émle dans les<br />

écrits <strong>de</strong> Saint-Amand, <strong>de</strong> Brébeuf, <strong>de</strong> Scudéry,<br />

<strong>de</strong> Celle» et <strong>de</strong> plusieurs autres que j'ai critiqués. »<br />

Ainsi donc, <strong>de</strong> l'aveu <strong>de</strong> Boileau, voilà Scudéry,<br />

Saint-Amand, Brébeuf et Câlin qui ont <strong>du</strong> génie.<br />

J'ai peur qu'il n'y ait là <strong>de</strong> quoi dégoûter un peu<br />

ceux qui ont tant d'envie d'en avoir ; car il est c<strong>la</strong>ir<br />

qu'avec-<strong>du</strong> génie on peut se trouver, an moins chez<br />

Despréaux, en asseï mauvaise compagnie. Avouons<br />

que, pour les philosophes qui se sont amusés à observer<br />

les différentes valeurs <strong>de</strong>s termes en différents<br />

temps, ce n'est pas une chose peu curieuse que <strong>de</strong><br />

voir Despréaux accor<strong>de</strong>r à Cct<strong>la</strong> ce qu'aujourd'hui<br />

bien <strong>de</strong>s gens refusent à Yoltaire,<br />

Je suis loin <strong>de</strong> conclure qu'il faille condamner<br />

l'usage où fou est d'employer ces termes dans un<br />

sens absolu : cet usage est universel, et Ton doit<br />

parler <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue <strong>de</strong> tout le mon<strong>de</strong>. J'ai voulu faire

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