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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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SIÈCLE DE LOUIS XIV. — POÉSIE.<br />

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traces <strong>de</strong> cette naïveté dont lui-même «<strong>de</strong>vait bieutdt <strong>de</strong>ve­ hors <strong>de</strong> son talent ne le retrouveront plus. Molière, si gai ,<br />

nir le modèle. Les images pastorales et champêtres , prodi­ si p<strong>la</strong>isant dans ses écrits, était triste dans <strong>la</strong> société. La<br />

guées dans d'Urfé, <strong>de</strong>vaient p<strong>la</strong>ire à cette âme douce, dont Fontaine, ce conteur si aimable <strong>la</strong> plume à <strong>la</strong> main, n'était<br />

tous les goûts étaient si près <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature. L'Imagination plus rien dans <strong>la</strong> conversation. De là ce mot plein <strong>de</strong> sens<br />

<strong>de</strong> FArfoste et <strong>du</strong> conteur Boceaee avait <strong>de</strong>s rapports a?ec <strong>de</strong> madame <strong>de</strong> <strong>la</strong> Sablière : En vérité, mon cher <strong>la</strong> fon­<br />

celle d'un homme singulièrement né pour raconter. Telles taine, vous seriez bien bête, si vous n'aviez, pas tant<br />

étaient alors les richesses <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>littérature</strong> mo<strong>de</strong>rne» et d'esprit. Mot qui serait tout aussi vrai en le retournant<br />

tels étaient aussi les auteurs les plus familiers à <strong>la</strong> Fontaine. d'une manière plus sérieuse : « Tous n'auriez pas tant d'es»<br />

Ils furent ses favoris , mais non pas ses maîtres ; et quelle * prit, si vous n'étiez pas si bête. » Ainsi tout est compensé,<br />

différence d'eux tous à lui ! Je dirait aussi quelle distance, et toute perfection tient à <strong>de</strong>s sacrifices. Pour être un pe<strong>la</strong>»<br />

si je n'avais nommé FArfoste ; qu'une autre sorte <strong>de</strong> gloire, tre si vrai et si moral, il fal<strong>la</strong>it que Molière fût porté à ob­<br />

<strong>la</strong> richesse <strong>de</strong> Fmvention , et le sublime <strong>de</strong> Sa poésie, p<strong>la</strong>ce - * server, et l'observation rend sérieux et triste. Pour s'in­<br />

dans son genre au premier rang. Mais pour ce qui concerne téresser si bonnement à Jeannot Lapin et à Bobin Mouton v<br />

Fart <strong>de</strong> narrer, le seul rapport sous lequel on puisse les il fal<strong>la</strong>it avoir ce caractère d'un enfant qui, préoccupé <strong>de</strong><br />

rapprocher, leur manière est très-différente f surtout dans ses jeun 9 ne regar<strong>de</strong> pas autour <strong>de</strong> lui ; et <strong>la</strong> Fontaine était<br />

un point capital : FArfoste a toujours f aie <strong>de</strong> se moquer le distrait. C'était en s'amusant <strong>de</strong> son talent, en conversant<br />

premier <strong>de</strong> ce qu'il dit; M.Fontaine semble toujours être avec ses bons amis, les animaux, qu'il parvenait à char­<br />

dans Sa bonne foi. Aussi, dans tout ce qu'il emprunte, mer ses lecteurs, auxquels peut-être il ne songeait guère.<br />

rien ne parait être d'emprunt; et <strong>la</strong> première qualité qui C'est par cette disposition qu'il <strong>de</strong>vint un conteur si par*<br />

nous frappe dans un homme qui n'inventa rien, c'est l'ori­ ML II prétend quelque part que Dieu mit eu mon<strong>de</strong><br />

ginalité.<br />

Adam le nomene<strong>la</strong>teur, lui ennui : Te voilà t nomme.<br />

« Tous les esprits agissent nécessairement les uns sur On pourrait dire que Mm mit au mon<strong>de</strong> <strong>la</strong> Fontaine il<br />

les autres ; se prennent et se ren<strong>de</strong>nt plus ou moins ; se conteur, lui disant : Te voilà, mnte. Cet art <strong>de</strong> narrer,<br />

fortifient ou s'altèrent par le choc mutuel, s'éc<strong>la</strong>irent ou il l'appliqua tour à tour à <strong>de</strong>ux genres différents, à l'apo­<br />

s'obscurcissent par <strong>la</strong> communication <strong>de</strong>s vérités ou <strong>de</strong>s logue moral, qui a l'ustructloii pour but, et au conte fi<strong>la</strong>i»<br />

erreurs, se perfectionnent ou se corrompent par raierait tant, qui n'a pour objet que d'amuser. Il réussit au plus<br />

<strong>du</strong> bon pût ou par' <strong>la</strong> contagion <strong>du</strong> mauvais; et <strong>de</strong> là ces haut <strong>de</strong>gré dans tous les <strong>de</strong>ux. C'est sur le premier qu'il<br />

rapports inévitables entre les pro<strong>du</strong>ctions <strong>du</strong> talent, quand convient <strong>de</strong> s'étendre davantage : c'est le plus important,<br />

le temps les a multipliées. Il serait même possible «pli se le plus pariait, et <strong>la</strong> principale gloire <strong>de</strong> <strong>la</strong> Fontaine.<br />

formât un esprit qui serait tour à tour <strong>la</strong> perfection ou « A <strong>la</strong> moralité simple et unie <strong>de</strong>s récits d'Ésope ; Phè­<br />

