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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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T16<br />

à fauteur <strong>de</strong> VArt poétique <strong>de</strong> n'avoir pas parlé <strong>de</strong><br />

Fépître et <strong>du</strong> poème didactique; comme s'il pouvait<br />

y i?oir <strong>de</strong>s préceptes sur l'épître qui ne rentrassent<br />

pas dans les leçons générales qu'il donne sur le style,<br />

et comme si l'Art poétique lui-même n'était pas<br />

un modèle suffisant <strong>du</strong> genre didactique. Il p<strong>la</strong>isante<br />

un peu cruellement sur un acci<strong>de</strong>nt malheureux<br />

arrivé, dit-on f à Boileau dans son enfance ; et il<br />

assure que par cet acci<strong>de</strong>nt Boileau perdit sa noix<br />

et son génie,<br />

« BolJeau migmsr<strong>de</strong> son distique sur le madrigal, et<br />

pomponne <strong>la</strong> peinture <strong>de</strong>'l'idylle.... Que fal<strong>la</strong>it-il pour le<br />

contenter? D'harmoniêyses billevesées. Il se songe pas<br />

qu'il faut que <strong>de</strong>s vers disent quelque chose. »<br />

Il faut que ce soit sans y songer que Boileau ait<br />

<strong>la</strong>it ce vers dont il répète <strong>la</strong> substance en vingt endroits<br />

:<br />

Et mon ¥en? bien ou mal f dit toujours quelque chose,<br />

U voudrait qu'au lieu <strong>de</strong> l'Art poétique, Boileau eût<br />

composé l'Art <strong>de</strong>s rois ;<br />

« qu'il eût tant soit peu sevré Racine <strong>de</strong> l'encens qu'il<br />

lui prodigue, pour l'offrir am Antoniiisf mx Titus aux<br />

Henri IV. »<br />

On reconnaît bien ici le caractère <strong>de</strong>s esprits<br />

faux, qui gâtent tout ce qu'on leur apprend, et abusent<br />

<strong>de</strong> tout ce qu'ils enten<strong>de</strong>nt. Depuis que Fart<br />

d'écrire est formé, <strong>de</strong>s sages ont exhorté les poètes<br />

à mettre en ¥ers une morale utile aux hommes : on<br />

en conclut ici qu'il n'y a jamais eu rien <strong>de</strong> bon,<br />

rien d'estimable, que <strong>la</strong> morale en vers ; tout le reste<br />

_ n'est que billevesées. Si Ton eût conseillé à Boileau<br />

' <strong>de</strong> faire f Art <strong>de</strong>s rois, sans doute cette entreprise<br />

lui aurait paru fort gran<strong>de</strong>; mais peut-être eût-il<br />

trouvé ce titre un peu fastueux. Peut-être eût-il enserré<br />

que l'Art <strong>de</strong>s rois se trouve dans l'histoire<br />

bien étudiée, plus que dans un poème didactique,<br />

quel qu'il soit; que si les rois peuvent s'instruire<br />

dans les bons ouvrages d'économie politique ou dans<br />

une tragédie telle que Britannicus, ils pourraient<br />

bien trouver un peu d'orgueil dans le poète qui<br />

composerait l'Art <strong>de</strong>s rois. Enfin Boileau aurait pu<br />

dire à l'anonyme : « Je me borne à faire l'Art <strong>de</strong>s<br />

poètes, parce que je l'ai étudié toute ma vie. Vous<br />

monsieur /qui saves sans doute comment ii faut ré^<br />

gnar, faites l'Are <strong>de</strong>s rois. » Et il aurait pu ajouter :<br />

« Il faut que vous ne m'ayez pas bien lu, puisque •<br />

fous réc<strong>la</strong>mez mon encens m faveur <strong>de</strong>s bons princes.<br />

Voici comment je parle <strong>de</strong> ce Titus que vous<br />

citez, et dans uno épître à Louis XIV :<br />

Tel fat cet empereur, sous qui tome adorée<br />

Vit renaître les Joura <strong>de</strong> Saturne et <strong>de</strong> Rhéa ;<br />

