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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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10 INTRODUCTION.<br />

l'habitu<strong>de</strong>. Ainsi «"établit le règne <strong>de</strong> <strong>la</strong> philosophie<br />

après celui <strong>de</strong>s lettres et <strong>du</strong> génie : m sont <strong>de</strong>ux<br />

puissances qui se succè<strong>de</strong>nt , mais dont Fane n'a ni<br />

combattu ni détrêné l'autre.<br />

Laissons donc ceux qui se trompent ou qui veulent<br />

tromper, confondre sans cesse l'usage et l'abus, et<br />

m voir dans les meilleures choses que l'excès qui<br />

les dénature. Le moyen <strong>de</strong> se défendre <strong>de</strong> leurs erreurs,<br />

c'est d'en bien démêler le principe. On le<br />

retrouve très-bien exprimé dans un vers d'Horace*,<br />

tra<strong>du</strong>it par Boileau :<br />

/* wtiiwm imeii ml$mp$§a«<br />

C'est <strong>la</strong> crainte d'un mal tpl con<strong>du</strong>it dans os pire.<br />

Dans le siècle <strong>de</strong>rnier, <strong>de</strong>s pédants, qui ne savaient<br />

que <strong>de</strong>s mots, injuriaient Corneille et Racine au<br />

nom d'Aristote, qui assurément n'y était pour rien ;<br />

censuraient <strong>de</strong>s beautés qu'ils n'étaient pas capables<br />

<strong>de</strong> sentir, en citant <strong>de</strong>s règles qu'ils n'étaieat pas à<br />

portée <strong>de</strong> bien'appliquer; prenaient en main les intérêts<br />

<strong>du</strong> goût, qui ne les aurait pas avoués pour<br />

- ses apôtres. C'était un travers sans doute : <strong>de</strong> nos<br />

Jours, on s'en est servi pour accréditer un travers<br />

tout opposé. On a rejeté toutes les règles comme<br />

les tyrans <strong>du</strong> génie, quoiqu'elles ne soient en effet<br />

que ses gui<strong>de</strong>s; on a prêché le néologisme, en soutenant<br />

que chacun avait droit <strong>de</strong> se faire une <strong>la</strong>ngue<br />

pour ses pensées, quoique avec ce système on cou­<br />

rût risque, au bout <strong>de</strong> quelque temps, <strong>de</strong> ne pies<br />

s'entendre <strong>du</strong> tout. On a décrié le goût comme timi<strong>de</strong><br />

et pusil<strong>la</strong>nime, quoique ce soit lui seul qui enseigne<br />

à oser heureusement. Ces nouvelles doctrines<br />

ont germé'pendant quelque temps dans une foule<br />

<strong>de</strong> têtes, surtout dans celles <strong>de</strong>s jeunes gens. 11 sera-<br />

Malt que le talent et le goût ne pussent désormais<br />

se rencontrer ensemble : on vantait avec une sorte<br />

<strong>de</strong> fanatisme ceux qui avaient, imï%-m^dédaigné<br />

é'&mir eJÉ goM«. Wm est-ce pas assez pour que <strong>de</strong><br />

Jeunes têtes, faciles à exalter, aient aussitôt <strong>la</strong> prétention<br />

d'être <strong>de</strong> moitié dans ce noble orgueil et<br />

dans ce dédain sublime, et se persua<strong>de</strong>nt que, dès<br />

que l'on manque <strong>de</strong> goût, on a infailliblement <strong>du</strong><br />

génie? H 9 est-on pas trop heureux <strong>de</strong> pouvoir leur<br />

citer les Sophocle, les Bémosthène, les Cicéron, les<br />

Yirgile, les Horace, les Fénelon, les Racine, les<br />

Despréaux, les Voltaire, qui ont bien voulu s'abaisser<br />

jusqu'à avoir <strong>du</strong> goût, et qui n'ont pas cru se<br />

compromettre?<br />

• m Jrte pœika, y. SI. — Meta a dit dans M» Art<br />

p&êM§m9 chant 11<br />

8«mat te peur âlm snl mm eoaiolt iau'u phe.<br />

1 EipeietaiMrf^^<br />

àsfptm<br />

Au reste, dans ce moment eà mon but est surtout<br />

d'établir quelques notions préliminaires, et <strong>de</strong><br />

combattre quelques erreurs plus ou moins générales,<br />

je m'arrête sur une remarque essentielle, et<br />

dont l'application pourra souvent avoir liée dans le<br />

<strong>cours</strong> <strong>de</strong> .nos séances. Elle porte sur l'inconvénient<br />

