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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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74<br />

gloire <strong>de</strong> ma perte est réservée à Neptune, s'A m'est refusé<br />

<strong>de</strong> mourir sur un eàeriip <strong>de</strong> bataille, ê «Meus ! je recevrai<br />

sans eraiiite le trépas que vous ven<strong>du</strong>» me donner.<br />

Quoique k Parque, en précipitant ma <strong>de</strong>rnière heurey<br />

m'enlève aux plus grands exploits, j'ai cependant aster<br />

vécu pour ma gloire. J'ai dompté les nations <strong>du</strong> Nord;<br />

fil vaincu Rome par le seul effroi <strong>de</strong> mon nom. Rome a<br />

tu Pompée aa<strong>de</strong>ssous <strong>de</strong> moi ; ses citoyens obéissants m'ont<br />

donné les faisceaux qu'ils m'avaient refusés pendant que<br />

je combattais pour <strong>la</strong> patrie : tons les titres <strong>de</strong> <strong>la</strong> puissance<br />

romaine m'ont été prodigués. Que tous Ses humains<br />

ignorent, hors toi seule, ê Fortune9 confi<strong>de</strong>nte <strong>de</strong> tous<br />

mes vœux ; que César » quoique consul et dictateur, meurt<br />

trop tôt, puisqu'il n'est pas encore maitre <strong>du</strong> mon<strong>de</strong>. Je<br />

n'ai pas besoin <strong>de</strong> funérailles. O dieux ! <strong>la</strong>issez dans les Bots<br />

mon cadavre défiguré. Je ne <strong>de</strong>man<strong>de</strong> ni tombeau m* bâcher,<br />

pourvu que <strong>de</strong> tous les cotés <strong>de</strong> Funivers on atten<strong>de</strong><br />

César en tremb<strong>la</strong>nt. A peine avait-il dit ces mots,<br />

qu'une vague énorme enleva <strong>la</strong> barque sans <strong>la</strong> renverser,<br />

et <strong>la</strong> porta sur un rivage où il n'y avait ni écueils ni rochers.<br />

Tant <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>urs» tant <strong>de</strong> royaumes, sa fortune enîln,<br />

tout lui fut ren<strong>du</strong> en touchant k terre. »<br />

Il n'y a personne qui, dans un morceau <strong>de</strong> cette<br />

éten<strong>du</strong>e, ne puisse reconnaître tous les défauts do<br />

style <strong>de</strong> Lucain ; personne qui n'ait été blessé <strong>de</strong><br />

tant d'hyperboles portées jusqu'à l'extravagance, <strong>de</strong><br />

tant <strong>de</strong> prolixité dans les détails, poussée jusqu'au<br />

jiitis intolérable excès ; <strong>de</strong> ee ridicule combat <strong>de</strong>s<br />

vents, personnifiés si froi<strong>de</strong>ment et si mal à propos;<br />

<strong>de</strong> cette enflure gigantesque, qui est l'opposé<br />

<strong>de</strong> toute raison et <strong>de</strong> toute vérité. Quoi <strong>de</strong> plus dép<strong>la</strong>cé<br />

que cette verbeuse fanfaronna<strong>de</strong> <strong>de</strong> César,<br />

substituée au mot sublime que l'histoire lui fait<br />

prononcer? Combien le pilote doit trouver ce <strong>la</strong>ngage<br />

ridicule, jusqu'au moment où César se nomme !<br />

Et même quand il s'est nommé, il ne doit pas fy<br />

reconnaître. Celui qui dit, Je eomman<strong>de</strong> à ki/iwtwœ,<br />

doit passer 'pour fou; mais celui qui au milieu<br />

<strong>du</strong> péril peut dire, en faisant connaître à <strong>la</strong> fois son<br />

nom et son caractère, Que erams-êuîje tms Cémr,<br />

m impose à tout mortel qui connaît ce nom, et lui<br />

<strong>la</strong>it oublier le danger. Le goût n'est pas moins blessé<br />

<strong>de</strong> cette longue énumération <strong>de</strong> tous les présages<br />

<strong>du</strong> mauvais temps, et surtout il ne faut pas détailler<br />

tant <strong>de</strong> raisons <strong>de</strong> rester au port, quand on finit<br />

par s'embarquer. Quatre mots <strong>de</strong>vaient suffire; et,<br />

dans <strong>de</strong>s circonstances si pressantes, l'impatience<br />

<strong>de</strong> César ne doit pas lui permettre d'en entendre<br />

davantage. Je ne dis rien <strong>de</strong> <strong>la</strong> tempête. Ébranler<br />