Fabus <strong>de</strong>s autres esprits, qui, empruntant quelque chose dre joignit Fagrément <strong>de</strong> là poésie. On connaît sa pureté,<br />

<strong>de</strong> chacun 9 en total pourrait les ba<strong>la</strong>ncer tous; et cette sa précision, son élégance. Le livre <strong>de</strong> l'Indien Pilpaj n'est<br />

espèce <strong>de</strong> génie, aussi bril<strong>la</strong>nte que dangereuse, ne pour­ qu'un tissu assez embrouillé <strong>de</strong> paraboles mêlées les unes<br />

rait être réservée qu'au siècle qui suivrait celui <strong>de</strong> le renais­ dans les autres, et surchargées d<br />

sance <strong>de</strong>s arts, et dans lequel <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière ambition et le<br />

<strong>de</strong>rnier écueU <strong>du</strong> talent seraient <strong>de</strong> tenter tous les genres ;<br />

parce que tous seraient connus et avancés. U est une autre<br />

espèce <strong>de</strong> gloire, rare dans tous les temps, même dans<br />

celui où, les arts commençant à refleurir, chaque homme<br />

se fait son partage et se saisit <strong>de</strong> sa p<strong>la</strong>ce ; un attribut inestimable<br />

, fait pour p<strong>la</strong>ire à tous les hommes, par l'impression<br />

qu'ils désirent le plus, celle <strong>de</strong> <strong>la</strong> nouveauté : c'est<br />

ce tour d'esprit particulier qui eicfet tonte- ressemb<strong>la</strong>nce<br />

avec les autres 9 qui imprime sa marque à tout ce qu'il<br />

pro<strong>du</strong>it, qui semble tiier tout <strong>de</strong> lui-même en donnant une<br />

forme- nouvelle à tout ce qu'il prend à autrui; toujours<br />

piquant, même dans ses hrégn<strong>la</strong>rités, parce que rien ne<br />

serait irréguMer comme, lui ; qui peut tout hasar<strong>de</strong>r, parce<br />

que tout lui sied; qu'on ne peut imiter, parce qu'on n'imite<br />

point <strong>la</strong> grâce; qu'on ne peut tra<strong>du</strong>ire en aucune <strong>la</strong>ngue,<br />

parce qu'il s'en est fait une qui lui est propre. Cette qualité,<br />

quand die se rencontre dans les ouvrages, tient nécessairement<br />

au caractère <strong>de</strong> Fauteur. Un homme très-recueilli<br />

es lui-même, se répandant peu au <strong>de</strong>hors ; rempli et préoccupé<br />

<strong>de</strong> ses idées, presque toujours étranger à celles qui<br />

circulent autour <strong>de</strong> lui, doit <strong>de</strong>meurer tel que <strong>la</strong> nature Fa<br />

fait. S'il en a reçu un goût dominant, ce goût ne sera jamais<br />

iii affaibli ni partagé; tout ce qui sortira <strong>de</strong> ses mains aura<br />

us trait distinct et ineffaçable : mais ceux qui le chercheront<br />

f une morale prolixe , qui<br />

manque souvent <strong>de</strong> justesse et <strong>de</strong> c<strong>la</strong>rté. Les peuples qui<br />

ont une <strong>littérature</strong> perfectionnée sont les seuls eues qui<br />

Fon sache fMre un litre. SI jamais os est obligé d'avoir<br />

rigoureusement raison, c'est surtout lorsqu'on se propose<br />

d'instruire. Tous vouiez que je cherche une leçon sous<br />

l'enveloppe allégorique dont vous <strong>la</strong> couvrez : j'y consens.<br />

Mais si FappMcation n'est pas très-juste, si vous n $ al!es pas<br />

directement à votre but, je me ris <strong>de</strong> <strong>la</strong> peine gratuite que<br />

vous avez prise, et je <strong>la</strong>isse là votre énigme qui n'a point<br />

<strong>de</strong> mot. Quand <strong>la</strong> Fontaine puise dans PUpay, dans Avienus 1<br />

et dans d'autres fabulistes moins connus, les récits qu'il<br />

emprnnte, rectifiés pour le fond et Sa morale, et embellis<br />

<strong>de</strong> son style, forment souvent <strong>de</strong>s résultats nouveaux,<br />

qui suppléent chez lui Se mérite <strong>de</strong> l'invention. On y remarque<br />

presque partout une raison supérieure. Cet esprit si<br />

simple et si naif dans <strong>la</strong> narration est très-jasie et souvent<br />

même très-fin dans k pensée, car <strong>la</strong> simplicité <strong>du</strong> toi»<br />

n'exciut point <strong>la</strong> finesse <strong>du</strong> sens; elle n'exclut que FaHêe-,<br />

tatkn <strong>de</strong> <strong>la</strong> finesse. Veut-op un exemple d'un éloge alrjgalièrement<br />

délicat, et <strong>de</strong> f allégorie <strong>la</strong> plus ingénieuse, lises<br />

cette fable adressée à Fauteur <strong>du</strong> Mvre <strong>de</strong>s Maximes, au<br />

célèbre <strong>la</strong> Rochefoucauld. Je k cite <strong>de</strong> préférence, comme<br />

étant <strong>la</strong> seule qui appartienne notoirement à k Fontaine.<br />

Quoi <strong>de</strong> plus spirituellement imagifé pour louer un livret<br />

d'une philosophie piquante,.qui p<strong>la</strong>ît même àxeux qu'il a-

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