attaché à ces mots <strong>de</strong> féale et <strong>de</strong> goûi, aujourd'hui<br />

si souvent et si mal à propos répétés. Ce sont, ainsi<br />

que quelques autres termes particuliers à notre<br />

<strong>la</strong>ngue, <strong>de</strong>s expressions abstraites en elles-mêmes,<br />

vagues et indéinies dans leur acception, susceptibles<br />

d'équivoque et d'arbitraire, <strong>de</strong> manière que<br />

celui qui les emploie leur donne à peu près <strong>la</strong> valeur<br />

qui lui p<strong>la</strong>ît. Cessarles <strong>de</strong> mots, et beaucoup d'autres<br />

<strong>du</strong> même genre, qui se sont établis <strong>de</strong>puis qu'on a<br />

porté jusqu'à l'excès l'envie <strong>de</strong> généraliser ses idées,<br />

semblent donner aux formes <strong>du</strong> style une tournure<br />

philosophique et une apparence <strong>de</strong> précision; maïs,<br />

dans le fait;elles y répan<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>s nuages, si elles<br />

ne sont pas employées avec beaucoup <strong>de</strong> réserve et<br />

<strong>de</strong> justesse. Aussi l'accumu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>s termes abstraits,<br />

qui couvrent souvent le défaut <strong>de</strong> pensées<br />

et favorisent l'erreur et le sophisme, est un <strong>de</strong>s<br />

vices dominants dans les écrivains <strong>de</strong> nos jours,<br />

même dans plusieurs <strong>de</strong> ceux qui ont d'ailleurs un<br />

mérite réel. Ce vice est particulièrement <strong>de</strong> notre.<br />

siècle; et <strong>de</strong> là vient l'habitu<strong>de</strong> d'écrire et <strong>de</strong> parler<br />

sans s'entendre. Des exemples rendront cette observation<br />

sensible. Il n'y a rien <strong>de</strong> si commun aujourd'hui<br />

que <strong>de</strong> disputer sur le génie, <strong>de</strong> voir <strong>de</strong>s<br />

hommes instruits mettre en question si tel ou tel<br />

auteur (et il s'agit <strong>de</strong>s plus célèbres) en avait ou<br />

non : on entend <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r encore tous les jours si<br />

Racine, si Yoltaire étaient <strong>de</strong>s hommes <strong>de</strong> génie;<br />

et remarquez que ceux qui élèvent ce singulier doute<br />

conviennent qu'ils ont fait <strong>de</strong> très-beaux ouvrages,<br />

<strong>de</strong>s ouvrages qui peuvent servir <strong>de</strong> modèles; mais,<br />

au mot <strong>de</strong> génie9 <strong>la</strong> dispute s'élève, et l'on ne put<br />

plus s'accor<strong>de</strong>r. îf est-il pas très-probable qu'une pareille<br />

discussion ne peut venir que <strong>de</strong> <strong>la</strong> différence<br />

<strong>de</strong>s significations qu'on attache à ce mot, et même<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> difficulté qu'on éprouve à le iéfinlr c<strong>la</strong>irement ;<br />

car <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong> ceux qui s'en servent sont très-<br />

©mbarrasséa quand il faut l'expliquer, et c'est encore<br />

un nouveau sujet <strong>de</strong> controverse. A <strong>la</strong> fi?car <strong>de</strong> cet<br />

abus <strong>de</strong> mots, on trouve le moyen <strong>de</strong> refuser le<br />

génie aux plus grands écrivains, et <strong>de</strong> raccor<strong>de</strong>r<br />

aux plus mauvais; et Ton conçoit qu'il y a bien <strong>de</strong>s<br />

gens qui s'accommo<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> cet arrangement. Mais<br />

que l'on s'arrête à <strong>de</strong>s idées nettes et précises, qu'on<br />

examine, par exemple, quand il est question d'un<br />

poète tragique, si les sujets sont bien choisis, les

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