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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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|06<br />

CÔUES DE JLHTEEATDEE.<br />

rat aui moyens ; les personnages intéressants servent<br />

à l'effet. C'est en conséquence <strong>de</strong> ce principe<br />

que Voltaire s'est si bien servi d'Égisthe pour jeter<br />

Oreste dans le pins imminent danger <strong>de</strong>puis <strong>la</strong> fin<br />

<strong>de</strong> quatrième acte jusqu'au dénoûment, et pour<br />

développer le grand caractère <strong>de</strong> Glytemnestre. C'est<br />

par ces <strong>de</strong>ux endroits surtout qu'il est infiniment<br />

supérieur à Sophocle; et c'est ce qui mérite d'être<br />

détaillé.<br />

Les anciens, chez qui l'intrigue est en général<br />

<strong>la</strong> partie faible, parce qu'ayant d'autres ressources<br />

dans leur speetaëtê, ils avaient moins senti le besoin<br />

<strong>de</strong> perfectionner celle-là ; les anciens ne savaient<br />

pas nouer assez fortement une pièce pour mettre<br />

dans on grand péril les principaux personnages t et<br />

les en retirer sans invraisemb<strong>la</strong>nce. C'est là l'effort<br />

<strong>de</strong> Fart chez les mo<strong>de</strong>rnes, et Sophocle lui-même<br />

ne l'a pas porté jusque-là. Dans son Electre, Égîsthe<br />

est absent pendant toute <strong>la</strong> pièce : il ne revient<br />

que pour voir Glytemnestre déjà égorgée, et pour<br />

se trouver pris comme dans un piège. Qu'en arrive-<br />

Ml? c'est qu'Oreste n'est jamais en danger. Je sais<br />

bien que le sort d'Electre inspire <strong>la</strong> pitié, et que sa<br />

situation et celle <strong>de</strong> son frère attendrissent finie et<br />

soutiennent <strong>la</strong> curiosité; mais <strong>la</strong> pitié même s'use<br />

et s'affaiblit, quand <strong>la</strong> situation est toujours <strong>la</strong> mène<br />

'pendant quatre actes, et n'est pas variée par <strong>de</strong>s<br />

inci<strong>de</strong>nts qui font nattre <strong>la</strong> crainte ou qui augmentent<br />

le malheur et le danger. Ce n'est pas assez que<br />

les personnages soient dans une position intéressante,<br />

il faut encore que cet intérêt aille en croissant :<br />

s'il n'augmente pas, il diminue. C'est ce progrès<br />

continuel et nécessaire qui rend <strong>la</strong> tragédie si difficile,<br />

ainsi ,-dass VElectre française f à peine Oreste<br />

est-il reconnu par sa sœur, qu'il est découvert par<br />

le tyran, et mis dans les fers avec Py<strong>la</strong><strong>de</strong> et Pammèie;<br />

en sorte que le spectateur, qui a respiré un<br />

poment en voyant le frère et <strong>la</strong> seetut réunis, n'en<br />

est que plus effrayé <strong>du</strong> péril qui les environne; car<br />

Fiel se peut arrêter le bras d'Égisthe que Clytempettre<br />

elle-même; et c'est ici, à mon gré, k coup<br />

<strong>de</strong> maître. Tout ce rite <strong>de</strong> Oytemnestre est dans<br />

Yoitaire une véritable création ; car, dans cette foule<br />

<strong>de</strong> pièces composées sur le même sujet, on ne trouve<br />

nulle part le moindre germe <strong>de</strong> cette idée. Ni Crébillon<br />

ni Longepierre, ni étrangers ni nationaux,<br />

ni anciens ni mo<strong>de</strong>rnes, n'avaient imaginé .que cette<br />

femme, qui avait assassiné son mari, pût défendre<br />

contre le complice <strong>de</strong> son crime le fils dont elle-même<br />

doit tout craindre. Les remords sont indiqués dans<br />

Sophocle, mais très-faiblement; et dans Voltaire<br />

tout est gra<strong>du</strong>é, dé?e|oppéy achevé avec une égale<br />

infériorité.<br />

S'il n'a point tait autre? dans m pièce cette p<strong>la</strong>inte<br />

éloquente d'Electre lorsqu'elle tient Furie entre m<br />

mains, c'est que l'éten<strong>du</strong>e <strong>de</strong> ce morceau, proportionnée<br />

am mœurs et am convenances <strong>du</strong> théâtre<br />

d'Athènes, eût trop ralenti une scène dont Faction<br />

est plus vive et plus forte dans <strong>la</strong> pièce française<br />

que dans <strong>la</strong> grecque ; et <strong>la</strong> tra<strong>du</strong>ction <strong>de</strong> cette espèce<br />

d'élégie dramatique fera ressortir davantage <strong>la</strong> différence<br />

