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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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7131 C0U1S DE LITTEMTU1E.<br />

<strong>la</strong> preuve <strong>la</strong> plus somplète qu'en cherchant à faire<br />

illusion aux autres, ils ne peuvent pas se <strong>la</strong> faire à<br />

eux-mêmes. Un seul, il y a quelques muées, soit<br />

persuasion, soit affectation <strong>de</strong> singu<strong>la</strong>rité, a essayé<br />

<strong>de</strong> combattre <strong>la</strong> théorie <strong>de</strong> fart dramatique ; mais il<br />

s'est donné un si grand ridicule, que personne n'a<br />

été testé <strong>de</strong> le suivre; et, bien avertis par cet eiempie,<br />

tous les'autres se sont promis <strong>de</strong> s f en tenir<br />

toujours à faire <strong>de</strong>s phrases, sans s'eiposer jamais*<br />

à raisonner.<br />

Il s'ensuit que le vrai moyen d'empêcher qu'ils<br />

ne fassent <strong>de</strong>s <strong>du</strong>pes, c'est <strong>de</strong> ré<strong>du</strong>ire leurs figures<br />

et leurs métaphores aui termes propres ; et dans le<br />

moment on Toit tomber l'échafaudage <strong>de</strong> leur puérile<br />

rhétorique. S'ils préten<strong>de</strong>nt que <strong>de</strong>s hommes <strong>de</strong><br />

génie ont poêles règles, et que le succès ajustai<br />

km audace, on leur dira : Ce<strong>la</strong> ne peut être frai<br />

que dams un sens que Boileau lui-même a prévu ;<br />

c'est qu'ils auront négligé une <strong>de</strong>s règles <strong>de</strong> l'art pour<br />

en observer pue autre plus importante. Us se seront<br />

permis une faute pour en tirer une gran<strong>de</strong> beauté<br />

qui <strong>la</strong> couvre et <strong>la</strong> fait oublier. Ce calcul est celui<br />

<strong>du</strong> talent ; et Fauteur <strong>de</strong> l'Art poétique le connaissait<br />

bien y quand il a dit :<br />

Quelquefois dans sa êûone un esprit vigoureux,<br />

Trop resserré par Fart, sort <strong>de</strong>s règles prescrit» f<br />

Et <strong>de</strong> Fart même apprend à franchir leurs limites.<br />

Eemarquez cette expression f <strong>de</strong> l'art même. En<br />

effet, <strong>la</strong> raison, qui a dicté tous les préceptes <strong>de</strong><br />

l'art, sait bise qu'elle ne saurait prévoir tous les cas<br />

sans aucune exception ; et comme le premier <strong>de</strong> tous<br />

les principes est d'atteindre le but où ils ten<strong>de</strong>nt<br />

tousf qui est <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ire, c'est <strong>la</strong> raison, c'est Y art<br />

qui prescrit au talent <strong>de</strong> proportionner l'application<br />

<strong>de</strong>s règles à ce premier <strong>de</strong>ssein ; d'en mesurer l'importance,<br />

et <strong>de</strong> sacrifier ce f ni en a le moins à ce qui<br />

en a te plus. C'est ainsi que d'heureux téméraires<br />

savent pëer quelquefois les règles, non pas parce<br />

qu'ils les méprisent, mais parce qu'ils les connaissent.<br />

Aussi ne sont-ce pas ceux-là dont l'anonyme veut<br />

parler ; car alors il aurait ditce que nous savons tous,<br />

et eequi d'ailleurs était contraire à sa thèse, bien loin<br />

<strong>de</strong> l'appuyer. Probablement les téméraires dont il<br />

parle n'ont pas été si heureux, puisqu'il n'ose pas<br />

les nommer : il les excepte seulement <strong>de</strong> ceux à qui<br />

ce terrible Boileau a arraché <strong>la</strong> plume <strong>de</strong>s mains.<br />

« Combles d'esprits timi<strong>de</strong>s, qmiqm profonds f n'ont<br />

point osé sMmmortatiaer en écrirait f parce qu'il leur a trop<br />

bit sentir les difficultés <strong>de</strong> fart d'écrire! *<br />

Observons que ce n'est point ici une simple possibilité;<br />

c'est un fait répété vingt fois, et affirmé<br />

comme <strong>la</strong> chose <strong>la</strong> plus positive. En viêrité, il aurait<br />

bien dû nous faire part <strong>de</strong>s révé<strong>la</strong>tions qu s il a eues à<br />

ce sujet. Pour s'exprimer ainsi sur ces esprits Htm<strong>de</strong>s,<br />

quoique profonds, ou profonds, quoique timi<strong>de</strong>s,<br />

il faut bien qu'il les ait connus. Cependant<br />

ils n'ont pas osé s'immortaliser en écrivant. Comment<br />

donc, s'ils ont été si timi<strong>de</strong>s, peut-il savoir<br />

qu'ils ont été si profonds? Ce<strong>la</strong> n'est pas aisé à <strong>de</strong>viner.<br />

