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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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INTRODUCTION.<br />

— Mais cet art, qui Fa révélé aux premiers hommes<br />

qui ont écrit ? — Je réponds qu'ils ne l'ont pas<br />

eofifiii» Les premiers essais en tout genre ont dû<br />

être et ont été très-imparfaite. Cet art, comme tous<br />

les autres , s'est formé par <strong>la</strong> succession et <strong>la</strong> comparaison<br />

<strong>de</strong>s idées, par l'expérience, par l'imitation,<br />

par l'ému<strong>la</strong>tion. Combien <strong>de</strong> poètes que nous ne<br />

connaissons pas a?aient écrit avant qu'Homère fit<br />

une IUa<strong>de</strong>! Combien d'orateurs et <strong>de</strong> rhéteurs, avant<br />

qu'on eût un Démosthène, un Périclès ! Et les Grecs<br />

n'ont-ils pas tout appris aux Romains? et les uns et<br />

les autres ne nous ont-ils pas tout enseigné ? Voilà<br />

les faits : c'est <strong>la</strong> meilleure réponse à ceux qui s'imaginent<br />

honorer le génie en niant l'existence <strong>de</strong> fart,<br />

et qui font voir seulement qu'ils ne connaissent ni<br />

l'un ni l'autre.<br />

' Il n'y a point <strong>de</strong> sophismes que Ton n'ait accumulés<br />

<strong>de</strong> nos jours à l'appui <strong>de</strong> ce paradoxe insensé.<br />

On a cite <strong>de</strong>s écrivains qui ont réussi, dit-on t sans<br />

connaître ou sans observer les règles <strong>de</strong> fart, tels<br />

que le Dante, Shakspeare, Mjlton, et autres. C'est<br />

s'exprimer d'une manière très-fausse. Le Dante et<br />

Milton connaissaient les anciens, et s'ils se sont fait<br />

un nom avec <strong>de</strong>s ouvrages monstrueux, c'est parce<br />

qnll y a dans ces monstres quelques belles parties<br />

exécutées selon les principes. Ils ont manqué <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

conception d'un ensemble ; mais leur génie leur a<br />

fourni <strong>de</strong>s détails où règne le sentiment <strong>du</strong> beau :<br />

et les règles ne sont autre chose que ce sentiment<br />

ré<strong>du</strong>it en métho<strong>de</strong>. Ils ont donc connu et observé <strong>de</strong>s<br />

règles, soit par instinct, soit par réflexion, dans les<br />

parties <strong>de</strong> leurs ouvrages où ils ont pro<strong>du</strong>it <strong>de</strong> l'effet.<br />

Shakespeare lui-même, tout grossier qu'il était,<br />

n'était pas sans lecture et sans connaissances : ses<br />

oeuvres en fournissent <strong>la</strong> preuve. On allègue encoref<br />

. dans <strong>de</strong> grands écrivains, <strong>la</strong> vio<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> certaines<br />

règles qu'ils ne pouvaient pas ignorer, et les beautés<br />

qu'ils ont tirées <strong>de</strong> cette vio<strong>la</strong>tion même; et l'on ne<br />

voit pas qu'ils n'ont négligé quelques-unes <strong>de</strong> ces<br />

règles que pour suivre <strong>la</strong> première <strong>de</strong> toutes* celle <strong>de</strong><br />

sacrifier le moins pour obtenir le plus. Quand il y a<br />

tel ordre <strong>de</strong> beautés où Ton ne peut atteindre qu'en<br />

commettant telle faute, quel est alors le calcul <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> raison et <strong>du</strong> goût? C'est <strong>de</strong> voir si les beautés<br />

sont <strong>de</strong> nature à faire oublier <strong>la</strong> faute; et dans ce cas<br />

il n'y a pas à ba<strong>la</strong>ncer. Ce<strong>la</strong> est si peu contraire aux<br />

principes, que les légis<strong>la</strong>teurs les plus sévères font<br />

prévu et prescrit. C'est le sens <strong>de</strong> ces vers <strong>de</strong> Despréaux<br />

:<br />

Quelquefois dans sa <strong>cours</strong>e un esprit vigoureux,<br />

Trop resserré par fart sort <strong>de</strong>s règles prescrites,<br />

Et <strong>de</strong> far t même apprend à franchir leurs limites.<br />

11 en est <strong>de</strong> même dans tous les genres. Combien<br />

<strong>de</strong> fois un grand général n'a-t-il pas manqué seïemtiîeiîl<br />

à quelqu'un <strong>de</strong>s principes refus, quand il a<br />

cru voir un moyen <strong>de</strong>suecèsdansuncas d'exception!<br />

Dira-t-on pour ce<strong>la</strong> qu'il n'y a point d'art militaire f<br />

et qu'il ne faut pas l'étudier?<br />

Une autre erreur, qui est <strong>la</strong> suite <strong>de</strong> celle-là, c'est<br />

<strong>de</strong> prétendre justifier ses fautes en alléguant celles<br />

<strong>de</strong>s meilleurs écrivains : on a même été plus loin, et<br />

Ton a dit qu'il était <strong>de</strong> l'essence <strong>du</strong> génie <strong>de</strong> faire îles<br />

fautes. Ce<strong>la</strong> n'est vrai que dans le sens <strong>de</strong> Quintilien<br />

9 quand il dit : Ils sont grands , mate pourtant<br />

ils sont hommes z ; et dans le sens d'Horace , quand<br />

il dit qu'Homère , tout Homère qu'il est y sommeille<br />

quelquefois. Maïs ce qui caractérise véritablement<br />

le génie, c'est d'avoir assez <strong>de</strong> beautés pour faire<br />

pardonner les fautes» Et <strong>de</strong> pies, l'in<strong>du</strong>lgence se<br />

mesure encore s» le temp où l'on a écrit, et sur<br />

le plus ou moins <strong>de</strong> modèles que I'OB avait. Quand<br />

une fois ils sont en grand nombre , les fautes ne sont<br />

plus racbetables qju'à force <strong>de</strong> beautés. C'est donc<br />

ià-dassas qu'il faut s'examiner sérieusement, et se<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si l'ona'estpintdawlecag<strong>de</strong>iMreeoiiiiiiê<br />

Bïppolyte, quand il se compare à Thésée :<br />

Amusa monstres par mol domptés f asqn'anjourdlitil<br />

Ne m'ont acquis le droit <strong>de</strong> ftdlllr somme Sut.<br />

Les ennemis <strong>de</strong>s règles <strong>de</strong> l'art , ne sachant à qui<br />

s'en prendre , en ont fait un crime à <strong>la</strong> philosophie;<br />

et parce que les meilleurs critiques ont été <strong>de</strong> bons<br />

philosophes, on leur a reproche d'afoir mêlé <strong>la</strong><br />

sécheresse <strong>de</strong> leurs procédés aux mouvements libres<br />

<strong>de</strong> l'imagination. Pour tout dire en un mot, on a<br />

préten<strong>du</strong> <strong>de</strong> nos jours

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