<strong>du</strong> génie <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux théâtres, en prouvant que<br />

les beautés <strong>de</strong> fia ne pouvaient pas toujours convenir<br />

à l'autre.<br />

J'ai déjà dit que l'expression vraie et ingénue <strong>de</strong>s<br />

affections <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature <strong>de</strong>vait être beaucoup plus<br />

facile dans <strong>la</strong> poésie grecque que dans <strong>la</strong> nôtre; et<br />

c'est une raison <strong>de</strong> plus pour que fou juge avec quelque<br />

in<strong>du</strong>lgence les efforts que j'ai faits dans ces différents<br />

essais <strong>de</strong> tra<strong>du</strong>ction ? où j'ai tâché <strong>de</strong> me<br />

rapprocher <strong>de</strong> <strong>la</strong> simplicité antique, autant que me<br />

Ta permis <strong>la</strong> noblesse, quelquefois peut-être un peu<br />

trop superbe, <strong>de</strong> notre <strong>la</strong>ngue poétique.<br />

O monument store <strong>du</strong> plus cher <strong>de</strong>s humains !<br />

Cher Oreste , est-œ toi que Je «eue dans mes matas!<br />

O toi ! dont mes se<strong>cours</strong> ont protégé l'enfance t<br />

Toi que fa vils sauvé dans une autre espérante,<br />

Est-ce ainsi que 9 pour mol <strong>de</strong>puis tongieisp fiiilii,<br />

Mon frère à mes regards <strong>de</strong>vait être ren<strong>du</strong>?<br />

le <strong>de</strong>vais donc <strong>de</strong> toi ne revoir fus <strong>la</strong> cendre 1<br />

Ah ! fpilt eût mieux valu 9 dans l'âge te plus tanin,<br />

Périr avec ton père t hé<strong>la</strong>s ! et <strong>du</strong> berceau<br />

Descendre à ses eétés dans le même tombeau !<br />

Et maintenant tu meurs, ô victime chérie,<br />

Sous am dsi étranger «t loin <strong>de</strong> ta patrie t<br />

Loin <strong>de</strong> ta sœur !... et mol, je n'ai pu sur ton corp<br />

Prodiguer les parfums, les ornements <strong>de</strong>s morts!<br />

D'autres ont pris pour toi les soins que f ai dû prendra;<br />

D'antres sur le bûcher ont recueilli ta ceûdre 1<br />

Ces débris précieux, on Ses porte à ta w«r,<br />

Dans une urne vulgaire enfermés sans bonneur!<br />

O malheureuse Electre ! ô frivoles tendresses !<br />

Inutiles travaux et trompeuses caresses !<br />

Soigner tes premiers ans fut mon plus doux p<strong>la</strong>isir,<br />

Et <strong>de</strong> mes propres mains j'aimais à te nourrir.<br />

M'occepant <strong>de</strong> toi seul, j'ai rempli près d'un frère<br />

Le <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> nourrice, et d'esc<strong>la</strong>ve et <strong>de</strong> mère.<br />

Où tonMb cm beaux Jours 9 res Jours si fortunés ?<br />

Ah ! <strong>la</strong> mort avec toi les a donc moi&soanés !<br />

Oreste! tu n f es plus!... et je n'ai plus <strong>de</strong> perel<br />

• Me voilà seule au mon<strong>de</strong> ; et ma barbare mère<br />

Avec mes ennemi* jouit <strong>de</strong> ma douleur I<br />

Yaieement à mes maux tu promis un vengeur ;<br />

Oreste a dans <strong>la</strong> tombe emporté mon attente ;<br />

Et qu*est-il aujourd'hui? rien qu'une ombre Impoissaiite !<br />

Que suis-Je f béSas! moi-même, après f avoir per<strong>du</strong>?<br />

Qu'une ombre, qu'un fantôme aux enfers attew<strong>la</strong>l<br />

Mon frère, reçois-moi dans cette urne funeste;<br />

D'Electre auprès <strong>de</strong> toi reçois 1e triste reste :<br />

Les mêmes sentiments unissaient notre sort ;<br />

Soyons encor tous <strong>de</strong>ux réunis dans <strong>la</strong> mort.<br />

La mort est secourable, et <strong>la</strong> tombe est tranquille :<br />

•h! pour les malheureux 11 n'est point d'autre asile.<br />

H est honorable pour <strong>la</strong> mémoire ée Sophocle*<br />

qu'en vou<strong>la</strong>nt trouver le eheM'ctum <strong>de</strong> r»ncieona<br />

tragédii, il faille choisir wtw <strong>de</strong>oi <strong>de</strong> ses ouvrages,

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