Mais ce qyi n'est pas plus facile, c'est <strong>de</strong> s'accoutumer<br />

à cette inconcevable manière,d'écrire, à<br />

ce ton si décidément affirmatsf dans les propositions<br />

les plus inintelligibles, à ces faits avancés avec tant<br />

<strong>de</strong> confiance, sans <strong>la</strong> plus légère preuve, sans <strong>la</strong><br />

moindre apparence <strong>de</strong> sens. Que 1 on essaye, par<br />

exemple, d'en trouver un au passage suivant :<br />

« Les règles sont en général détestées <strong>de</strong> tout le mon<strong>de</strong>»<br />

et presque tout le mon<strong>de</strong> s'y soumet Pourquoi cent ? 11 me<br />

sera facile d'en donner <strong>la</strong> raison. Le sentiment <strong>de</strong> <strong>la</strong> liberté<br />

est gravé dans toutes les âmes , et rjee s'a jamais ps<br />

Fy détruire. L'homme guidé ai tout par sa volonté, fait<br />

toujours avec grâce ce qu'il n'est point forcé à faire. Loi<br />

impose-t-oo ose tâchef ou ini donne-t-on <strong>de</strong>s chaînes, le<br />

travail qui lui p<strong>la</strong>isait kl <strong>de</strong>vient insupportable; et pins le<br />

Joug est pesant, plus II s'efforce <strong>de</strong> le secouer. Il s'ensuit<br />

<strong>de</strong> là, me direz-voiis, que ks règlea<strong>de</strong> FMt poétique se<br />

doivent point arrêter fesser <strong>du</strong> poète, quelque onéreuses<br />

qu'elles lui paraissent. Boa : lorsque les règles sont accréditées<br />

à tel point qu'on ne peut les braver sans être ridicule?<br />

que <strong>la</strong> philosophie même craindrait d'en <strong>mont</strong>rer<br />

les divers abus ; lorsque le temps leur a donné une sancUon<br />

et <strong>de</strong>s droits imprescriptibles, le poète alors n'ose ni les<br />

contredire ni les élu<strong>de</strong>r. »<br />

Je reprends cette curieuse tira<strong>de</strong>» et, suivant toujours<br />

<strong>la</strong> mime métho<strong>de</strong>, je réponds : Comme il s'agit<br />

<strong>de</strong>s règles <strong>de</strong> <strong>la</strong> poésie 9 et qu'il est dé<strong>mont</strong>ré<br />

qu'elles ne sont autre ehose que le bon sens, jusqu'à<br />

ce qu'on sous ait prouvé le contraire, dire que tout<br />

k mon<strong>de</strong> déteste les rêgks et que tout le mon<strong>de</strong> s'y<br />

soumet, c'est dire que tout le mon<strong>de</strong> déteste le bon<br />

sens et que tout le mon<strong>de</strong> s'y soumet : l'un et l'autre<br />

sont également faui. On ne déleste pas le bon sens,<br />

<strong>du</strong> moins l'anonyme nous permettra <strong>de</strong> croire que<br />

cette aversion n'est pas générale; mais il n'est pas<br />

toujours si aisé <strong>de</strong> se conformer au bon sens, Tout<br />

le mon<strong>de</strong>, ou <strong>du</strong> moins le plus grand nombref reconnalt<br />

que les règles sont bonnes, mais pu <strong>de</strong> gens<br />

sont capables <strong>de</strong> les suivra : voilà <strong>la</strong> vérité.<br />

Le sentiment <strong>de</strong> <strong>la</strong> liberté est gravé dans t&uÉes<br />

les âmes, Où en sommes-nous ? le sentiment <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

liberté, quand il s'agit d'un poème ou d'une tragédie!<br />

L'Jrt poétique, un attentat contre <strong>la</strong> liberté<br />

<strong>de</strong> l'homme! Eh bien! messieurs, l'auriez-vous imaginé<br />

qu'on en vint jusque-là? Allons, puisqu'il est

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