<strong>la</strong> terre et le ciel, soulever toutes les mers <strong>du</strong> globe,<br />

faire craindre à <strong>la</strong> sature <strong>de</strong> retomber dans le chaosy<br />

et tout ce<strong>la</strong> pour décrire le péril d'une nacelle battue<br />

d'un orage dans <strong>la</strong> petite mer d'Épire, est d'àbord<br />

une <strong>de</strong>scription absolument fausse en physique;<br />

c'est le plut étrange abus <strong>de</strong>s figures, et déplus,<br />

CÛU1S DE LITTÉBATDRB.<br />

c'est masquer 1e but principal. Cette <strong>de</strong>scription si<br />

longue et si ampoulée fait trop oublier César, et c'est<br />

<strong>de</strong> César surtout qu'il fal<strong>la</strong>it nous occuper. Quand<br />

<strong>la</strong> flotte d'Énée est assaillie par<strong>la</strong> tempête, douze<br />

vers suffisent à Virgile pour faire un tableau <strong>de</strong><br />

l'expression <strong>la</strong> plus vive et <strong>la</strong> plus frappante. Un<br />

orage, décrit avec <strong>la</strong> même vérité et <strong>la</strong> même fbree f<br />

eût suffi pour nous faire trembler sur le sort d'un<br />

grand homme prêt à voir un moment d'impra<strong>de</strong>sce<br />

anéantir <strong>de</strong> si gran<strong>de</strong>s <strong>de</strong>stinées. Et combien le tableau<br />

aurait été encore plus frappant, si, dans cet<br />

endroit <strong>de</strong> son poëme, comme dans beaucoup d'au­<br />

tres, Lucain eût employé <strong>la</strong> Action dont il a été<br />

partout trop avare ! s'il nous eût représenté l'Olympe<br />

attentif et partagé, les dieux observant avec curiosité<br />

si l'âme <strong>de</strong> César éprouvait un moment <strong>de</strong><br />

trouble et <strong>de</strong> frayeur, incertains eux-mêmes si les<br />

flots n'engloutiraient point le maître qui menaçait<br />

le mon<strong>de</strong>, et si Neptune n'effacerait pas <strong>du</strong> livre<br />

<strong>de</strong>s <strong>de</strong>stins le jour <strong>de</strong> Pharsale et l'esc<strong>la</strong>vage lie<br />

Rome!<br />

Quoique le vice' essentiel <strong>de</strong> Lucain soit ordinairement<br />

<strong>de</strong> passer <strong>la</strong> mesure en tout, il ne faut pas<br />

croire pourtant qu'il là passe toujours au même<br />

<strong>de</strong>gré. H a <strong>de</strong>s morceaux où les beautés remportent<br />

<strong>de</strong> beaucoup sur les défauts, surtout dans <strong>la</strong> peinture<br />

<strong>de</strong>s caractères. Tel est, par exemple, l'éloge<br />

funèbre <strong>de</strong> Pompée, prononcé par Caton ; tel est le<br />

portrait <strong>de</strong> Caton lui-même, et le tableau <strong>de</strong> ses noces<br />

avec Marrie ; sa marche dans les sables d'Afrique,<br />

et sa belle réponse au beau dis<strong>cours</strong> <strong>de</strong> Labïénus<br />

sur l'oracle <strong>de</strong> Jupiter Ammon; tels sont principalement<br />

les portraits <strong>de</strong> César et <strong>de</strong> Pompée, mis en<br />

opposition daps le premier livre 9 et qui sont, à mon<br />

gré, ee que Lucain a <strong>de</strong> mieux écrit. Ce sont ces<br />

beautés d'un caractère mâle et neuf qui font ren<strong>du</strong><br />

digne <strong>de</strong>s regards <strong>de</strong> <strong>la</strong> postérité, et qu'il est juste<br />

<strong>de</strong> vous faire connaître, au moins autant qu'il m'est<br />

possible» dans une Imitation très-libre, telle que<br />

doit être celle d'un écrivain qui n'est pas un modèle.<br />

Pompée avec chagrin volt ses travaux passés<br />

Par <strong>de</strong> plus grands exploits tout près d'être effacés.<br />

Par dix ans <strong>de</strong> combats <strong>la</strong> Gaule assujettie,<br />

Semble faire oublier 1e vainqueur <strong>de</strong> l'Asie;<br />

Et <strong>de</strong>s braves Gaulois le bardi conquérant<br />

Pour <strong>la</strong> secon<strong>de</strong> p<strong>la</strong>ce est désormais trop grand-<br />

Dé leur» prétentions <strong>la</strong> guerre enfin va saitr© :<br />

L'un se veut point d'égal , et l'autre point <strong>de</strong> maître.<br />

Le fer doit déci<strong>de</strong>r, et ces rivaux fameux<br />

D'un suffrage imposant s'autorisent tous <strong>de</strong>ux :<br />

Les dieux soot pour César, mais Catoo suit Pompée.<br />

L'un contre l'autre enfin prêts à tirer l'épée,<br />

Dans le champ <strong>de</strong>s combats Us n'entraient pas égaux.<br />

Pompée oublia trop <strong>la</strong> guerre et les travaux :<br />

La voix <strong>de</strong> ses Oatteurs endormit sa vieillesse;<br />

De <strong>la</strong> faveur publique il savoura l'Ivresse;

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