Qui rendit <strong>de</strong> soo joug l'univers amoureux<br />

Qu'on n'alta Jamais voir sans revenir heureux ;<br />

COU1S DE LITTËMTU1E.<br />

Qui soupirait te Mir, il « main fortunée<br />

N'avait par m bâeofslti signalé M Journée.<br />

« Vous voyez, monsieur, quef si je ne me pique<br />

pas <strong>de</strong> savoir l'Art <strong>de</strong>s rois, je sais leur proposer<br />

d'assez bons modèles. »<br />

On a toujours mis au nombre <strong>de</strong>s meilleurs morceaux<br />

<strong>du</strong> Lutrin le combat <strong>de</strong>s chantres et <strong>de</strong>s chanoines<br />

avec les livres <strong>de</strong> Barbin. On a cru voir beaucoup<br />

<strong>de</strong> gaieté et <strong>de</strong> finesse dans les allusions satiriques<br />

aui différents livres qui servent d'armes aux<br />

combattants. Le panégyriste <strong>de</strong> Dufol mmem n'est<br />

pas à beaucoup près aussi content <strong>de</strong> cette p<strong>la</strong>isanterie<br />

<strong>du</strong> Lutrin. J'avoue que <strong>la</strong> critique qu'il en fait<br />

est peut-être beaucoup plus p<strong>la</strong>isante, mais c'est<br />

d'une autre manière. Il prouve très-sérieusement et<br />

en rigueur que le caractère moral <strong>de</strong>s ouvrages ne<br />

fait rien à leur volume physique, et que par conséquent<br />

<strong>la</strong> p<strong>la</strong>isanterie <strong>du</strong> Lutrin est forcée et hors<br />

<strong>de</strong> nature,<br />

« Je suppose qu'on reliât pesamment les opéras <strong>de</strong><br />

Quinault, qu'oa mil sur <strong>la</strong> couverture un <strong>la</strong>rge fermoir oè<br />

<strong>de</strong> gros clous seraient attachés, Boileau les prenêrmt-U<br />

pour <strong>de</strong>s pommes cuites, si par hasard on les lui jetait à<br />

<strong>la</strong> tête?»<br />

Voilà <strong>de</strong> <strong>la</strong> fine p<strong>la</strong>isanterie. Eh bien! si eesjummes<br />

cuites ne font pas <strong>la</strong> môme fortune que 17»fortiat<br />

<strong>de</strong> Boileau t ce sera encore ce malheureux<br />

Art poétique qui en sera cause.<br />

« Quel rapport peut avoir use chose puremait spiritaelle<br />

avec ee qui n'est que matériel? »<br />

11 conclut, et veut que l'on eomieme mee tms<br />

les bons esprits que ces vers ne sammimi jamais<br />

trouver grâce aux yeux <strong>de</strong> <strong>la</strong> raieon.<br />

Il faut pourtant que <strong>la</strong> raison <strong>de</strong> l'anonyme souffre<br />

que notre raison fasse grâce à ces vers, et<br />

même les trouve très-gais et très-agréables. Il faut<br />

qu'il apprenne que ces vers s quoi qu'il en dise, ne<br />

sont pas une pointe; que le procédé <strong>de</strong> l'allégorie<br />

consiste à passer <strong>du</strong> physique au moral, et qu'il est<br />

reçu chez tous les bons "écrivains, quand le sens en<br />

est c<strong>la</strong>ir et frappant. Veut-il <strong>de</strong>s exemples, qu'il se<br />

rappelle l'épigramme <strong>de</strong> Rousseau contre BcOegar<strong>de</strong><br />

:<br />

Som m teintera git un pauvre éeayer,<br />

Qui tout m eau sortant d'un jeu <strong>de</strong> pauts®<br />

En attendant qu'on le vînt essuyer, -<br />

De Bellegar<strong>de</strong> ouvrit an premier tome.<br />

Là dans un rien tout sou sang fut g<strong>la</strong>cé.<br />

Dieu fasse paix au pauvre trépassé?<br />

Assurément il n'y a rien <strong>de</strong> commun entre un<br />

livre ennuyeux et une iuiion <strong>de</strong> poitrine. Cependant<br />

l'épigramme est bonne, parce que tout le mon<strong>de</strong><br />

entend <strong>la</strong> p<strong>la</strong>isanterie, et s'y prête volontiers Voltaire<br />

s'est servi <strong>de</strong> <strong>la</strong> même igure f et s'en est aerri

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